Catéchèses S. J-Paul II 8879

8 août 1979 PAUL VI, APOTRE DE LA PAIX

8879 1. Aujourd’hui encore, comme la semaine dernière, je voudrais consacrer notre rencontre au souvenir du grand Pape Paul VI que notre Père du ciel a rappelé à lui il y a un an, en la fête de la Transfiguration du Seigneur. Ni le précédent discours ni celui d’aujourd’hui ne pourront certainement épuiser la richesse multiforme de ce pontificat et de cette personnalité. Ce que nous désirons mettre en relief aujourd’hui, c’est la merveilleuse convergence entre le jour de la mort et le charisme de la vie de Paul VI. Je me suis efforcé de développer cette pensée la semaine dernière, en me concentrant surtout sur cette chose importante qu’est la transformation de l’Église, à partir de la nouvelle lecture des signes des temps faite par le IIe Concile du Vatican. Jean XXIII appelait habituellement cette transformation « aggiornamento ». Mais Paul VI a consacré toutes les quinze années de son difficile pontificat à ce grand processus que le « Pape de la bonté » n’avait fait qu’inaugurer.

Cet « aggiornamento », ce renouveau, cette « transformation » furent dictés par une profonde connaissance de la nature de l’Église et par l’amour de sa mission de salut. Sur l’initiative du Pape Jean, et ensuite sous la conduite du Pape Paul, l’Église s’est adaptée aux tâches inhérentes à sa mission à l’égard de l’homme d’aujourd’hui, la famille humaine à laquelle elle a été envoyée. Le sens le plus profond de l’ « aggiornamento » est strictement évangélique. Il vient de la volonté de servir, en suivant le Christ, de la volonté de servir Dieu dans les hommes, de servir l’homme. Le service s’identifie avec la mission, redécouverte dans la mission de salut du Christ.

2. La mission de servir l’homme, dans le style du ministère pontifical de Paul VI, a toujours eu une dimension à la fois concrète et universelle. En effet, tout homme se sert lui-même en servant les causes dont dépend la juste orientation de sa vie dans des conditions historiques, sociales, économiques, politiques et culturelles déterminées. Dans sa mission au service de la transformation du sort de l’homme sur la terre Paul VI a toujours mis au premier rang la grande cause de la paix entre les nations. Il a consacré à cette cause la plus grande attention la plus grande sollicitude, avec le plus grand empressement. Qu’il suffise de rappeler ses messages annuels pour la Journée mondiale de la paix, qui lui ont permis de développer de divers points de vue ce grand et central thème moral de notre temps.

« La véritable paix — disait-il par exemple pour la Journée de la paix de 1971 — doit être fondée sur la justice, sur le sentiment d’une intangible dignité humaine, sur la reconnaissance d’une ineffaçable et heureuse égalité entre les hommes, sur le dogme fondamental de la fraternité humaine. C’est-à-dire du respect et de l’amour dus à tout homme en sa qualité d’homme. Explose le mot victorieux : en sa qualité de frère. Mon frère, notre frère. » (Il volto della pace, n° 172.)

« Si tu veux la paix, agis pour la justice. » Tel était le thème que Paul VI proposait dans le message de l’année suivante. Et il faisait ce commentaire : « C’est une invitation qui n’ignore pas la difficulté de pratiquer la justice, et tout d’abord de la définir, puis de l’actualiser, et ce n’est jamais sans quelques sacrifice de son propre prestige ou de son propre intérêt. Il faut peut-être une plus grande magnanimité pour obtempérer aux raisons de la justice et de la paix que pour lutter et imposer son propre droit, authentique ou présumé, à l’adversaire. » (Il volto della pace, n° 228-230.)

Et encore : « Rendons-la possible cette paix — insistait-il dans un autre message — en prêchant l’amitié et en pratiquant l’amour du prochain, la justice et le pardon chrétien ; ouvrons-lui les portes là où elle est écartée, par des négociations loyales et orientées vers des conclusions sincèrement positives ; ne refusons pas tout sacrifice qui, sans porter atteinte à la dignité de celui qui se montre généreux, rendrait la paix plus rapide plus cordiale et plus durable. » (Il volto della pace, n° 274.)

3. L’importance de la cause de la paix dans la vie de l’humanité d’aujourd’hui doit aussi se mesurer sur la base de la menace mortelle que peut constituer la guerre moderne, avec l’usage de tous les moyens de destruction qui conduisent à l’autodestruction. Cependant, personne plus que l’apôtre et vicaire du Christ, vrai prince de la paix, ne doit avoir conscience qu’il est impossible d’assurer la paix à la vie internationale en ne considérant que les moyens dont peut se servir l’homme. Il est plutôt nécessaire de considérer l’homme qui se sert de ces moyens. C’est lui-même qui doit vouloir la paix d’une façon mûrie et responsable, et modeler la vie de l’humanité, dans toutes ses dimensions, sur la base d’une recherche cohérente de la paix. On parvient à la paix par la justice, une justice complète et universelle : Opus justitiae pax.

