Catéchèses S. J-Paul II 28301

Mercredi 28 mars 2001 Les Psaumes dans la Tradition de l'Eglise

28301 Lecture: Ps 150

1. Dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j'ai souhaité que l'Eglise se distingue davantage dans l'"art de la prière", en l'apprenant toujours à nouveau des lèvres du divin Maître (cf. n. 32). Cet engagement doit être vécu en particulier dans la Liturgie, source et sommet de la vie ecclésiale. Dans cette optique, il est important de réserver une plus grande attention pastorale à la promotion de la Liturgie des Heures comme prière de tout le Peuple de Dieu (cf. Ibid., n. 34). En effet, si les prêtres et les religieux ont le mandat précis de la célébrer, elle est cependant vivement recommandée également aux laïcs. C'est à cela que visait, il y a un peu plus de trente ans, mon vénéré prédécesseur Paul VI, à travers la Constitution Laudis canticum dans laquelle il déterminait le modèle en vigueur de cette prière, souhaitant que les Psaumes et les Cantiques, structure portante de la Liturgie des Heures, soient compris "avec un amour renouvelé par le Peuple de Dieu" (AAS 63 [1971], 532).

Il est encourageant de savoir que de nombreux laïcs, tant dans les paroisses que dans les groupes ecclésiaux, ont appris à la valoriser. Elle reste toutefois une prière qui suppose une formation catéchétique et biblique adaptée, afin de pouvoir l'apprécier totalement.

Dans ce but, nous commençons aujourd'hui une série de catéchèses sur les Psaumes et sur les Cantiques proposés dans la prière matinale des Laudes. Je désire, de cette façon, encourager et aider toutes les personnes présentes à prier avec les mêmes paroles utilisées par Jésus et présentes depuis des millénaires dans la prière d'Israël et dans celle de l'Eglise.


2. Nous pourrions entreprendre l'étude des Psaumes de diverses façons. La première consisterait à présenter leur structure littéraire, leurs auteurs, leur formation, les contextes dans lesquels ils sont nés. Ensuite, une lecture qui en soulignerait le caractère poétique, qui atteint parfois de très hauts niveaux d'intuition lyrique et d'expression symbolique, serait suggestive. Il serait tout aussi intéressant de reparcourir les Psaumes en considérant les divers sentiments de l'âme humaine qu'ils manifestent: joie, reconnaissance, action de grâce, amour, tendresse, enthousiasme, mais également souffrance intense, récrimination, demande d'aide et de justice, qui débouchent parfois sur de la rage et des imprécations. Dans les Psaumes, l'être humain se retrouve entièrement lui-même.

Notre lecture cherchera surtout à faire apparaître la signification religieuse des Psaumes, en montrant comment ceux-ci, bien qu'ayant été écrits il y a de nombreux siècles par des croyants juifs, peuvent être utilisés dans la prière des disciples du Christ. Nous serons aidés en cela par les conclusions de l'exégèse, mais, dans le même temps, nous nous mettrons à l'écoute de la Tradition, en particulier nous nous placerons à l'écoute des Pères de l'Eglise.


3. Ces derniers, en effet, avec une profonde pénétration spirituelle, ont su discerner et indiquer la grande "clef" de lecture des Psaumes dans le Christ lui-même, dans la plénitude de son mystère. Les Pères en étaient tout à fait convaincus: dans les Psaumes, il est question du Christ. En effet, Jésus ressuscité applique à lui-même les Psaumes lorsqu’il dit à ses disciples: "Il faut que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes" (Lc 24,44). Les Pères ajoutent que dans les Psaumes, on parle au Christ, ou que c'est le Christ lui-même qui parle. En affirmant cela, ils ne pensaient pas seulement à la personne individuelle de Jésus, mais au Christus totus, à tout le Christ, formé par le Christ tête et par ses membres.

C'est ainsi que naît, pour le chrétien, la possibilité de lire le Psautier à la lumière de tout le mystère du Christ. C'est précisément cette optique qui en fait également apparaître la dimension ecclésiale, qui est particulièrement mise en évidence par le chant choral des Psaumes. On comprend ainsi comment les Psaumes ont pu être utilisés, dès les premiers siècles, comme prière du Peuple de Dieu. Si, au cours de certaines périodes de l'histoire, est apparue une tendance à préférer d'autres prières, les moines ont eu le grand mérite de conserver allumée dans l'Eglise la flamme du Psautier. L'un d'eux, saint Romuald fondateur des Camaldules, à l'aube du second millénaire chrétien, arrivait à soutenir que - comme l'affirme son biographe Bruno de Querfurt - les Psaumes sont l'unique voie pour faire l'expérience d'une prière vraiment profonde: "Una via in psalmis" (Passio sanctorum Benedicti et Johannes ac sociorum eorundem: MPH VI, 1893, 427).


