Catéchèses S. J-Paul II 18387

Mercredi 18 mars 1987

18387
1. « Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est proche. ». (
Mc 1,15) C’est par ces paroles que Jésus de Nazareth commence sa prédication messianique. Le Royaume de Dieu qui, en Jésus, fait irruption dans la vie et dans l’histoire de l’homme, constitue l’accomplissement des promesses de salut qu’Israël avait reçues du Seigneur.

Jésus se révèle être le Messie non pas parce qu’il vise une domination temporelle et politique, selon la conception de ses contemporains, mais parce que, par sa mission qui culmine avec sa passion-mort-résurrection, « toutes les promesses de Dieu sont devenues "oui" » (2Co 1,20).

2. Pour comprendre pleinement la mission de Jésus, il est nécessaire de rappeler le message de l’Ancien Testament qui proclame la royauté salvifique du Sauveur. Dans le cantique de Moïse (Ex 15,1-18), le Seigneur est acclamé « roi » parce qu’il a libéré son peuple de manière admirable et l’a conduit, avec puissance et amour, vers la communion avec lui et avec les frères, dans la joie de la liberté. Le très ancien psaume 28/29 témoigne de la même foi : le Seigneur est contemplé dans la puissance de sa royauté qui domine toute la création et communique à son peuple force, bénédiction et paix (Ps 28/29, 10). C’est surtout dans la vocation d’Isaïe que la foi dans le Seigneur « roi » apparaît totalement imprégnée du thème du salut. Le « Roi », que le prophète contemple avec les yeux de la foi, « sur un trône haut et élevé » (Is 6,1), c’est Dieu dans le mystère de sa sainteté transcendante et de sa bonté miséricordieuse par laquelle il se rend présent à son peuple, comme source d’amour qui purifie, pardonne et sauve : « Saint, saint, saint est le Seigneur, le Dieu des armées, toute la terre sera remplie de sa gloire. » (Is 6,3)

Cette foi en la royauté salvifique du Seigneur a empêché que, dans le peuple de l’Alliance, la monarchie se développe de manière autonome comme dans les autres nations : le roi est l’élu, l’oint du Seigneur et, comme tel, il est l’instrument par lequel Dieu lui-même exerce sa souveraineté sur Israël (cf. 1S 12,12-15). « Le Seigneur règne », proclament continuellement les psaumes (cf. Ps Ps 5,3 Ps 9,6 Ps 28,10 Ps 92,1 Ps 96,1-4 Ps 145,10).

3. Face à l’expérience douloureuse des limites humaines et du péché, les prophètes annoncent une nouvelle Alliance dans laquelle le Seigneur lui-même sera le guide sauveur et royal de son peuple renouvelé (cf. Jr Jr 31,31-34 Ez 34,7-16 Ez 36,24-28).

C’est dans ce contexte que naît l’attente d’un nouveau David que le Seigneur suscitera pour qu’il soit l’instrument de l’Exode, de la libération, du salut (Ez 34,23-25 cf. Jr Jr 23,5-6). À partir de ce moment, la figure du Messie apparaîtra en lien étroit avec l’inauguration de la pleine royauté de Dieu. Après l’Exil, même si l’institution de la monarchie est affaiblie en Israël, on continue à approfondir la foi en la royauté que Dieu exerce sur son peuple et qui s’étendra jusqu’aux « extrémités de la terre ». Les psaumes qui chantent le Seigneur roi constituent le témoignage le plus significatif de cette espérance (cf. Ps Ps 95,98).

Cette espérance atteindra sa plus grande intensité quand le regard de la foi, se dirigeant au-delà du temps de l’histoire humaine, comprendra que ce n’est que dans l’éternité à venir que le Royaume de Dieu sera établi avec toute sa puissance. Alors, par la résurrection, les rachetés seront en pleine communion de vie et d’amour avec le Seigneur (cf. Dn Da 7,9-10 Da 12,2-3).

4. Jésus se réfère à cette espérance de l’Ancien Testament et proclame qu’elle est accomplie. Le Règne de Dieu constitue le thème central de sa prédication, comme le montrent en particulier les paraboles.

La parabole du semeur (Mt 13,3-8) proclame que le Royaume de Dieu est déjà à l’oeuvre dans la prédication de Jésus, et en même temps elle incite à regarder l’abondance des fruits qui constitueront la richesse surabondante du Royaume à la fin des temps. La parabole de la graine qui grandit toute seule (Mc 4,26-29) souligne que le Royaume n’est pas une oeuvre humaine mais uniquement le don de l’amour de Dieu qui agit dans le coeur des croyants et guide l’histoire humaine vers son accomplissement définitif dans la communion éternelle avec le Seigneur. La parabole de l’ivraie au milieu du bon grain (Mt 13,24-30) et celle du filet de pêche (Mt 13,47-52) suggèrent avant tout la présence, déjà agissante, du salut de Dieu. Cependant, en même temps que les « fils du Royaume », les « fils du Malin » sont également présents, les ouvriers d’iniquité : ce n’est qu’au terme de l’histoire que les puissances du mal seront détruites et que celui qui aura accueilli le Royaume sera pour toujours avec le Seigneur. Les paraboles du trésor caché et de la perle précieuse (Mt 13,44-46), enfin, expriment la valeur suprême et absolue du Royaume de Dieu : celui qui comprend cela est disposé à affronter n’importe quel sacrifice et renonce à tout pour y entrer.

