Catéchèses S. J-Paul II 26117

Mercredi 26 Novembre 1997

26117 Chers Frères et Soeurs,

La célébration du Jubilé de l'An 2000 nous invite à contempler Jésus Christ, qui a inauguré une histoire nouvelle pour toute la communauté humaine. Jean ouvre son Évangile par ces mots: «Au commencement était le Verbe» (
Jn 1,1). Il nous rend attentifs à la préexistence divine du Fils de Dieu; le commencement dont il parle est absolu, il s'agit de l'éternité même. Jean se fonde sur une parole de Jésus, qui s'applique à lui-même le nom de Dieu révélé à Moïse: «Je suis» (Ex 3,14). Ce nom exprime à la fois la présence de Dieu dans le monde et son mystère inaccessible. Jésus partage la condition humaine, mais il a conscience de son être éternel; ses paroles et ses actions ont une valeur unique et définitive pour l'humanité de tous les temps.

30 L'oeuvre de Jésus comporte deux aspects étroitement unis: d'une part il libère l'humanité du mal, action que lui seul peut pleinement accomplir, et, d'autre part, il communique aux hommes la vie divine pour réaliser la création nouvelle.

Avançons vers le Jubilé en professant fermement notre foi au Christ, «Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu». Grâce au Sauveur, l'histoire humaine a un sens et une direction; elle est comme fécondée par l'éternité. Pour tous, c'est une source d'espérance et de réconfort d'entendre Jésus dire à ses disciples: «Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde» (
Mt 28,20).
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J'accueille volontiers les personnes de langue française présentes à cette audience. Je leur souhaite d'avancer sur leurs chemins dans la lumière du Christ Sauveur et je les bénis de grand coeur.



Mercredi 3 Décembre 1997

31297 Chers Frères et Soeurs

Présent dans l'histoire de l'humanité depuis le commencement, le Verbe de Dieu a préparé sa venue pour le salut des hommes en orientant secrètement les coeurs vers cette espérance.

Mais le Christ est présent de façon particulière dans l'histoire du peuple d'Israël, qui se caractérise par l'attente d'un Messie qui réaliserait pleinement les promesses de Dieu. Le Christ a révélé progressivement son visage messianique en laissant entrevoir qu'il connaîtrait la souffrance et une mort violente. Le scandale de la croix met en cause une certaine image du Messie, attendu par certains surtout comme un libérateur politique, porteur de bien-être matériel.

Au cours de sa vie terrestre, Jésus manifeste clairement sa conscience d'être un point de référence pour l'histoire de son peuple. Dans ses paroles et ses actes, il montre que des figures éminentes comme Abraham, Jacob, Moïse ou David préfiguraient sa venue. À travers eux, apparaissent déjà des traits spécifiques de son visage.

Il en est de même des textes prophétiques qui décrivent la venue du Messie et ses oeuvres de salut. On peut ainsi le découvrir dans la figure du mystérieux "descendant" dont parle le récit du péché originel de la Genèse. Les poèmes du Serviteur du Seigneur mettent sous nos yeux un libérateur qui manifeste sa dignité messianique dans l'humble condition de celui qui s'offre lui-même en sacrifice. Cette attitude atteindra un sommet insurpassable dans la personne du Christ par le mystère de la Croix.
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Je suis heureux de saluer les pèlerins de langue française venus participer à cette audience. Alors que nous sommes entrés dans le temps de l'Avent, je les invite à se préparer avec ferveur à accueillir le Sauveur du monde, pour en être les généreux témoins autour d'eux. À tous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.

  

Mercredi 10 Décembre 1997

10127 Chers Frères et Soeurs,

Le jubilé de l'an 2000 nous invite à nous tourner vers le Christ et à contempler dans la Nativité le mystère de l'Incarnation, qui est le signe de l'amour infini du Seigneur, venu partager notre condition humaine. Cet événement accomplit un changement radical pour l'humanité: l'éternité est entrée dans le temps.

Jésus offre à tous les hommes de participer à la vie divine. Il l'a affirmé de manière particulière lorsqu'il parle de l'Eucharistie: "Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle" (
Jn 6,54). Il a fait de même en s'adressant à la Samaritaine: "Qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif", cette eau "deviendra en lui source d'eau jaillissante en vie éternelle" (Jn 4,14). Ainsi, par l'Eucharistie et par la vie de la grâce, les fidèles entrent déjà en possession de cette vie céleste et leur existence quotidienne est orientée vers l'éternité. De même, ils sont invités à devenir fils dans le Fils et à vivre en communion avec le Christ, afin de faire, comme Lui, la volonté du Père, dans le don total de soi par amour.

