Catéchèses S. J-Paul II 2432

Continence et fécondité surnaturelle - 24 mars 1982

2432
(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 25 mars. Traduction et titre de la DC.


1. Nous continuons nos réflexions sur le célibat et la virginité « à cause du royaume des cieux ».

La continence à cause du royaume des cieux est certainement en rapport avec la révélation du fait que dans le royaume des cieux « on ne prend ni femme ni mari » (
Mt 22,30). C'est un signe charismatique. L'être vivant, homme et femme, qui, dans sa situation terrestre où, habituellement, « ils prennent femme et mari » (Lc 20,34), choisit librement la continence « pour le royaume des cieux », montre que dans ce royaume, qui est l' « autre monde » de la résurrection, « ils ne prendront ni femme ni mari » (Mc 12,25) car Dieu sera « tout en tous » (1Co 15,28). Cet être humain, homme et femme, montre donc la « virginité » eschatologique de l'homme ressuscité où se révélera, dirais-je, l'absolue et éternelle signification sponsale du corps glorifié dans l'union avec Dieu lui-même, à travers sa vision « face à face » ; glorifié également par l'union d'une parfaite intersubjectivité qui unira tous les « participants de l'autre monde », hommes et femmes, dans le mystère de la communion des saints. La continence terrestre « à cause du royaume des cieux » est indubitablement un signe qui montre cette vérité et cette réalité. C'est le signe que le corps, dont la fin n'est pas la mort, tend à la glorification et est déjà pour cela même, dirais-je, parmi les hommes un témoignage qui anticipe la future résurrection. Cependant, ce signe charismatique de l' « autre monde » exprime la force et la dynamique la plus authentique du mystère de la « rédemption du corps » : un mystère qui, depuis le Christ, a été inscrit dans l'histoire terrestre de l'homme et enraciné profondément par Lui dans cette histoire. Ainsi donc, la continence « à cause du royaume des cieux » porte surtout l'empreinte de la ressemblance au Christ qui, dans l'oeuvre de la rédemption, a fait lui-même ce choix « pour le royaume des cieux ».

2. Ainsi, toute la vie du Christ, depuis le début, a été une séparation discrète mais claire de ce qui a si profondément déterminé la signification du corps dans l'Ancien Testament. Presque contre les attentes de toute la tradition vétérotesta- mentaire, le Christ naît de Marie qui, au moment de l'annonciation, dit d'elle-même : « Comment est-ce possible ? Je ne connais pas d'homme » (Lc 1,34) et professe sa virginité. Bien qu'il naisse d'elle comme tout homme, comme un fils naît de sa mère, bien que sa venue dans le monde soit également accompagnée de la présence d'un homme qui est l'époux de Marie et qui est son mari devant la loi et devant les hommes, la maternité de Marie est cependant virginale. À cette maternité virginale de Marie correspond le mystère virginal de Joseph qui, suivant la voix du Très-Haut, n'hésite pas à « prendre Marie car ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit-Saint » (Mt 1,20). Donc, bien que la conception virginale et la venue au monde de Jésus-Christaient été cachées aux hommes, bien qu'aux yeux de ses contemporains de Nazareth il ait été considéré comme le « fils du charpentier » (Mt 13,55) (ut putabatur filius Joseph : Lc 3,23), cependant la réalité même et la vérite essentielle de sa conception et de sa naissance s'écartent de ce qui, dans la tradition de l'Ancien Testament, a été exclusivement en faveur du mariage et qui rendait la continence incompréhensible et socialement défavorable. C'est pourquoi, comment pouvait être comprise « la continence à cause du royaume des cieux », si le Messie attendu devait être un « descendant de David » et, comme on le pensait, s'il devait être un enfant de la souche royale « selon la chair » ? Seuls, Marie et Joseph, qui ont vécu le mystère de sa conception et de sa naissance, seront les premiers témoins d'une fécondité différente de la fécondité charnelle, c'est-à- dire de la fécondité de l'Esprit : « Ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit-Saint » (Mt 1,20).

