Catéchèses S. J-Paul II 50582

La continence et l’éthos de la vie conjugale - 5 mai 1982

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(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 6 mai. Traduction et titre de la DC.


1. Dans sa réponse aux questions des pharisiens sur le mariage et son indissolubilité, le Christ s'est référé à l'« origine » c'est-à-dire à son institution originelle par le Créateur. Comme ses interlocuteurs avaient cité la loi de Moïse qui prévoyait la possibilité de ce que l'on appelle « l'acte de répudiation », il leur a répondu : « C'est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a permis de répudier vos épouses, mais il n'en était pas ainsi à l'origine. » (
Mt 19,8)

Après l'entretien avec les pharisiens, les disciples se sont adressés au Christ avec les paroles suivantes : « Si telle est la condition de l'homme envers sa femme, il n'y a pas intérêt à se marier. » Il leur répondit : « Tous ne comprennent pas ce langage, mais seulement ceux à qui c'est donné. En effet, il y a des eunuques qui sont nés ainsi du sein maternel ; il y a des eunuques qui ont été rendus tels par les hommes ; et il y en a qui se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du royaume des cieux. Comprenne qui peut comprendre. » (Mt 19,10-13)

2. Les paroles du Christ font indubitablement allusion à un renoncement conscient et volontaire au mariage. Ce renoncement n'est possible que lorsqu'on admet une conscience authentique de cette valeur qui est constituée par la disposition sponsale de la masculinité et de la féminité au mariage. Pour que l'homme puisse être pleinement conscient de ce qu'il choisit (la continence pour le royaume), il doit être aussi pleinement conscient de ce à quoi il renonce (il s'agit ici précisément de la conscience de la valeur, au sens « idéal » ; néanmoins cette conscience est tout à fait « réaliste »). Le Christ exige certainement, de cette manière, un choix réfléchi. La forme où se trouve exprimé l'appel à la continence pour le royaume des cieux le démontre sans aucun doute.

3. Mais un renoncement pleinement conscient à la valeur ci-dessus ne suffit pas. À la lumière des paroles du Christ ainsi qu'à la lumière de toute l'authentique tradition chrétienne, il est possible de déduire que ce renoncement est pour un temps une forme particulière d'affirmation de cette valeur dont la personne qui n'est pas mariée s'abstient de manière cohérente, en suivant le conseil évangélique. Cela peut sembler un paradoxe. Or, on sait que le paradoxe accompagne de nombreux énoncés évangéliques et souvent ceux qui sont les plus éloquents et les plus profonds. En acceptant une telle signification de l'appel à la continence, nous tirons une conclusion concrète, en soutenant que la réalisation de cet appel sert aussi — et de manière particulière — à la confirmation de la signification sponsale du corps humain dans sa masculinité et dans sa féminité. Le renoncement au mariage à cause du royaume de Dieu met en évidencc en même temps cette signification dans toute sa vérité intérieure et dans toute sa beauté personnelle. On peut dire que ce renoncement par les personnes, hommes et femmes, est indispensable dans un certain sens pour que la signification sponsa- le elle-même du corps soit plus facilement reconnue dans tout l'éthos de la vie humaine et surtout dans l'éthos de la vie conjugale et familiale.

4. Ainsi donc, bien que la continence « à cause du royaume des cieux » (la virginité, le célibat) oriente la vie des personnes qui la choisissent librement hors de la vie commune, de la vie conjugale et familiale, elle ne demeure cependant pas sans signification pour cette vie ; par son style, sa valeur et son authenticité évangélique. N'oublions pas que la clé unique pour comprendre la sacramentalité du mariage, c'est l'amour sponsal du Christ pour l'Église (cf. Ep 5,22-23), du Christ, fils de la Vierge, qui était lui-même vierge, c'est-à-dire « eunuque pour le royaume des cieux », au sens le plus parfait du terme. Il nous faudra reprendre ce sujet plus tard.

5. Il demeure encore un problème concret à la fin de ces réflexions : l'homme qui « a reçu » l'appel à la continence pour le royaume, de quelle manière cet appel se forme-t-il en lui sur la base de la conscience de la signification sponsa- le du corps dans sa masculinité et dans sa féminité et, en plus, comme fruit de cette conscience ? De quelle manière se forme-t-il ou plutôt se « transforme »-t-il ? Cette question est également importante, tant du point de vue de la théologie du corps que du point de vue du développement de la personnalité humaine, développement qui a, à la fois, un caractère personnaliste et charismatique. Si nous voulions répondre à cette question de manière exhaustive — dans la dimension de tous les aspects et de tous les problèmes concrets qu'elle contient — il faudrait faire une étude spéciale sur le rapport entre le mariage et la virginité et entre le mariage et le célibat. Mais cela dépasserait les limites des considérations présentes.