Dans l’encyclique Pacem in terris, Jean XXIII avait souligné les quatre droits fondamentaux de la personne humaine qui pour le bien de la paix, doivent être respectés dans la vie sociale et internationale : le droit à la vérité, à la liberté, à la justice, à l’amour. Paul VI, développant méthodiquement cette pensée, a publié l’Encyclique pour la promotion du développement des peuples, dans laquelle il a dit que ce juste développement est « le nouveau nom de la paix ».

Nous nous souvenons tous de ses paroles : « Si le développement est le nouveau nom de la paix, qui ne voudrait y oeuvrer de toutes ses forces ? » (Encyclique Populorum progressio
PP 87) Et encore : « Combattre la misère et lutter contre l’injustice, c’est promouvoir, avec le mieux-être, le progrès humain et spirituel de tous, et donc le bien commun de l’humanité. La paix ne se réduit pas à une absence de guerre, fruit de l’équilibre toujours précaire des forces. Elle se construit jour après jour, dans la poursuite d’un ordre voulu de Dieu, qui comporte une justice plus parfaite entre les hommes. » (Ibid., n° 76, p. 51.)

4. Le Pape que le Christ a rappelé à lui en la fête de la Transfiguration a poursuivi continuellement un inlassable travail pour la transformation de l’homme, de la société, des systèmes, travail qui devait porter les fruits si désirés par les hommes, les nations, l’humanité tout entière : les fruits de la justice et de la paix. En suivant avec une grande attention, parfois avec inquiétude, et surtout avec une continuelle espérance chrétienne, le développement multiforme des événements du monde contemporain, il a toujours travaillé pour cette civilisation qu’il a appelée « civilisation de l’amour » dans l’esprit du plus grand commandement du Christ.

L’Église se met au service de cette « civilisation de l’amour » par sa mission, liée à l’annonce et à la réalisation de l’Évangile. Paul VI eut particulièrement à coeur l’évangélisation dans le monde d’aujourd’hui, à laquelle — à la demande des évêques réunis au Synode de 1974 — il a consacré une magnifique exhortation Evangelii nuntiandi, qui est comme une somme de pensées et d’indications apostoliques nées du magistère du Concile et de la continuelle expérience de l’Église.

« L’effort pour annoncer l’Évangile aux hommes de notre temps, exaltés par l’expérience, mais en même temps travaillés souvent par la peur et l’angoisse, est sans nul doute un service rendu à la communauté des chrétiens, mais aussi à toute l’humanité », disait-il dans son préambule. (Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi EN 1)

Et il expliquait : « Évangéliser, pour l’Église, c’est porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux de l’humanité et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve l’humanité elle-même : « Voici que je fais l’univers nouveau » (Ap 21,5). Mais il n’y a pas d’humanité nouvelle s’il n’y a pas d’abord des hommes nouveaux, de la nouveauté du baptême et de la vie selon l’Évangile. Le but de l’évangélisation est donc bien ce changement intérieur et, s’il fallait le traduire d’un mot, le plus juste serait de dire que l’Église évangélise lorsque, par la seule puissance divine du message qu’elle proclame, elle cherche à convertir en même temps la conscience personnelle et collective des hommes, l’activité dans laquelle ils s’engagent la vie et le milieu concrets qui sont les leurs. » (Ibid. , EN EN 18). Tâche combien noble et exaltante.

5. On ne peut donc évoquer le jour de la mort de ce grand Pape sans repenser, ne serait-ce qu’un instant, à tout l’héritage de ce grand esprit.

Le 6 août 1978, les derniers rayons de la fête de la Transfiguration sont tombés sur le coeur du pasteur qui, pendant toute sa vie, avait servi la grande cause de la transformation de l’homme en notre époque difficile, et celle du renouveau de l’Église en vue de cette transformation.

Ces rayons semblaient dire : « C’est bien, bon et fidèle serviteur… viens te réjouir avec ton maître » (Mt 25,21). Et Paul VI n’a pas repris sa tâche quotidienne, mais il a suivi le Seigneur qui l’appelait depuis la montagne de la Transfiguration.


22 août 1979 HOMMAGE A JEAN PAUL Ier

22879 1. En ces jours du mois d’août, nous repensons aux événements qui se sont produits en ce même mois l’an dernier. Le samedi 12 août, l’Église romaine, la ville de Rome et le monde entier disaient un dernier adieu au grand Pape Paul VI dont la dépouille fut déposée près de celle de Jean XXIII ; et les cardinaux réunis à Rome commençaient à préparer le Conclave, fixé au 26 août, qui était aussi un samedi. C’était la première fois qu’un Collège aussi nombreux et aussi divers allait élire un nouveau Successeur de saint Pierre. Une grande partie des électeurs — exactement cent —participait pour la première fois à l’élection du Pape. Onze autres y avaient déjà participé. Et pourtant un seul jour a suffi — le 26 août — pour que Rome et le monde apprennent l’élection, le soir de ce même jour. « Annuntio vobis gaudium magnum : habemus Papam » : « Je vous annonce une grande joie : nous avons un Pape », a dit le cardinal premier diacre, vers 18 h, depuis la loggia de la basilique.