5. À partir de cet enseignement de Jésus apparaît une richesse très éclairante.

Le Royaume de Dieu, dans sa réalisation pleine et totale, est certainement à venir, « il doit venir » (cf. Mc Mc 9,1 Lc 22,18) ; la prière du Notre Père enseigne à invoquer sa venue : « Que ton Règne vienne. » (Mt 6,10)

En même temps, cependant, Jésus affirme que le Royaume de Dieu « est déjà venu » (Mt 12,28), « il est au milieu de vous » (Lc 17,21) par la prédication et les oeuvres de Jésus. En outre, il ressort de tout le Nouveau Testament que l’Église fondée par Jésus est le lieu où la royauté de Dieu se rend présente, dans le Christ, comme don du salut dans la foi, de la vie nouvelle dans l’Esprit, de la communion dans la charité.

Ainsi apparaît le rapport étroit qui existe entre le Royaume et Jésus, un rapport si fort que le Royaume de Dieu peut aussi être appelé « le Royaume de Jésus » (Ep 5,2 2P 1,11), comme, du reste, l’affirme Jésus lui-même devant Pilate, affirmant que « son » Royaume n’est pas de ce monde (Jn 18,36).

6. À cette lumière, nous pouvons comprendre les conditions qu’indique Jésus pour entrer dans le Royaume. Elles peuvent se résumer par le mot « conversion ». Par la conversion, l’homme s’ouvre au don de Dieu (cf. Lc Lc 12,32) qui « appelle à son Royaume et à sa gloire » (1Th 2,12) ; il accueille le Royaume comme un petit enfant (Mc 10,15) et il est disposé à n’importe quel renoncement pour pouvoir y entrer (cf. Lc Lc 18,29 Mt 19,29 Mc 10,29).

Le Royaume de Dieu exige une « justice » profonde ou nouvelle (Mt 5,20) : il demande que l’on s’engage à faire « la volonté de Dieu » (Mt 7,21) ; il demande simplicité intérieure « semblable à celle des enfants » (Mt 18,3 Mc 10,15) ; il comporte le dépassement de l’obstacle que constituent les richesses (cf. Mc Mc 10,23-24).

7. Les Béatitudes proclamées par Jésus (cf. Mt Mt 5,3-12) apparaissent comme la magna charta du Royaume des cieux qui est donné aux pauvres en esprit, aux affligés, aux doux, à ceux qui ont faim et soif de justice, aux miséricordieux, à ceux qui ont le coeur pur, à ceux qui sont des artisans de paix, à ceux qui sont persécutés à cause de la justice. Les Béatitudes n’indiquent pas seulement les exigences du Royaume ; elles manifestent avant tout l’oeuvre que Dieu accomplit en nous rendant semblables à son Fils (Rm 8,29) et capables d’éprouver ses sentiments (Ph 2,5 ss.) d’amour et de pardon (cf. Jn Jn 13,34-35 Col 3,13).

8. L’Église du Nouveau Testament, qui l’a vécu dans la joie de sa foi pascale, témoigne de cet enseignement de Jésus sur le Royaume de Dieu. Elle est la communauté des « petits » que le Père a libérés de la puissance des ténèbres et a fait passer dans le Royaume de son Fils bien-aimé (Col 1,13) ; elle est la communauté de ceux qui vivent « en Christ », se laissant conduire par l’Esprit-Saint sur les chemins de la paix (Lc 1,79), et qui luttent pour ne pas « tomber en tentation » et pour éviter les oeuvres de la « chair », sachant bien que « celui qui les accomplit n’héritera pas du Royaume de Dieu » (Ga 5,21). L’Église est la communauté de ceux qui annoncent, par leur vie et la parole, le message même de Jésus : « Le Royaume de Dieu est proche. » (Lc 10,9)

9. L’Église qui, « au cours des siècles, tend sans cesse vers la plénitude de la vérité divine, jusqu’à ce qu’en elle s’accomplissent les paroles de Dieu » (DV 8), prie le Père au cours de chaque célébration eucharistique pour que « son Règne vienne ». Elle vit dans une ardente attente de la venue glorieuse du Seigneur et Sauveur Jésus, lequel offrira à la divine Majesté « le Royaume éternel et universel : Royaume de vérité et de vie, de sainteté et de grâce, de justice, d’amour et de paix » (Préface de la solennité du Christ-Roi).

Cette attente du Seigneur est une source constante de confiance et d’énergie. Elle stimule les baptisés, devenus participants de la dignité royale du Christ, pour qu’ils vivent chaque jour « dans le Royaume du Fils bien-aimé », pour qu’ils témoignent et annoncent la présence du Royaume par les oeuvres mêmes de Jésus (cf. Jn Jn 14,12). En vertu de ce témoignage de foi et d’amour, enseigne le Concile, le monde sera imprégné de l’esprit du Christ et atteindra plus efficacement sa fin dans la justice, la charité et la paix (LG 36).
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Puisse cette catéchèse vous aider à vivre le Carême, à collaborer au Royaume de Dieu! Je salue tous les visiteurs et pèlerins de langue française, parmi lesquels j’ai remarqué les Frères Maristes et les Soeurs de Saint-Paul de Chartres en session de renouveau spirituel: je leur souhaite un fécond apostolat missionnaire! A tous les autres religieux et religieuses, aux prêtres, aux laïcs, adultes et jeunes, je donne de grand coeur ma Bénédiction Apostolique.