4. Avec cette affirmation, à première vue excessive, il restait en réalité ancré à la meilleure tradition des premiers siècles chrétiens, quand le Psautier était devenu le livre par excellence de la prière ecclésiale. Ce fut un choix juste face aux tendances hérétiques qui menaçaient sans cesse l'unité de foi et de communion. A ce propos, il est intéressant de mentionner une lettre merveilleuse que saint Athanase écrivit à Marcellin dans la première moitié du IVème siècle, alors que l'hérésie arienne sévissait, portant atteinte à la foi dans la divinité du Christ. Face aux hérétiques qui attiraient les gens à eux, notamment à travers des chants et des prières qui en gratifiaient les sentiments religieux, le grand Père de l'Eglise se consacra de toutes ses forces à enseigner le Psautier transmis par l'Ecriture (cf. PG , 12sq). Ce fut ainsi qu'au "Notre Père", la prière du Seigneur par antonomase, s'ajouta la pratique, vite devenue universelle parmi les baptisés, de la prière psalmodique.


5. Egalement grâce à la prière communautaire des Psaumes, la conscience chrétienne a rappelé et compris qu'il est impossible de s'adresser au Père qui habite dans les cieux sans une authentique communion de vie avec les frères et les soeurs qui habitent sur terre. De plus, en s'insérant de façon vitale dans la tradition de prière des juifs, les chrétiens apprirent à prier en racontant les magnalia Dei, c'est-à-dire les grandes merveilles accomplies par Dieu, que ce soit dans la création du monde et de l'humanité, ou dans l'histoire d'Israël et de l'Eglise. Cette forme de prière puisée à l'Ecriture n'exclut assurément pas des expressions plus libres, et celles-ci continueront non seulement à caractériser la prière personnelle, mais également à enrichir la prière liturgique elle-même, par exemple avec des hymnes et des tropaires. Le Livre du Psautier demeure toutefois la source idéale de la prière chrétienne, et l'Eglise continuera à s'en inspirer au cours du nouveau millénaire.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 28 mars 2001, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage du diocèse de Saint-Claude; Ecole Sainte-Marie, de Neuilly; Centre Madeleine Daniélou, de Rueil-Malmaison; Collège Notre-Dame, de Pont-à-Mousson.

Chers Frères et Soeurs,

Nous commençons aujourd'hui une série de catéchèses sur les psaumes et les cantiques de la prière des Laudes. Je désire ainsi encourager et aider chacun à prier avec les paroles qui ont été utilisées par Jésus et qui, depuis des millénaires, sont présentes dans la prière d'Israël et de l'Eglise.

Nous chercherons à découvrir la signification religieuse des psaumes et à montrer comment ces textes, écrits il y a si longtemps par des croyants juifs, peuvent être repris par les disciples du Christ. Nous nous mettrons donc à l'écoute des Pères de l'Eglise pour lesquels, dans les psaumes, on parle du Christ, on parle au Christ et le Christ nous parle. Nous pouvons donc les lire à la lumière de tout le mystère du Christ.

Par ailleurs, la Tradition témoigne de la dimension ecclésiale des psaumes, le livre par excellence de la prière du peuple de Dieu. Grâce à la prière communautaire des psaumes, les chrétiens ont compris qu'il est impossible de s'adresser à leur Père des cieux sans une authentique communion de vie avec leurs frères et soeurs.

Je suis heureux d'accueillir les personnes de langue française. Je salue particulièrement les Petites Soeurs de Jésus du Père de Foucauld, en session de renouveau, les pèlerins du diocèse de Saint-Claude, ainsi que les jeunes présents ce matin, notamment les centres Daniélou. Que le temps du carême vous aide à entrer avec confiance dans une relation toujours plus profonde avec le Christ, pour en témoigner généreusement! A tous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.