6. En demeurant dans le cadre des paroles du Christ selon Matthieu (Mt 19,11-12), il faut conclure nos réflexions en affirmant ce qui suit. Premièrement : si la continence « à cause du royaume des cieux » signifie incontestablement un renoncement, ce renoncement est en même temps une affirmation : celle qui découle de la découverte du « don », c'est-à-dire en même temps de la découverte d'une nouvelle perspective de la réalisation personnelle de soi « à travers un don sincère de soi » (GS 24). Cette découverte se trouve alors dans une profonde harmonie intérieure avec le sens de la signification sponsale du corps, liée « depuis l'origine » à la masculinité ou a la féminité de l'être humain comme sujet personnel. Deuxièmement : bien que la continence « à cause du royaume des cieux » s'identifie au renoncement au mariage — qui dans la vie d'un homme et d'une femme donne naissance à la famille —, on ne peut en aucune manière y voir une négation de la valeur essentielle du mariage. Au contraire, la continence sert même indirectement à mettre en reliefce qui, dans la vocation conjugale, est éternel et plus profondément personnel, ce qui, dans les dimensions de la temporalité (et en même temps dans la perspective de l' « autre monde ») correspond à la dignité du don personnel, lié à la signification sponsale du corps dans sa masculinité ou sa féminité.

7. De cette manière, l'appel du Christ à la continence « à cause du royaume des cieux », associé justement au rappel de la résurrection future (cf. Mt 21,24-30 Mc 12,18-27 Lc 20,27-40), a une signification capitale non seulement pour l'éthos et la spiritualité chrétienne, mais aussi pour l'anthropologie et pour toute la théologie du corps que nous découvrons à ses racines. Rappelons-nous que le Christ, en se référant à la résurrection du corps dans l' « autre monde », a dit, selon la version des trois Évangiles synoptiques : « Quand ils ressusciteront des morts ils ne prendront ni femme ni mari. » (Mc 12,25). Ces paroles, que nous avons déjà analysées auparavant, font partie de l'ensemble de nos considérations sur la théologie du corps et contribuent à sa construction.



Aux pèlerins de langue française

Chers Frères et Sœurs,

En langue italienne, j’ai exposé que le renoncement demandé à ceux qui choisissent la chasteté pour le Royaume suppose l’affirmation adulte de la valeur de ce à quoi on renonce. Cela met en évidence la signification nuptiale du corps dans sa masculinité ou sa féminité, dans sa vérité et sa beauté. Bien que voulu en vue du Royaume des Cieux, ce choix n’est pas sans résonnance pour ici-bas, en vertu de son authenticité, évangélique et du style de vie qu’il implique. Ce renoncement inclut en effet la découverte du don de soi et, d’autre part, sert indirectement à mettre en relief ce qui appartient à la vocation conjugale, à savoir la dignité du don personnel, liée à la signification nuptiale du corps. Ainsi la continence revêt-elle une importance capitale tant pour l’anthropologie que pour la théologie du corps.

* * *


Avec joie je salue les prêtres, les religieuses, les groupes d’élèves et les pèlerins des divers diocèses rassemblés ici, sans oublier les familles et ceux qui sont venus à titre individuel. A vous tous je souhaite un fructueux pèlerinage à Rome et je vous bénis de grand cœur avec tous ceux qui vous sont chers.



Le Pèlerinage à Fatima - 12 mai 1982

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(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 13 mai. Traduction et titre de la DC.

TRÈS CHERS FRÈRES ET SOEURS,

1. Soyez les bienvenus ! Je suis heureux de pouvoir vous rencontrer ce matin, avant d'entreprendre le pèlerinage à Fatima, au Portugal, où je compte arriver ce soir pour être dans ce sanctuaire demain, anniversaire de la première apparition de la Vierge en 1917 et anniversaire de l'événement, particulièrement significatif pour moi, qui a eu lieu sur cette place le 13 mai 1981.

Je vous salue tous cordialement et, tandis que j'invoque sur chacun de vous les dons de joie et de paix que le Christ ressuscité a apportés au monde, je vous invite à vous unir à moi dans la prière, pour obtenir de Dieu d'abondantes bénédictions sur ce voyage apostolique qui me conduira au milieu d'un peuple d'ancienne et profonde tradition catholique, qui a offert, au cours des siècles, tant d'expressions vivantes de civilisation et de sainteté.

