Catéchèses S. J-Paul II 12779

11 juillet 1979 LE SERVICE APOSTOLIQUE DE LA CURIE ROMAINE

12779 1. Je voudrais, aujourd’hui encore, revenir sur la grande fête que l’Église romaine célèbre le 29 juin, pour rappeler, chaque année, le martyre de ses saints patrons, les apôtres Pierre et Paul. Cette fête évoque non seulement leur mort pour le Christ, mais toute leur vie apostolique.Malgré le temps, leur vie riche d’efforts pour témoigner de l’Évangile, toute consacrée à établir les fondements du Royaume de Dieu sur la terre, demeure pour nous toujours actuelle et concrète. Ces deux apôtres nous sont présents comme des êtres bien réels ; ils nous parlent par leurs lettres et leurs oeuvres, consignées dans leurs écrits et dans les Actes des apôtres. Nous pouvons suivre les événements auxquels ils ont participé et qui constituent en quelque sorte la trame extérieure de leur vie ; et nous pouvons en même temps suivre aussi leur vie intérieure, en y trouvant toujours un modèle vivant de cette « marche à la suite du Christ » à laquelle nous sommes tous appelés.

Je voudrais aujourd’hui attirer votre attention sur un détail : les apôtres avaient de nombreux aides et collaborateurs qui leur permettaient de s’acquitter plus facilement des tâches liées à l’annonce de l’Évangile. Nous connaissons les noms d’un grand nombre de ces disciples et auxiliaires apostoliques, surtout par les lettres de saint Paul. Certains figurent au martyrologe ou dans le calendrier liturgique des saints de l’Église.

2. Cette constatation sur les origines de l’Église nous permet de parcourir près de deux mille ans d’histoire pour arriver à notre époque. L’exercice de la mission apostolique, spécialement celui du ministère de Pierre, a nécessité de tous temps de nombreux collaborateurs. Cela est exigé, aujourd’hui encore, dans la mesure requise par les problèmes de notre temps, dans lequel l’Église doit exercer sa mission évangélique de salut. En cette rencontre avec vous qui participez à l’audience du mercredi, je voudrais parler précisément de tous ceux qui ici à Rome, collaborent avec le Successeur de Pierre, dans son service de l’Église romaine et universelle. Je le fais pour des motifs théologiques : la récente fête des saints Apôtres nous dispose en effet à cette réflexion. Et je le fais aussi pour des motifs personnels : il est juste que j’exprime ma gratitude envers mes collaborateurs, comme nous le lisons dans les lettres des apôtres, et surtout dans celles de saint Paul : « Nous rendons continuellement grâce à Dieu pour vous tous quand nous faisons mention de vous dans nos prières, sans cesse nous gardons le souvenir de votre foi active, de votre amour qui se met en peine, et de votre persévérante espérance en Notre-Seigneur Jésus-Christ, devant Dieu notre Père. » (
1Th 1,2-3)

3. Les collaborateurs les plus étroits du Pape évêque de Rome et successeur de Pierre, constituent la Curie romaine. Comme on le sait celle-ci est actuellement un grand organisme aux tâches multiples et le IIe Concile du Vatican a profondément réfléchi sur son aggiornamento, conformément aux tâches du ministère de Pierre et aux besoins de l’Église d’aujourd’hui. Parmi ses principales suggestions à ce propos, nous lisons:

« Les Pères du Concile souhaitent que ces dicastères, qui certes ont apporté au Pontife romain et aux pasteurs de l’Église une aide magnifique, soient soumis à une nouvelle organisation plus en rapport avec les besoins des temps, des pays et des rites, notamment en ce qui concerne leur nombre, leur nom, leur compétence leurs méthodes propres de travail et la coordination de leurs travaux…

« En outre, du fait que ces dicastères ont été établis pour le bien de l’Église universelle on souhaite que leurs membres, leur personnel et leurs consulteurs — et de même les légats du Pontife romain — soient, dans la mesure du possible, davantage choisis dans les diverses contrées de l’Église. C’est ainsi que les administrations ou organes centraux de l’Église catholique présenteront un caractère vraiment universel.