Le nouveau Pape choisit deux noms : Jean-Paul. Je me souviens bien du moment où, dans la chapelle Sixtine, il fit connaître sa volonté : « Je veux porter les noms de Jean et de Paul. » Cette décision avait une éloquence convaincante. Il m’a semblé, personnellement, que c’était une décision charismatique.

C’est donc ainsi que, le samedi 26 août, jour consacré à la Mère de Dieu (en Pologne on célèbre ce jour-là la fête de la Vierge noire de Jasna Gora, c’est-à-dire Clair Mont), s’est présenté à nous le Pape Jean-Paul Ier. Et il fut accueilli par Rome et par l’Église avec une grande joie. Dans cette joie spontanée il y avait de la gratitude pour l’Esprit-Saint qui, d’une façon si visible, avait orienté les coeurs des électeurs et « indiqué celui qu’il avait choisi » (cf. Ac
Ac 1,24) contre toute attente, en déjouant tous les calculs. Cette grande joie et cette grande reconnaissance de l’Église ne furent pas troublées, même pas par la mort inattendue de Jean-Paul Ier. Il n’avait exercé que pendant trente-trois jours son ministère pastoral sur le Siège de Rome, auquel il avait été montré plutôt que donné, « ostensus magis quam datus », comme on l’avait dit à l’occasion de la mort de Léon XI, elle aussi inattendue.

2. Bien qu’il ait duré moins de cinq semaines le pontificat de Jean-Paul Ier a cependant laissé une empreinte particulière sur le Siège de Rome et sur l’Église universelle. Même si cette empreinte reste encore imprécise, elle est clairement perçue. Pour la déchiffrer pleinement, il faut prendre plus de recul. C’est seulement avec les années que les desseins de la Providence deviennent plus compréhensibles aux esprits habitués à juger uniquement selon les catégories de l’histoire humaine. Il est cependant un moment de ce bref pontificat qui semble particulièrement éloquent pour tous ceux qui ont regardé vers Jean-Paul Ier et ont suivi attentivement sa brève activité. Celle-ci s’est déroulée à un moment où après la clôture du Synode des évêques consacré à la catéchèse (octobre 1977) l’Église commençait à assimiler les fruits de ce grand travail collégial et, surtout, attendait la publication du document à ce sujet que les participants au Synode avaient demandé à Paul VI. Malheureusement la mort n’a pas permis à ce grand Pape de publier son exhortation sur ce thème, clé de la vie de toute l’Église. Jean-Paul Ier n’en eut pas non plus le temps, son ministère pontifical ayant été trop court.

Bien qu’il n’ait pas pu publier le document consacré à la catéchèse il a cependant et certainement réussi à manifester et à confirmer par ses actes que la catéchèse est la tâche fondamentale et irremplaçable de l’apostolat et de la pastorale, à laquelle tous doivent contribuer et pour laquelle tous doivent se sentir responsables dans l’Église, et le Pape en premier. Jean-Paul Ier n’a pas pu promulguer ce document sous son nom. Il a cependant eu le temps de montrer et d’affirmer par son exemple ce qu’est et ce que doit être la catéchèse dans la vie de l’Église d’aujourd’hui. Et pour cela, les trente-trois jours de son pontificat ont été suffisants.

Et lorsque, bientôt, paraîtra le document consacré à la catéchèse, il faudra toujours se rappeler que le singulier pontificat de Jean-Paul Ier, « ostensus magis quam datus », a été tout entier principalement un commentaire vivant de ce document et de ce thème. On peut dire que le testament de ce Pape ce fut le document sur la catéchèse. Il n’a en effet pas laissé d’autre testament.

3. Le dimanche 26 août, à l’occasion du premier anniversaire de l’élection de Jean-Paul Ier à la chaire de saint Pierre, je désire me rendre dans son pays natal, à Canale d’Agordo, dans le diocèse de Belluno.

Je le fais parce que le coeur m’y pousse.

Je le fais aussi pour rendre hommage à mon prédécesseur immédiat (j’ai hérité de son nom) et à ce pontificat par lequel nous parle une vérité qui est plus grande que la vérité humaine. L’Église qui vit sur la terre, à Rome et dans le monde entier, a été éclairée par cette vérité qui dépasse la vérité humaine et qu’aucune histoire ne peut embrasser et exprimer. Mais cette vérité, elle a été exprimée avec beaucoup de force dans l’Évangile du Seigneur : « Le temps se fait court… » (1Co 7,29) « Oui, viens bientôt. » (Ap 22,20)

Il semble vraiment que le pontificat de Jean-Paul Ier puisse se résumer dans cette seule phrase : « Viens Seigneur Jésus », « Marana tha. » (Ap 22,20) Le Père éternel a pensé que c’était elle qui était la plus nécessaire pour l’Église, pour le monde, pour chacun de nous et pour tous, sans aucune exception. C’est sur cette phrase que nous terminerons alors que s’approche l’anniversaire de l’élection et, bientôt, de la mort du Pape Jean-Paul Ier, serviteur des serviteurs de Dieu.