Je vais à la rencontre des généreux fils du Portugal, poussé par le désir de leur témoigner mon estime et mon affection et, en même temps, de « leur communiquer quelques dons spirituels pour qu'ils en soient fortifiés » (cf.
Rm 1,11). Je vais, en particulier, comme pèlerin de fraternité et de paix, dans la terre que la Vierge a choisie pour lancer au monde son appel attristé à la prière, à la conversion et à la pénitence.

En effet, ce n'est pas seulement pour exprimer ma gratitude à la Vierge que je me rends en pèlerinage à Fatima. Je vais également dans ce lieu béni pour écouter de nouveau, au nom de l'Église tout entière, le message qui a résonné, il y a soixante-cinq ans, sur les lèvres de notre Mère commune, préoccupée par le destin de ses fils. Ce message se révèle aujourd'hui plus actuel et plus urgent que jamais. Comment ne pas se sentir, en effet, désorienté face aux débordements du sécularisme et de la passivité qui menacent si gravement les valeurs fondamentales de la norme morale chrétienne ?

Nous sommes accablés, en outre, par la triste vision de tant de frères et de soeurs qui, sur la terre, meurent de faim, de maladie, de la drogue ; nous sommes troublés de constater la fascination ténébreuse qu'exercent encore sur le coeur humain les différentes formes de violence, nous sommes en particulier bouleversés de devoir prendre acte de la facilité avec laquelle, encore aujourd'hui, on cède à l'illusion que de la guerre puisse naître une paix juste et durable. Quand les hommes arriveront-ils à comprendre qu'ils perdent leur dignité chaque fois que l'on ne fait pas ce qui est possible pour que la paix triomphe et règne entre les peuples et les nations ?

C'est avec ces pensées et avec ces angoisses dans le coeur que je m'agenouillerai aux pieds de Marie pour implorer son intercession maternelle et pour lui offrir en même temps, au nom de tous les fidèles de l'Église, la promesse de prière, de repentir, de réparation. J'ai confiance que ce voyage que je fais, arrivera à réveiller chez les croyants un sens renouvelé de responsabilité en conduisant chacun à s'interroger loyalement sur sa propre cohérence avec les valeurs de l'Évangile.

En vous donnant maintenant ma bénédiction, à vous qui êtes présents ici et à tous ceux qui vous sont chers, je vous exhorte tous à intensifier votre dévotion à Marie, spécialement durant ce mois de mai que la piété des fidèles a voulu lui consacrer.

Je vous exhorte à m'accompagner par vos prières.



Aux fidèles d'expression française

Ai fedeli di espressione francese

Chers Frères et Sœurs,

Avant d'entreprendre, aujourd’hui même, un voyage apostolique nouveau au Portugal, je tiens à vous saluer affectueusement. Je vous invite à m’accompagner par la prière lors de ce pèlerinage que je vais accomplir à Fatima. Je ne m’y rends pas seulement en souvenir de ce qui s’est passé ici même, voici un an. J’y vais surtout pour solliciter l’intercession de la Vierge Marie pour tous ceux qui souffrent de la guerre, de l’injustice, de la faim. A vous tous, va ma Bénédiction Apostolique!




Le voyage au Portugal - 19 mai 1982

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(1)Texte italien dans l'Osservatore Romano des 21-22 mai. Traduction, titres et notes de la DC.


1. Du 12 au 15 mai dernier, il m'a été donné, avec l'aide de Dieu, de faire le pèlerinage au Portugal, acceptant l'invitation qui m'avait été faite, il y a quelque temps, aussi bien par le président de la République et les autorités civiles que par l'épiscopat et l'Église de ce pays de grande tradition catholique.

Le but de ce pèlerinage était, avant tout, Fatima où je me sentais particulièrement appelé à la suite de l'attentat contre ma personne, le 13 mai de l'année dernière. J'ai déjà dit plusieurs fois que c'est seul à la miséricorde de Dieu et à la protection particulière de la Mère du Christ que je dois le salut de ma vie et la possibilité de poursuivre mon service sur le Siège de Pierre. En second lieu, ce pèlerinage, comme tous les autres, m'a permis de renforcer, par la visite à l'Église qui est au Portugal, ces liens d'unité par lesquels depuis l'origine, elle est unie à l'Église universelle à travers la communion avec l'Église de Rome : ces liens mêmes que j'ai trouvés très vifs et très cordiaux au cours de ma visite.

2. Le pèlerinage à Fatima était un besoin du coeur et, en même temps, une manifestation de la route que suit l'Église, à la fin de ce siècle, comme Peuple de Dieu lié à l'humanité tout entière, avec le sens d'une responsabilité particulière à l'égard du monde contemporain.

Le message venu de Fatima en 1917 et considéré à la lumière de l'enseignement de la foi contient en lui l'éternelle vérité de l'Évangile telle qu'elle est applicable en particulier aux besoins de notre époque.

