Catéchèses S. J-Paul II 11882

Le Christ, source et modèle des relations entre les conjoints - 11 août 1982

11882
(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 13 août. Traduction et titre de la DC.


1. Nous commençons aujourd'hui une analyse plus détaillée du passage de l'Épître aux Éphésiens
Ep 5,21-23. S'adressant aux époux, l'auteur leur recommande d'être « soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ » (Ep 5,21).

Il s'agit ici d'un rapport à double dimension ou à double degré : réciproque et communautaire. Ils se précisent et se caractérisent l'un l'autre. Les relations mutuelles du mari et de la femme doivent découler de leur rapport commun avec le Christ. L'auteur de l'Épître parle de « crainte du Christ » dans le même sens que lorsqu'il parle de « crainte de Dieu ». Dans ce cas, il ne s'agit nullement de crainte ou de peur, qui sont une attitude de défense face à la menace d'un mal, il s'agit surtout de respect pour la sainteté et pour le sacré ; il s'agit de la pietas qui, dans le langage de l'Ancien Testament, s'exprimait également par le terme « crainte de Dieu » (cf. par exemple Ps 103,11 Pr 1,7 Pr 23,17 Si 1,11-16). En effet, une telle pietas, issue de la profonde conscience du mystère du Christ, doit constituer la base des relations entre époux.

2. Comme son contexte immédiat, le thème que nous avons choisi a, lui aussi, un caractère « parénétique », c'est-à- dire d'instruction morale. L'auteur de l'Épître veut indiquer aux époux comment établir leurs relations réciproques et tout leur comportement. Il déduit ses propres indications et directives du mystère du Christ, présenté au début de l'Épître.

Ce mystère doit être spirituellement présent dans les rapports mutuels des époux. Pénétrant leurs coeurs, engendrant en eux cette sainte « crainte de Dieu » (c'est-à-dire précisément la pietas), le mystère du Christ doit les entraîner à être « soumis les uns aux autres » : le mystère du Christ, c'est-à-dire le mystère du choix, de toute éternité, de chacun d'eux pour être, dans le Christ, « enfants adoptifs » de Dieu.

3. L'expression qui ouvre notre passage d'Éphésiens Ep 5,21-23, dont nous nous sommes approchés grâce à l'analyse passée et immédiate, a une éloquence toute particulière. L'auteur parle de la soumission mutuelle des époux, mari et femme, et de cette manière il fait entendre comment comprendre les paroles qu'il écrira par la suite sur la soumission de la femme au mari. Nous lisons, en effet : « Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur. » (Ep 5,22.) En s'exprimant ainsi, l'auteur n'entend pas dire que le mari est le « patron » de la femme et que le pacte interpersonnel propre au mariage est un pacte de domination du mari sur la femme. Il exprime, au contraire, un autre concept : à savoir que la femme peut et doit trouver dans ses rapports avec le Christ — qui est pour l'un et l'autre des époux l'unique Seigneur — la motivation de ces rapports avec le mari qui découlent de l'essence même du mariage et de la famille. Ces rapports ne sont pas toutefois des rapports de soumission unilatérale. Selon la doctrine de l'Épître aux Éphésiens, le mariage exclut cet élément du pacte qui pesait et, parfois, ne cesse de peser sur cette institution. Le mari et la femme sont en effet « soumis l'un à l'autre », subordonnés l'un à l'autre. La source de cette réciproque soumission se trouve dans la pietas chrétienne, et son expression est l'amour.

4. L'auteur de l'Épître souligne cet amour de manière particulière en s'adressant aux maris. Il écrit en effet : « Et vous, maris, aimez vos femmes. » et, par cette manière de s'exprimer, il empêche toute crainte qu'aurait pu faire naître (vu la sensibilité contemporaine) la phrase précédente : « Que les femmes soient soumises aux maris. » L'amour exclut toute espèce de soumission qui ferait de la femme la servante ou l'esclave du mari, un objet de soumission unilatérale. L'amour fait que, en même temps, le mari est soumis lui aussi à sa femme et, en ceci, soumis au Seigneur lui-même, tout comme la femme au mari. La communauté ou unité qu'ils doivent constituer en raison de leur mariage se réalise dans un don réciproque qui est aussi une soumission réciproque. Le Christ est à la fois source et modèle de cette soumission qui, étant réciproque « dans la crainte du Seigneur », confère un caractère mûr et profond à l'union conjugale. De multiples facteurs de nature psychologique ou liés aux coutumes se trouvent, dans cette source et en présence de ce modèle, tellement transformés qu'ils font émerger, dirais-je, une nouvelle et précieuse « fusion » de comportements et des rapports bilatéraux.