« On forme également le voeu que, parmi les membres des dicastères, soient admis aussi quelques évêques, surtout diocésains, qui puissent apporter au Souverain Pontife, d’une manière plus complète la mentalité, les désirs et les besoins de toutes les Églises.

« Enfin, les Pères du Concile estiment très utile que ces mêmes dicastères entendent davantage des laïcs, réputés pour leurs qualités, leur science et leur expérience, en sorte que ces laïcs jouent aussi dans les affaires de l’Église le rôle qui leur revient. » (Christus Dominus CD 9 et 10.)

Conformément à la pensée du Concile et selon ses indications, Paul VI a donné une forme concrète à l’aggiornamento de la Curie romaine par la Constitution « Regimini Ecclesiae universae ». Cet organisme vaste et multiforme réunit des services et des institutions ayant une longue histoire, parfois multiséculaire et, à côté d’eux, des organismes nouveaux, nés directement de l’ecclésiologie du IIe Concile du Vatican, qui manifestent dans le monde d’aujourd’hui cette conscience de la mission de l’Église que nous devons précisément au Concile.

Il serait impossible de faire ici une analyse détaillée de tout l’ensemble de la Curie. Il serait certainement ardu d’énumérer dans l’ordre les compétences de chaque dicastère et service et de présenter leur structure et leur organisation interne mais cela n’est peut-être pas nécessaire. Il convient plutôt de dire un mot de chacun des dicastères pour voir comment il correspond à un domaine défini de la vie et de l’activité de l’Église universelle, et comment dans ce domaine il facilite l’exercice du ministère de Pierre pour l’Église, en partageant, profondément et avec compétence, la sollicitude magistérielle et pastorale de chaque successeur de Pierre, évêque de Rome.

Les noms mêmes de chacun des dicastères disent quelle est leur compétence. L’évêque de Rome doit avant tout veiller sur l’intégrité de la doctrine de la foi. Et la Congrégation qui l’aide pour cela porte précisément ce nom. De l’évêque de Rome relèvent les questions concernant la succession apostolique des évêques, pour tout le Collège ; d’où la Congrégation des évêques. Il y a ensuite tous les autres dicastères qui traitent des différentes tâches du ministère de Pierre dans l’Église : la Congrégation pour les Églises orientales qui, dans la diversité de leurs rites, sont en communion avec le Siège de Pierre ; la Congrégation des Sacrements et du Culte divin, chargée de la vie sacramentelle et liturgique de l’Église ; la Congrégation du Clergé, chargée des questions concernant le ministère et la vie des prêtres ; la Congrégation des Religieux et des Instituts séculiers qui jouent un si grand rôle dans la vie des communautés chrétiennes ; la Congrégation de l’Évangélisation des peuples, chargée de tout ce qui concerne l’action missionnaire ; la Congrégation des Causes des saints ; et enfin, la Congrégation de l’Éducation catholique, chargée des écoles catholiques, des séminaires et des universités du monde entier.

Il y aussi des organismes pour l’administration de la justice — la S. Rote romaine et le Tribunal suprême de la Signature apostolique — et pour les questions internes de conscience — la S. Pénitencerie apostolique — qui sont chargés de trouver une juste solution aux questions pouvant se poser dans la vie de l’Église et mettant en jeu les droits des fidèles ou des communautés. Il y a aussi, comme vous le savez, la Secrétairerie d’État, qui assiste de près le Pape pour les questions de l’Église universelle et pour la coordination de l’activité des organismes de la Curie. Il y a en outre le Conseil des Affaires publiques de l’Église qui s’occupe surtout des questions concernant les rapports avec les États et les gouvernements.

L’Église est comme cet homme « qui tire de son trésor du neuf et du vieux » (Mt 13,52). Des organismes qui sont comme le fruit du Concile nous disent beaucoup de choses sur l’Église d’aujourd’hui et de demain : le Conseil pontifical des laïcs, la Commission « Justice et Paix », les trois secrétariats pour l’Unité des chrétiens, les religions non chrétiennes et les non-croyants ; les différentes Commissions pontificales et la Préfecture pour les affaires économiques. Sans parler du Synode des évêques lui aussi né du Concile, qui a son Secrétariat général au Siège apostolique.