L'invitation à la conversion et à la pénitence est la parole première et fondamentale de l'Évangile. Pour elle, il n'y a jamais prescription et, en notre siècle, elle prend des dimensions particulières du fait de la conscience croissante de la lutte, plus que jamais profonde, entre les forces du bien et du mal dans notre monde humain. Cette invitation est aussi le point central de la sollicitude de l'Église comme en témoignent les voix des pasteurs qui ont indiqué que « la réconciliation et la pénitence » étaient le sujet le plus actuel et qui ont décidé pour cela de le traiter lors de la prochaine session du Synode des évêques.

La menace des forces du mal provient en particulier des erreurs répandues précisément au cours de notre siècle, erreurs qui s'appuient sur la négation de Dieu et qui visent à détacher complètement l'humanité de lui en établissant la vie humaine sans Dieu et même contre Dieu. Au coeur même du message qui est venu de Fatima au début de notre siècle, se trouve une pénétrante mise en garde contre ces erreurs. Les paroles simples adressées à des enfants simples de la campagne sont pleines du sens de la grandeur et de la sainteté de Dieu et de l’ardent désir de la vénération et de l’amour dus à Dieu seul.

D’où également l’invitation à nous approcher de nouveau de cette Sainteté miséricordieuse par l’acte de consécration. Le coeur de la Mère du Christ, qui est plus proche de la source de cette Sainteté miséricordieuse, désire en rendre tous les coeurs plus proches : chaque homme et l’humanité tout entière, chaque nation et le monde entier.

3. Il est difficile de ne pas accueillir encore de nouveau cette grâce et cette invitation. Il y a quarante (2) et trente ans (3), le Pape Pie XII l’a fait. Paul VI s’est référe à l’acte de son prédécesseur, d’abord durant le Concile (4), ensuite durant son pèlerinage à Fatima en 1967 (5). En outre, dès le Concile, il a commencé à appeler Marie du titre de Mère de l'Église (6) et ce titre a également trouvé son expression dans la profession de foi (Credo) du Peuple de Dieu.

Le Concile a développé la conscience de l'Église, en se référant, dans la Constitution dogmatique Lumen gentium, à la Mère de Dieu comme Mère et figure de l’Eglise. Comme le même Concile a aussi développé la conscience de la responsabilité de l'Église à l’égard du monde, celle-ci tire une impulsion du terrain du magistère conciliaire, comme un nouveau besoin de manifester cette responsabilité dans l'acte de consécration à la Mère de Dieu.

Voilà, dans les lignes principales, les pensées qui ont guidé mon pèlerinage à Fatima et qui ont trouvé une expression, le 13 mai, aussi bien dans les paroles de l’homélie que dans l’acte final de consécration. J’ai cherché à faire tout ce qui pouvait être fait dans les circonstances concrètes pour mettre en évidence l'unité collégiale de l’Évêque de Rome avec tous ses frères dans le ministère et le service épiscopal du monde.

4. À l’occasion de ce pèlerinage à Fatima, j’ai visité aussi l’Église qui est sur la terre portugaise, à son point culminant. Là aussi, à Fatima, j’ai d’abord rencontré l’épiscopat du Portugal et ensuite les ecclésiastiques : les prêtres diocésains et les religieux, les religieuses et les Frères des différentes congrégations religieuses et enfin, les séminaristes et les novices. C’était l’endroit le mieux adapté pour que nos rencontres puissent atteindre la dimension du Portugal tout entier.

Dans la vie de l’Église et de la société, Fatima est cependant un phénomène relativement récent : dans l’ensemble, il appartient à notre siècle. L’Église et la nation ont, au contraire, un passe pluriséculaire qui remonte à l’époque romaine et à l’Église primitive. Ensuite, depuis plus de huit siècles, après la période de l’invasion barbare, elles ont un passé propre bien défini pour ce qui concerne l’identité historique.

Le christianisme apporté de Rome s’est enraciné profondément ici et a donné, au cours des siècles, de nombreux fruits pour ce qui est du témoignage de la foi et de l’amour chrétien. Les manifestations de ce témoignage sont toujours bien visibles dans tout le Portugal, dans la culture et dans les coutumes sociales de ce pays. Il est difficile de rappeler ici tous les témoignages et toutes les figures qui composent l’histoire de l’Église et de la nation du Portugal. Je nomme seulement saint Antoine, connu comme Antoine de Padoue, mais qui est né à Lisbonne et qui a été éduqué en terre portugaise. C’est précisément le 750e anniversaire de la mort de ce saint qui a été aussi l’une des raisons du pèlerinage à la terre qui a été sa patrie.