Solennité de l’Annonciation du Seigneur Mercredi 25 mars 1987

25387 1. La solennité de l’Annonciation du Seigneur que nous célébrons aujourd’hui tourne notre pensée vers la maison de Nazareth et nous plonge dans l’émerveillement silencieux que sommes habitués à ressentir en contemplant par la pensée le rayon de lumière de l’Esprit-Saint qui inonda de sa puissance la Vierge « pleine de grâce ».

C’est l’événement mystérieux qu’attendait toute l’histoire et vers lequel, depuis lors, l’histoire qui a suivi a continué et continuera à converger, avec un émerveillement toujours renaissant.

Par cette extraordinaire liaison entre ciel et terre qui eut pour protagonistes — dans le monde des créatures — l’ange et l’humble fille du peuple d’Israël, le cours des siècles a débouché sur « la plénitude des temps », a sanctionné ce moment caché où le Fils de Dieu est venu habiter au milieu de nous (
Jn 1,14).

Cet événement admirable a été rendu possible grâce à Marie, la Mère du Rédempteur. Sans son « oui », à l’initiative de Dieu, le Christ ne serait pas né.

2. C’est dans ce climat spirituel du mystère de l’Annonciation et au jour même de sa célébration liturgique que j’ai situé mon encyclique consacrée à la Vierge Marie, que j’avais annoncée le 1er janvier et qui est publiée aujourd’hui dans la perspective de l’Année mariale.

J’y ai réfléchi depuis longtemps. Je l’ai longuement cultivée dans mon coeur. Je remercie maintenant le Seigneur pour m’avoir permis d’offrir ce service aux fils et aux filles de l’Église, répondant à des attentes dont divers signaux m’étaient parvenus.

3. Cette encyclique consiste, en substance, en une « méditation » sur la révélation du mystère du salut qui a été communiqué à Marie à l’aube de la Rédemption et auquel elle a été appelée à participer et à collaborer d’une manière toute exceptionnelle et extraordinaire.

C’est une méditation qui parcourt à nouveau et, par certains aspects, approfondit le magistère conciliaire, spécifiquement le huitième chapitre de la Constitution dogmatique Lumen gentium sur « la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Église ».

Vous savez, chers frères et soeurs, qu’il s’agit du chapitre qui couronne le document fondamental de Vatican II ; un texte particulièrement significatif, parce qu’aucun Concile oecuménique n’avait auparavant présenté une aussi vaste synthèse de la doctrine catholique sur la place que la très sainte Vierge Marie occupe dans le mystère du Christ et de l’Église.

Les réflexions qui en découlent se situent à l’horizon biblique, de son commencement aux visions symboliques de l’Apocalypse, chargées de mystère, sur le monde à venir. À plusieurs reprises apparaît là, dans les étapes et dans le message du salut, la figure d’une « femme », qui prend un visage précis en Marie de Nazareth quand sonne l’heure de la Rédemption. Redemptoris Mater est le nom de cette encyclique, son enseigne emblématique, qui indique déjà dès le départ son orientation doctrinale et pastorale en direction du Christ.

4. Le caractère christologique du discours développé dans l’encyclique se fond avec la dimension ecclésiale et la dimension mariologique. L’Église est le Corps du Christ qui s’avance mystiquement dans les siècles (cf. 1Co 12,27). Marie de Nazareth en est la Mère. Elle est la Mère de l’Église.

Aussi l’Église regarde-t-elle Marie à travers Jésus, comme elle « regarde » Jésus à travers Marie (cf. Redemptoris Mater RMA 26). Cette réciprocité nous permet d’approfondir sans cesse, en même temps que le patrimoine des vérités à croire, l’orbite de « l’obéissance de la foi », qui marque les pas de cette très haute créature, de la maison de Nazareth à Ain-Karim, au Temple, à Cana, sur le Calvaire. Puis, entre les murs du Cénacle, dans l’attente, remplie de prière, de l’Esprit-Saint. Marie « avança dans le pèlerinage de la foi et garda fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la Croix » (Lumen gentium LG 58).

Servante, Mère, disciple du Seigneur, Marie est un modèle, un guide et un soutien sur le chemin du peuple de Dieu, particulièrement dans les étapes les plus décisives.

Voici l’étape du bimillénaire de la naissance du Christ qui s’approche à grands pas. C’est une échéance qui demande d’être vécue, au-delà de l’aspect commémoratif, dans sa réalité permanente de « plénitude du temps ». Aussi est-il nécessaire d’y préparer dès maintenant nos esprits et nos coeurs. Et le pèlerinage de foi, qui est la synthèse de l’expérience vécue par la Vierge Marie, ouvre une route que au cours de l’Année mariale, l’Église parcourra à la lumière du Magnificat : l’hymne prophétique, fait de tous ceux hommes et femmes, qui se sentent de manière authentique l’Église et qui, à cause de cela, se rendent compte des impératifs des « temps nouveaux », dans toute leur ampleur.