APPEL


Avant de saluer les groupes particuliers présents à cette audience, je voudrais, d’une façon pressante, attirer votre attention sur une douloureuse nouvelle qui nous a frappés il y a quelques jours : l’enlèvement en Ombrie, d’un garçon de 13 ans, Guido Freddi.
Nous sommes tous profondément bouleversés par ce nouvel épisode de méchanceté et de violence qui offense la vie sociale et la rend dangereuse et sans sécurité.
Il ne s’agit pas ici d’accidents ou de phénomènes naturels, mais d’une intention délibérée et préméditée de faire souffrir pour gagner de l’argent d’une façon inconcevable, exécrable.
Je recommande à vos prières ce jeune garçon et ses proches, et je demande au Seigneur la grâce du repentir et de la conversion pour que la sérénité et la joie reviennent au plus tôt dans cette famille éprouvée.
* * *


Aux 600 pèlerins du diocèse de Strasbourg, venus à Rome sous l’égide du Mouvement Pax Christi, j’adresse un salut spécial et mes encouragements.
Fidèles au thème de votre pèlerinage, gardez toujours « le souci de toutes les Églises », spécialement de celles qui ont besoin d’aide morale, spirituelle et matérielle. Agir ainsi, c’est réaliser le grand commandement du Seigneur Jésus, c’est vivre le mystère de l’Église, c’est aussi contribuer à la paix du monde.
Que Dieu soutienne et bénisse vos personnes et vos activités apostoliques.





29 août 1979 « LAISSEZ VENIR A MOI LES PETITS ENFANTS »

29879 1. Je voudrais commencer le discours d’aujourd’hui en prenant comme point de départ deux phrases qui ont été prononcées par le Christ sur le thème de l’enfant et qui se complètent mutuellement. On pourrait dire qu’elles constituent un programme évangélique consacré à l’enfant lui-même. Cette année, nous sommes appelés à réfléchir sur un tel programme d’une manière particulière puisque, à l’initiative de l’Organisation des Nations Unies, elle a été déclarée Année internationale de l’enfant.

Le Christ a prononcé une phrase que tous nous connaissons bien : « Laissez venir à moi les petits enfants car c’est à eux qu’appartient le Royaume des cieux. » (
Mt 19,14) Ces paroles, nous le savons, il les adresse aux apôtres qui, devant la fatigue du Maître, voulaient agir autrement. Ils voulaient empêcher les enfants de s’approcher du Christ. Ils voulaient les éloigner, peut-être pour ne pas lui faire perdre son temps. Le Christ au contraire a revendiqué ses droits sur les enfants, en les justifiant d’après son propre point de vue.

La seconde phrase qui me vient à cet instant à l’esprit semble très sévère. En effet, elle défend l’enfant contre tous ceux qui le scandalisent : « Celui qui, au contraire, scandalise un seul de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on lui attache au cou une meule que tourne l’âne et qu’il soit jeté dans les profondeurs de la mer. » (Mt 18,6) L’avertissement est très sévère, mais le scandale causé à tout être innocent est un grand mal. Il cause un grand dommage à l’âme des jeunes, en greffant le mal là où doivent se développer la grâce et la vérité, la confiance et l’amour. Seul Celui qui, personnellement, a beaucoup aimé l’âme des enfants et des jeunes, pouvait s’exprimer sur le scandale comme le Christ l’a fait. Lui seul pouvait menacer par des paroles si terribles ceux qui sont cause de scandale.

2. Nous devons tenir compte de toute la vérité qui concerne l’enfant, une vérité qui émerge de ces deux phrases de l’Évangile, pour comprendre et apprécier le travail de la dernière Assemblée ordinaire du Synode des évêques en 1977. Comme nous le savons, le thème en était la catéchèse et, plus particulièrement la catéchèse des enfants et des jeunes. Comme d’habitude, la session du Synode avait réuni les représentants de toutes les Conférences épiscopales du monde. Ce riche échange d’expériences a trouvé écho, du moins partiellement, dans le document final et également dans le message adressé par le Synode à toute l’Église. En même temps, les participants avaient demandé au Pape Paul VI que, en se servant du riche matériel de ce même Synode, il prépare et publie un document personnel, comme il l’avait déjà fait après le Synode sur l’évangélisation. La mort de Paul VI et ensuite, la disparition inattendue de Jean-Paul Ier ont retardé jusqu’à présent la publication de ce document.