Mercredi 4 avril 2001

40401 Lecture: Ps 69,2 Ps 69,5-6 [70], 2.5-6

Avant d'entreprendre le commentaire des Psaumes et des Cantiques des Laudes, nous complétons aujourd'hui notre réflexion introductive commencée au cours de la dernière catéchèse. Et nous le faisons en partant d'un aspect très cher à la tradition spirituelle: en chantant les Psaumes, le chrétien fait l'expérience d'une sorte d'harmonie entre l'Esprit présent dans les Ecritures et l'Esprit qui demeure en lui en vertu de la grâce baptismale. Plus que prier à travers des paroles propres, il se fait l'écho de ces "gémissements ineffables" dont parle saint Paul (cf. Rm Rm 8,26), à travers lesquels l'Esprit du Seigneur pousse les croyants à s'unir à l'invocation caractéristique de Jésus: "Abba! Père!" (Rm 8,15 Ga 4,6).

Les antiques moines étaient tellement certains de cette vérité qu'ils ne se préoccupaient pas de chanter les Psaumes dans leur langue maternelle, car il leur suffisait d'avoir la conscience d'être, d'une certaine façon, des "instruments" de l'Esprit Saint. Ils étaient convaincus que leur foi permettait aux versets des Psaumes de faire jaillir une "énergie" particulière de l'Esprit Saint. La même conviction se manifeste dans l'utilisation caractéristique des Psaumes, qui fut appelée "prière jaculatoire" - du mot latin "iaculum", c'est-à-dire dard - pour indiquer de très brèves expressions psalmodiques qui pouvaient être "lancées", presque comme des pointes enflammées, par exemple contre les tentations. Jean Cassien, un écrivain qui vécut entre le IVème et le Vème siècle, rappelle que certains moines avaient découvert l'efficacité extraordinaire du très bref incipit du Psaume 69: "O Dieu, vite à mon secours, Yahvé, à mon aide!", qui est devenu depuis comme la porte d'entrée de la Liturgie des Heures (cf. Conlationes, 10, 10: CPL 512, 298 sq).


2. A côté de la présence de l'Esprit Saint, une autre dimension importante est celle de l'action sacerdotale que le Christ accomplit dans cette prière en associant à lui l'Eglise, son épouse. A ce propos, précisément en se référant à la Liturgie des Heures, le Concile Vatican II enseigne: "Le Souverain Prêtre de la Nouvelle et Eternelle Alliance, le Christ Jésus [...] s'adjoint toute la communauté des hommes et se l'associe dans ce cantique de louange. En effet, il continue à exercer cette fonction sacerdotale par son Eglise elle-même qui, non seulement par la célébration de l'Eucharistie, mais aussi par d'autres moyens et surtout par l'accomplissement de l'office divin, loue sans cesse le Seigneur et intercède pour le salut du monde entier" (Sacrosanctum Concilium SC 83).

La Liturgie des Heures également, revêt donc un caractère de prière publique, dans laquelle l'Eglise est particulièrement impliquée. Il est alors illuminant de redécouvrir que l'Eglise a progressivement défini son implication spécifique de prière rythmée sur les différentes phases du jour. Il faut pour cela remonter aux premiers temps de la communauté apostolique, alors qu'il existait encore un lien étroit entre la prière chrétienne et celles que l'on appelait les "prières légales" - c'est-à-dire prescrites par la Loi mosaïque - qui s'accomplissaient à des heures déterminées dans le Temple de Jérusalem. Du Livre des Actes, nous savons que les Apôtres "d'un seul corps, fréquentaient assidûment le Temple" (2, 46) ou encore qu'"ils montaient au Temple pour la prière de la neuvième heure" (3, 1). Et d'autre part, nous savons également que les "prières légales" par excellence étaient précisément celles du matin et du soir.