Désormais, avec le Christ, l'humanité est appelée à se diriger vers l'éternité. Le jubilé doit être considéré comme une étape du chemin de l'humanité vers son terme définitif, mettant dans le coeur des fidèles le désir de vivre avec Dieu. Il est la porte ouverte sur la vie éternelle. Puissent les chrétiens se tourner vers le Christ, qui donne le sens et la signification authentiques de l'existence !
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J'accueille avec plaisir les pèlerins de langue française présents à cette audience. Qu'en ce temps de l'Avent, puissiez-vous vous préparer activement à accueillir le Sauveur ! À tous, je donne la Bénédiction apostolique.

  

Mercredi 17 Décembre 1997

17127 Chers Frères et Soeurs,

Le temps de la vie du Christ sur terre est le temps de l'Évangile. Courte par sa durée, cette vie est d'une richesse inépuisable, la richesse de l'éternité et de la divinité. Certains eurent le bonheur de voir le Christ de leurs propres yeux, mais beaucoup ne le reconnurent pas comme Sauveur. Bien que nous n'ayons pas eu le privilège de voir Jésus de nos yeux, les témoignages apostoliques nous permettent de recevoir par la foi la grâce d'entrer dans son mystère. Le regard de la foi nous fait percevoir que Jésus montre son Père: «Qui m'a vu a vu le Père» (
Jn 14,9).

La vie du Christ sur terre est un temps de noces, un temps de joie au cours duquel ses disciples prennent part au banquet de l'alliance entre Dieu et l'humanité. Mais à cette joie succède l'inévitable affrontement aux forces du mal, la tristesse du départ et de la mort sur la Croix; le Christ meurt sans avoir été reconnu par une partie de son peuple. La foule de Jérusalem a beau crier sa joie, les chefs du peuple repoussent le Messie. Le temps de la vie de Jésus sur terre s'achèvera par son offrande rédemptrice; par le mystère pascal de sa mort et de sa résurrection, il accomplit le salut des hommes.
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J'accueille avec plaisir les pèlerins de langue française, et, puisque nous approchons de Noël, je leur souhaite une très bonne fête de la Nativité, dans la joie de recevoir Celui qui est venu nous conduire vers le Père.

À chacun d'entre vous, mes chers amis, je donne de grand coeur ma Bénédiction apostolique !




Mercredi 14 Janvier 1998

14198 Chers Frères et Soeurs,

Jésus parle souvent de l'"heure" où s'accomplit l'oeuvre du salut voulue par le Père. Au cours des noces de Cana, il dit à sa Mère que son heure n'est pas encore venue (
Jn 2,4). Le miracle qu'il réalise est le premier des signes à travers lesquels se profile l'heure de sa Passion et de sa Résurrection. Il inaugure à Cana le banquet de noces qui est l'image du Royaume de Dieu.

Jésus annonce l'heure où les hommes pourront prendre part au culte qu'il rend à son Père. En cette heure, il donnera à toute l'humanité la vie qu'il est lui-même. Toute sa vie terrestre est orientée vers cette heure. Il pourrait échapper à son douloureux destin, mais il ne le veut pas. Cette heure a été voulue par le Père; avant elle, personne ne peut arrêter Jésus ou le mettre à mort.

L'heure de la passion est l'heure au cours de laquelle le Christ aime ses disciples jusqu'au bout (Jn 13,1). C'est également l'heure de la glorification. A l'heure suprême, le Fils rejoint le Père; son sacrifice est accompli et l'humanité est appelée à s'unir à lui pour retourner vers Dieu.
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J'accueille avec plaisir les pèlerins de langue française, en particulier le groupe de l'école Notre-Dame des Missions auquel je souhaite un fructueux séjour à Rome.

Que le Seigneur soit votre joie et votre paix ! Qu'il vous donne d'attendre toujours son heure ! De grand coeur, je vous donne à tous ma Bénédiction apostolique.