3. L'histoire de la naissance de Jésus se trouve certainement en lien avec la révélation de cette « continence à cause du royaume des cieux » dont parlera un jour le Christ à ses disciples. Mais cet événement reste caché aux hommes d'alors de même qu'aux disciples. Ce n'est que graduellement qu'il se dévoilera aux yeux de l'Église sur la base des témoignages et des textes des Évangiles de Matthieu et de Luc. Le mariage de Marie avec Joseph (dans lequel l'Église honore Joseph comme l'époux de Marie et Marie comme l'épouse de Joseph), cache en lui en même temps le mystère de la parfaite communion des personnes, de l'homme et de la femme dans le contrat conjugal et, en même temps, le mystère de cette singulière « continence à cause du royaume des cieux » : continence qui, dans l'histoire du salut, servait à la plus parfaite « fécondité de l'Esprit-Saint ». Elle était même, dans un certain sens, la plénitude absolue de cette fécondité spirituelle, étant donné que précisément dans les conditions nazaréennes du contrat de Marie et de Joseph dans le mariage et la continence, s'est réalisé le don de l'incarnation du Verbe éternel : le Fils de Dieu, consubstantiel au Père, se trouve conçu et naît comme homme de la Vierge Marie. La grâce de l'union hypostatique est liée précisément à cette plénitude absolue de la fécondité surnaturelle, fécondité dans l'Esprit-Saint, partagée par une créature humaine, Marie, dans l'ordre de la « continence à cause du royaume des cieux ». La maternité divine de Marie est aussi, dans un certain sens, une révélation surabondante de cette fécondité dans l'Esprit-Saint auquel l'homme soumet son esprit quand il choisit librement la continence « dans le corps » et, précisément, la continence « à cause du royaume des cieux ».

4. Cette image devait se dévoiler graduellement à la conscience de l'Église dans les générations toujours nouvelles des confesseurs du Christ, quand — avec l'Évangile de l'enfance — se consolidait en eux la certitude au sujet de la divine maternité de la Vierge qui avait conçu par l'action de l'Esprit-Saint. Bien que ce ne soit que d'une manière indirecte mais cependant de manière essentielle et fondamentale, cette certitude devait aider à comprendre, d'une part, le manque d'intérêt à son égard en vue du « royaume des cieux » dont le Christ avait parlé à ses disciples. Néanmoins, lorsqu'il leur en avait parlé pour la première fois (comme l'atteste l'évangéliste Matthieu dans le chapitre 19, 10-12), ce grand mystère de sa conception et de sa naissance leur était complètement inconnu, il leur était caché comme il le fut à tous les auditeurs et aux interlocuteurs de Jésus de Nazareth. Quand le Christ parlait de ceux qui « sont devenus eunuques à cause du royaume des cieux » (Mt 19,12), c'est seulement sur la base de son exemple personnel que les disciples étaient capables de la comprendre. Une telle continence a dû s'imprimer dans leur conscience comme un trait particulier de ressemblance au Christ qui avait lui-même gardé le célibat « à cause du royaume des cieux ». La rupture par rapport à la tradition de l'Ancienne Alliance où le mariage et la fécondité procréatrice « dans le corps » avaient été une condition religieusement privilégiée, devait surtout s'effectuer sur la base de l'exemple du Christ lui-même. Ce n'est que petit à petit qu'a pu s'enraciner la conscience que cette fécondité spirituelle et surnaturelle de l'homme, qui provient de l'Esprit-Saint (Esprit de Dieu) et à laquelle, au sens spécifique et dans des cas déterminés, sert précisément la continence, a une signification particulière pour « le royaume des cieux » et qu'elle est précisément la continence « pour le royaume des cieux ».

Tous ces éléments de la conscience évangélique (c'est-à- dire la conscience propre de la Nouvelle Alliance dans le Christ) concernant la continence, nous les retrouvons tous plus ou moins dans Paul. Nous chercherons à le démontrer en temps opportun.

En résumé, nous pouvons dire que le thème principal de la réflexion d'aujourd'hui a été le rapport entre la continence « à cause du royaume des cieux » proclamée par le Christ, et la fécondité surnaturelle de l'esprit humain qui provient de l'Esprit-Saint.