3. Progressivement, les disciples de Jésus identifièrent certains Psaumes particulièrement appropriés à des moments déterminés de la journée, de la semaine ou de l'année, y saisissant un sens profond en rapport avec le mystère chrétien. Saint Cyprien est un témoin éminent de ce processus, et écrit dans la première moitié du troisième siècle: "Il faut en effet prier au début du jour pour célébrer dans la prière du matin la résurrection du Seigneur. Cela correspond à ce que jadis l'Esprit Saint indiquait dans les Psaumes à travers ces paroles: "O mon roi et mon Dieu! C'est toi que je prie, Yahvé! Au matin, tu écoutes ma voix; au matin je fais pour toi les apprêts et je reste aux aguets" (Ps 5,2-4) [...] Lorsqu'ensuite, le soleil se couche et que le jour disparaît, il faut se mettre à nouveau à prier. En effet, puisque le Christ est le véritable soleil et le véritable jour, au moment où le soleil et le jour du monde disparaissent, en demandant à travers la prière que la lumière revienne vers nous, nous invoquons le retour du Christ pour nous apporter la grâce de la lumière éternelle" (De Oratione dominica, 35: PL 39, 655).


4. La tradition chrétienne ne se limita pas à perpétuer la tradition juive, mais apporta de nouveaux éléments qui finirent par caractériser différemment toute l'expérience de prière vécue par les disciples de Jésus. En effet, outre réciter, le matin et le soir, le Notre Père, les chrétiens choisirent avec liberté les Psaumes avec lesquels célébrer leur prière quotidienne. Tout au long de l'histoire, ce processus suggéra l'utilisation de Psaumes déterminés pour certains moments de foi particulièrement significatifs. Parmi ceux-ci, la première place était occupée par la prière de veillée, qui préparait au Jour du Seigneur, le Dimanche, au cours duquel on célébrait la Pâque de la Résurrection.

Une caractéristique typiquement chrétienne a été ensuite l'ajout, à la fin de chaque Psaume et Cantique, de la doxologie trinitaire, "Gloire au Père et au Fils et à l'Esprit Saint". Ainsi, chaque Psaume et Cantique est illuminé par la plénitude de Dieu.


5. La prière chrétienne naît, se nourrit et se développe autour de l'événement par excellence de la foi, le Mystère pascal du Christ. Ainsi, le matin et le soir, au lever et au coucher du soleil, on rappelait la Pâque, le passage du Seigneur de la mort à la vie. Le symbole du Christ "lumière du monde", apparaît dans la lampe durant la prière des Vêpres, appelée pour cela également lucernaire. Les heures du jour rappellent à leur tour le récit de la passion du Seigneur et la troisième heure également la descente de l'Esprit Saint et de la Pentecôte. La prière de Complies, enfin, a un caractère eschatologique, et évoque la vigile recommandée par Jésus dans l'attente de son retour (cf. Mc Mc 13,35-37).

En rythmant de cette façon leur prière, les chrétiens répondirent au commandement du Seigneur de "prier constamment" (Lc 18,12 Lc 21,36 1Th 5,17 Ep 6,18), mais sans oublier que toute la vie doit en quelque sorte devenir une prière. A ce propos, Origène écrit: "Celui qui unit la prière aux oeuvres et les oeuvres à la prière prie sans cesse" (Sur la prière, XII, 2: , 452C).

Cet horizon dans son ensemble constitue le milieu naturel de la récitation des Psaumes. Si ceux-ci sont entendus et vécus ainsi, la doxologie trinitaire qui couronne chaque Psaume, devient, pour chaque croyant dans le Christ, un plongeon permanent, sur la vague de de l'Esprit et en communion avec tout le Peuple de Dieu, dans l'océan de vie et de paix dans lequel il a été plongé à travers le Baptême, c'est-à-dire dans le mystère du Père, du Fils et de l'Esprit Saint.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 4 avril 2001, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de pèlerins du diocèse de Clermont; du diocèse de Viviers; Collège de la Maîtrise de la Cathédrale de Dijon; Collège de l'Assomption, de Forges; Collège Pendillon, de Saint-Donat; Collège Albert Camus, de Moulins-les-Metz; Ecole Saint-Joseph, de Lectoure; Institution Saint-Joseph, de Laxou; lnstitut national des jeunes aveugles, de Paris; Groupe de pèlerins d'Angers, d'Etampes, de Strasbourg; Les amis de Saint-Marien, de Vic-sur-Seille.

De Belgique: Centre scolaire du Sacré-Coeur, de Jette; Collège Saint-Julien, de Ath; groupe de Louvain.

Du Canada: Collège Merici, de Québec.