5. L’encyclique exprime le souffle qui émane de l’universalité de la rédemption accomplie par le Christ et de l’universalité de la maternité de la Vierge Marie.

Adressée aux fidèles de l’Église catholique appelés à célébrer l’Année mariale, l’encyclique exprime la profonde aspiration à l’unité de tous les chrétiens que Vatican II a codifiée et qu’exprime le dialogue oecuménique. Elle fait donc écho à la joie et à la consolation manifestées par le Concile qui constatait que « parmi les frères désunis aussi, il n’en manque pas qui rendent à la Mère du Seigneur et Sauveur l’honneur qui lui est dû, spécialement parmi les Orientaux, lesquels vont, d’un élan fervent et d’une âme toute dévouée, vers la Mère de Dieu toujours Vierge pour lui rendre leur culte » (Lumen gentium LG 69).

Dans cet ordre d’idées, j’ai voulu aussi rappeler le millénaire du baptême de saint Vladimir de Kiev, survenu en 988, qui marqua le début du christianisme parmi les peuples de la Rus, s’étendant ensuite à d’autres territoires de l’Europe orientale jusqu’au nord de l’Asie. L’Église tout entière est invitée à s’unir par la prière à tous ceux, orthodoxes et catholiques, qui célèbrent cet anniversaire.

6. L’horizon de Redemptoris Mater, touchant la dimension cosmique du mystère de la Rédemption, est ouvert au genre humain tout entier par la solidarité qui lie l’Église aux hommes avec lesquels elle partage le cheminement terrestre, consciente des formidables questions qui agitent les racines de la civilisation à la frontière entre les deux millénaires, dans l’alternance éternelle entre la « chute » et la « résurrection » de l’homme. Elle assume les grandes aspirations qui parcourent aujourd’hui la conscience du monde : les individus, les familles, les nations.

À la sainte Mère du Rédempteur je confie avec affection cette encyclique, en souhaitant que les célébrations promues dans les Églises particulières au cours de l’Année sainte puissent y trouver une inspiration pour un fort accroissement de la vie chrétienne, spécialement par la participation aux sacrements de pénitence et d’Eucharistie. Ce sont là les sources où puiser l’énergie nécessaire pour remplir sa mission dans l’Église et dans le monde, selon l’ordre que la Vierge répète aussi en cette phase de l’histoire : « Faites ce qu’il (le Christ) vous dira. » (Jn 2,5)
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Chers Frères et Soeurs,

Je suis heureux d’accueillir ici tous les pèlerins et visiteurs de langue française: les religieuses, les personnes du troisième âge, les jeunes des lycées et collèges et leurs professeurs, les artistes peintres, les marins de plusieurs équipages français.

Je veux faire une mention spéciale des paroissiens d’Ars, accompagnés de leur cure, que je remercie de leur accueil le 6 octobre dernier. Vous savez, chers amis, la joie profonde que j’ai éprouvée à vénérer chez vous saint Jean-Marie Vianney, à y célébrer l’Eucharistie, à m’entretenir avec tant d’évêques, de prêtres, de diacres et de séminaristes de notre vocation sacerdotale et de notre ministère. Je souhaite que votre cité continue à exceller par la qualité de la vie chrétienne et la vitalité de sa communauté, et que votre paroisse demeure le haut lieu des pèlerinages et de la prière pour les prêtres.

A vous et à tous les pèlerins présents à cette audience, je donne de grand coeur ma Bénédiction Apostolique.





Septembre 1989



Castel Gandolfo Mercredi 6 septembre 1989

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1. Lorsque l’Église, jaillie du sacrifice de la Croix, a commencé son chemin dans le monde grâce à l’oeuvre du Saint- Esprit descendu au Cénacle le jour de la Pentecôte, débuta alors « son temps » ; le « temps de l’Église » comme collaboratrice de l’Esprit, ayant pour mission de faire fructifier la Rédemption du Christ, de génération en génération. C’est précisément dans cette mission et collaboration avec l’Esprit que s’effectue la « sacramentalité » que lui attribue le Concile Vatican II, enseignant que «… l’Église est en Christ comme un sacrement ou signe et instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen gentium
LG 1). Cette « sacramentalité » a une signification profonde en relation avec le mystère de la Pentecôte, qui donne à l’Église la vigueur et les charismes pour opérer visiblement dans toute la famille humaine.