Aux groupes de langue française

Chers Frères et Sœurs,

Signe charismatique en vue du Royaume des cieux, la continence, librement choisie, exprime la force et le dynamisme de la rédemption des corps dont elle anticipe l’état glorieux. Mais surtout, elle comporte l’empreinte d’une ressemblance avec le Christ. Marie et Joseph, appelés à la continence, ont été les premiers témoins de cette nouveauté apportée par le Christ. Celle-ci se révèlera plus tard aux disciples, puis aux générations chrétiennes, sous l’action de l’Esprit Saint. Elles découvriront en particulier que le mariage de Joseph et de Marie contient à la fois le mystère de la parfaite communion des personnes, et celui de la continence en vue du Royaume. Cela a permis d’aider à comprendre tant la sainteté du mariage que celle de la continence, où se manifeste la fécondité spirituelle et surnaturelle de l’homme, grâce à l’Esprit Saint. Tel est le thème de l’allocution que j’ai prononcée il y a un instant en Italien.

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Parmi les pèlerins, je salue d’abord les membres du chapitre général des Frères de l’Instruction chrétienne de Ploërmel. Chers Frères, vous venez d’ouvrir une page nouvelle de la très belle histoire de votre Institut, avec ce chapitre et l’élection d’un nouveau Supérieur général, auquel j’offre tous mes vœux. Poursuivez l’éducation de la jeunesse en répondant au mieux aux besoins humains et spirituels des nouvelles générations, avec la compétence que requiert une telle œuvre, et le témoignage de votre vie profondément religieuse et fraternelle. Dans un contexte nouveau, vous aurez la même ardeur que le vénérable Jean-Marie de La Mennais et tant de vos Supérieurs méritants. Que la Vierge de l’Annonciation, que nous célébrons demain, ouvre vos cœurs et ceux de vos disciples à l’Esprit Saint! Et que le Seigneur bénisse toute votre Congrégation!

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Je salue avec un égal plaisir les groupes venus des différents diocèses de France: Langres, Paris, Orléans, Rodez, Dax. Je vous bénis tous et toutes, ainsi que ceux des vôtres que la maladie ou la vieillesse retient loin d’ici.



Chasteté et mariage - 31 mars 1982

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(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 1er avril. Traduction et titre de la DC.



1. Nous continuons à réfléchir sur le thème du célibat et de la virginité à cause du royaume des cieux en nous basant sur le texte de l'Évangile selon saint Matthieu (
Mt 19,10-12).

En parlant de la continence à cause du royaume des cieux et en la fondant sur l'exemple de sa propre vie, le Christ désirait sans doute que ses disciples la comprennent surtout en rapport avec le « royaume » qu'il était venu annoncer et pour lequel il montrait les voies justes. La continence dont il parlait est précisément l'une de ces voies et, comme il résulte déjà du contexte de l'Évangile de Matthieu, c'est une voie particulièrement valable et privilégiée. En effet, cette préférence donnée au célibat et à la virginité « à cause du royaume » était une nouveauté absolue par rapport à la tradition de l'Ancienne Alliance, et elle avait une signification déterminante aussi bien pour l'éthos que pour la théologie du corps.

2. Dans son énoncé, le Christ en relève surtout la finalité. Il dit que la voie de la continence, dont il donne lui-même un témoignage par sa propre vie, non seulement existe et est possible, mais qu'elle est particulièrement valable et importante « à cause du royaume des cieux ». Et il doit en être ainsi étant donné que le Christ l'a choisie pour lui-même. Si cette voie est si valable et si importante, c'est que la continence pour le royaume des cieux doit avoir une valeur particulière. Comme nous y avons déjà fait allusion précédemment, le Christ n'abordait pas le problème sur le même niveau et selon le même raisonnement que les disciples lorsqu'ils affirmaient : « Si telle est la condition, il ne convient pas de se marier. » (Mt 19,10) Leurs paroles cachaient au fond un certain utilitarisme. Dans sa réponse, le Christ a au contraire indiqué indirectement que si le mariage, fidèle à l'institution originelle du Créateur (souvenons-nous que le Maître se référait précisément à ce point à l'« origine »), possède sa pleine congruence et sa pleine valeur pour le royaume des cieux, une valeur fondamentale, universelle et ordinaire, pour sa part, la continence possède pour ce royaume une valeur particulière et « exceptionnelle ». Il est évident qu'il s'agit de la continence choisie consciemment pour des raisons surnaturelles.