5. L'auteur de l'Épître aux Éphésiens ne craint pas d'accueillir ces concepts qui étaient propres à la mentalité et aux moeurs de ce temps-là, il ne craint pas de parler de la soumission de la femme au mari ; il ne craint pas, ensuite (même dans le dernier verset du texte que nous avons cité), de recommander à la femme de « révérer son mari » (cf. Ep 5,33). En effet, il est certain que lorsque le mari et la femme seront soumis l'un à l'autre « dans la crainte du Christ », tout trouvera un juste équilibre, un équilibre tel qu'il corresponde à leur vocation chrétienne dans le mystère du Christ.

6. Notre sensibilité contemporaine est certainement différente, comme sont différentes la mentalité et les moeurs, de même que la situation sociale de la femme à l'égard de l'homme. Néanmoins, le principe parénétique fondamental que nous trouvons dans l'Épître aux Éphésiens reste le même et porte les mêmes fruits. La soumission réciproque « dans la crainte du Christ » — soumission née sur la base de la pietas chrétienne — constitue toujours cette profonde et solide structure portante de la communauté des conjoints où se réalise la vraie « communion des personnes ».

7. L'auteur du texte aux Éphésiens, qui a commencé son Épître par une magnifique vision du plan éternel de Dieu à l'égard de l'humanité, ne se limite pas à mettre en relief les aspects traditionnels des moeurs ou les aspects éthiques du mariage ; il déborde le cadre de l'enseignement et, en écrivant sur les relations réciproques des conjoints, il y découvre la dimension même du mystère du Christ dont il est l'annonciateur et l'Apôtre. « Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur, le mari, en effet est chef de sa femme, comme le Christ est chef de l'Église, lui le Sauveur du Corps ; or l'Église se soumet au Christ ; les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leurs maris. Et vous, maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Église et s'est livré pour elle. » (Ep 5,22-25.) De cette manière, l'enseignement propre à cette partie parénétique de l'Épître se trouve en un certain sens inséré dans la réalité même du mystère caché de toute éternité en Dieu et révélé à l'humanité en Jésus-Christ. Dans l'Épître aux Éphésiens, nous sommes témoins, dirais-je, d'une particulière rencontre de ce mystère avec l'essence même de la vocation au mariage. Comment faut-il entendre cette rencontre ?

8. Dans le texte de l'Épître aux Éphésiens, elle se présente avant tout comme une grande analogie. Nous y lisons : « Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur. » : Voilà le premier terme de l'analogie. « En effet, le mari est chef de sa femme comme le Christ est chef de l'Église. » voilà le second terme qui constitue l'explication et la motivation du premier. « De la même manière que l'Église est soumise au Christ, les femmes aussi sont soumises à leurs maris. » : les rapports du Christ avec l'Église présentés précédemment, sont maintenant exprimés en tant que rapports de l'Église avec le Christ, et le terme suivant de l'analogie est compris ici. Enfin : « Et vous, maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Église et s'est livré pour elle. » : voilà le dernier terme de l'analogie. La suite du texte de l'Épître développe la pensée fondamentale contenue dans le passage qui vient d'être cité ; et le texte entier de l'Épître aux Éphésiens, chapitre V (Ep 5,21-23), est intégralement imprégné de la même analogie ; c'est-à-dire que les relations réciproques entre époux, mari et femme, les chrétiens doivent les comprendre à l'image de la relation entre le Christ et l'Église.