Mercredi 28 Janvier 1998


28198 1. Je suis rentré avant-hier de Cuba où, répondant à l'invitation des évêques et du Président de la République lui même, j'ai accompli une inoubliable visite pastorale. Le Seigneur a voulu que le Pape visite cette terre et apporte son réconfort à l'Eglise qui y vit et qui y annonce l'Evangile. C'est tout d'abord à Lui que s'adresse mon remerciement, qui s'étend ensuite à tout le Peuple de Dieu, dont j'ai reçu ces jours derniers un soutien spirituel constant.

J'adresse une pensée particulièrement reconnaissante au Président de la République de Cuba, M. Fidel Castro Ruz, et aux représentants des autres Autorités, qui ont rendu possible mon pèlerinage apostolique. Je remercie avec beaucoup d'affection les évêques de l'Ile, à commencer par l'Archevêque de La Havane, le Card. Jaime Ortega, ainsi que les prêtres, les religieux, les religieuses et tous les fidèles, qui m'ont réservé un accueil émouvant.

En effet, dès mon arrivée, j'ai été entouré d'une grande manifestation populaire, qui a également émerveillé ceux qui, comme moi, connaissent l'enthousiasme du peuple latino-américain. C'était l'expression d'une longue attente, une rencontre désirée depuis longtemps par un peuple qui, à travers elle, s'est comme réconcilié avec son histoire et sa vocation. La visite pastorale a été un grand événement de réconciliation spirituelle, culturelle et sociale, qui ne manquera pas de produire des fruits bénéfiques également sur d'autres plans.

Sur la grande Plaza de la Revolución José Martí à La Havane, j'ai pu voir un immense tableau représentant le Christ, portant l'inscription «Jésus-Christ, j'ai confiance en toi!». J'ai rendu grâce à Dieu, car précisément en ce lieu dédié à la «révolution» a trouvé place Celui qui a apporté dans le monde la révolution authentique, celle de l'amour de Dieu, qui libère l'homme du mal et de l'injustice et lui donne la paix et la plénitude de la vie.

2. Je me suis tout d'abord rendu sur la terre cubaine, définie par Christophe Colomb comme «la plus belle que les yeux de l'homme aient jamais vue», pour rendre hommage à cette Eglise et la confirmer sur son chemin. C'est une Eglise qui a traversé des moments très difficiles, mais qui a persévéré dans la foi, dans l'espérance et dans la charité. J'ai voulu lui rendre visite pour partager son profond esprit religieux, ses joies et ses souffrances; pour donner une impulsion à son oeuvre d'évangélisation.

J'ai été un pèlerin de paix pour faire retentir au sein de ce noble peuple l'annonce éternelle de l'Eglise: le Christ est le rédempteur de l'homme et l'Evangile est la garantie du développement authentique de la société.

La première Sainte Messe que j'ai eu la joie de célébrer en terre cubaine, dans la ville de Santa Clara, a été une action de grâce rendue à Dieu pour le don de la famille, en la reliant en esprit à la grande rencontre mondiale des familles, qui a eu lieu en octobre dernier à Rio de Janiero. J'ai voulu être solidaire des familles cubaines face aux problèmes posés par la société d'aujourd'hui.

3. A Camagüey, j'ai pu parler aux jeunes, en étant bien conscient qu'être un jeune catholique à Cuba a été et demeure un défi. Leur présence au sein de la communauté chrétienne cubaine est extrêmement significative, autant en ce qui concerne les grands événements que la vie de tous les jours. Je pense avec reconnaissance aux jeunes catéchistes, aux missionnaires et aux agents de la Caritas et d'autres organismes sociaux.

La rencontre avec les jeunes Cubains a été une fête de l'espérance inoubliable, au cours de laquelle je les ai exhortés à ouvrir leur coeur et toute leur existence au Christ, en surmontant le relativisme moral et ses conséquences. Je leur renouvelle l'expression de mon encouragement et de toute mon affection.

4. A l'Université de La Havane, en présence du Président Fidel Castro, j'ai rencontré les représentants du monde de la culture cubaine. En l'espace de cinq siècles, celle-ci a connu diverses influences: hispanique, africaine, de différents groupes d'immigrés, ainsi que l'influence proprement américaine. Au cours des dernières décennies, elle a été marquée par l'idéologie marxiste matérialiste et athée. Sa physionomie, ce qu'on appelle la «cubanía», est cependant restée, en profondeur, intimement marquée par l'inspiration chrétienne, comme l'attestent les nombreuses figures des hommes de culture catholique, présents au cours de toute son histoire. Parmi celles-ci ressort celle du serviteur de Dieu Félix Varela, prêtre, dont la tombe se trouve précisément dans l'Aula Magna de l'Université. Le message de ces «pères de la patrie» est plus que jamais actuel et indique la voie de la synthèse entre foi et culture, la voie de la formation des consciences libres et responsables, capables de dialogue et en même temps de fidélité aux valeurs fondamentales de la personne et de la société.