4. On peut et on doit même considérer le Siège apostolique comme un ensemble de services spécialisés qui, par leur inlassable travail, facilitent la connaissance des affaires essentielles de l’Église et les décisions opportunes. On peut et on doit dire que tous ces services soutiennent le « ministère » du Successeur de Pierre et facilitent son exercice.

Cependant, à propos de « ministère », il faut toujours arriver à percevoir le courant plus profond qui donne son juste sens à chacun d’eux et fait qu’en chacun palpite la vie de toute l’Église par toutes les impulsions qui viennent de toutes parts et partent ensuite dans toutes les directions.

Et peut-être, pour cela, le mieux est-il de remonter au temps des premiers apôtres, à leurs lettres. En reprenant les mots dont ils se sont servis à propos de leurs collaborateurs les plus proches qu’il me soit permis d’exprimer ma gratitude à mes actuels collaborateurs, en m’unissant à eux dans la sollicitude pour l’Église qui a sa source dans le coeur du Christ, le bon Pasteur.




18 juillet 1979 L'APPORT DE L'EGLISE AU PROGRES DE LA CULTURE

18779 1. Ces derniers temps a été publié un important document du Siège apostolique : la Constitution Sapientia christiana, consacrée au problème des études universitaires et aux institutions créées par l’Église en vue de ces études. C’est là une activité qui a derrière elle un long et glorieux passé.

L’Église, envoyée par le Christ pour enseigner « toutes les nations » a entretenu dès le début un contact vivant avec la science. Nous en avons la confirmation dans la tradition des écoles chrétiennes les plus anciennes spécialement les écoles si célèbres de l’Antiquité comme celles d’Alexandrie et d’Antioche. Nous en avons ensuite un témoignage dans tous les efforts menés pendant des siècles par les ordres monastiques qui, par leur inlassable travail ont contribué à conserver les textes classiques des auteurs païens de l’Antiquité. Nous en avons enfin la confirmation dans l’étroite collaboration de l’Église avec les écoles de différents niveaux qui ont propagé l’instruction, surtout avec les universités dont les traits se sont précisés au cours du Moyen Âge.

C’est à cette époque que remontent un grand nombre des plus anciennes et des plus célèbres universités dans les différents pays du continent européen (et ensuite également dans d’autres continents) qui existent encore aujourd’hui. Elles ont été pendant des siècles des centres de science et d’enseignement. La culture des différentes nations et des pays européens (et aussi des autres continents) leur doit beaucoup.

Je voudrais évoquer brièvement ce vaste problème d’importance historique auquel ont été consacrées de nombreuses études et monographies. On ne peut en effet ignorer cette question si importante pour la mission de l’Église, également aujourd'hui.

Méritent d’être cités les plus anciens Centres universitaires et culturels comme Bologne, Rome, Padoue, Pise, Florence, en Italie ; Paris, Toulouse, Grenoble, en France ; Oxford, Cambridge, en Grande-Bretagne ; Salamanque, Valladolid, en Espagne ; Cologne, Heidelberg, Leipzig, en Allemagne ; Vienne, Graz, en Autriche ; Lisbonne, Coïmbre au Portugal ; Prague en Tchécoslovaquie ; Cracovie en Pologne ; Louvain en Belgique ; Mexico au Mexique ; Cordoba en Argentine ; Lima au Pérou ; Quito en Équateur ; Manille aux Philippines.

2. La Constitution apostolique Sapientia christiana se réfère précisément à cela. Elle est le fruit de la résolution prise par le IIe Concile du Vatican d’élaborer un nouveau document sur les rapports de l’Église avec les études universitaires. Le précédent document, la Constitution Deus scientiarum Dominus avait été promulguée par le Pape XI le 24 mai 1931. Le développement rapide, je dirai même fulgurant, de la science dans ses différents courants contemporains et, en rapport avec ce phénomène, la nécessité d’adapter les institutions universitaires créées par l’Église à des fins spécifiques, ont contribué à réviser également cet insigne document de 1931 qui a rendu de grands services à l’Église et à la société pendant des dizaines d’années.