5. La grande et pluriséculaire activité missionnaire est un secteur particulier des fruits de l’Église qui est au Portugal. Cette activité allait de pair avec les voyages et les découvertes. Il suffit de rappeler que la langue portugaise est parlée non seulement au Brésil mais aussi dans quelques pays d’Afrique et d’Extrême-Orient : ce qui représente au total plus de 150 millions d’hommes alors que le nombre actuel des habitants du Portugal ne dépasse pas les 10 millions. La langue portugaise est parmi les plus « parlées » dans l’Église catholique.

6. Tous ces aspects du passé pluriséculaire et du riche présent, j’ai pu les méditer tout au long de l'itinéraire de ma visite au Portugal, après avoir terminé le pèlerinage à Fatima. La route m’a conduit surtout à Lisbonne, la ville la plus grande, siège du patriarcat et centre de la vie civile nationale et religieuse. Elle m’a ensuite conduit vers le sud-est de Lisbonne, puis vers le nord : Coimbra, Braga, Porto.

Chacune de ces étapes, où je me suis trouvé pour la première fois de ma vie, a mis devant mes yeux de nouveaux éléments de l’héritage de foi et de culture du Portugal et, en même temps, une nouvelle dimension de la vie contemporaine de l’Église et de la nation portugaises.

Presque chacun des lieux visités conserve un sanctuaire marial : ainsi Vila Viçosa, dans l’archidiocèse d’Ebora (Evora), a le sanctuaire de la Reine du Portugal ; Braga, dans le nord, a le merveilleux sanctuaire de Sameiro, situé sur une colline, où s’est déroulée la rencontre avec les époux, la ville de Porto ensuite (la deuxième ville après Lisbonne) qui s’appelle depuis des siècles la « Cité de la Vierge ». Enfin, tout le Portugal s’appelle « Terre de sainte Marie ». Comme on le voit à partir de tout cela, le terrain sur lequel Fatima a grandi en notre siècle a été préparé par des générations entières.

7. En me conformant au programme pastoral de l’épiscopat du Portugal, j’ai cherché, à l’occasion des principales rencontres, à aborder les sujets qui sont d’une particulière actualité dans la vie de l’Église et de la société. J’ai aussi cherché pour ces sujets un appui dans la divine parole et dans l’enseignement de l’Église, en particulier dans l’enseignement social.

À Lisbonne, devant une grande assemblée, j’ai abordé le problème de la jeunesse et des vocations (les participants les plus nombreux à la liturgie étaient précisément les jeunes de la capitale et de l’archidiocèse).

À Vila Viçosa, j’ai parlé du travail à la campagne à partir de la liturgie de la parole en considérant le caractère agricole de toute la région du Sud.

À Coimbra, l'inoubliable rencontre avec les professeurs de la plus ancienne université m'a donné l'occasion de m'adresser au monde de la science et de la culture au Portugal.

À Braga (sanctuaire de Sameiro), le thème était celui du mariage et de la famille dans le cadre de la liturgie eucharistique. À Porto enfin, le thème était celui du travail dans l'industrie et dans les autres professions.

8. Je conserve profondément dans le coeur toutes ces rencontres intenses avec mes frères et soeurs qui constituent la nation et l'Église en terre portugaise. Je remercie Dieu, par l'intercession de « sainte Marie », pour tout ce que l'on a fait pour préparer cette visite et pour tout ce qui, par la grâce de Dieu, est devenu son fruit.

Je remercie les hommes pour tant d'amour et de compréhension.

À tous, ma bénédiction reconnaissante.


(2) Le Pape fait allusion au radiomessage « Mais de uma vez » (Plus d’une fois) que Pie XII a adressé au peuple portugais le 31 octobre 1942 à l’occasion des solennités qui clôturaient l’année jubilaire marquant le 25e anniversaire des apparitions de Fatima.
(3) Lettre apostolique Sacro vergente anno aux peuples de Russie (DC, 1952, n° 1128,
Col 1032).
(4) DC, 1964, n° 1437, col. 1546.
(5) DC, 1967, n° 1495, col. 975-984.
(6) DC, 1964, n° 1437, col. 1543- 1545.



Aux groupes d'expression française

Chers Frères et Sœurs,

Le pèlerinage que je viens d’accomplir au Portugal m’a permis, à Fatima tout d’abord, de remercier la Vierge pour le salut que je lui dois. C’était également la manifestation du chemin suivi par l’Eglise en cette fin de siècle. L’appel à la pénitence et à la conversion invite à s’approcher de nouveau de la sainteté miséricordieuse de Marie, devant le danger que court l’humanité d’être séparée de Dieu et de s’opposer à lui. Consciente de sa responsabilité vis-à-vis du monde, l’Eglise se tourne vers Marie, Mère de l’Eglise et lui confie le genre humain.