3. Si le Christ note avant tout dans son énoncé la finalité surnaturelle de cette continence, il le fait dans un sens non seulement objectif mais aussi dans un sens explicitement subjectif : il montre la nécessité d'une motivation qui corresponde d'une manière adéquate et totale à la finalité objective qui se trouve exprimée dans l'expression « à cause du royaume des cieux ». Pour réaliser le but dont il s'agit, c'est- à-dire pour redécouvrir dans la continence cette fécondité spirituelle particulière qui provient de l'Esprit-Saint, il faut la vouloir et la choisir en vertu d'une foi profonde qui ne nous montre pas seulement le royaume de Dieu dans son accomplissement futur, mais nous permet et nous donne la possibilité de nous identifier d'une manière particulière avec la vérité et la réalité de ce royaume tel qu'il se trouve révélé par le Christ dans son message évangélique et surtout par l'exemple personnel de sa vie et de son comportement. C'est la raison pour laquelle on a dit plus haut que la continence « à cause du royaume des cieux » — en ce qu'elle est le signe indubitable de l'« autre monde » — porte en elle surtout le dynamisme intérieur du mystère de la Rédemption du corps (cf. Lc 20,35) et qu'elle possède aussi dans cette signification la caractéristique d'une particulière ressemblance avec le Christ. Celui qui choisit consciemment cette continence, choisit, dans un certain sens, une participation particulière au mystère de la rédemption (du corps). Il veut, pour ainsi dire, la compléter d'une manière particulière dans sa propre chair (cf. Col 1,24) en y trouvant également l'empreinte d'une ressemblance avec le Christ.

4. Tout cela se réfère à la motivation du choix (ou à sa finalité au sens subjectif) : en choisissant la continence à cause du royaume des cieux, l'homme « doit » précisément se laisser guider par de telles motivations. Dans le cas dont il s'agit, le Christ ne dit pas que l'homme y est obligé (en tous les cas il ne s'agit certainement pas du devoir qui ressort d'un commandement). Cependant, ses paroles concises sur la continence « à cause du royaume des cieux » mettent sans aucun doute fortement en reliefprécisément sa motivation. Elles la font ressortir (elles indiquent la finalité dont le sujet est conscient) aussi bien dans la première partie de tout l'énoncé que dans la seconde, en montrant qu'il s'agit ici d'un choix particulier, le choix précisément d'une vocation plutôt exceptionnelle qu'universelle et ordinaire. Au début, dans la première partie de son énoncé, le Christ parle d'une compréhension : « Tous ne peuvent pas le comprendre mais seulement ceux à qui cela a été accordé. » (Mt 19,11) Il ne s'agit pas d'une « compréhension » dans l'abstrait mais plutôt d'une compréhension qui influe sur la décision, sur le choix personnel où le « don » c'est-à-dire la grâce, doit trouver une résonance adéquate dans la volonté humaine. Cette « compréhension » implique donc la motivation. Ensuite, la motivation influe sur le choix de la continence qui est acceptée après qu'on en ait compris la signification « pour le royaume des cieux ». Dans la seconde partie de son énoncé, le Christ déclare donc que l'homme « devient eunuque » quand il choisit la continence à cause du royaume des cieux et qu'il en fait la situation fondamentale ou l'état de toute sa vie terrestre. Dans une décision si ferme subsiste la motivation surnaturelle qui a été à la source de la décision elle-même. Je dirais qu'elle subsiste en se renouvelant continuellement.

5. Nous avons déjà attiré précédemment l'attention sur la signification particulière de la dernière affirmation. Si le Christ, dans le cas cité, parle de l'action de « devenir eunuque », il met non seulement en relief le poids spécifique de cette décision qui s'explique par la motivation née d'une foi profonde, mais il ne cherche pas non plus à cacher le tourmentqu'une telle décision et ses conséquences durables peuvent avoir pour l'homme, pour les inclinations normales (et par ailleurs nobles) de sa nature.