D’autre part, le problème de la « catéchèse » est par lui-même vivant et urgent. En effet, la catéchèse est, pour ainsi dire, le signe infaillible de la vie de l’Église et la source inépuisable de sa vitalité. Tout cela a trouvé son expression propre dans l’ensemble des travaux du Synode et se manifeste surtout dans la vie quotidienne de la vie de l’Église : des paroisses, des familles, des communautés. Je ne voudrais pas répéter ici ce qui a été dit, écrit et publié avec tant de compétence sur ce sujet. Je veux seulement souligner et mettre en évidence qu’à travers la catéchèse des enfants et des jeunes, se réalise continuellement l’appel si éloquent du Christ : « Laissez venir à moi les petits enfants et ne les empêchez pas… » (Mc 10,14) Tous les successeurs des apôtres et l’Église entière, dans sa conscience évangélisatrice, doivent s’employer partout à ce que ce désir et cet appel du Christ se réalisent dans la mesure requise par les besoins de notre temps.

L’avertissement du Seigneur au sujet du scandale va de pair avec cet appel. La catéchèse des enfants et des jeunes tend à faire grandir partout et toujours dans l’âme des jeunes ce qui est bon, noble, digne. Elle est devenue l’école d’un meilleur et plus mûr sens de l’humanité qui se développe au contact du Christ. En effet, il n’y a rien de plus efficace pour protéger du scandale, de l’enracinement du mal, de la démoralisation, du sens de l’inutilité de la vie, de la frustration que d’inoculer le bien en le faisant pénétrer profondément et vigoureusement dans l’âme des jeunes. Veiller à ce que ce bien s’épanouisse et mûrisse appartient à la mission formative de la catéchèse.

3. L’un des fruits les plus importants des différentes expériences pastorales devant lesquelles s’est trouvé le Synode des évêques, c’est la constatation du caractère évolutif et, en même temps, organique de la catéchèse. Celle-ci ne peut pas se limiter seulement à la communication d’informations religieuses, mais elle doit aider à allumer dans les âmes cette lumière qu’est le Christ. Cette lumière doit éclairer efficacement tout le chemin de la vie humaine. La catéchèse doit donc faire l’objet d’un travail systématique et d’une collaboration. Bien qu’elle doive toucher d’abord ceux à qui elle est surtout destinée, c’est-à-dire les enfants et les jeunes, elle ne peut cependant pas se limiter seulement à eux. La catéchèse des adultes, sous des formes variées, à différents niveaux et dans différentes occasions, est et demeure la condition d’une catéchèse efficace des enfants et des jeunes. Ceci est important, surtout si l’on a présente à l’esprit la mission de catéchisation qui est propre à la famille et si l’on considère le développement de la problématique de la foi et de la morale. Cette catéchèse doit en effet être affrontée particulièrement par les adultes qui sont des chrétiens véritables et mûrs.

4. Le Synode des évêques de 1977 est toujours lié pour moi au souvenir vivant du cardinal Albino Luciani qui avait sa place près de la mienne dans la salle du Synode. J’espère que le document qui sera bientôt publié pourra transmettre à toute l’Église cet esprit d’amour de la catéchèse dont était animé celui qui était alors patriarche de Venise et qui est devenu ensuite le Pape Jean-Paul Ier.



5 septembre 1979 A L’ECOUTE DU CHRIST SUR « L'ORIGINE » DE LA FAMILLE

50979 1. Depuis un certain temps, les préparatifs de la prochaine Assemblée ordinaire du Synode des évêques qui se déroulera à Rome à l’automne de l’année prochaine, sont en cours. Le thème du Synode « De muneribus familiae christianae » (les tâches de la famille chrétienne), concentre notre attention sur cette communauté de vie humaine et chrétienne qui, dès l’origine, est fondamentale. Cette expression particulière, dès l’origine, le Seigneur Jésus l’a employée dans son entretien sur le mariage, tel qu’il nous est rapporté dans l’Évangile de saint Matthieu et dans celui de saint Marc. Nous voudrions nous demander ce que signifie ce mot : « origine ». Nous voudrions, en outre, expliquer pourquoi le Christ a employé le mot « origine », précisément dans cette circonstance et, pour cela, nous nous proposons d’analyser de manière plus précise le texte en question de la Sainte Écriture.

2. Par deux fois, dans sa discussion avec les Pharisiens qui l’interrogeaient sur l’indissolubilité du mariage, Jésus-Christ s’est référé au mot « origine ». La discussion s’est déroulée de la manière suivante : « Des pharisiens s’approchèrent de lui et lui dirent, pour le mettre à l’épreuve : « Est-il permis de répudier sa femme pour n’importe quel motif ? » Il répondit : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme et qu’il a dit : Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair ? Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien ! ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer. » « Pourquoi donc, lui disent-ils, Moïse a-t-il prescrit de donner un acte de divorce quand on répudie ? — C’est, leur dit-il en raison de votre dureté de coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes, mais dès l’origine il n’en fut pas ainsi. » (
Mt 19,3 s. ; cf. aussi Mc 10,2 s.)