5. A Santiago de Cuba, Siège primatial, ma visite est devenue explicitement un pèlerinage: c'est là, en effet, que j'ai vénéré la Patronne du Peuple cubain, la Virgen de la Caridad del Cobre. J'ai constaté avec une joie profonde et émue le grand amour que les Cubains éprouvent pour la Mère de Dieu, et de quelle manière la Virgen de la Caridad représente véritablement, au-delà de toute différence, le principal symbole et soutien de la foi du peuple cubain et de ses luttes pour la liberté. Dans ce contexte de dévotion populaire, j'ai exhorté à incarner l'Evangile, message de libération authentique, dans la vie quotidienne, en vivant en chrétiens pleinement insérés dans la société. Il y a cent ans, devant la Virgen de la Caridad, l'indépendance du pays fut déclarée. Au cours de ce pèlerinage, c'est à Elle que j'ai confié tous les Cubains résidant dans leur patrie ou à l'étranger, afin qu'ils forment une communauté toujours plus vivifiée par la liberté authentique et réellement prospère et fraternelle.

Dans le sanctuaire de San Lázaro, j'ai rencontré le monde de la douleur, à qui j'ai apporté la parole réconfortante du Christ. A La Havane, pour finir, j'ai également pu saluer une délégation du clergé, des religieux, des religieuses et des laïcs engagés, que j'ai encouragé à se dévouer avec générosité au service du Peuple de Dieu.

6. La divine Providence a voulu que, précisément le Dimanche où la liturgie proposait les paroles du prophète Isaïe: «L'Esprit du Seigneur est sur moi... il m'a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux pauvres» (
Lc 4,18), le Successeur de l'Apôtre Pierre puisse accomplir dans la capitale de Cuba, La Havane, une étape historique de la nouvelle évangélisation. En effet, j'ai eu la joie d'annoncer aux Cubains l'Evangile de l'espérance, message d'amour et de liberté dans la vérité, que le Christ ne cesse d'offrir aux hommes et aux femmes de tous les temps.

Comment ne pas reconnaître que cette visite acquiert une valeur symbolique importante, en raison de la position singulière que Cuba a occupée dans l'histoire mondiale de ce siècle? Dans cette perspective, mon pèlerinage à Cuba — tant attendu et patiemment préparé — a représenté un moment plus que jamais profitable pour faire connaître la doctrine sociale de l'Eglise. A plusieurs reprises, j'ai voulu souligner que les éléments essentiels du Magistère ecclésial relatifs à la personne et à la société appartiennent également au patrimoine du peuple cubain, qui les a reçus en héritage des pères de la patrie, lesquels les ont puisés aux sources évangéliques et en ont témoigné jusqu'au sacrifice. La visite du Pape a eu lieu comme pour donner une voix à l'âme chrétienne du peuple cubain. Cette âme chrétienne, j'en suis persuadé, constitue pour les Cubains le trésor le plus précieux et la garantie la plus sûre de développement intégral, à l'enseigne de la liberté authentique et de la paix.

Je souhaite de tout coeur que l'Eglise qui est à Cuba puisse disposer toujours plus librement d'espaces appropriés pour sa mission.

7. Je trouve significatif que la grande célébration eucharistique conclusive sur la Plaza de la Revolución ait eu lieu le jour de la Conversion de saint Paul, comme pour indiquer que la conversion du grand Apôtre «est une révolution profonde, permanente et sainte, valable pour tous les temps». Tout renouveau authentique commence par la conversion du coeur.

Je confie à la Madone toutes les aspirations du peuple cubain et l'engagement de l'Eglise, qui poursuit avec courage et persévérance sa mission au service de l'Evangile.



Mercredi 4 Février 1998

40298 Chers Frères et Soeurs,

Par toute son existence terrestre, le Christ se révèle comme le Sauveur envoyé du Père pour le salut du monde. Il définit lui-même sa mission comme un service dont la manifestation suprême consiste dans le sacrifice de sa vie en faveur des hommes.