Le rappel de l' « origine » dans le problème du mariage nous a permis de découvrir toute la beauté originelle de cette vocation de l'être humain, homme et femme : vocation qui vient de Dieu et qui correspond à la double constitution de l'homme ainsi qu'à l'appel à la « communion des personnes ». En prêchant la continence à cause du royaume de Dieu, non seulement le Christ se prononce contre toute la tradition de l'Ancienne Alliance selon laquelle le mariage et la procréation étaient, comme nous l'avons dit, religieusement privilégiés, mais il se prononce aussi, dans un certain sens, en contraste avec cette « origine » à laquelle il s'est lui-même référé et peut-être aussi, par cela, nuance ses propres paroles avec cette « règle particulière de compréhension » à laquelle nous avons fait allusion ci-dessus. L'analyse de l' « origine » (spécialement sur la base du texte yahviste) avait, en effet, démontré que, bien qu'il soit possible de concevoir l'homme comme solitaire en face de Dieu, cependant Dieu lui-même l'a tiré de cette « solitude » lorsqu'il a dit : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Je veux lui faire une aide qui lui soit semblable. » (Gn 2,18)


6. Ainsi donc, la double caractéristique homme-femme qui est propre de la constitution même de l'humanité et l'unité des deux qui se base sur elle, demeurent « depuis l'origine » l'oeuvre de Dieu, c'est-à-dire jusque dans leur profondeur ontologique même. Et le Christ, en parlant de la continence « à cause du royaume des cieux » a cette réalité devant lui. Ce n'est pas sans raison qu'il en parle (selon Matthieu) dans le contexte le plus immédiat où il se réfère précisément à l' « origine », c'est-à-dire au principe divin du mariage dans la constitution même de l'homme.

Sur la base des paroles du Christ, on peut affirmer que non seulement le mariage nous aide à comprendre la continence à cause du royaume des cieux, mais que la continence elle-même jette une lumière particulière sur le mariage vu dans le mystère de la création et de la rédemption.



Aux fidèles de langue française

Chers Frères et Ssurs,

Poursuivant notre méditation sur la continence choisie consciemment pour des motifs surnaturels, nous découvrons que le Christ lui accorde une valeur particulière et exceptionnelle, dans le même temps où il reconnaît au mariage une valeur fondamentale et universelle. Ce choix requiert une motivation subjective correspondant à son objet: “Le règne des cieux”, c’est-à-dire une foi capable de rendre compte de la vérité et de la réalité présentes de ce règne. Nous en voyons l’exemple en ce que le Christ a fait ce choix de la continence pour lui-même. Cela implique une participation au mystère de la rédemption du corps. Une telle décision naît d’une compréhension propre, qui n’est pas donnée à tous. La motivation surnaturelle ainsi mise en lumière, subsiste de façon permanente dans cette décision. Nous pouvons affirmer que la chasteté pour le Royaume éclaire le mariage, et celui-ci jette une lumière sur elle.

Aux représentants de l'Association "Magnificat"

Je salue cordialement tous les pèlerins présents à cette audience, et particulièrement ceux de l’Association “Magnificat” que j’encourage à travailler en confiance avec l’ensemble des Pasteurs de l’Eglise et à contribuer, pour leur part et en union avec les efforts des autres associations catholiques, au respect de la vie humaine à tous ses stades, et notamment à l’accueil de l’enfant.

Aux jeunes de la paroisse Saint-Léon de Paris

Je salue Aussi les très nombreux jeunes de la paroisse Saint-Léon de Paris, et tous les autres jeunes: je vous souhaite, chers amis, de découvrir ici, non seulement les vestiges d’une grande histoire, mais le secret de la force des martyrs, de la vitalité des saints, de l’élan missionnaire et de l’unité de l’Eglise; je vous invite surtout à vous préparer chacun, en profondeur, au renouveau pascal.

Aux personnes âgées du Québec

Enfin, je souhaite la bienvenue à toutes les personnes âgées venues du Québec en pèlerinage à Rome: puissiez-vous, non seulement connaître une retraite sereine, mais aussi la joie de découvrir encore les richesses spirituelles et artistiques de l’Eglise et de participer, à votre façon, à son apostolat.

A tous j’exprime mes vœux de sainte fête de Pâques, et je vous bénis de tout cœur.



Continence et mariage - 7 avril 1982

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(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 8 avril. Traduction et titre de la DC.

CHERS FRÈRES ET SOEURS !