Le Christ n’accepte pas la discussion sur le plan où ses interlocuteurs veulent la situer. Dans un certain sens, il n’approuve pas la dimension qu’ils ont cherché à donner au problème. Il évite de s’engager dans une controverse juridique et casuistique, mais par deux fois il emploie l’expression : « Dès l’origine. » Par là, il fait clairement référence aux paroles du livre de la Genèse que ses interlocuteurs connaissent également par coeur. De ces paroles qui constituent une révélation très ancienne, le Christ tire la conclusion et la discussion est close.

3. « Origine » signifie donc ce dont parle le livre de la Genèse. C’est par conséquent le texte de la Genèse, (Gn 1,27), que le Christ cite sous une forme résumée : « Dès l’origine, le Créateur les fit homme et femme », alors que le texte original complet dit textuellement : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu, il le créa, homme et femme il les créa. » Ensuite, le Maître cite Genèse, (Gn 2,24) : « C’est pourquoi l’homme abandonnera son père et sa mère et il s’unira à sa femme et les deux seront une seule chair. » En citant ces paroles presque « in extenso », le Christ leur donne un sens normatif encore plus explicite (étant donné qu’il était possible que dans le livre de la Genèse elles apparaissent comme des affirmations de fait : « Abandonnera…, s’unira…, seront une seule chair., ). Le sens normatif est plausible puisque le Christ ne se limite pas à cette citation, mais ajoute : « Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien ! ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer. » Cette expression « ne doit point le séparer » est déterminante. A la lumière de cette parole du Christ, le texte de la Genèse, (Gn 2,24), énonce le principe de l’unité et de l’indissolubilité du mariage comme étant le contenu même de la parole de Dieu, exprimée dans la Révélation la plus ancienne.

4. On pourrait, alors, soutenir que le problème est résolu, que les paroles de Jésus-Christ confirment la loi éternelle formulée et instituée par Dieu « dès l’origine », comme la création de l’homme. Il pourrait également sembler qu’en confirmant cette loi essentielle du Créateur, le Maître ne fasse pas autre chose que de donner exclusivement son propre sens normatif, en se référant à l’autorité même du premier législateur. Cependant, cette expression significative « dès l’origine », deux fois répétée invite clairement les interlocuteurs à réfléchir sur la façon dont a été formé l’homme dans le mystère de la Création — il les fit « homme et femme »— pour bien comprendre le sens normatif des paroles de la Genèse. Et cela vaut tout autant pour les interlocuteurs d’aujourd’hui que pour ceux d’alors. Par conséquent, dans la présente étude, en considérant tout ceci, nous devons nous mettre réellement dans la position d’interlocuteurs actuels du Christ.

5. Durant les réflexions du mercredi qui suivront, au cours des audiences générales, nous nous efforcerons, comme des interlocuteurs actuels du Christ, de nous arrêter plus longtemps sur les paroles de saint Matthieu (Mt 19,3 s.). Pour répondre aux indications que le Christ a enfermées en elles, nous tâcherons d’approfondir cette notion « d’origine » à laquelle il s’est référé d’une manière si significative ; nous suivrons ainsi de loin le grand travail qu’entreprennent sur ce thème les participants au prochain Synode des évêques. Avec eux, travaillent de nombreux groupes de pasteurs et de laïcs qui se sentent particulièrement responsables des tâches que le Christ confie au couple chrétien et à la famille chrétienne : les tâches qu’il leur a toujours données et qu’il leur donne encore aujourd’hui dans le monde contemporain.

Le cycle de réflexions que nous commençons aujourd’hui, avec l’intention de le continuer durant les prochaines rencontres du mercredi, a également pour but, entre autres choses, d’accompagner de loin, pour ainsi dire, les travaux préparatoires au Synode, en n’abordant pas le thème directement, mais en attirant l’attention sur ses racines profondes.

Aux responsables du Mouvement des Guides de France

Aux trois cent cinquante responsables du guidisme en France, aux aumôniers du Mouvement, mais également au petit groupe de responsables handicapées et aux stagiaires venues d’outre-mer, j’adresse mes chaleureuses salutations et félicitations.

Le sérieux de la préparation et du déroulement de votre Congrès national ajoute à ma joie et à mon espérance de Pasteur universel. À travers vos personnes et vos engagements, je pense tellement à la jeunesse contemporaine, trop souvent déçue par une société qui multiplie les choses, sans parvenir à donner des raisons supérieures de vivre à la génération qui monte. Que votre Mouvement original, toujours ouvert sur le monde et toujours fidèle au Christ et à son Église, réalise le programme approfondi au cours des journées d’Assise et de Rome, à savoir : le développement personnel par la relation aux autres et le service de la société ! Ce programme est fondamental et permanent ! Éveillez et formez les jeunes aux ruptures et aux choix profonds, pour qu’ils deviennent responsables d’eux-mêmes, et capables de contribuer à redonner à notre monde perturbé sa véritable finalité qui est le service intégral de l’homme, selon les critères de l’Évangile ! Courage et confiance ! Le Christ, Rédempteur de tout l’homme et de tous les hommes, est toujours avec vous ! En son nom, je vous bénis de tout coeur !