2. Dans cette catéchèse, nous voulons considérer principalement le rapport entre la Pentecôte et le sacrement du baptême. Nous savons que la venue du Saint-Esprit a été annoncée au Jourdain conjointement avec la venue du Christ. C’est à Jean-Baptiste qu’il revint d’associer les deux venues, et d’en montrer le lien intime, en parlant du « baptême » : « Il vous baptisera dans l’Esprit-Saint » (Mc 1,8) ; « Il vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu » (Mc 3,11). Ce lien entre l’Esprit-Saint et le feu doit être replacé dans le contexte du langage biblique qui, déjà dans l’Ancien Testament, présentait le feu comme le moyen utilisé par Dieu pour purifier les consciences (cf. Is Is 1,25 Is 6,5-7 Za 13,9 Ml 3,2-3, Si Ml 2, 5, etc. ). Le baptême qui se pratiquait autrefois dans le judaïsme et en d’autres religions antiques était une immersion rituelle, qui avait pour signification une purification rénovatrice. Jean-Baptiste avait adopté cette pratique du baptême dans l’eau, tout en soulignant que sa valeur n’était pas seulement rituelle, puisqu’il était « pour la conversion » (cf. Mt Mt 3,2 Mt Mt 3,6 Mt Mt 3,8 Mt Mt 3,11 Lc 3,10-14). En outre, il constituait une sorte d’initiation, par laquelle ceux qui le recevaient devenaient disciples du Baptiste et constituaient autour de lui et avec lui une communauté qui se caractérisait par l’attente eschatologique du Messie (cf. Mt Mt 3,2 Mt Mt 3,11 Jn 1,19-34). C’était toutefois un baptême d’eau, qui n’avait pas, de ce fait, un pouvoir de purification sacramentelle. Ce pouvoir aurait été le propre du baptême de feu — élément en soi bien plus puissant que l’eau — apporté par le Messie. Jean proclamait la fonction préparatoire et symbolique de son baptême par rapport au Messie, qui devait baptiser « dans l’Esprit-Saint et le feu» (Mt 3,11 cf. Mt3,3. Mt 7 Mt 10 Mt 12 Jn 1,33). Et il ajoutait que si, par le feu de l’Esprit, le Messie allait purifier à fond les hommes bien disposés, rassemblés, comme «le grain dans le grenier », il brûlerait cependant « les balles dans un feu qui ne s’éteint pas » (Mt 3,12), comme le « feu de la géhenne » (cf. Mt Mt 18,8-9), symbole de la consomption à laquelle est destiné tout ce qui ne s’est pas laissé purifier (cf. Is Is 66,24 Jdt 16,17 Si 7,17 So 1,18 Ps 21, 10, etc. ).

3. Tandis qu’il accomplit sa fonction prophétique et préfiguratrice dans la ligne du symbolisme de l’Ancien Testament, le Baptiste, un jour, rencontre Jésus aux eaux du Jourdain. Il reconnaît en lui le Messie, dont il proclame qu’il est « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) et, à sa requête, il le baptise (cf. Mt Mt 3,14-15) ; mais, en même temps, il rend témoignage à sa messianité, dont il professe qu’il n’est qu’un simple annonciateur et précurseur (cf. Jn Jn 1,30-31). Ce témoignage de Jean est complété par ce qu’il transmet lui-même à ses disciples et auditeurs au sujet de l’expérience qu’il a eue en cette circonstance, et qui peut-être lui a rappelé le récit de la Genèse sur la fin du déluge (cf. Gn Gn 8,10) : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et se poser sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’avait dit : «L’homme sur qui tu verras descendre et demeurer l’Esprit est celui qui baptise dans l’Esprit-Saint… » (Jn 1,32-33 cf. Mt Mt 3,16 Mc 1,8 Lc 3,22)

« Baptiser dans l’Esprit-Saint » signifie régénérer l’humanité par la puissance de l’Esprit de Dieu : c’est ce qu’accomplit le Messie, sur lequel, comme l’avait prédit Isaïe (Is 11,2 Is 42,1) repose l’Esprit, comblant son humanité de valeur divine à partir de l’Incarnation jusqu’à la plénitude de la résurrection après sa mort sur la croix (cf. Jn Jn 7,39 Jn 14,26 Jn 16,7 Jn 16,8 Jn 20,22 Lc 24,29). Ayant acquis cette plénitude, le Messie Jésus peut donner le nouveau baptême dans l’Esprit dont il est rempli (cf. Jn Jn 1,33 Ac 1,5). De son humanité glorifiée, comme d’une source d’eau vive, l’Esprit se répandra sur lé monde (cf. Jn Jn 7,37-39 Jn 19,34 cf. Rm Rm 5,5). Telle est l’annonce que fait le Baptiste en rendant témoignage au Christ à l’occasion du Baptême, dans lequel se fondent les symboles de l’eau et du feu, pour exprimer le mystère de la nouvelle énergie vivificatrice que le Messie et l’Esprit ont répandue sur le monde.

4. Jésus aussi, au cours de son ministère, parle de sa passion et de sa mort comme d’un baptême qu’il doit recevoir : un baptême, parce qu’il devra être immergé totalement dans la souffrance, symbolisée également par le calice qu’il devra boire (cf. Mc Mc 10,38 Mc 14,36) ; mais il s’agit d’un baptême relié par Jésus à l’autre symbole du feu, qu’il est venu apporter sur la terre (Lc 12,49-50) : feu, dans lequel il est facile d’entrevoir l’Esprit-Saint qui « comble », son humanité et qui, un jour, après l’incendie de la croix, se répandra dans le monde, propageant le baptême de feu que Jésus désire si intensément recevoir qu’il en est angoisse jusqu’à ce qu’il s’accomplisse en lui (cf. Lc Lc 12,50).