La rencontre d'aujourd'hui tombe au cours de la « Semaine sainte » c'est-à-dire dans cette période centrale de l'année liturgique qui nous fait revivre les épisodes si importants et si fondamentaux de la rédemption opérée par le Christ : la dernière Cène où Jésus a institué le sacrement de l'eucharistie, anticipant mystiquement et transmettant par l'intermédiaire du sacerdoce le sacrifice de la croix, la passion de Jésus, en commençant par l'agonie à Gethsémanie jusqu'à la cruelle crucifixion et la mort de Pâques.

Ce sont des jours émouvants et touchants, des sommets d'une atmosphère spéciale que tous les chrétiens ressentent et connaissent. Ils doivent donc être des jours de silence intérieur, d'une prière plus intense et de méditation particulière sur les événements suprêmes de l'histoire qui marquent la rédemption de l'humanité et qui donnent la véritable signification à notre existence.

Je vous exhorte donc à vivre intimement ces jours saints avec un grand amour et à participer aux offices liturgiques pour pénétrer toujours plus profondément le contenu de la foi et pour en rapporter des résolutions d'authentique désir de cohérence et de vie chrétienne. Parcourons avec la Très Sainte Vierge la route de la passion du Christ en regardant la tragédie du Vendredi Saint à la lumière de la Pâque victorieuse pour apprendre que toute souffrance doit être acceptée et interprétée dans la perspective de la résurrection glorieuse et, surtout, pour rencontrer le Christ qui nous a aimés et s'est livré pour nous (cf.
Ga 2,20).

1. Avec le regard tourné vers le Christ rédempteur, continuons maintenant nos réflexions sur le célibat et sur la virginité « à cause du royaume des cieux » selon les paroles rapportées dans l'Évangile de Matthieu (Mt 19,10-12).

En proclamant la continence « à cause du royaume des cieux », le Christ accepte pleinement tout ce qui a été accompli et institué par le Créateur depuis l'origine. Par conséquent, cette continence doit, d'une part, démontrer que l'être humain, dans sa plus profonde constitution, est non seulement « double », mais aussi (dans son double caractère) « seul » en face de Dieu. Cependant, ce qui, d'autre part, dans l'appel à la continence à cause du royaume des cieux, est une invitation à la solitude pour Dieu, respecte en même temps aussi bien « le double caractère de l'humanité » (c'est-à-dire sa masculinité et sa féminité) que cette dimension de communion de l'existence qui est le propre de la personne. Celui qui, conformément aux paroles du Christ, « comprend » de manière adéquate l'appel à la continence pour le royaume de Dieu et le suit, conserve ainsi la vérité intégrale de sa propre humanité, sans perdre, chemin faisant, aucun des éléments essentiels de la vocation de la personne créée « à l'image et à la ressemblance de Dieu ». Ceci est important pour l'idée même ou plutôt pour l'idée de la continence, c'est-à-dire pour son contenu objectif qui apparaît dans l'enseignement du Christ comme une nouveauté radicale. C'est également important pour la réalisation de cet idéal pour que la décision concrète prise par l'homme de vivre dans le célibat ou dans la virginité à cause du royaume des cieux (par celui qui « devient » eunuque, pour reprendre les paroles du Christ), soit pleinement authentique dans sa motivation.

2. Du contexte de l'Évangile de Matthieu (Mt 19,10-12), il résulte de manière suffisamment claire qu'il ne s'agit pas ici de diminuer la valeur du mariage au profit de la continence ni d'estomper une valeur par une autre. Il s'agit, au contraire, de « sortir » avec une pleine conscience de ce qui, dans l'homme, par la volonté du Créateur lui-même, porte au mariage et d'aller vers la continence qui se révèle à l'être humain concret, l'homme et la femme, comme un appel et un don d'une particulière éloquence et d'une signification particulière « pour le royaume des cieux ». Les paroles du Christ (Mt 19,11-12) partent de tout le réalisme de la situation de l'être humain et le conduisent au-dehors avec le même réalisme, vers l'appel où, d'une manière nouvelle, tout en demeurant par sa nature un être « double » (c'est-à-dire dirigé comme homme vers la femme et comme femme, vers l'homme), il est capable de découvrir, dans cette solitude qui est la sienne, qu'il ne cesse d'avoir une dimension personnelle du double caractère de chacun, une forme nouvelle et même plus totale encore de communion intersubjective avec les autres. Cette orientation de l'appel explique de manière explicite l'expression « à cause du royaume des cieux ». En effet, la réalisation de ce royaume doit se trouver dans le cadre du développement authentique de l'image et de la ressemblance de Dieu, dans sa signification trinitaire, c'est-a-dire précisément dans sa signification « de communion ». En choisissant la continence à cause du royaume des cieux, l'homme a la conscience de pouvoir, de cette manière, se réaliser lui-même autrement et, dans un certain sens, davantage que dans le mariage, en devenant « don sincère pour les autres ». (Gaudium et spes, GS 24)