Chers Frères et Soeurs,

Dans la tradition spirituelle de l’Eglise, la prière des psaumes permet aux chrétiens de vivre une harmonie entre la présence de l’Esprit dans les Écritures et dans les fidèles eux-mêmes, par la grâce du Baptême. Et, comme l’a enseigné le Concile, elle révèle aussi l’action sacerdotale du Christ qui unit à lui l’Église, son épouse, "et se l’associe dans le chant de son divin cantique de louange" (Sacrosanctum Concilium SC 83).

Voilà pourquoi la liturgie des Heures a le caractère d’une prière publique, dans laquelle l’Eglise est particulièrement impliquée. Reprenant la tradition juive de la prière à différentes heures du jour, les disciples de Jésus y ont progressivement associé certains psaumes, dans lesquels ils découvraient un rapport profond avec le mystère pascal. Car la prière chrétienne naît, se nourrit et se développe à partir de l’événement par excellence de la foi, la Pâque du Christ. Ainsi, le matin et le soir, elle fait mémoire du passage du Seigneur de la mort à la vie. Les heures qui ponctuent le jour rappellent la Passion du Seigneur, et la prière de Complies a un caractère eschatologique, évoquant la vigilance demandée par Jésus dans l’attente de son retour.

Je salue cordialement les pèlerins francophones présents à cette audience, en particulier les jeunes venus de France, de Belgique et du Canada. Que le Seigneur rende fructueux votre pèlerinage et fasse grandir en vous un vrai sens de la prière chrétienne ! A tous je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.






Mercredi 11 avril 2001 Se préparer à vivre le Triduum pascal

11401 Lecture: Mt 5,11-12

1. Nous nous trouvons à la veille du Triduum pascal, déjà plongés dans le climat spirituel de la Semaine sainte. A partir de demain jusqu'à dimanche nous vivrons les journées centrales de la liturgie, qui nous reproposent le mystère de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur. Dans leurs homélies, les Pères font souvent référence à ces journées qui - comme l'observe saint Athanase - nous introduisent "dans ce temps qui nous porte et nous fait connaître un nouveau début, le jour de la sainte Pâque, dans laquelle le Seigneur s'est immolé". C'est ainsi qu'il décrit la période que nous vivons dans ses Lettres pascales (Lett. 5, 1-2; ).

Dimanche prochain, la Préface pascale nous fera chanter avec une grande force que "dans la résurrection du Christ la vie de chacun est ressuscitée".

Dans le coeur de ce Triduum sacré se trouve "le mystère d'un amour sans limites", c'est-à-dire le mystère de Jésus qui "ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'à la fin" (Jn 13,1). J'ai reproposé ce mystère doux et bouleversant aux prêtres dans la Lettre que, comme chaque année, je leur ai envoyée à l'occasion du Jeudi saint.

Je vous invite vous aussi à réfléchir sur ce même amour, pour vous préparer dignement à revivre les étapes de conclusion de la vie terrestre de Jésus. Nous entrerons demain dans le Cénacle pour accueillir le don extraordinaire de l'Eucharistie, du Sacerdoce et du commandement nouveau. Vendredi saint, nous reparcourrons le Chemin de croix, la via crucis qui conduit au Calvaire, où le Christ accomplira son sacrifice. Samedi saint, nous attendrons en silence d'entrer dans la Veillée pascale solennelle.


2. "Il les aima jusqu'à la fin". Ces paroles de l'évangéliste Jean expriment et définissent de façon particulière la liturgie de demain, Jeudi saint, contenue dans la célébration de la Messe Chrismale du matin et de la Messe des vêpres in Cena Domini, qui ouvre le Triduum pascal.

L'Eucharistie est un signe éloquent de cet amour total, libre et gratuit, et elle offre à chacun la joie de la présence de Celui qui nous rend nous aussi capables d'aimer, en l'imitant, "jusqu'à la fin". L'amour que Jésus propose à ses disciples est un amour exigeant.

Au cours de notre rencontre, nous en avons à nouveau entendu l'écho dans les paroles de l'évangéliste Matthieu: "Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu'on vous persécutera, et qu'on dira faussement contre vous toute sorte d'infamie à cause de moi. Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux" (Mt 5,11-12). Aujourd'hui aussi "aimer jusqu'à la fin" signifie être prêts à affronter les difficultés au nom du Christ. Cela signifie ne pas avoir peur des insultes, ni des persécutions, et être prêts à "aimer vos ennemis et à prier pour vos persécuteurs" (cf. Mt Mt 5,44). Tout cela est un don du Christ, qui s'est offert lui-même pour chaque homme comme victime en sacrifice sur l'autel de la Croix.