5. J’ai écrit dans l’Encyclique Dominum et vivificantem : «Dans l’Ancien Testament, on parle plusieurs fois du feu du ciel qui brûlait les offrandes présentées par les hommes. Par analogie, on peut dire que l’Esprit-Saint est le feu du ciel, qui au plus profond du mystère de la Croix… L’Esprit-Saint, en tant qu’amour et don, descend, en un certain sens, au coeur même du sacrifice offert sur la Croix. En nous référant à la tradition biblique, nous pouvons dire qu’il consomme ce sacrifice par le feu de l’amour qui unit le Fils au Père dans la communion trinitaire. Et comme le sacrifice de la Croix est un acte propre du Christ, jusque dans ce sacrifice, il reçoit l’Esprit-Saint. Il le reçoit d’une manière telle qu’ensuite il peut lui-même — et lui seul avec Dieu le Père le peut — le donner aux apôtres, à l’Église, à l’humanité. Lui seul l’envoie d’auprès du Père. Lui seul se présente devant les apôtres réunis au Cénacle, souffle sur eux et dit : « Recevez l’Esprit-Saint ; ceux à qui vous remettrez leurs péchés, ils leur seront remis. » (Jn 20,23) », (DEV 41).

6. Ainsi trouve son accomplissement l’annonce messianique de Jean sur le Jourdain : « Il vous baptisera dans l’Esprit et le feu. » (Mt 3, 11, cf. Lc Lc 3,16 Lc ) Ici aussi se réalise le symbolisme biblique, par lequel Dieu lui-même s’est manifesté comme la colonne de feu qui guidait son peuple à travers le désert (cf. Es 13, 21-22), comme la parole de feu qui avait « embrasé la montagne (du Sinaï) jusqu’en plein ciel » (Dt 4,11), comme la lumière dans le feu (Is 10,17), comme le feu dévorant d’amour pour Israël (cf. Dt Dt 4,24). Ainsi s’accomplit ce que le Christ lui-même a promis lorsqu’il a dit qu’il était venu pour allumer le feu sur la terre (cf. Lc Lc 12,49), tandis que l’Apocalypse dira à son sujet que ses yeux sont flamboyants comme un feu (cf. Ap Ap 1,14 Ap 2, 28, Ap 19,12). Ainsi s’explique que l’Esprit-Saint soit envoyé dans le feu (cf. Ac Ac 2,3). Tout cela advient lors du mystère pascal, lorsque le Christ, dans le sacrifice de la Croix « reçoit le baptême par lequel Lui-même devait être baptisé » (cf. Mc Mc 10,38), et lors du mystère de la Pentecôte, lorsque le Christ ressuscité et glorifié répand son Esprit sur les apôtres et sur l’Église.

C’est par ce « baptême de feu » reçu dans son sacrifice, que le Christ est devenu dans sa Résurrection, selon saint Paul, ce « dernier Adam », « l’esprit qui donne la vie » (1Co 15,45). C’est pourquoi le Christ ressuscité annonce aux apôtres : « Jean, lui, a baptise avec de l’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit-Saint que vous serez baptisés, sous peu de jours » (Ac 1,5) Par l’action du dernier Adam, le Christ, « l’Esprit qui donne la vie » sera donné aux apôtres et à l’Église (cf. Jn Jn 6,63).

7. C’est le jour de la Pentecôte qu’est donnée la révélation de ce baptême. Le baptême nouveau et définitif, qui opère la purification et la sanctification pour une vie nouvelle. Le baptême, en vertu duquel naît l’Église dans la perspective eschatologique qui s’étend « jusqu’à la fin du monde » (cf. Mt 28,20) : non seulement l’« Église de Jérusalem », des apôtres et des disciples immédiats du Seigneur, mais l’Église tout « entière », prise dans son universalité qui se réalise à travers les temps et les lieux de son enracinement terrestre.

Les langues de feu qui accompagnent l’événement de la Pentecôte, au Cénacle de Jérusalem, sont le signe de ce feu que Jésus-Christ apporta et alluma sur la terre (cf. Lc Lc 12,49) : le feu de l’Esprit-Saint.

8. À la lumière de la Pentecôte, nous pouvons également mieux comprendre la signification du baptême comme premier sacrement, dans la mesure où il est l’oeuvre de l’Esprit- Saint. Jésus y avait fait allusion lors de son entretien avec Nicodème : « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’eau et Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu» (Jn 3,5). Au cours de ce même entretien, Jésus fait allusion à sa mort prochaine sur la Croix (cf. Jn Jn 3,14-15) et à son exaltation dans le ciel (cf. Jn Jn 3,13) : c’est le baptême du Sacrifice, par lequel le baptême d’eau, le premier sacrement de l’Église, recevra la vertu d’opérer la naissance de l’Esprit-Saint et d’ouvrir aux hommes l’« entrée dans le Royaume de Dieu ». En effet, comme l’écrit saint Paul aux Romains: « Baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que nous tous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions aussi dans une vie nouvelle. » (Rm 6,3-4) Ce chemin baptismal dans la vie nouvelle commence le jour de la Pentecôte à Jérusalem.