3. À travers les paroles rapportées par Matthieu (Mt 19,11-12), le Christ fait comprendre clairement que ce fait d' « aller » vers la continence à cause du royaume des cieux est lié à un renoncement volontaire au mariage, c'est-à-dire à l'état où l'homme et la femme (selon la signification que le Créateur a donné « à l'origine » à leur unité) deviennent don réciproque à travers leur masculinité et leur féminité et même à travers l'union corporelle. La continence signifie un renoncement conscient et volontaire à une telle union et à tout ce qui lui est lié dans la vaste dimension de la vie et de la convivence humaine. L'homme qui renonce au mariage renonce également à la procréation comme fondement de la communauté familiale composée des parents et des enfants. Les paroles du Christ auxquelles nous nous référons, montrent sans aucun doute ce domaine de renoncement bien qu'elles ne s'arrêtent pas aux aspects particuliers. La manière dont ces paroles ont été prononcées, permet de supposer que le Christ comprenait l'importance de ce renoncement et qu'il la comprenait non seulement par rapport aux opinions en vigueur sur ce sujet dans la société israélite de l'époque. Il comprend aussi l'importance de ce renoncement par rapport au bien que constituent le mariage et la famille en eux-mêmes en raison de leur institution divine. C'est pourquoi, par la manière de prononcer les paroles en question, il fait comprendre que cette sortie du cercle du bien auquel lui-même appelle « à cause du royaume des cieux », est lié à un certain sacrifice du mariage et de la famille. Cette sortie devient même le début de renoncements successifs et de sacrifices volontaires de soi qui sont indispensables si le choix premier et fondamental doit être cohérent dans la dimension de toute la vie terrestre. C'est seulement grâce à cette cohérence que ce choix est intérieurement raisonnable et non contradictoire.

4. De cette manière, dans l'appel à la continence tel qu'il a été prononcé par le Christ — de manière concise et en même temps avec une grande précision — se dessinent le profil et en même temps le dynamisme du mystère de la rédemption, comme il a été déjà dit précédemment. C'est sous le même profil que Jésus, dans le Discours sur la montagne, a prononcé les paroles au sujet de la nécessité de veiller à la concupiscence du corps, au désir qui commence par le regard » et qui devient déjà en ce moment un « adultère dans le coeur ». Derrière les paroles de Matthieu, aussi bien dans le chapitre 19 (Mt 19,11-12) que dans le chapitre 5 (Mt 5,27-28), se trouve la même anthropologie et le même éthos. Dans l'invitation à la continence volontaire à cause du royaume des cieux, les perspectives de cet éthos se trouvent amplifiées. À l'horizon des paroles du discours sur la montagne on trouve l'anthropologie de l'homme « historique ». À l'horizon des paroles sur la continence volontaire, la même anthropologie demeure essentiellement mais elle est éclairée par la perspective du « royaume des cieux », ou, pour un temps, par la future anthropologie de la résurrection. Néanmoins, sur les voies de cette continence volontaire au cours de la vie terrestre, l'anthropologie de la résurrection ne remplace pas l'anthropologie de l'homme « historique ». C'est précisément cet homme, en tous les cas cet homme « historique » chez qui demeure pour un temps l'héritage de la triple concupiscence, l'héritage du péché et, en même temps, l'héritage de la rédemption, qui doit prendre la décision au sujet de la continence « à cause du royaume des cieux » : cette décision, il doit la réaliser, en soumettant le caractère pécheur de son humanité aux forces qui jaillissent du mystère de la rédemption du corps. Il doit le faire comme tout autre homme qui ne prend pas une décision semblable et dont la voie demeure le mariage. Le genre de responsabilité à l'égard du bien choisi est seulement différent comme est différent le genre même du bien choisi.