3. "Il les aima jusqu'à la fin". Du Cénacle au Golgotha: notre réflexion nous conduit au Calvaire, où nous contemplons un amour dont le plein accomplissement est le don de la vie. La Croix est un signe clair de ce mystère mais, dans le même temps, précisément pour cette raison, elle devient un symbole qui interpelle et qui remue les consciences. Lorsque, Vendredi prochain, nous célébrerons la Passion du Seigneur et que nous prendrons part à la Via Crucis, nous ne pourrons pas oublier la force de cet amour qui se donne sans mesure.

Dans la Lettre apostolique en conclusion du grand Jubilé de l'An 2000, j'ai écrit: "La contemplation du visage du Christ nous conduit ainsi à aborder l'aspect le plus paradoxal de son mystère, qui se révèle à l'heure extrême, l'heure de la Croix. Mystère dans le mystère, devant lequel l'être humain ne peut que se prosterner et adorer" (Novo millennio ineunte NM 25). Telle est l'attitude intérieure la plus adaptée pour nous préparer à vivre le jour de la commémoration de la passion, de la crucifixion et de la mort du Christ.


4. "Il les aima jusqu'à la fin". Sacrifié pour nous sur la Croix, Jésus ressuscite et devient prémisse de la nouvelle création. Nous passerons le Samedi saint dans l'attente silencieuse de la rencontre avec le Ressuscité, en méditant sur les paroles de l'Apôtre Paul: "Le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, [...] il a été mis au tombeau, [...] il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures" (1Co 15,3-4). De cette façon, nous pourrons mieux nous préparer à la solennelle Veillée pascale, lorsque dans le coeur de la nuit surgira la lumière fulgurante du Christ ressuscité.

Que sur cette dernière partie du chemin pénitentiel nous accompagne Marie, la Vierge qui demeura toujours fidèle aux côtés de son Fils, en particulier au cours des journées de la Passion. Que ce soit Elle qui nous enseigne à aimer "jusqu'à la fin" en suivant les traces de Jésus, qui par sa mort et sa résurrection a sauvé le monde.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 11 avril 2001, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupes de pèlerins des diocèses de Paris et d'Angers; Lycée privé Notre-Dame, de Valenciennes; Petits Chanteurs de Mongré, de Villefranche-sur-Saône.

Chers Frères et Soeurs,

A la veille du triduum pascal, déjà plongés dans le climat spirituel de la semaine sainte, nous nous préparons à revivre les dernières étapes de la vie terrestre de Jésus. Nous méditerons sur sa passion, sa mort et sa résurrection qui révèlent un amour sans limite.

Demain nous entrerons au Cénacle pour recevoir le don de l’Eucharistie, du sacerdoce et du commandement nouveau pour aimer “jusqu’au bout”, comme Jésus.

Vendredi, nous contemplerons le Christ en croix offrant sa vie pour nous, “mystère dans le mystère, devant lequel l’être humain ne peut que se prosterner et adorer” (Novo millennio ineunte, NM 25).Dans le grand silence du Samedi saint, dans l’attente vigilante et la prière, nous nous préparerons à la veillée pascale d’où surgit la lumière fulgurante du Christ Ressuscité. Puisse Marie, proche de nous en ces heures comme elle le fut près de son Fils, nous apprendre à aimer “jusqu’au bout”, comme Jésus, lui qui par sa mort et sa résurrection a sauvé le monde !

Je suis heureux d’accueillir les francophones présents ce matin, particulièrement les élèves des écoles Notre-Dame de Valenciennes et Mongré de Villefranche et leurs accompagnateurs, ainsi que les jeunes venus célébrer la Semaine sainte à Rome. Puisse votre séjour affermir votre foi et faire de vous des témoins de l’Evangile ! Avec la Bénédiction apostolique.






Mercredi 18 avril 2001 Contempler le visage du Ressuscité

18401 Lecture: Lc 24,28-32

1. La traditionnelle Audience générale du mercredi est aujourd'hui inondée par la joie lumineuse de la Pâque. Au cours de ces journées l'Eglise célèbre avec joie le grand mystère de la Résurrection. C'est une joie profonde et inextinguible, fondée sur le don de la part du Christ ressuscité de la nouvelle et éternelle Alliance, qui demeure car désormais Il ne meurt plus. Une joie qui se prolonge non seulement pendant l'Octave de Pâques, considérée par la liturgie comme un unique jour, mais qui s'étend pendant cinquante jours jusqu'à la Pentecôte. Elle va même jusqu'à embrasser désormais tous les temps et tous les lieux.