La nouvelle Constitution est le fruit de nombreuses années de travail. La Congrégation de l’Éducation catholique, sous la direction du cardinal Gabriel Garrone, a conduit ce travail en accord avec les différentes Conférences épiscopales avec les milieux particulièrement intéressés et avec les universités catholiques elles-mêmes.

Aujourd’hui, il y a dans le monde entier 125 centres universitaires d’études ecclésiastiques. Seize d’entre eux sont à Rome et on les appelle aussi : « athénées pontificaux romains ». Il y a de plus dans le monde 47 universités catholiques érigées par le Saint-Siège et 34 facultés théologiques auprès d’universités d’État.

Ces universités ont participé aux travaux pour la préparation de la Constitution apostolique Sapientia christiana.

3. Le nouveau document pontifical a défini clairement ce qu’il entend par « Faculté ecclésiastique » : c’est celle qui s’occupe particulièrement de la révélation chrétienne et des disciplines connexes se rattachant à sa mission d’évangélisation.

Il a défini les fins spécifiques des facultés ecclésiastiques : approfondir la connaissance de la Révélation chrétienne ; donner un haut niveau de qualification aux étudiants dans les différentes disciplines ; aider activement tant l’Église universelle que les Églises particulières dans toute l’oeuvre d’évangélisation.

Il a clairement énoncé les critères de gouvernement des différents centres, de façon à donner leurs responsabilités à tous et à garantir le fonctionnement effectif et collégial de chacun.

Il a précisé le rôle du magistère de l’Église devant « la juste liberté d’enseignement et de recherche ».

Il a précisé les qualités requises des enseignants en ce qui concerne la préparation scientifique et le témoignage de vie.

Il a introduit une nouvelle structure dans la marche des facultés.

Il a redonné aux facultés théologiques une fonction de recherche très importante, à savoir traduire le message de l’Évangile dans les légitimes expressions culturelles des différentes nations.

Il a accentué l’aspect oecuménique et missionnaire, l’aspect promotion humaine que doivent comporter les études des facultés ecclésiastiques.

4. La Constitution sur les études universitaires servira aux mêmes fins que, jusqu’à maintenant, le document Deus scientiarum Dominus (complété peu après la fin du Concile par les prescriptions de la S. Congrégation, publiées sous le titre Normae quaedam , le
LE 20 mai 1968). Il nous faut ici remercier tous ceux qui ont contribué à élaborer cet important document. En terminant mon discours, nécessairement bref et concis sur un tel thème, il nous faut encore une fois prendre conscience des fins auxquelles servira la Constitution apostolique Sapientia christiana, comme l’a fait précédemment la Constitution Deus scientiarum Dominus.

Pour répondre à cette question, il faut avoir devant les yeux l’Église et sa mission, telle qu’elle a été définie par le Christ Notre Seigneur lorsqu’il a dit aux apôtres : « Allez enseigner toutes les nations » (Mt 28,19), « Annoncez l’Évangile à toute créature. » (Mc 16,15)

Annoncer l’Évangile, enseigner, cela veut dire rencontrer l’homme vivant, la pensée humaine qui cherche la vérité continuellement, toujours de façons différentes, dans des domaines nouveaux. L’homme interroge et attend la réponse. Pour trouver la réponse authentique, exacte et persuasive, la réponse conforme à la réalité il entreprend des recherches parfois difficiles et ingrates. La soif de la vérité est l’une des expressions indéniables de l’esprit humain.

Annoncer l’Évangile, enseigner, cela veut dire rencontrer cette voix de l’esprit humain aux différents niveaux, mais surtout au niveau le plus élevé, là où la recherche de la vérité s’effectue d’une façon méthodique : dans les instituts spécialisés destinés à la recherche et à la transmission des résultats des recherches, c’est-à-dire à l’enseignement.