5. Dans son énoncé, le Christ met-il en relief la supériorité de la continence à cause du royaume des cieux sur le mariage ? Il dit certainement que cette vocation est une vocation « exceptionnelle », non « ordinaire ». Il affirme en outre qu'elle est particulièrement importante et nécessaire pour le royaume des cieux. Si nous entendons la supériorité sur le mariage dans ce sens, nous devons admettre que le Christ l'ajoute implicitement et qu'il ne l'exprime pas directement. Seul Paul dira de ceux qui choisissent le mariage qu'ils font « bien », et, de ceux qui sont disposés à vivre dans la continence volontaire, qu'ils font « mieux » (cf. 1Co 7,38).

6. Telle est aussi l'opinion de toute la tradition aussi bien doctrinale que pastorale. Cette « supériorité » de la continence sur le mariage ne signifie jamais, dans la tradition authentique de l'Église, une dévaluation du mariage ou une diminution de sa valeur essentielle. Elle ne signifie pas non plus un glissement, même implicite, sur des positions manichéennes, ou un soutien à des modes d'évaluer ou de travailler qui se fonderaient sur la compréhension manichéenne du corps et du sexe, du mariage et de la procréation. La supériorité évangélique et authentiquement chrétienne de la virginité, de la continence, est par conséquent dictée par la cause du royaume des cieux. Dans les paroles du Christ qui sont rapportées par Matthieu (Mt 19,11-12), nous trouvons une base solide pour admettre seulement une telle supériorité. Nous ne trouvons pas au contraire une base pour une dépréciation quelconque du mariage qui aurait pu être présente dans la reconnaissance de cette supériorité.

Dans notre prochaine réflexion, nous reviendrons sur ce problème.



Aux fidèles de langue française

Chers Frères et Sœurs,

Aujourd'hui, j’ai poursuivi en italien, ma réflexion sur le célibat et sur la virginité choisis pour le Royaume des cieux. Selon les paroles de Jésus, il s’agit d’une vocation non habituelle, mais particulièrement importante et même nécessaire pour ce Royaume des cieux. En ce sens la Tradition authentique de l’Eglise, après saint Paul, a pu parler d’une certaine supériorité de la continence sur le mariage, mais sans jamais pour autant déprécier le mariage, le corps et la génération. Cette vocation à la continence totale honore à sa façon les éléments essentiels de la personne créée à l’image de Dieu: elle montre que l’être humain a non seulement une double manière de se réaliser comme homme ou comme femme, mais qu’il est seul devant Dieu et avec Dieu, et en même temps appelé à la communion des personnes. Cela comporte un renoncement conscient et volontaire au bien que représentent le mariage, la procréation, la vie de famille; et donc un sacrifice. Ainsi apparaît en pleine lumière le dynamisme de la rédemption, et aussi la perspective du Royaume des cieux, anticipant l’état de la résurrection.

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Je salue tous les groupes et pèlerins de langue française. J’ai noté, parmi les groupes les plus nombreux, les participants de “la marche de l’Europe”, qui témoignent à leur façon du besoin d’une plus grande solidarité entre les peuples européens; les fonctionnaires de l’Administration publique du Danemark, auxquels j’offre mes vœux cordiaux pour leur pays; les professeurs et étudiants de la province belge du Limbourg; la chorale Don Orione qui vient à vous de Bonoua, en Côte d’Ivoire. Je pense aussi à tous les autres pèlerins de France, de Belgique, du Canada, prêtres, religieux, religieuses, laïcs, familles, groupes de jeunes. A tous, je souhaite de bien célébrer cette Semaine sainte à Rome, d’y méditer la mort et la résurrection du Christ avec leurs frères et sœurs du monde entier, d’obtenir pour vous, pour l’Eglise, le renouveau du cœur, le pardon des péchés, la paix, la lumière, qui sont les grâces de Pâques. Avec mon affectueuse Bénédiction Apostolique.





Catéchèses S. J-Paul II 2432