En affirmant que le Fils de l'homme est venu donner sa vie pour le rachat de la multitude, Jésus se présente comme le Sauveur universel. C'est par lui que tous les êtres humains sont rachetés, libérés et sauvés. Ce salut est un don que chacun peut recevoir grâce à son libre consentement et à sa volonté de coopération.

Sauveur universel, le Christ est aussi l'unique Sauveur. «Et son nom, donné aux hommes, est le seul qui puisse nous sauver» (
Ac 4,12). Il est l'unique médiateur entre Dieu et les hommes. Il n'y a pas d'autres voies de salut qui seraient indépendantes du Christ.

Sous l'action du Saint-Esprit qui «souffle où il veut» (Jn 3,8), les autres religions peuvent aider les hommes à avancer vers le bonheur éternel, mais ce rôle est aussi le fruit de l'oeuvre rédemptrice du Christ.

Pour conclure, je reprendrai ces paroles de saint Louis-Marie Grignion de Montfort : « Par Jésus Christ, avec Jésus Christ, en Jésus Christ, nous pouvons toutes choses : rendre tout honneur et gloire au Père, en l'unité du Saint-Esprit; nous rendre parfaits et être à notre prochain une bonne odeur de vie éternelle» (Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, n. 61).
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J'accueille avec plaisir les personnes de langue française présentes à cette audience. J'encourage particulièrement les pèlerins vietnamiens, venus à Rome de plusieurs pays, pour se préparer au grand Jubilé par une semaine de réflexion sur l'Esprit Saint. À tous je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 11 Février 1998

11298 1. Aujourd'hui, 11 février, jour consacré au souvenir de la Madone de Lourdes, nous célébrons la Journée mondiale du Malade, désormais parvenue à sa sixième édition. Cette année, elle a lieu au sanctuaire de Lorette, auprès de la Sainte Maison, où sont rassemblés pour cette circonstance particulière les malades et les volontaires, les fidèles et les pèlerins provenant d'Italie et d'autres nations. Je voudrais immédiatement leur adresser — à eux qui nous écoutent à la radio et à la télévision — ma pensée affectueuse. Je salue tout d'abord mon Représentant à la célébration, le Cardinal-Secrétaire d'Etat, Angelo Sodano; le Président du Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, Mgr Javier Lozano Barragan, et ceux qui ont promu et organisé la manifestation d'aujourd'hui. Je salue le Délégué pontifical pour le Sanctuaire de Lorette, Mgr Angelo Comastri, et les prélats qui ont voulu être présents à cette rencontre de prière. Je salue les agents du monde de la santé et les volontaires, en particulier les membres de l'UNITALSI.

Mais, de façon particulière, ma parole s'adresse avec une profonde affection aux malades. Ce sont eux les véritables acteurs de cette journée, qui suscite dans mon âme un écho si vif et si profond. Que mon salut le plus cordial leur parvienne!

2. Lorette et les Malades! Quel binôme intéressant! Le célèbre sanctuaire marial évoque immédiatement le mystère de l'Incarnation, dans lequel l'action de l'Esprit a été fondamentale. Et c'est précisément à l'Esprit Saint qu'est consacrée l'année 1998, deuxième année de préparation immédiate au grand Jubilé de l'An 2000.

Je voudrais me rendre en pèlerinage spirituel aux pieds de la Vierge de Lorette, avec vous qui êtes aujourd'hui rassemblés dans cette Salle Paul VI pour le traditionnel rendez-vous annuel du 11 février. Nous nous unissons par l'esprit aux malades qui se trouvent à Lorette pour nous arrêter en prière à l'intérieur de la Sainte Maison, qui évoque l'admirable condescendance divine, en vertu de laquelle le Verbe s'est fait chair et est venu demeurer parmi les hommes.

Dans l'atmosphère suggestive de ce lieu sacré, nous accueillons la lumière et la force de l'Esprit, en mesure de transformer le coeur de l'homme en une demeure d'espérance. Dans la maison de Marie, il y a de la place pour tous ses enfants. En effet, là où Dieu habite, chaque homme trouve accueil, réconfort et paix, en particulier à l'heure de l'épreuve. Grâce à Marie, «Santé des Malades», celui qui vacille est soutenu, la lumière parvient à celui qui est dans le doute et ceux qui peinent dans la souffrance et dans la maladie sont soulagés.