Les universités catholiques doivent être des lieux où l’évangélisation de l’Église se rencontre avec le grand et universel « processus académique » qui porte ses fruits grâce à toutes les conquêtes de la science moderne.

En même temps, dans ces universités, l’Église approfondit, consolide et rénove constamment sa propre science, celle qu’elle doit transmettre à l’homme d’aujourd’hui comme message de salut. Et cette science, elle la transmet d’abord à ceux qui doivent à leur tour la transmettre aux autres d’une façon fidèle et authentique, et en même temps adaptée aux besoins et aux interrogations des générations d’aujourd’hui. C’est là un travail immense, méthodique, indispensable. Que la nouvelle Constitution apostolique Sapientia christiana rende conscients de leurs propres devoirs dans la communauté du Peuple de Dieu tous ceux qui s’adonnent à cette tâche. Qu’elle les rende conscients de leur responsabilité devant la parole de Dieu et le fruit de la vérité. Qu’elle soit un défi pour un service de la vérité humaine. Qu’elle soit un défi pour un service persévérant de cette vérité.




25 juillet 1979 AVEC LES JEUNES, DECOUVRIR LA BEAUTE DE LA JOIE, LA BEAUTE DE L'AMOUR

25779 1. Je voudrais aujourd’hui me tourner vers les jeunes. C’est le temps des vacances. Les jeunes et les enfants sont libérés de l’école et de l’université et ils consacrent ce temps au repos. Je voudrais saluer cordialement tous les jeunes et les enfants qui se reposent, et je souhaite que les vacances leur apportent les nouvelles forces dont ils auront besoin pour leur nouvelle année d’études. Le repos fait partie non seulement de l’ordre humain, mais aussi du programme divin de vie humaine. Se repose bien celui qui travaille bien, et celui qui travaille bien doit bien se reposer.

Je me tourne en particulier vers ces nombreux groupes de jeunes qui font coïncider la détente de l’été avec l’approfondissement de leur rapport avec Dieu, de leur vie spirituelle. Je connais personnellement beaucoup de ces groupes de jeunes depuis le temps où j’ai servi comme prêtre puis comme évêque en Pologne. J’ai appris à connaître beaucoup d’autres groupes ici. Dans différents pays d’Europe et du monde il y a certainement chez les jeunes une recherche très poussée des valeurs spirituelles et religieuses. Ils semblent avoir très vivement conscience que les réalités et les valeurs matérielles ne peuvent à elles seules remplir une vie. D’où des aspirations et des recherches qui pour nous ne peuvent être que source de réconfort et d’espérance. Elles témoignent de l’homme qui veut vivre pleinement sa vie, respirer à pleins poumons sa personnalité humaine. La vie réduite à sa seule dimension temporelle, matérielle, à l’aspect consommation, suscite des contestations.

2. Ce qui est significatif dans les milieux de jeunes auxquels je pense en ce moment, c’est que, spécialement en cette période de l’année, ils recherchent un contact plus intime avec la nature. Les montagnes, les forêts, les lacs, le bord de la mer attirent des foules immenses pendant l’été. Mais pour beaucoup de groupes de jeunes, ce repos que l’homme trouve dans la nature devient l’occasion particulière d’un contact plus intime avec Dieu. Ils le retrouvent dans l’exubérante beauté de la nature qui, pour beaucoup d’âmes et de coeurs, est devenue tout au long de l’histoire, une source d’inspiration religieuse. Dans cette double rencontre ils se retrouvent eux-mêmes, ils retrouvent leur moi le plus profond, le plus intime. La nature les y aide. Dans le contact avec la nature, l’intimité de l’homme lui devient comme plus transparente, plus ouverte à la réflexion approfondie et à l’action de la grâce, qui attend le recueillement intérieur du jeune coeur pour agir avec d’efficacité.