9. L’Apôtre illustre à plusieurs reprises la signification du baptême dans ses lettres (cf. 1Co 6,11 Tt 3,5 2Co 1,22 Ep 1,13). Il le conçoit comme un « bain de régénération et renouveau dans l’Esprit-Saint » (Tt 3,5), porteur de justification « au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ » (1Co 6, 11, cf. 2Co 1,22) ; comme « des arrhes de l’Esprit dans nos coeurs », (cf. 2Co 1,22). En raison de cette présence de l’Esprit-Saint chez les baptisés, l’apôtre recommandait aux chrétiens de l’époque (et nous le répète à nous aussi aujourd’hui) : « Ne contristez pas l’Esprit-Saint de Dieu, qui vous a marqué de son sceau pour le jour de la rédemption.» (Ep 4,30)
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Chers Frères et Soeurs,

J’accueille avec plaisir les visiteurs et les pèlerins de langue française.

J’offre mes félicitations et mes voeux aux Soeurs de Kermaria qui célèbrent le quarante-cinquième anniversaire de leur profession religieuse. Avec vous, je rends grâce et je prie le Seigneur de vous aider à poursuivre votre route dans la joie.

Je voudrais aussi dire mon salut aux autorités municipales de Mont-sur-Rolle, dans le canton de Vaud. Je leur souhaite un heureux accomplissement de leurs charges au service de leurs concitoyens.

A tous, je donne volontiers ma Bénédiction Apostolique.




Castel Gandolfo Mercredi 13 septembre 1989

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1. « Vous serez baptisés dans l’Esprit-Saint sous peu de jours » (
Ac 1,5) : cette promesse de Jésus signifie qu’il existe un lien particulier entre l’Esprit-Saint et le baptême. Nous l’avons vu dans la catéchèse précédente lorsque, partant du baptême de pénitence que Jean dispensait sur les bords du Jourdain, en annonçant la venue du Christ, nous nous sommes approchés de celui qui baptisera « dans l’Esprit-Saint et le feu ». Nous nous sommes approchés aussi de cet unique baptême par lequel il devait être lui-même baptisé (cf. Mc Mc 10,38) : le sacrifice de la Croix, offert par le Christ « avec un Esprit éternel » (He 9,14), qui lui permettrait de devenir « le dernier Adam » et, comme tel, « l’esprit donateur de vie », selon l’affirmation de saint Paul (cf. 1Co 15,45). Nous savons que le Christ « donna » aux apôtres l’Esprit qui donne la vie, le jour de sa résurrection (cf. Jn Jn 20,22) et, ensuite, lors de la solennité de la Pentecôte, lorsque tous furent « baptisés avec l’Esprit-Saint » (cf. Ac Ac 2,4).

2. Entre le sacrifice pascal du Christ et le don de l’Esprit, il existe donc un rapport objectif. Puisque l’Eucharistie renouvelle mystiquement le sacrifice rédempteur du Christ, il est facile de comprendre le lien intrinsèque existant entre ce sacrement et le don de l’Esprit : en créant l’Église par sa venue le jour de la Pentecôte, l’Esprit-Saint la constitue en référence objective à l’Eucharistie et l’oriente vers l’Eucharistie.

Jésus avait dit dans une de ses paraboles : « Il en va du Royaume des cieux comme d’un roi qui fit un festin de noces pour son fils. », (Mt 22,2) L’Eucharistie constitue l’anticipation sacramentelle et, en un certain sens, un «avant-goût» de ce banquet royal, que l’Apocalypse appelle le « banquet de l’agneau » (cf. Ap Ap 19,9). L’époux qui est au centre de cette fête des noces, et de sa préfiguration et anticipation eucharistique, est l’Agneau qui « ôte les péchés », le Rédempteur.

3. Dans l’Église, qui naît du baptême dans la Pentecôte, lorsque les apôtres, et avec eux d’autres disciples et confesseurs du Christ, sont « baptisés dans l’Esprit », l’Eucharistie est et reste jusqu’à la fin des temps le sacrement du Corps et du Sang du Christ.

En elle, est présent « le Sang du Christ, qui par un esprit éternel s’est offert lui-même sans tache à Dieu » (He 9,14) ; le sang « versé pour une multitude » (Mc 14,24) « en rémission des péchés » (Mt 26,28) ; le sang qui « purifie les consciences des oeuvres mortes » (cf. He He 9,14) ; le « sang de l’Alliance » (Mt 26,28). En instituant l’Eucharistie, Jésus lui-même déclare: « Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang » (Lc 22,20 cf. 1Co 11,25) et il recommande aux apôtres : « Faites cela en mémoire de moi. » (Lc 22,19)

Dans l’Eucharistie — chaque fois — se renouvelle (c’est-à- dire se réalise à nouveau) le sacrifice du Corps et du Sang, offert par le Christ une seule fois au Père sur la Croix pour la rédemption du monde. Dans l’Encyclique Dominum et vivificantem, il est dit que « dans le sacrifice du Fils de l’homme l’Esprit-Saint est présent et agit. Ce même Jésus-Christ s’est ouvert totalement, dans son humanité, à l’action de l’Esprit-Paraclet qui, dans la souffrance, fait apparaître l’amour éternel, source de salut » (DEV 40).