J’ai pu également rendre visite à l’Eglise au Portugal, pays de saint Antoine, riche des racines profondes de son christianisme, de son activité missionnaire, et dont j’ai pu admirer la vitalité à travers les divers groupes que j’ai rencontrés.

A tous je dis mon salut affectueux et j’accorde ma Bénédiction Apostolique.




Le voyage en Grande-Bretagne et la lettre aux Argentins - 26 mai 1982

26582 (1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 28 mai. Traduction, titre, sous-titres et notes de la DC.

TRÈS CHERS FRÈRES ET SOEURS,

Je vous adresse avant tout ma cordiale salutation et je vous accueille avec affection à cette audience générale qui se place entre l'Ascension et la Pentecôte. La liturgie de ces jours nous rappelle les paroles par lesquelles le Christ a réconforté ses apôtres qu'il était sur le point de laisser en faisant les promesses suivantes : « Lorsque viendra le Paraclet que je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra lui-même témoignage de moi ; et à votre tour, vous me rendrez témoignage. » (
Jn 15,26 s.)

Très chers frères, si l'obligation de rendre témoignage au Christ concerne tous les fidèles, elle engage de manière particulière les successeurs des apôtres que sont les évêques et, parmi eux, le Pontife romain qui, en sa qualité de Successeur de Pierre, à une responsabilité directe à l'égard de toute l'Église. Mû par cette conscience, je me suis fait pèlerin à travers le monde au cours de ces années pour apporter aux différentes parties du troupeau du Christ le soutien dans les épreuves et l'encouragement à persévérer dans la courageuse adhésion aux valeurs éternelles de l'Évangile.

En relation avec ce programme, une visite pastorale aux Églises d'Angleterre, d'Écosse et du pays de Galles avait été, comme vous le savez, prévue et préparée depuis quelque temps. Les récents et douloureux événements du conflit dans l'Atlantique Sud ont mis en doute la réalisation de ce voyage que tant de chrétiens, non seulement catholiques mais aussi des autres confessions, attendent avec anxiété. À la suite de consultations approfondies avec les plus hauts responsables de ces Églises, j'ai décidé néanmoins de faire cette visite, mais en y apportant quelques modifications.

Cependant, parce que cette décision pouvait créer quelques surprises ou perplexité parmi les catholiques de l'Église argentine, qui ne sont pas moins chers et moins proches à mon coeur, j'ai éprouvé le besoin de leur expliquer les raisons qui m'ont amené à prendre cette décision, après une longue et douloureuse réflexion.

Dans ce but, j'ai adressé aux fils de cette chère nation une lettre dont je vous donne maintenant lecture.


Lettre aux chrétiens d'Argentine (2)


CHERS FILS ET FILLES DE LA NATION ARGENTINE

1. Je vous écris de ma propre main car je sens que je dois répéter le geste paternel de l'apôtre Paul envers ses fils en les soutenant dans la foi (cf. Col 4,18).

Je vous écris cette lettre, poussé par un sentiment d'affection et de sollicitude pour l'Église une et universelle, répandue sur toute la terre, dans toutes les nations et dans tous les peuples. Je vous écris parce que je juge nécessaire de vous donner un éclaircissement particulier à vous qui vivez sur la terre argentine. Les problèmes posés par mon voyage apostolique et pastoral en Angleterre, en Écosse et au pays de Galles, au moment de la Pentecôte de cette an- néee, exigent un tel éclaircissement.

Si, ces dernières semaines, ne s'étaient produits les tragiques événements qui ont leur point central dans la région méridionale de l'océan Atlantique et qui sont liés au conflit entre l'Argentine et la Grande-Bretagne, ce voyage n'aurait besoin d'aucune explication. De la même manière elle n'a été nécessaire pour aucun autre voyage accompli pour visiter les Églises qui se trouvent dans les divers pays et continents. Cependant, étant donné les douloureux événements actuels, je vous dois cet éclaircissement en sachant que vous voudrez bien l'accepter comme un témoignage loyal d'affection, au service évangélique du monde.

2. Le voyage du Pape aux Églises d'Angleterre, d'Écosse et du pays de Galles est programmé depuis deux ans et, depuis un an et demi, a donné lieu à une intense préparation qui se concrétise par une série d'actions de type pastoral. L'ardeur qui s'est manifestée pour mener à bien ces préparatifs est telle que je ne puis faire moins que de faire cette visite qui vient couronner des siècles de fidélité, de la part de ces catholiques, à l'Église et au Pape. D'autre part, malgré toutes mes insistances pour essayer de différer mon voyage, les évêques de Grande-Bretagne se sont montrés unanimes, et continuent de l'être, pour affirmer l'impossibilité absolue d'un tel ajournement qui, à leur avis, équivaudrait pratiquement à une annulation.