Aux fidèles d'expression française

Chers Frères et Sœurs,

Je suis heureux de vous accueillir ici, prêtres, religieux, religieuses, laïcs, les parents, et particulièrement les jeunes qui sont très nombreux à cette audience. Je vous encourage à emplir vos yeux et vos cœurs de tout ce que vous découvrez de beau durant vos vacances, et à vous préparer à la grande fête de Notre-Dame, à son Assomption, dimanche prochain.

En continuant mon analyse de la Lettre aux Ephésiens, j’ai abordé aujourd’hui un point délicat de la vie familiale, qu’il importe de bien comprendre, car il concerne les attitudes quotidiennes des époux entre eux. L’Auteur dit: “Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ”, c’est-à-dire par respect pour le mystère du Christ que vous vivez d’une façon spéciale dans le mariage, par piété. S’il précise que les femmes doivent être soumises aux maris comme au Seigneur, ce n’est pas pour permettre une domination unilatérale du mari; car il s’agit d’une soumission réciproque qui trouve sa source dans la piété et qui s’exprime dans l’amour. La Lettre dit explicitement: “Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle”. Le mari et la femme sont soumis l’un à l’autre, étant soumis tous les deux au Seigneur. La famille qui vit cela trouvera le juste équilibre et réalisera la véritable communion des personnes, profonde et mûre. Elle assurera son bonheur, aura un rayonnement sur ses enfants et sur la société, et témoignera de la façon mystérieuse dont le Christ s’est donné à l’Eglise. Voilà mon souhait pour chacun de vos foyers, avec ma Bénédiction Apostolique.




Le mariage selon l’épître aux Éphésiens - 18 août 1982

18882
(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 20 août. Traduction et titre de la DC.



1. Analysant les divers éléments de l'Épître aux Éphé- siens, nous avons constaté, mercredi dernier, que les chrétiens doivent comprendre les rapports mutuels entre époux, entre mari et femme, comme l'image des rapports entre le Christ et l'Église.

Ces rapports sont une révélation et une réalisation dans le temps du mystère du salut, de l'élection d'amour « cachée » en Dieu de toute éternité. Dans cette révélation et réalisation, le mystère du salut comprend le trait particulier de l'amour sponsal dans les rapports du Christ avec l'Église ; c'est pourquoi, cela peut être exprimé de la manière la plus adéquate en recourant à l'analogie des rapports qui existent — qui doivent exister — entre mari et femme dans le mariage. Cette analogie éclaircit le mystère, au moins jusqu'à un certain point. Il semble même, selon l'auteur de l'Épître aux Éphésiens, que cette analogie soit complémentaire de celle de « Corps mystique » (cf.
Ep 1,22-23) quand nous cherchons à exprimer le mystère des rapports du Christ avec l'Église — et en remontant encore plus loin — le mystère de l'amour éternel de Dieu envers l'homme, envers l'humanité : le mystère qui s'exprime et se réalise dans le temps à travers les rapports du Christ avec son Église.

2. Si, comme il a été dit, cette analogie éclaire le mystère, elle est, à son tour, éclairée par ce mystère. Les rapports conjugaux qui unissent les époux, mari et femme, doivent — selon l'auteur de l'Épître aux Éphésiens — nous aider à comprendre l'amour qui unit le Christ à son Église, cet amour réciproque du Christ et de l'Église dans lequel se réalise l'éternel plan divin du salut de l'homme. Toutefois, la signification de l'analogie ne s'épuise pas ici. L'analogie utilisée dans l'Épître aux Éphésiens, en même temps qu'elle éclaire le mystère des rapports entre le Christ et l'Église, révèle aussi la vérité essentielle sur le mariage : c'est-à-dire que le mariage ne correspond à la vocation des chrétiens que s'il reflète l'amour que le Christ- Époux donne à l'Église, son Épouse, et que l'Église (à la ressemblance de l'épouse « soumise » qui donc s'est pleinement donnée) s'efforce de donner au Christ en retour le sien. C'est l'amour rédempteur, sauveur, l'amour avec lequel Dieu a, de toute éternité, aimé l'homme dans le Christ : « Car il nous a élus en lui, dès avant la création du monde pour être saints et immaculés en sa présence. » (Ep 1,4)