Lorette est une maison de solidarité et d'espérance, où l'on ressent de façon presque palpable la sollicitude maternelle de Marie. Réconfortés par l'assurance de sa protection maternelle, nous nous sentons plus courageux pour partager les souffrances de nos frères, éprouvés dans leur corps et dans leur âme, pour verser sur leurs plaies, à l'exemple du Bon Samaritain, l'huile de la consolation et le vin de l'espérance (cf. Missel Romain, Préface Commune VIII).

Comme aux noces de Cana, la Vierge est attentive aux nécessités de chaque homme et de chaque femme et elle est prête à intercéder pour tous auprès de son Fils. C'est pourquoi il est particulièrement significatif que les Journées mondiales du Malade se déroulent, chaque année, dans des sanctuaires marials.

3. Très chers malades, c'est aujourd'hui votre Journée. Je pense à vous qui êtes rassemblés auprès de la Sainte Maison, à vous qui êtes présents dans cette salle, ainsi qu'à tous les Malades qui se sont donné rendez-vous aux pieds de l'Immaculée dans la grotte de Lourdes, ou dans d'autres sanctuaires marials du monde entier. Je pense à vous, encore plus nombreux dans les hôpitaux, dans vos maisons, dans les lieux qui sont les sanctuaires de votre patience et de votre prière quotidienne. Une place spéciale vous est réservée dans la Communauté ecclésiale. Votre condition de malade et le désir de recouvrer la santé vous rendent des témoins privilégiés de la foi et de l'espérance.

Je confie à l'intercession de Marie vos aspirations à la guérison et je vous exhorte à toujours les illuminer et les élever grâce à la vertu théologale de l'espérance, don du Christ. Marie vous aidera à donner une nouvelle signification à la souffrance, en la transformant en voie de salut, en occasion d'évangélisation et de rédemption. Ainsi, modelée sur celle du Christ et animée par l'Esprit Saint, votre expérience de la douleur et de la solitude proclamera la force victorieuse de la Résurrection.

Que Marie obtienne pour vous le don de la confiance, afin qu'elle vous soutienne au cours de votre pèlerinage terrestre. Aujourd'hui, la confiance est encore plus nécessaire, car l'expérience de la vie moderne est plus difficile et problématique.

Et toi, Vierge de Lorette, veille sur notre chemin à tous. Conduis-nous vers la Patrie céleste, où avec Toi, nous contemplerons pour l'éternité la gloire de ton Fils Jésus.

A chacun, je donne ma Bénédiction affectueuse!

  

Mercredi 18 Février 1998


18298 1. Dans le discours que Jésus tint dans la synagogue de Nazareth au début de son ministère, pour annoncer son programme, il appliqua à sa propre personne la prophétie d'Isaïe dans laquelle le Messie apparaît comme celui qui proclame «la liberté aux opprimés» (cf. Lc Lc 4,18 Is 61,1-2).

Jésus vient nous offrir un salut qui, bien qu'étant tout d'abord une libération du péché, concerne également la totalité de notre personne, dans ses exigences et ses aspirations les plus profondes. Le Christ nous libère de ce poids et de cette menace, et il nous ouvre la voie à l'accomplissement intégral de notre destin.

2. Le péché, nous rappelle Jésus dans l'Evangile, met l'homme dans une condition d'esclavage: «En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque commet le péché est esclave» (Jn 8,34).

Les interlocuteurs de Jésus pensent à la liberté comme fruit de facteurs extérieurs, s'appuyant avec fierté sur le privilège d'être le peuple de l'Alliance: «Nous sommes la descendance d'Abraham et jamais nous n'avons été esclaves de personne» (ibid Jn 8,33). Mais Jésus désire attirer leur attention sur une autre liberté, plus fondamentale, qui n'est pas tant menacée de l'extérieur que par les pièges présents dans le coeur même de l'homme. Celui qui est opprimé par la puissance dominatrice et néfaste du péché ne peut pas accueillir le message de Jésus, et surtout sa personne, unique source d'authentique vérité: «Si donc le Fils vous libère vous serez réellement libres (ibid ., Jn Jn 8,36). En effet, seul le Fils de Dieu, en communiquant sa vie divine, peut faire participer les hommes à sa liberté filiale.