Au cours de cette période, la Communauté chrétienne est invitée à une expérience nouvelle et plus approfondie du Christ ressuscité, vivant et agissant dans l'Eglise et dans le monde.


2. Dans ce splendide cadre de lumière et de joie, propre au temps pascal, nous voulons à présent nous arrêter pour contempler ensemble le visage du Ressuscité, en reprenant et en actualisant ce que je n'ai pas hésité à définir comme "noyau central" du grand héritage que nous a laissé le Jubilé de l'An 2000. En effet, comme je l'ai souligné dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, "si nous voulions ramener à son noyau central le grand héritage que l'expérience jubilaire nous laisse, je n'hésiterais pas à le situer dans la contemplation du visage du Christ... accueilli dans sa présence multiple dans l'Eglise et dans le monde, proclamé comme sens de l'histoire et lumière sur notre route" (n. 15).

De même que Vendredi et Samedi saint nous avons contemplé le visage empreint de souffrance du Christ, nous tournons à présent le regard plein de foi et d'amour reconnaissant vers le visage du Ressuscité. C'est Lui que l'Eglise regarde au cours de ces journées, en se plaçant sur les traces de Pierre, qui confesse son amour au Christ (cf. Jn Jn 21,15-17), et sur les pas de Paul, ébloui par Jésus ressuscité sur la route de Damas (cf. Ac Ac 9,3-5).

La liturgie pascale nous présente diverses rencontres du Christ ressuscité, qui constituent une invitation à approfondir son message et qui nous incitent à imiter le chemin de foi de ceux qui l'ont reconnu au cours des premières heures qui ont suivi la résurrection. Ainsi, nous sommes stimulés par les pieuses femmes et par Marie Madeleine à faire preuve de sollicitude en apportant l'annonce du Ressuscité aux disciples (cf. Lc Lc 24,8-10 Jn 20,18). L'Apôtre bien-aimé témoigne de façon singulière que c'est précisément l'amour qui réussit à voir la réalité signifiée par les signes de la résurrection: la tombe vide, l'absence du corps, les draps funéraires pliés. L'amour voit et croit, et il pousse à marcher vers Celui qui porte en lui la signification de toute chose: Jésus, vivant pour les siècles des siècles.


3. Dans la liturgie d'aujourd'hui, l'Eglise contemple le visage du Ressuscité partageant le chemin des deux disciples d'Emmaüs. Au début de notre rencontre, nous avons écouté un passage de cette célèbre page de l'évangéliste Luc.

Même si elle est difficile, la route d'Emmaüs conduit du sentiment de désarroi et d'égarement à la plénitude de la foi pascale. En reparcourant cet itinéraire, nous sommes nous aussi rejoints par le mystérieux Compagnon de voyage. Jésus s'approche de nous le long du chemin, en nous prenant au point où nous sommes et en posant les questions essentielles qui rouvrent le coeur à l'espérance. Il a beaucoup de choses à expliquer à propos de son destin et du nôtre. Il révèle surtout que chaque existence humaine doit passer à travers sa Croix pour entrer dans la gloire. Mais le Christ accomplit quelque chose de plus: il rompt pour nous le pain du partage, en offrant cette Table eucharistique où les Ecritures acquièrent leur pleine signification et révèlent les traits uniques et resplendissants du visage du Rédempteur.


4. Après avoir reconnu et contemplé le visage du Christ ressuscité, nous aussi, comme les deux disciples, nous sommes invités à nous précipiter vers nos frères, pour apporter à tous la grande nouvelle: "Nous avons vu le Seigneur!" (Jn 20,25).

"En Lui qui est ressuscité toute la vie ressuscite" (Préface pascale II): telle est la bonne nouvelle que les disciples du Christ ne se lassent pas d'apporter au monde, tout d'abord à travers le témoignage de leur propre vie. C'est le plus beau don que nos frères attendent de nous en ce temps pascal.