12 septembre 1979 DES L'ORIGINE, LE CREATEUR LES FIT HOMME ET FEMME

12979 1. Mercredi dernier, nous avons commencé le cycle de réflexions sur la réponse du Christ à ceux qui l’interrogeaient au sujet de l’unité et de l’indissolubilité du mariage. Ses interlocuteurs pharisiens, nous nous en souvenons se référaient à la loi de Moïse. Le Christ, lui, se réfère à ce qui était « à l’origine », en citant les paroles du livre de la Genèse.

L’ « origine », en ce cas, se réfère à ce dont il est question dans l’une des premières pages du livre de la Genèse. Si nous voulons faire une analyse de cette réalité, nous devons avant tout nous reporter au texte. En effet, les paroles prononcées par le Christ dans son dialogue avec les pharisiens, qui nous est rapporté au chapitre 19 de saint Matthieu et au chapitre 10 de saint Marc, se situent dans un contexte bien défini sans lequel on ne peut ni les comprendre ni les bien interpréter. Ce contexte est donné par les paroles : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, à l’origine, les créa homme et femme ? » (
Mt 19,4), lesquelles se réfèrent à ce que l’on appelle le premier récit de la création de l’homme, inséré dans le cycle des sept jours de la création du monde (Gn 1, 1-2, 4). Par contre, le contexte plus proche des autres paroles du Christ tirées de Genèse (Gn 2,24), c’est ce que l’on appelle le second récit de la création de l’homme (Gn 2,5-25), mais, indirectement, c’est tout le chapitre 3 de la Genèse. Le second récit de la création de l’homme forme une unité de pensée et de style, avec la description de l’innocence première, du bonheur de l’homme et aussi de sa première chute. Étant donné la spécificité de ce qu’expriment les paroles du Christ, extraites de Genèse (Gn 2,24), on pourrait aussi inclure dans ce contexte au moins la première phrase du chapitre (Gn 4,1) de la Genèse, qui traite de la conception de l’homme et de sa naissance de parents terrestres. C’est ce que nous nous proposons de faire dans la présente analyse.

2. Du point de vue de la critique biblique, il faut tout de suite se rappeler que le premier récit de la création de l’homme est chronologiquement postérieur au second. L’origine de ce dernier est beaucoup plus ancienne. Ce texte plus ancien est appelé « yahviste » parce que pour parler de Dieu, on emploie le mot « Yahvé ». Il est difficile de ne pas être impressionné par le fait que l’image de Dieu qui y est présentée a des traits anthropologiques assez marqués (nous y lisons en effet entre autres : « … Le Seigneur Dieu modela l’homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie » - Gn 2,7). Par comparaison avec cette description, le premier récit, c’est-à-dire celui qui est considéré comme étant chronologiquement le plus récent est bien plus mûr, tant pour son image de Dieu que pour sa formulation des vérités essentielles sur l’homme. Ce récit provient de la tradition sacerdotale et en même temps « élohiste », d’ « Elohim », terme qu’il emploie pour désigner Dieu.

3. Comme dans ce récit, la création de l’homme — homme et femme, — à laquelle se réfère Jésus dans sa réponse selon Matthieu 19, est insérée dans le rythme des sept jours de la création du monde, on pourrait lui attribuer un caractère surtout cosmologique ; l’homme est créé sur la terre en même temps que le monde visible. Mais en même temps, le Créateur lui ordonne de s’assujettir la terre et de la dominer (cf. Gn Gn 1,28). Il est donc placé en situation de domination sur le monde. Cependant, bien que l’homme soit si étroitement lié au monde visible, le récit biblique ne parle pas de sa ressemblance avec le reste des créatures, mais seulement avec Dieu ( « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa… » - Gn 1,27). Dans le cycle des sept jours de la création, une progression précise est manifeste [1]. L’homme, par contre, n’est pas créé selon une succession naturelle. Le Créateur semble faire une pause avant de l’appeler à l’existence, comme s’il rentrait en lui-même pour prendre une décision : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance… » (Gn 1,26)

4. Ce premier récit de la création de l’homme, même s’il est chronologiquement postérieur, se situe à un niveau qui est surtout de caractère théologique. Nous le voyons surtout dans la définition de l’homme sur la base de son rapport avec Dieu ( « à l’image de Dieu il le créa »), qui implique en même temps l’affirmation de l’impossibilité absolue de réduire l’homme au « monde ». Déjà à la lumière des premières phrases de la Bible, l’homme ne peut ni se comprendre ni s’expliquer pleinement avec les catégories du « monde », c’est-à-dire de l’ensemble visible des corps. Cependant, l’homme lui aussi est corps. Genèse (Gn 1,27) constate que cette vérité essentielle sur l’homme se réfère tant à l’homme qu’à la femme : « Dieu créa l’homme à son image… Homme et femme il les créa [2]. » Il faut reconnaître que le premier récit est concis, sans la moindre trace de subjectivisme : il contient seulement le fait objectif et il définit la réalité objective, aussi bien lorsqu’il parle de la création de l’homme — homme et femme — à l’image de Dieu, que lorsque, peu après, il ajoute les paroles de la première bénédiction : « Dieu les bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. » (Gn 1,28)