3. La libération offerte par le Christ efface, en même temps que le péché, ce qui fait obstacle aux relations d'amitié et d'alliance avec Dieu. De ce point de vue, il s'agit d'une réconciliation.

Paul écrit aux chrétiens de Corinthe: «Dieu nous a réconciliés avec Lui par le Christ» (2Co 5,18). Il s'agit de la réconciliation obtenue par le sacrifice de la Croix. De celle-ci naît la paix qui consiste dans l'accord fondamental de la volonté humaine avec la volonté divine.

Cette paix ne touche pas que les relations avec Dieu, mais elle concerne également la relation entre les hommes. Le Christ «est notre paix», car il unifie ceux qui croient en lui, en les réconciliant «avec Dieu en un seul corps» (cf. Ep Ep 2,14-16).

4. Il est réconfortant de penser que Jésus ne se limite pas à libérer le coeur de la prison de l'égoïsme, mais qu'il communique l'amour divin à chacun. Lors de la dernière Cène, il formule un commandement nouveau qui devra caractériser la communauté qu'Il a fondée: «Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés» (Jn 13,34 Jn 15,12). La nouveauté de ce précepte d'amour se trouve dans les mots: «comme je vous ai aimés». Le «comme» indique dans le Maître le modèle qui doit être imité par les disciples, mais dans le même temps il montre en lui le principe et la source de l'amour réciproque. Le Christ communique à ses disciples la force d'aimer comme Il a aimé, il élève leur amour au niveau supérieur de son amour et les pousse à abattre les barrières qui divisent les hommes.

Dans l'Evangile, sa volonté de mettre un terme à toute forme de discrimination et d'exclusion apparaît avec force. Il franchit les obstacles dressés pour éviter le contact avec les lépreux, soumis à une terrible ségrégation. Il enfreint les coutumes et les règles qui tendent à isoler ceux qui sont considérés comme «pécheurs». Il n'accepte pas les préjugés qui mettent la femme dans une position d'infériorité et il accueille des femmes à sa suite, les plaçant au service de son Royaume.

Les disciples devront imiter son exemple. La venue de l'amour de Dieu dans les coeurs humains se manifeste de façon particulière dans l'engagement à aimer ses ennemis: «Eh bien! moi je vous dis: Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes» (Mt 5,44-45).

5. Venant du coeur, le salut apporté par Jésus s'étend aux divers domaines de la vie humaine: spirituels et corporels, personnels et sociaux. Ayant vaincu le péché par sa Croix, le Christ inaugure un mouvement de libération intégrale. Au cours de sa vie publique, il guérit lui-même les malades, il libère des démons, il soulage toute sorte de souffrance, montrant à travers cela un signe du Royaume de Dieu. Il dit aux disciples d'en faire tout autant dans leur annonce de l'Evangile (cf. Mt Mt 10,8 Lc 9,2 Lc 10,9).

Donc, si ce n'est pas à travers les miracles, qui dépendent du bon vouloir divin, c'est bien certainement à travers les oeuvres de charité fraternelle et à l'engagement pour promouvoir la justice, que les disciples du Christ sont appelés à apporter leur contribution effective pour éliminer les causes de souffrance qui humilient et qui affligent l'homme.

Certes, il est impossible que la douleur soit entièrement vaincue dans ce monde. Sur le chemin de chaque être humain demeure le cauchemar de la mort. Mais tout reçoit une lumière nouvelle du mystère pascal. La souffrance vécue avec amour et unie à celle du Christ porte des fruits de salut: elle devient une «douleur salvifique». Même la mort, affrontée dans la foi, acquiert le visage rassérénant d'un passage vers la vie éternelle, dans l'attente de la résurrection de la chair. Cela nous permet de conclure combien le salut apporté par le Christ est riche et profond. Il est venu sauver non seulement tous les hommes, mais également tout l'homme.



Mercredi 25 Février 1998

25298 1. Aujourd'hui commence avec la Liturgie du Mercredi des Cendres l'itinéraire quadragésimal, qui culminera dans l'événement central de l'année liturgique, le Triduum pascal, qui célèbre la passion, la mort et la résurrection du Christ.

Jésus passa quarante jours dans le désert avant d'entreprendre sa mission; de la même façon, nous sommes invités, aujourd'hui, à entrer dans un temps fort de réflexion et de prière, pour nous acheminer vers le Calvaire et ressentir ensuite la joie de la résurrection. Le début de cette période particulière de pénitence est constitué par un geste symbolique et significatif: l'imposition des cendres. En nous rappelant la caducité de la vie terrestre, ce geste rappelle la nécessité d'un engagement ascétique généreux, dont jaillit la décision courageuse d'accomplir non pas sa propre volonté, mais la volonté du Père céleste, selon l'exemple de Jésus.