3. Ayant été pendant de nombreuses années en contact avec de semblables groupes de jeunes, j’ai constaté que leur spiritualité vient de deux sources auxquelles leurs jeunes âmes s’alimentent pour ainsi dire parallèlement : la Sainte Écriture et la liturgie. La lecture de la sainte Écriture, jointe à la réflexion systématique sur son enseignement dans la perspective d’une révision de vie, devient une riche source qui permet de se retrouver soi-même et de renouveler l’esprit de la communauté. Et en même temps, ce processus de la « liturgie de la parole », développée dans diverses directions, conduit par la voie la plus simple à l’Eucharistie, vécue avec la profondeur des jeunes coeurs, et toujours d’une façon communautaire. Autour de l’Eucharistie, cette communauté et tous les liens qui en découlent trouvent une nouvelle force et une nouvelle profondeur : liens de camaraderie, d’amitié, d’amour, auxquels les coeurs des jeunes sont particulièrement ouverts en cette période de leur vie. La présence permanente du Christ, sa proximité eucharistique donnent à ces liens une dimension particulière de beauté et de noblesse. Beauté de la joie, beauté de l’amour

4. Les milieux et groupes de jeunes auxquels je me réfère en ce moment sont habituellement remplis d’une note authentique et juvénile. J’ai parfois admiré combien cette joie et cette spontanéité vont de pair avec l’amour de l’ordre et de la discipline. C’est déjà en soi une preuve que l’homme ne peut s’éduquer que du dedans, par la force d’un idéal spirituel, en lui faisant voir les simples contours de la vérité, l’aspect d’authentique amour dans lequel le Christ a situé la vie humaine. Je suis moi-même revenu de ces rencontres plus rempli de joie, plus « reposé » spirituellement. « La beauté de la joie » est aussi importante pour l’homme que « la beauté de l’amour ».

L’expression particulière de cette joie est toujours le chant. Aujourd’hui encore j’entends résonner en moi le chant de ces groupes de jeunes qui ont donné naissance à un style nouveau de chansons ou plutôt de chants religieux modernes. Ce phénomène mériterait une analyse spéciale.

5. Il y a aussi des groupes qui vont volontiers en pèlerinage. L’homme d’aujourd’hui, plus que celui des générations précédentes, est un homme « en marche ». Il en est ainsi spécialement pour les jeunes. Nombreux sont ces groupes de jeunes pèlerins (au sens strict du mot). Le pèlerinage se situe souvent comme le complément d’un voyage touristique, même si son caractère est différent. Je pense surtout au pèlerinage qui chaque année, dans les premiers jours d’août, va de Varsovie à Jasna Gora. Les pèlerins, qui sont en très grande majorité des jeunes, font à pied, pendant dix jours (parfois dans des conditions difficiles) un trajet d’environ 300 kilomètres. Dans ce pèlerinage, il y a un groupe de jeunes Italiens, chaque année plus nombreux.

6. Il y a quelques semaines s’est tenu à Rome le IVe Symposium organisé par le Conseil des conférences épiscopales d’Europe sur le thème : « Les jeunes et la foi. »

Plus de 70 représentants des évêques d’Europe ont analysé d’une façon approfondie la situation des jeunes d’aujourd’hui par rapport à la foi et les caractéristiques principales de leur vie religieuse. Sans cacher quelque préoccupation devant des attitudes de refus, de la part des jeunes, de certaines valeurs traditionnelles, les évêques ont souligné que les jeunes d’aujourd’hui redécouvrent toujours davantage l’Église comme communauté de foi, s’intéressent particulièrement à l’Évangile et à la personne de Jésus- Christ, ont profondément conscience de la valeur de la méditation et de la prière.

Tout ce que j’ai dit veut s’inscrire comme un supplément dans le thème central qu’ont traité au mois de juin les représentants des Conférences épiscopales de presque toute l’Europe. Qu’à tous les jeunes, spécialement à ceux qui, pendant les vacances, cherchent Dieu, mes paroles montrent que le Pape pense à eux et demande au Christ pour eux « la beauté de la joie » et « la beauté de l’amour ».