4. L’Eucharistie est le sacrement de cet amour rédempteur, étroitement lié à la présence de l’Esprit-Saint et à son action. Comment ne pas repenser là aux paroles prononcées par Jésus lorsque, dans la synagogue de Capharnaüm, après la multiplication des pains (cf. Jn Jn 6,27), il proclamait la nécessité de se nourrir de sa chair et de son sang ? À beaucoup de ceux qui l’écoutaient, ses paroles — « manger son corps et boire son sang » (cf. Jn Jn 6,53) — semblèrent « dures » (Jn 6,60). Sentant cette difficulté, Jésus leur dit : « Cela vous scandalise? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant?…» (Jn 6,61-62) C’était une allusion explicite à sa future ascension au ciel. Et, à ce moment-là, il ajouta une référence à l’Esprit-Saint qui n’acquerrait son plein sens qu’après l’Ascension. Il dit : « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. » (Jn 6,63)

Les auditeurs de Jésus comprirent cette première annonce eucharistique d’une façon « matérielle ». Le Maître voulut immédiatement préciser que le contenu de ses paroles pouvait seulement être éclairé et compris grâce à « l’Esprit qui donne la vie ». Dans l’Eucharistie, le Christ nous donne son corps et son sang en nourriture et en boisson, sous les espaces du pain et du vin, comme au cours du banquet pascal de la dernière Cène. C’est seulement en vertu de l’Esprit, qui donne la vie, que la nourriture et la boisson eucharistiques peuvent opérer en nous la «communion», c’est-à-dire l’union salvatrice avec le Christ crucifié et glorifié.

5. Il est un fait significatif, lié à l’événement de la Pentecôte : dès les premiers temps après la descente de l’Esprit-Saint, les apôtres et leurs disciples, convertis et baptisés, « étaient assidus à la fraction du pain et à la prière» (Ac 2,42), comme si l’Esprit-Saint les avait lui-même orientés vers l’Eucharistie. J’ai noté dans l’Encyclique Dominum et vivificantem que, « depuis son origine, l’Église, guidée par l’Esprit-Saint, s’est exprimée et s’est affermie par l’Eucharistie » (DEV 62).

L’Église primitive était une communauté fondée sur l’enseignement des apôtres (Ac 2,42), entièrement animée par l’Esprit-Saint, lequel transmettait la lumière aux croyants afin qu’ils comprennent la Parole, et qui les réunissait dans la charité autour de l’Eucharistie. Ainsi l’Église croissait et se répandait chez une multitude de croyants, qui « avaient un seul coeur et une seule âme » (Ac 4,32).

6. Toujours dans la même Encyclique, nous lisons que « par l’Eucharistie, les personnes et les communautés, sous l’action du Paraclet-Consolateur, apprennent à découvrir le sens divin de la vie humaine » (DEV 62). C’est-à-dire qu’elles découvrent la valeur de la vie intérieure, réalisant en elles l’image du Dieu Trinité, qui nous est toujours présenté dans les livres du Nouveau Testament et spécialement dans les Épîtres de saint Paul, comme l’Alpha et l’Omega de notre vie : c’est-à-dire le début, à partir duquel l’homme est créé et modelé, et la fin ultime à laquelle il est destiné et conduit selon le dessein et la volonté du Père, reflétés dans le Fils- Verbe et l’Esprit-Amour. Ceci est une interprétation belle et profonde que la tradition patristique, résumée et formulée en termes théologiques par saint Thomas (cf. Summa Theol. I 93, 8), a donnée d’un principe-clef de la spiritualité et de l’anthropologie chrétiennes, exprimé dans l’Épître aux Éphésiens : « C’est pourquoi je fléchis les genoux en présence du Père de qui toute paternité, au ciel et sur terre, tire son nom. Qu’il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l’homme intérieur, que le Christ habite en vos coeurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l’amour. Ainsi vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur, vous connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la plénitude de Dieu. » (Ep 3, 14, 19.)

7. C’est le Christ qui nous donne cette plénitude divine (cf. Col Col 2,9) grâce à l’action de l’Esprit-Saint. Ainsi remplis de vie divine, les chrétiens entrent et vivent dans la plénitude totale du Christ, qui est l’Église, et à travers l’Église dans l’univers nouveau qui peu à peu s’édifie (cf. Ep Ep 1,23 Ep 4,12-13 Col 2,10). Au centre de l’Église et du nouvel univers, se trouve l’Eucharistie, où le Christ est présent, opérant dans les hommes et dans le monde entier grâce à l’Esprit-Saint.
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Chers Frères et Soeurs,

Je salue cordialement les responsables de la Société de Saint-Vincent de Paul en France. Et, à l’occasion de la célébration eucharistique télévisée du 24 septembre sur le lieu de naissance du saint à Pouy, dans les Landes, je suis heureux d’encourager les membres et les bienfaiteurs de la Société à promouvoir sans cesse le service des pauvres. Que Dieu répande ses bénédictions sur votre famille vincentienne et sur tous les organismes de secours aux malheureux!

Je remercie tous les pèlerins de langue française de leur visite, et je les bénis de grand coeur ainsi que ceux qui leur sont chers.






Catéchèses S. J-Paul II 18387