3. Le mariage ne correspond à la vocation des chrétiens en tant qu'époux que si cet amour, précisément, se reflète et se réalise. Ceci devient clair si nous essayons de relire l'analogie paulinienne en sens inverse, c'est-à-dire en partant des relations du Christ avec l'Église et en nous tournant ensuite vers les relations du mari et de la femme dans le mariage. L'auteur du texte use d'un ton d'exhortation : « Que les femmes soient soumises aux maris. Comme l'Église est soumise au Christ. » Et d'autre part : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Église ». Ces expressions démontrent qu'il s'agit d'une obligation morale. Toutefois pour pouvoir recommander de telles obligations, il est nécessaire d'admettre que, dans l'essence même du mariage, il y a une parcelle du même mystère. Autrement, toute cette analogie serait suspendue dans le vide. L'invitation que l'auteur de l'Épître aux Éphésiens adresse aux époux afin qu'ils modèlent leurs mutuelles relations sur les relations du Christ avec l'Église (« comme, ainsi ») serait privée de base réelle comme si le sol venait à lui manquer sous les pieds. Telle est la logique de l'analogie utilisée dans le texte cité de l'Épître aux Éphésiens.

4. Comme on le voit, cette analogie va dans deux directions. Si elle permet d'une part de mieux saisir l'essence des rapports du Christ avec l'Église, elle nous permet aussi, d'autre part, de pénétrer plus profondément l'essence du mariage auquel sont appelés les chrétiens. Elle manifeste en un certain sens la manière dont ce mariage, dans son essence la plus profonde, émerge du mystère de l'amour de Dieu envers l'homme et l'humanité : de ce mystère salvifique qui s'accomplit dans le temps au moyen de l'amour sponsal du Christ pour l'Église. Partant des paroles de l'Épître aux Éphésiens (Ep 5,22-23), nous pourrons ensuite développer en deux directions la pensée contenue dans la grande analogie paulinienne : aussi bien en direction d'une compréhension plus profonde de l'Église qu'en direction d'une compréhension plus profonde du mariage. Dans nos considérations, nous suivrons surtout cette seconde direction, conscients du fait qu'à la base de la compréhension du mariage dans son essence il y a les relations sponsales du Christ avec l'Église. Ces relations doivent être analysées encore plus soigneusement pour pouvoir établir — en supposant l'analogie avec le mariage — de quelle manière elles deviennent signe visible de l'éternel mystère divin, à l'image de l'Église unie au Christ. De cette manière, l'Épitre aux Éphésiens nous conduit à la base même de la sacramentalité du mariage.

5. Nous allons donc entreprendre une analyse détaillée du texte. Quand nous lisons dans l'Épître aux Éphésiens que « le mari est chef de sa femme, comme le Christ est chef de l'Église, lui le Sauveur du Corps » (Ep 5,23), nous pouvons supposer que l'auteur qui avait déjà expliqué précédemment que la soumission de la femme au mari, comme chef, doit se comprendre comme soumission réciproque « dans la crainte du Seigneur », remonte au concept enraciné dans la mentalité de son époque pour exprimer avant tout la vérite sur les relations du Christ avec l'Église, c'est-à-dire que le Christ est le chef de l'Église. Il est chef comme « sauveur de son corps ». L'Église est, en effet, ce corps qui — étant soumis en tout au Christ en tant que chef — reçoit de celui-ci tout ce qui fait qu'elle devient et est son corps : c'est-à-dire la plénitude du salut comme don du Christ qui « s'est donné lui-même pour elle » jusqu'à la fin. Ce don de soi que le Christ a fait au Père en lui obéissant jusqu'à la mort sur la croix acquiert ici un sens strictement ecclésiologique : « Le Christ a aimé l'Église et s'est donné lui-même pour elle » (Ep 5,25). En se donnant totalement par amour, il a formé l'Église comme son corps et il ne cesse de l'édifier en devenant son chef. Comme chef il est sauveur de son corps et, en même temps, ce sauveur est le chef. Comme chef et sauveur de l'Église, il est également l'époux de son épouse.