1er août 1979 RENOUVELLEMENT DE L'EGLISE DANS L'ESPRIT DU CONCILE

20879 1. Ce sera bientôt le premier anniversaire de la mort du Pape Paul VI. Dieu l’a appelé à lui le 6 août de l’année dernière, en la fête de la Transfiguration du Seigneur. Cette belle fête, si riche de sens, a été le dernier jour du Pape Paul VI sur la terre, le jour de sa mort, le jour de son passage de la vie d’ici-bas à l’éternité. « La vie n’est pas détruite, elle est transformée » dit la préface de la messe des morts. En effet le jour même de la mort de ce grand Pape jour de la Transfiguration, est devenu un signe éloquent de cette vérité.

Nous pouvons réfléchir sur le sens du jour que Dieu a choisi pour terme d’une vie si laborieuse, si donnée, si sacrifiée pour la cause du Christ, de l’Évangile, de l’Église. Le pontificat de Paul VI n’a-t-il pas été un temps de profonde transformation, de cette transformation suscitée par l’Esprit- Saint à travers toute l’activité du Concile convoqué par son prédécesseur ? Paul VI, qui des mains de Jean XXIII avait hérité de l’oeuvre du Concile tout de suite après la première session de 1963, ne s’est-il pas trouvé en plein centre de cette transformation, d’abord comme Pape de Vatican II, puis comme Pape de la réalisation de Vatican II, dans la période la plus difficile, immédiatement après la clôture du Concile ?

S’il nous est permis de réfléchir sur le sens du jour que Dieu a choisi comme terme de son ministère pontifical, diverses interprétations se présentent à nous. Dieu ayant voulu que le dernier jour de sa foi sur la terre (cf.
2Tm 4,7) soit celui de la Transfiguration, on pourrait dire que ce jour a manifesté, d’une certaine manière, le charisme particulier et aussi la peine particulière de sa vie, le charisme de la « transformation » et la peine de la « transformation ». On pourrait dire, en développant cette pensée, que le Seigneur ayant appelé le Pape Paul à lui en la fête de sa Transfiguration, a permis — à lui et à nous — de voir qu’il est présent dans toute l’oeuvre de « transformation », de renouveau de l’Église selon l’esprit de Vatican II, comme il a été présent dans le merveilleux événement du mont Thabor qui a préparé les apôtres au départ du Christ de cette terre, d’abord par la croix, puis par la résurrection.

2. Le Pape de Vatican II ! Le Pape de cette profonde transformation qui n’était rien d’autre qu’une révélation du visage de l’Église, attendue par l’homme et par le monde d’aujourd’hui. Là aussi il y a une analogie avec le mystère de la Transfiguration du Seigneur. En effet, ce même Christ que les apôtres ont vu sur le mont Thabor n’était autre que celui qu’ils avaient connu chaque jour, dont ils avaient entendu les paroles et vu les actes. Sur le mont Thabor, il s’est révélé à eux comme le même Seigneur mais « transfiguré ». Dans cette Transfiguration s’est manifestée et s’est réalisée une image de leur maître qui précédemment leur était inconnue, qui était voilée à leurs yeux.

Jean XXIII, et après lui Paul VI, ont reçu de l’Esprit-Saint le charisme de la transformation, grâce auquel la figure de l’Église, telle que tous la connaissent, est apparue à la fois égale et diverse. Cette « diversité » ne signifie pas qu’elle soit détachée de son essence, mais bien plutôt qu’elle y a pénétré plus profondément. Elle est une révélation de la figure de l’Église cachée dans la précédente. Il était nécessaire que, à travers les « signes des temps » reconnus par le Concile, cette figure devienne manifeste et visible, qu’elle devienne principe de vie et d’action dans les temps où nous vivons et dans ceux qui viendront.

Le Pape qui nous a quittés l’an dernier en la fête de la Transfiguration du Seigneur avait reçu de l’Esprit-Saint le charisme de son temps. Si en effet la transformation de l’Église doit servir à son renouveau, il faut que celui qui l’entreprend ait très fortement conscience de l’identité de l’Église. Paul VI a manifesté l’expression de cette conscience surtout dans sa première encyclique, Ecclesiam suam. Il l’a manifestée ensuite continuellement en proclamant le Credo du Peuple de Dieu, en publiant toute une série de normes pour l’application des décisions de Vatican II, en inaugurant l’activité du Synode des évêques en progressant en pionnier dans la direction dé l’unité des chrétiens, en réformant la Curie romaine, en internationalisant le Collège des cardinaux, etc.