5. Le premier récit de la création de l’homme qui, nous l’avons constaté, est de caractère théologique, est profondément imprégné de métaphysique. N’oublions pas que ce texte du livre de la Genèse est devenu la source des inspirations les plus profondes pour les penseurs qui ont cherché à comprendre ce qu’est l’ « essence » et l’ « existence » (peut-être seul le chapitre 3 du livre de l’Exode peut soutenir la comparaison avec ce texte) [3]. Malgré certaines expressions circonstanciées et formelles de ce passage, l’homme y est défini avant tout dans les dimensions de l’essence et de l’existence (« esse »). Il est défini d’une façon plus métaphysique que physique. Au mystère de sa création ( « à l’image de Dieu il le créa ») correspond la perspective de la procréation (« Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre ») du devenir dans le monde et dans le temps, de ce « fieri » qui est nécessairement lié à la situation métaphysique de la création, de l’être contingent ( « contingens »). C’est précisément dans ce contexte métaphysique de la description de Genèse 1 qu’il faut comprendre la notion de bien c’est-à-dire l’aspect valeur. Cet aspect revient en effet dans le rythme de presque tous les jours de la création et il atteint son sommet après la création de l’homme : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon. » (Gn 1,31) C’est pourquoi on peut dire avec certitude que le premier chapitre de la Genèse nous a donné un point de référence irréfutable et une base solide pour une métaphysique et aussi une anthropologie et une éthique, selon lesquelles « l’être et le bien coïncident ». Tout cela a certainement un sens également pour la théologie et surtout pour la théologie du corps.

6. Nous arrêterons ici nos réflexions. La semaine prochaine nous aborderons le second récit de la création, celui qui, selon les exégètes, est chronologiquement le plus ancien. L’expression « théologie du corps », que nous venons d’employer, mérite une explication plus précise. Nous la reportons à une autre rencontre. Nous devons d’abord chercher à approfondir ce passage du livre de la Genèse auquel le Christ s’est référé. 

[1] Lorsqu’il parle de la matière qui n’est pas douée de vie, l’auteur biblique emploie différents termes comme : « il sépara », « il appela », « il fit », « il posa ». Mais lorsqu’il parle des êtres vivants, il dit : « il créa » et « il bénit ». Dieu leur ordonne : « Soyez féconds et prolifiques ». Cet ordre vaut tant pour les animaux que pour l’homme, en indiquant que la corporéité leur est commune (cf. Gn Gn 1,22-28).
Cependant, dans le récit biblique, la création de l’homme se distingue essentiellement des précédentes oeuvres de Dieu. Non seulement elle est précédée d’une introduction solennelle, comme s’il s’agissait d’une délibération de Dieu avant cet acte important, mais surtout l’exceptionnelle dignité de l’homme est soulignée par la « ressemblance » avec Dieu, dont il est l’image.
En créant la matière non douée de vie, Dieu « séparait » ; aux animaux, il ordonne d’être féconds et prolifiques, mais la différence de sexe est soulignée uniquement à propos de l’homme (« homme et femme il les créa »), en bénissant en même temps leur fécondité, c’est-à-dire le lien des personnes (Gn 1,27-28).

[2] Le texte original dit : « Dieu créa l’homme (haadam, substantif collectif : l’« humanité » ?) à son image, à l’image de Dieu il le créa ; homme (zakar, mâle) et femme (uneqebah, femelle) il les créa. » (Gn 1,27)

[3] « Cette vérité sublime » : « Je suis celui qui suis » (Ex 3,14) constitue un objet de réflexion pour de nombreux philosophes, en commençant par saint Augustin, lequel pensait que Platon devait connaître ce texte qui lui semblait si proche de ses conceptions. La doctrine augustienne de l’ « essentialitas » divine a exercé, par l’intermédiaire de saint Anselme, une profonde influence sur la théologie de Richard de Saint-Victor, d’Alexandre de Hales et de saint Bonaventure. « Pour passer de cette interprétation philosophique du texte de l’Exode à celle qu’allait proposer saint Thomas, il fallait nécessairement franchir la distance qui sépare « l’être de l’essence » de « l’être de l’existence ». Les preuves thomistes de l’existence de Dieu l’ont franchie. »

Différente est la position de Maître Eckhart qui, sur la base de ce texte, attribue à Dieu la « pureté de l’être » : « Elle est quelque chose de plus haut que l’être… » (cf. E. Gilson, le Thomisme, Paris 1944 [Vrin] p. 122-127 ; E. Gilson, History of Christian Philosophy in the Middle Ages, Londres 1955 [Sheed and Ward], 810).





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