6. L'Église est elle-même dans la mesure où, comme corps, elle accepte du Christ, son chef, tout le don du salut comme fruit de l'amour du Christ et de son don à l'Église : fruit du don du Christ jusqu'à la fin. Ce don de soi fait au Père en obéissant jusqu'à la mort (cf. Ph 2,8) est en même temps, suivant l'Épître aux Éphésiens, « un don de soi pour l'Église ». Dans cette expression, l'amour rédempteur se transforme, dirais-je, en amour sponsal : le Christ, en se donnant lui-même pour l'Église par cet acte rédempteur même, s'est uni à elle une fois pour toutes, comme l'époux à son épouse, comme le mari à sa femme, se donnant par tout ce qui contient une fois pour toutes ce « don de soi-même » pour l'Église. De cette manière, le mystère de la rédemption du corps cache en lui, en un certain sens, le mystère des « noces de l'Agneau » (Cf. Ap 19,7). Puisque le Christ est chef du corps, tout le don salvifique de la rédemption pénètre l'Église comme corps de ce chef et forme continuellement la substance essentielle et la plus profonde de sa vie. Et il la forme de manière sponsale, étant donné que dans le texte cité, l'analogie du corps-chef passe dans l'analogie de l'époux- épouse ou plutôt du mari-femme. Les passages suivants du texte le démontrent. Il conviendra d'y revenir par la suite.



Aux fidèles de langue française

Chers Frères et Sœurs,

Je suis heureux de vous accueillir ici: prêtres, religieux, religieuses, laïcs, pères et mères de famille, enfants et jeunes de nombreux pays. Vous faites l’expérience d’un rassemblement “catholique”, au sens d’universel. Je vous souhaite de mieux découvrir le mystère de l’Eglise, et, par elle, les réalités de la foi chrétienne.

Aujourd’hui, j’ai poursuivi en italien une réflexion amorcée depuis plusieurs mercredis sur les rapports familiaux, d’après la Lettre aux Ephésiens. On y lit: “Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ. Que les femmes le soient à leurs maris, comme au Seigneur . . . et maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle”. En somme, l’analogie du mariage éclaire le mystère de l’amour éternel de Dieu envers l’humanité; et notamment l’amour du Christ. Le Christ s’est donné à son Père jusqu’à l’obéissance extrême; et par là, il a formé l’Eglise, comme son corps; il l’édifie continuellement, en alimentant sa vie comme son Chef. Il est son Chef parce qu’il est son Sauveur, et un Sauveur qui, à la manière d’un Epoux, s’est uni une fois pour toutes à l’Eglise, par amour. Réciproquement, le mystère du Christ, ayant un rapport réel avec le mariage, éclaire beaucoup sa vérité essentielle, sa sacramentalité. Cela suppose que les époux chrétiens vivent vraiment un amour analogue, comme soumission réciproque et don de soi.

Après ces souhaits pour les époux, je salue de façon particulière les Sœurs de la Société du Sacré Cœur de Jésus, bien connues à Rome comme leur fondatrice, sainte Madeleine Sophie Barat; ainsi que les Sœurs Marianistes, Filles de Marie Immaculée, d’Agen. L’une et l’autre congrégation viennent d’avoir leur chapitre général. Aux nouvelles responsables, à toutes leurs Sœurs, j’offre mes vœux pour une vie religieuse toujours plus profonde, à l’école du Cœur de Jésus, du Cœur de Marie, et pour leur service apostolique, notamment leur engagement éducatif et missionnaire.

J’ai également plaisir à saluer les nombreux membres de l’Union Sainte-Cécile du diocèse de Strasbourg qui fête son centenaire, accompagnés de l’Evêque Coadjuteur. Chers amis d’Alsace, continuez à exprimer à pleine voix et avec art la louange de Dieu et les joies des hommes; vous contribuez, pour une part, à élever le monde, à unir les hommes.

De tout cœur, je donne à tous les pèlerins de langue française ma Bénédiction Apostolique.