Dans tout cela se manifestait toujours la même conscience de l’Église, qui confirme plus profondément sa propre identité dans sa capacité de se rénover, d’aller à la rencontre des transformations qui naissent à la fois de sa vitalité et de l’authenticité de sa Tradition.

3. Permettez que dans ce contexte j’évoque au moins quelques phrases des si nombreux textes du Pape qui est mort il y a un an. Dans sa première encyclique Ecclesiam suam, qui porte précisément la date du 6 août 1964, il disait : « D’une part la vie chrétienne, que l’Église sauvegarde et développe, doit sans cesse et courageusement se défendre de toute déviation, profanation ou étouffement ; il lui faut comme s’immuniser contre la contagion de l’erreur et du mal. Mais d’autre part, la vie chrétienne ne doit pas simplement s’accommoder des manières de penser et d’agir présentées et imposées par le milieu temporel, tant qu’elles sont compatibles avec les impératifs essentiels de son programme religieux et moral ; elle doit de plus tâcher de les rejoindre, de les purifier de les ennoblir, de les animer et de les sanctifier… L’expression popularisée par notre vénéré prédécesseur Jean XXIII, aggiornamento, nous restera toujours présente pour exprimer l’idée maîtresse de notre programme ; nous avons confirmé que telle était la ligne directrice du Concile, et nous le rappellerons pour stimuler dans l’Église la vitalité toujours renaissante, l’attention constamment éveillée aux signes des temps, et l’ouverture indéfiniment jeune qui sache « vérifier toute chose et retenir ce qui est bon » (1Th 5,21), en tous temps et en toute circonstance » (n° 44 et 52).

Et quelques années plus tard, il disait dans un discours : « Celui qui a compris quelque chose à la vie chrétienne ne peut ignorer qu’elle aspire constamment au renouveau. Ils voient juste ceux pour qui la vie chrétienne a pour caractéristique d’être stable, fidèle, statique, mais ils ne voient pas tout. Certes, la vie chrétienne est ancrée à des faits et à des engagements qui n’admettent pas de changements comme la régénération du baptême, la foi, l’appartenance à l’Église, l’animation de la vie par la charité. De sa nature, elle est une acquisition permanente que l’on ne doit jamais compromettre. Mais elle est une vie, et donc un principe, une semence qui doit se développer, s’accroître, se perfectionner. De plus, en raison de notre fragilité naturelle et de certaines conséquences inguérissables du péché originel, elle a sans cesse besoin d’être remise en état, renouvelée » (Insegnamenti di Paolo VI, vol. IV, p. 318).

4. Le Pape Paul a généreusement semé la parole de Dieu. Il a enseigné par les documents solennels de son pontificat, par les homélies qu’il a prononcées en diverses circonstances, et enfin par sa catéchèse du mercredi qui, depuis son pontificat, fait partie du programme habituel de toute l’année. Grâce à cela, il a pu continuellement « proclamer l’Évangile » (cf. Evangelii nuntiandi ). À l’exemple de l’apôtre Paul, il considérait l’annonce de l’Évangile comme son principal devoir et sa plus grande joie. Ces catéchèses papales sont devenues une nourriture substantielle pour toute l’Église, en un temps qui en avait particulièrement besoin.

Devant les inquiétudes de l’après-Concile, ce singulier « charisme de la Transfiguration » s’est avéré être une bénédiction et un don pour l’Église. C’est ainsi que Paul VI est devenu maître et pasteur des intelligences et des consciences humaines dans des questions dont devait décider son autorité suprême. Il a servi le Christ et l’Église avec cette fermeté et cette humilité admirables qui lui ont permis d’envisager avec foi et espérance l’avenir de l’oeuvre qu’il avait accomplie.

À la veille du premier anniversaire de sa mort, nous recommandons de nouveau son âme au Christ transfiguré sur la montagne, afin qu’il l’accueille dans la gloire de l’éternel Thabor.




Catéchèses S. J-Paul II 12779