L'imposition des cendres souligne également notre condition de créatures, en dépendance totale et reconnaissante envers le Créateur. En effet, c'est Dieu qui, par un acte surprenant de prédilection et de miséricorde, a créé l'homme à partir de la poussière, le dotant d'une âme immortelle et l'appelant à partager sa vie divine. C'est encore Dieu qui, le dernier jour, le fera renaître de la poussière et en transfigurera le corps mortel.

2. L'acte humble de recevoir les cendres sacrées sur la tête, enrichi par l'invitation qui retentit aujourd'hui dans la liturgie: «Convertissez-vous et croyez à l'Evangile», s'oppose au geste orgueilleux d'Adam et Eve qui, par leur désobéissance, détruisirent le lien d'amitié qui existait avec le Dieu créateur. A cause de ce drame initial, nous sommes tous exposés, en dépit du Baptême, au risque de céder à la tentation toujours présente qui pousse l'homme à vivre dans une autonomie arrogante à l'égard de Dieu et dans un antagonisme éternel avec son prochain.

Voilà donc dévoilées la signification et la nécessité du temps du Carême qui, avec le rappel à la conversion, nous conduit, à travers la prière, la pénitence et des gestes de solidarité fraternelle, à raviver ou à renforcer dans la foi l'amitié avec Jésus, à nous libérer des promesses illusoires de bonheur terrestre, à retrouver, dans la charité authentique du Christ, l'harmonie de la vie intérieure.

3. Je reprends ce que saint Léon le Grand affirmait dans l'un de ses discours sur le Carême: «Les oeuvres de vertu n'existent pas sans l'épreuve de la tentation; aucune foi n'est sans contraste; aucune lutte n'est sans ennemi; aucune victoire n'est sans combat. Notre vie se déroule entre les pièges et les luttes. Si nous ne voulons pas être trompés, nous devons être vigilants; si nous voulons vaincre, nous devons combattre» (Sermone XXXIX, 3).

Très chers frères et soeurs, accueillons cette invitation. Elle exige une discipline stricte, en particulier dans le contexte actuel, souvent marqué par un désengagement facile et par un athéisme pratique. L'Esprit Saint nous réconforte et nous soutient dans cette lutte. Il «vient au secours de notre faiblesse — comme l'assure l'Apôtre Paul — car nous ne savons que demander pour prier comme il faut; mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables» (
Rm 8,26).

C'est précisément à l'Esprit Saint qu'est consacrée cette seconde année de préparation au grand Jubilé de l'An 2000. Dans la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, j'écrivais: «Il importera donc de redécouvrir l'Esprit comme Celui qui construit le Royaume de Dieu au cours de l'histoire et prépare sa pleine manifestation en Jésus-Christ, en animant les hommes de l'intérieur et en faisant croître dans la vie des hommes les germes du salut définitif qui adviendra à la fin des temps» (TMA 45).

4. Laissons-nous donc guider par l'Esprit Saint durant ce temps privilégié: c'est le même Esprit qui, pour préparer Jésus à sa mission, le poussa dans le désert de la tentation et le réconforta ensuite au moment de l'épreuve, l'accompagnant du jardin des oliviers au Golgotha. L'Esprit Saint est proche de nous à travers la grâce des sacrements. En particulier, dans le sacrement de la Réconciliation, Il nous conduit le long de la voie du repentir et de la confession des fautes entre les bras miséricordieux du Père.

Je souhaite de tout coeur que le Carême soit pour chaque chrétien une occasion propice pour entreprendre ce chemin de conversion qui trouve son fondement et sa référence incontournable dans le sacrement de la Pénitence. C'est la condition pour parvenir à une expérience plus intime et plus profonde de l'amour du Père.

Que Marie, exemple d'accueil docile de l'Esprit de Dieu, nous accompagne au cours de l'itinéraire quadragésimal. C'est vers Elle que nous nous tournons aujourd'hui, au moment où, avec tous les croyants du monde, nous entrons dans le climat austère et pénitentiel du Carême.




Catéchèses S. J-Paul II 26117