L'annulation du voyage serait une déception, non seulement pour les catholiques mais aussi pour de très nombreux non-catholiques qui le considèrent à juste titre comme exceptionnellement important, y compris pour sa signification oecuménique. Tout le monde sait bien que la visite du Pape a un caractère strictement pastoral et qu'elle n'est en aucun cas politique.

Un tel caractère strictement pastoral et oecuménique est si essentiel et prédominant que, étant donné les circonstances, les représentants du monde gouvernemental se sont spontanément retirés de tous les contacts déjà prévus, et qui ont normalement eu lieu en d'autres circonstances, au cours de visites semblables.

Le programme prévoit une rencontre avec les hauts représentants de la Communion anglicane et les représentants des autres communautés chrétiennes séparées de l'Église catholique.

Est aussi prévue une visite à la reine Elizabeth qui, comme on le sait, occupe également une place très particulière dans l'Église d'Angleterre.

3. En entreprenant ce voyage — malgré toutes les difficultés qui s'accumulent et l'âme chargée de douleur à cause des morts que provoque le conflit entre l'Argentine et la Grande-Bretagne — je nourris la ferme espérance que l'on trouvera rapidement et progressivement une solution honorable, par la voie d'une négociation pacifique. De mon côté, je n'ai cessé de m'efforcer, depuis le début, par tous les moyens à ma portée, de trouver une solution qui, en maintenant le caractère d'une décision juste et conforme au sentiment de l'honneur national, soit capable d'éviter aux deux parties, et peut-être aussi à d'autres sociétés, l'effusion du sang et d'autres effets terribles de la guerre. À cette intention, j'ai souvent prié, en particulier durant mon premier pèlerinage à Fatima, et tout spécialement à l'occasion de la messe que j'ai concélébrée le 22 mai à la basilique Saint-Pierre, avec les pasteurs de l'Église d'Argentine, d'Amérique latine et ceux des Églises d'Angleterre, d'Écos- se et du pays de Galles. Les phrases que j'ai prononcées, à une occasion aussi historique, restent vivantes dans les esprits, avec toutes leurs exigences : la paix est possible, la paix est un devoir impérieux.

Les jours que je passerai en Grande-Bretagne continueront d'être une incessante prière en faveur de la paix, en union avec celle du Peuple de Dieu qui porte gravées dans son coeur les paroles du Christ : « Heureux ceux qui font oeuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu. » (Mt 5,9)

4. Mais surtout, durant ces jours, mes pensées et mon affection seront aussi avec vous, fils bien aimés d'Argentine. Ma prédilection pour votre pays et pour toute l'Amérique latine, où j'ai déjà fait deux visites dont je conserve le vif souvenir dans mon coeur de pasteur universel, est bien connue. Et parmi mes projets se trouve une troisième visite, au début de l'année prochaine. Cependant, profondément préoccupé par la cause de la paix et animé par l'amour que j'ai pour vous, qui êtes si éprouvés en ces moments de douleur, je désirerais même me rendre directement d'Angleterre en Argentine, et là, parmi vous et avec vous, chers frères et soeurs, élever la même prière pour la victoire d'une juste paix sur la guerre. Je nourris l'espoir que vous vous unirez bientôt au Pape dans le sanctuaire de la Mère de Dieu à Lujan, en consacrant vos familles et votre patrie catholique au coeur maternel de la Mère de Dieu. Ce bref voyage ne signifierait pas que je renonce à une visite pastorale que je pourrais vous faire, en temps voulu, avec un programme approprié et après la préparation nécessaire.

5. Je vous demande, tout particulièrement à vous vénérables frères dans l'épiscopat, de bien faire apparaître devant votre société la véritable signification du voyage apostolique de l'Évêque de Rome, surtout si une telle signification a été présentée sous un faux jour, pour miner la crédibilité de son service universel. Soyez à la fois, même au milieu des justes exigences du patriotisme, les porte-parole de cette unité qui, dans le Christ et devant Dieu, Créateur et Père, embrasse tous les peuples et toutes les nations, au- delà de ce qui les distingue, les divise ou même les oppose réciproquement.