L’analogie entre l’union du Christ et de l’Église et le mariage - 25 août 1982

25882
(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 27 août 1982. Traduction et titre de la DC.



1. Dans nos précédentes considérations au sujet du chapitre V de l'Épître aux Éphésiens (
Ep 5,21-33), nous avons attiré particulièrement l'attention sur l'analogie de la relation qui existe entre le Christ et l'Église et de celle qui existe entre l'époux et l'épouse, c'est-à-dire entre le mari et la femme unis par les liens du mariage. Avant d'aborder l'analyse des passages suivants du texte en question, nous devons prendre conscience du fait que, dans le cadre de l'analogie paulinienne fondamentale, Christ et Église d'une part, homme et femme en tant qu'époux d'autre part, il y a aussi une analogie supplémentaire : l'analogie de la Tête et du Corps. Et c'est précisément cette analogie qui confère une signification principalement ecclésiologique à l'énoncé que nous avons analysé : l'Église est, comme telle, formée par le Christ ; elle est constituée par lui dans sa partie essentielle, comme le corps par la tête. L'union du corps avec la tête est surtout de nature organique ; elle est, en termes simples, l'union somatique de l'organisme humain. C'est sur cette union organique que se fonde, de manière directe, l'union biologique en ce sens que l'on peut dire « le corps vit de la tête » (même si, en même temps mais d'une autre manière, la tête vit du corps). En outre, s'il s'agit de l'homme, c'est sur cette union organique que se fonde également l'union psychique, entendue dans son intégrité et, en définitive, l'unité intégrale de la personne humaine.

2. Comme il a été dit précédemment (pour le moins dans le passage analysé), l'auteur de l'Épître aux Éphésiens a introduit l'analogie supplémentaire de la tête et du corps dans le cadre de l'analogie du mariage. Il semble même qu'il a conçu la première analogie « tête-corps » de manière plus centrale au point de vue de la vérité sur le Christ et sur l'Église qu'il proclame. Toutefois, il faut affirmer également qu'il ne l'a pas placée à côté ou à l'extérieur de l'analogie du mariage comme lien conjugal. Bien au contraire. Dans tout le texte de l'Épître aux Éphésiens (Ep 5,22-33), et spécialement dans la première partie dont nous nous occupons (Ep 5,22-23), l'auteur parle comme si dans le mariage également le mari était « chef de sa femme » et la femme « corps du mari », comme si les époux formaient eux aussi une union organique. Le fondement de ceci, on peut le trouver dans le texte de la Genèse où il est question d' « une seule chair » (Gn 2,24) ou bien dans le texte auquel l'auteur de l'Épître aux Éphésiens se référera bientôt dans le cadre de sa grande analogie. Néanmoins le texte du Livre de la Genèse met clairement en évidence qu'il s'agit de l'homme et de la femme, de deux sujets personnels bien distincts qui décident consciemment de leur union conjugale, que l'antique texte définit en ces termes : « Une seule chair. » Et dans l'Épître aux Éphésiens, ceci est aussi très clair.

L'auteur a recours à une double analogie : tête-corps, mari-femme, afin d'établir avec clarté la nature de l'union entre le Christ et l'Église. En un certain sens, spécialement dans cette première partie du passage de l'Épître aux Éphésiens Ep 5,22-33, la dimension ecclésiologique semble décisive et prévalente.

3. « Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur ; en effet, le mari est chef de sa femme comme le Christ est chef de l'Église, lui Sauveur du Corps ; or, l'Église se soumet au Christ ; les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leurs maris. Et vous, maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Église : il s'est donné pour elle. » (Ep 5,22-25) Cette analogie supplémentaire fait que dans le cadre de tout le passage de l'Épître aux Éphésiens Ep 5,22-33, nous sommes en présence de deux sujets distincts qui, en vertu d'un certain rapport de réciprocité, deviennent en un sens un seul sujet : la tête constitue avec le corps un sujet (dans le sens physique et métaphysique), un organisme, une personne humaine, un être. Incontestablement, le Christ est un sujet différent de l'Église, mais en vertu d'un rapport particulier il s'unit à elle comme en une union organique de la tête et du corps : l'Église est ainsi fortement, elle est ainsi essentiellement elle- même en vertu d'une union avec le Christ (mystique). Est-il possible de dire la même chose des époux, de l'homme et de la femme, unis par un lien conjugal ? Si l'auteur de l'Épître aux Éphésiens voit également dans le mariage l'analogie de l'union de la tête avec le corps, cette analogie semble, en un certain sens, se rapporter au mariage en considération de l'union que le Christ constitue avec l'Église et l'Église avec le Christ. Donc l'analogie regarde surtout le mariage lui- même comme une union grâce à laquelle « les deux formeront une seule chair » (Ep 5,31 cf. Gn 2,24).

4. Cette analogie ne nuit pas, toutefois, à l'individualité des sujets : celle du mari et celle de la femme, c'est-à-dire la bi- subjectivité qui se trouve à la base d' « un seul corps », ou mieux : l'essentielle bisubjectivité du mari et de la femme dans le mariage qui, en un certain sens, fait d'eux « un seul corps », passe, dans l'ensemble du texte que nous sommes en train d'examiner (Ep 5,22-23), à l'image de l'Église-Corps, unie au Christ-Tête. On le constate spécialement dans la partie suivante de ce texte où l'auteur décrit les rapports du Christ et de l'Église en recourant précisément à l'image des rapports du mari et de sa femme. Dans cette description, l'Église-Corps du Christ apparaît clairement comme le second sujet de l'union conjugale auquel le premier sujet, le Christ, manifeste l'amour dont il l'a aimée « en se donnant pour elle ». Cet amour est une image et surtout un modèle de l'amour que le mari doit manifester à sa femme dans le mariage, quand tous deux sont soumis l'un à l'autre « dans la crainte du Christ ».

5. Nous lisons en effet : « Et vous, maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Église : il s'est donné pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d'eau qu'une parole accompagne ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache, ni ride, ni rien de tel, mais sainte et immaculée. C'est ainsi que les maris doivent aimer leur femme comme leur propre corps. Aimer sa femme, n'est-ce pas s'aimer soi-même ? Or nul n'a jamais haï sa propre chair, on la nourrit au contraire et on en prend bien soin. Voilà pourquoi l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme et les deux ne feront qu'une seule chair. » (Ep 5,25-31)

6. Il n'est pas difficile de constater que dans cette partie du texte de l'Épître aux Éphésiens Ep 5,22-33, « la bisubjectivité « prévaut » clairement : on la relève tant dans le rapport Christ-Église que dans la relation mari-femme. Cela ne signifie pas que disparaisse l'image d'un sujet unique : l'image d'« un seul corps ». Elle est conservée également dans le passage de notre texte et, en un certain sens elle y est encore mieux expliquée. Nous le verrons plus clairement quand nous soumettrons le texte précité à une analyse plus détaillée. C'est donc ainsi que l'auteur de l'Épître aux Éphésiens parle de l'amour du Christ envers l'Église, expliquant comment l'amour s'exprime et présentant en même temps soit cet amour, soit ses expressions comme modèles que le mari doit suivre à l'égard de sa propre femme. L'amour du Christ envers l'Église a essentiellement pour but sa sanctification : « Le Christ a aimé l'Église et s'est donné pour elle afin de la sanctifier. » (Ep 5,25-26) À l'origine de cette sanctification, il y a le baptême, fruit premier et essentiel du don de soi-même que le Christ a fait pour l'Église. Dans ce texte, le baptême n'est pas appelé de son propre nom, il est défini comme « purification par le bain d'eau qu'une parole accompagne » (Ep 5,26). Ce bain d'eau, ainsi que la puissance qui découle du don de soi-même que le Christ a fait pour l'Église, opère la purification fondamentale grâce à laquelle son amour pour l'Église acquiert aux yeux de l'auteur de l'Épître un caractère sponsal.