Laissons-nous donc attirer par la beauté de la résurrection du Christ. Que la Vierge Marie nous aide à goûter pleinement la joie pascale: une joie que, selon la promesse du Ressuscité, personne ne pourra jamais nous enlever et qui ne connaîtra pas de fin (cf. Jn Jn 16,23).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 18 avril 2001, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage du diocèse de Nanterre, avec Mgr François Favreau; pèlerins des diocèses de Sées et de Besançon; paroisse Notre-Dame du Port et Saint-Joseph, de Nice; paroisse Saint-Eloi, de Paris; Servants de Messe du diocèse de Besançon; Servants de Messe de Bressaucourt; Collège et Lycée Léonard Limosin, de Limoges; Institut Sonnenberg, de Carpasch; membres du Souvenir napoléonien; groupe de jeunes de Belfort; groupe de pèlerins de Toulouse.

De Suisse: Paroisse Saint-Joseph, de Couvelt; paroisse Saint-Thérèse, de Genève.

De Belgique: Membres du Pouvoir organisateur de l'Institut de l'Alimentation de Bruges; Institut de l'Instruction chrétienne, Abbaye de Flône.

Frères et Soeurs,

Nous sommes encore aujourd’hui dans la joie du mystère de la Résurrection. Durant le temps pascal, la communauté chrétienne fait une expérience renouvelée du Christ, contemplant le visage du Ressuscité. Au terme de la Passion, qui nous a fait méditer sur le visage souffrant de Jésus, notre coeur est rempli de foi, d’amour et de reconnaissance envers notre Sauveur.

La liturgie pascale nous propose différentes rencontres du Ressuscité; ce sont autant d’invitations à approfondir son message et à imiter ceux qui, les premiers, l’ont reconnu au matin de Pâques. L’amour nous pousse à croire et à aller à la rencontre du Fils de Dieu. Comme pour les disciples d’Emmaüs, le Seigneur se tient à nos côtés, nous explique les Ecritures et nous ouvre à l’espérance. Il nous révèle ainsi que, en marchant à sa suite, nous passons par la croix pour entrer dans la gloire. Laissons-nous attirer par la beauté de la Résurrection, guidés par la Vierge Marie!

Je salue cordialement les francophones présents, notamment les jeunes. Que la joie de Pâques vous soutienne chaque jour ! A tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.

Je salue particulièrement Monseigneur François Favreau et les pèlerins du diocèse de Nanterre, venus au terme de leur démarche synodale. Chers Amis, je vous encourage à prendre appui sur cette étape de réflexion, de partage et de prière, pour vivre plus intensément votre vie chrétienne personnelle et ecclésiale, et pour ouvrir des chemins d’espérance aux hommes d’aujourd’hui, en leur faisant découvrir le Christ. Par la parole et par l'exemple, vous êtes tous appelés à participer activement à l'annonce de l’Evangile. Vous en trouverez la force dans la méditation de la Parole de Dieu, dans une vie sacramentelle toujours plus intense et dans la charité vécue au quotidien. Je vous invite à porter une attention toute particulière aux familles, pour qu'elles remplissent généreusement leur mission de service de la vie et d'éducation de la jeunesse. Faites une place toujours plus grande aux jeunes! Ils attendent que leurs aînés leur transmettent la Parole de Dieu et les valeurs chrétiennes, et qu’ils leur fassent découvrir la joie qu'il y a à suivre le Christ, qui donne des raisons de vivre; rendez-les toujours plus responsables dans la société et dans l'Eglise ! Que le Seigneur vous accompagne dans votre marche diocésaine!

A l'issue de l'Audience générale du 18 avril 2001, le Pape Jean-Paul II lançait un appel pour le Moyen-Orient:

Alors que la lumière du Christ éclaire l'univers tout entier, nous ne pouvons que nous sentir solidaires de tous nos frères qui, au Moyen-Orient, sont pris dans un tourbillon de violence armée et de représailles.

Le fracas des armes doit être remplacé par la voix de la raison et de la conscience: l'attention sincère aux aspirations de tous les peuples et le respect scrupuleux du droit international sont les seuls moyens capables de ramener les parties en cause à la table des négociations et de tracer un chemin de fraternité pour ces populations.

Que Dieu veuille parler au coeur de celui qui tue et avoir pitié de ceux qui se livrent à tant de violence! Tu nobis, Victor Rex, miserere!







Catéchèses S. J-Paul II 28301