L'Église, tout en conservant l'amour pour chaque nation particulière, ne peut manquer de protéger l'unité universelle, la paix et la compréhension mutuelles. Ainsi, même au milieu des tensions politiques et des calamités que comporte la guerre, l'Église ne cesse de témoigner de l'unité de la grande famille humaine et cherche les voies qui manifestent une telle unité, au-delà des divisions tragiques. Ce sont les voies qui conduisent à la justice, à l'amour et à la paix.

Comme preuve de mon affectueux attachement, je vous envoie, avec l'assurance de mes prières, une bénédiction apostolique toute spéciale.

Voilà le texte de la lettre qu'un représentant personnel a apportée en Argentine (3).

Je vous demande à tous de vous unir à moi par la prière afin d'obtenir du Seigneur, par l'intercession de la Vierge Très Sainte, que les buts du voyage pastoral que je vais entreprendre soient correctement compris et généreusement exaucés de telle sorte qu'il puisse servir le bien spirituel des croyants et la cause même de la paix en Atlantique Sud.


Avant de conclure la rencontre avec les fidèles présents à l'audience, le Pape a ajouté :

Encore une information. Je reçois la nouvelle que mon désir de me rendre en Argentine a été accueilli avec gratitude et une vive satisfaction par les évêques et les autorités suprêmes de la nation et du peuple argentins. La date du départ pour ce voyage pastoral est prévue pour le 10 juin prochain.


(2) L'Osservatore Romano du même jour publie en espagnol le texte de cette lettre qui est datée du 25 mai.
(3) Il s'agit de Mgr Achille Silvestrini, secrétaire du Conseil pour les Affaires publiques de l'Église, qui est parti pour l'Argentine le 25 mai. À son arrivée, il a été accueilli par le ministre de l'Intérieur qui l'a accompagné à la Casa Rosada, siège du gouvernement, pour une rencontre avec le président Galtieri.



Aux pèlerins de langue française

Chers Frères et Sœurs,

“Vous aussi, vous me rendrez témoignage”, dit Jésus aux Apôtres en leur annonçant la venue de l’Esprit Saint. Cela vaut pour tous, mais en premier lieu pour le successeur de Pierre. Et c’est aussi la raison de mes voyages apostoliques. Malgré le douloureux conflit de l’Atlantique Sud, j’ai cru devoir maintenir la visite pastorale prévue depuis deux ans aux Eglises qui sont en Angleterre, Ecosse et Pays de Galles. Pour éviter toutefois que cela ne cause de l’étonnement chez les fidèles d’Argentine, j’ai tenu à leur adresser une lettre - dont je viens de lire le texte en italien - pour leur dire mon affection et leur expliquer les motifs du maintien de ce voyage, en particulier l’importance qu’il revêt du point de vue pastoral, afin de soutenir la foi des catholiques, et du point de vue œcuménique.

Je garde malgré tout le ferme espoir que l’on saura trouver rapidement une solution honorable au conflit qui oppose la Grande-Bretagne et l’Argentine. Je prie intensément pour cela et je continuerai à prier pendant mon séjour en Grande-Bretagne, sans pour autant oublier les Argentins auxquels j’envisage de rendre visite immédiatement après, afin d’implorer avec eux la Mère de Dieu au sanctuaire de Lujan.

Je compte notamment sur tous mes Frères dans l’épiscopat pour faire bien comprendre à leurs fidèles et à l’opinion publique le service et même le devoir qui incombent à l’Evêque de Rome de protéger l’unité universelle, la paix et la compréhension mutuelle, au-dessus de toutes les divisions et sans préjudice pour l’amour de l’Eglise envers chaque nation et les justes exigences du patriotisme. C’est là le meilleur chemin conduisant à la justice, à l’amour et à la paix.

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Je salue volontiers les délégués de l’Alliance Internationale du Tourisme, présents à Rome pour leur assemblée générale et représentant les Automobiles-Clubs de beaucoup de pays. Je forme des vœux pour l’aide que vous pouvez ainsi apporter aux touristes de plus en plus nombreux qui ont la possibilité d’utiliser leur voiture pour voyager à l’étranger, en vue de leur information précise, de la défense de leurs intérêts et de leur assistence, et, j’oserais dire, pour leur éducation au sens des responsabilités afin d’assurer le maximum de sécurité sur les routes, pour les encourager enfin à manifester ouverture, compréhension et estime des personnes et des valeurs des pays qui les accueillent.

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Et je salue aussi tous les pèlerins présents à cette audience, de France, du Canada, spécialement ceux qui sont venus célébrer les nouveaux bienheureux, et les groupes de religieuses, de jeunes, de personnes âgées. Préparez-vous bien à la Pentecôte, en invoquant l’Esprit Saint. Et priez aussi pour moi. De tout cœur, je vous bénis.




Catéchèses S. J-Paul II 50582