7. On sait que c'est un sujet individuel qui prend part au sacrement du baptême. L'auteur de l'Épître voit toutefois toute l'Église à travers ce sujet individuel du baptême. L'amour sponsal du Christ se réfère à elle, à l'Église, chaque fois qu'une personne y reçoit individuellement la purification fondamentale grâce au baptême. En vertu de l'amour rédempteur du Christ, celui qui reçoit le baptême participe en même temps à son amour sponsal pour l'Église. « Le bain d'eau qu'une parole accompagne » est, dans notre texte, l'expression de l'amour sponsal en ce sens qu'il prépare l'épouse (Église) pour l'Époux, qu'il fait de l'Église l'épouse du Christ, « in actuprimo », dirais-je.

Quelques spécialistes de la Bible observent ici que, dans le texte que nous avons cité, le « bain d'eau » évoque les ablutions rituelles qui précédaient les noces — ce qui constituait également chez les Grecs un important rite religieux.

8. Comme sacrement du baptême, le « bain d'eau qu'une parole accompagne » (Ep 5,26) fait de l'Église une épouse non seulement « in actu primo », mais aussi dans une perspective plus lointaine, c'est-à-dire dans la perspective es- chatologique. Celle-ci s'ouvre à nous quand nous lisons dans l'Épître aux Éphésiens que par « le bain d'eau » l'Époux voulait « se présenter (l'Église) à lui-même, toute resplendissante, sans tache ni ride, ni rien de tel mais sainte et immaculée » (Ep 5,25). L'expression « se présenter l'Église à lui-même » semble indiquer le moment des noces où l'épouse est conduite à l'époux, déjà vêtue de la robe nuptiale et parée pour les noces. Le texte cité relève que le Christ- Époux lui-même prend soin d'orner l'épouse-Église, qu'il se soucie de la rendre belle de la beauté de la grâce, belle en vertu du don du salut dans toute sa plénitude, déjà accordé dès le premier moment du baptême. Mais le baptême n'est qu'un début d'où devra émerger la figure toute resplendissante de l'Église (comme nous le lisons dans le texte) comme fruit définitif de l'amour sponsal rédempteur, mais seulement lors de l'ultime venue du Christ (parousie).

Nous voyons combien l'auteur de l'Épître aux Éphésiens scrute en profondeur la réalité sacramentelle quand il en proclame la grande analogie : tant l'union du Christ avec l'Église que l'union conjugale de l'homme et de la femme dans le mariage reçoivent ainsi l'éclairage d'une lumière surnaturelle particulière.


Aux pèlerins français

Chers Frères et Sœurs,

Dans l'épître aux Ephésiens dont je poursuis le commentaire en italien, à l’analogie de l’époux et de l’épouse, - pour exprimer le rapport du Christ et de l’Eglise - l’auteur en ajoute une autre, celle de la tête et du corps. De même que l’on peut dire que le “corps vit de la tête”, ainsi l’Eglise vit-elle du Christ. Cette analogie, l’auteur ne l’a pas laissée de côté en parlant de la réalité du mariage. Il utilise la double analogie tête-corps, mari-femme, afin d’illustrer clairement la nature de l’union entre le Christ et l’Eglise. Devenus, en un certain sens, un seul sujet, comme la tête et le corps, l’homme et la femme conservent cependant leur individualité subjective. Dans cette union, on découvre l’amour premier du Christ pour l’Eglise qui s’exprime dans la sanctification qu’il lui apporte par le baptême. Expression de l’amour nuptial du Christ, le baptême rend l’Eglise Epouse, et rend le baptisé participant de cet amour du Seigneur envers l’Eglise.

Avec plaisir j’accueille tous les pèlerins de langue française, en particulier les groupes de jeunes, et un groupe de prêtres des diocèses de Tarbes et Lourdes, Bayonne et Dax, venus ici à l’occasion de leur dixième année de sacerdoce. Enfin, j’ai une pensée toute spéciale à l’intention d’un groupe de paralysés. A vous tous, je redis mon union dans le Seigneur et vous accorde ma Bénédiction Apostolique, que j’étends à tous ceux qui vous sont chers!




Catéchèses S. J-Paul II 11882