Catéchèses S. J-Paul II 22498

Mercredi, 22 Avril 1998

22498 1. Le chemin vers le Jubilé, tout en rappelant la première venue historique du Christ, nous invite également à regarder en avant, dans l'attente de sa seconde venue à la fin des temps. Cette perspective eschatologique, qui indique le but fondamental de l'existence chrétienne vers les réalités ultimes, est un appel permanent à l'espérance et, dans le même temps, à un engagement dans l'Eglise et dans le monde.

Nous ne devons pas oublier que l'«éschaton», c'est-à-dire l'événement final, entendu de façon chrétienne, n'est pas seulement un objectif situé dans l'avenir, mais une réalité déjà commencée avec la venue historique du Christ. Sa passion, sa mort et sa résurrection constituent l'événement suprême de l'histoire de l'humanité. Cette dernière est désormais entrée dans sa phase ultime, accomplissant, pour ainsi dire, un saut de qualité. Dans le temps se dessine l'horizon d'une nouvelle relation avec Dieu, caractérisée par la grande offrande du salut dans le Christ.

C'est pourquoi Jésus peut dire: «L'heure vient et c'est maintenant où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'auront entendue vivront» (
Jn 5,25). La résurrection des morts, attendue pour la fin des temps, est rendue actuelle dès à présent de façon décisive, dans la résurrection spirituelle, objectif primordial de l'oeuvre du salut. Elle consiste dans la vie nouvelle communiquée par le Christ ressuscité, en tant que fruit de son oeuvre rédemptrice.

C'est un mystère de renaissance dans l'eau et dans l'Esprit (cf. Jn Jn 3,5) qui marque profondément le présent et l'avenir de toute l'humanité, même si son efficacité n'agit dès à présent que chez ceux qui accueillent pleinement le don de Dieu et le font rayonner dans le monde.

2. Cette double dimension, à la fois présente et future, de la venue du Christ apparaît clairement à travers ses paroles. Dans le discours eschatologique, qui précède de peu le drame pascal, Jésus prédit: «Et alors on verra le Fils de l'homme venant dans des nuées avec grande puissance et gloire. Et alors il enverra les anges pour rassembler ses élus, des quatre vents, de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel» (Mc 13,26-27).

Dans le langage apocalyptique les nuées sont un signe théophanique: elles indiquent que la seconde venue du Fils de l'homme ne s'accomplira pas dans la faiblesse de la chair, mais dans la puissance divine. Ces paroles du discours font penser à un avenir ultime qui conclura l'histoire. Toutefois, en répondant au Grand Prêtre durant le procès, Jésus reprend la prophétie eschatologique en l'annonçant comme un événement imminent: «Je vous le déclare: dorénavant, vous verrez le Fils de l'homme siégeant à la droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel» (Mt 26,64).

En comparant ces paroles avec celles du discours précédent, l'on saisit le sens dynamique de l'eschatologie chrétienne, comme un processus historique désormais amorcé et en marche vers sa plénitude.

3. D'autre part, nous savons que les images apocalyptiques du discours eschatologique, à propos de la fin de toutes les choses, doivent être interprétées dans leur valeur symbolique. Elles expriment la précarité du monde et la puissance souveraine du Christ, entre les mains duquel est placé le destin de l'humanité. L'histoire est en marche vers son but, mais le Christ n'a donné aucune indication chronologique. Les tentatives de prévision de la fin du monde sont donc illusoires et nous égarent. Le Christ nous a seulement assuré que la fin n'aura pas lieu avant que son oeuvre salvifique n'ait atteint une dimension universelle à travers l'annonce de l'Evangile: «Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier, en témoignage à la face de toutes les nations. Et alors viendra la fin» (Mt 24,14).

Jésus adresse ces paroles aux disciples soucieux de connaître la date de la fin du monde. Ils auraient été tentés de penser à une date proche; Jésus leur fait comprendre que de nombreux événements et cataclysmes doivent tout d'abord se produire et qu'ils seront seulement le «commencement des douleurs» (Mc 13,8). C'est pourquoi, comme le dit Paul, toute la création «gémit en travail d'enfantement» en attendant avec impatience la révélation des fils de Dieu (cf. Rm 8,19-22).

4. L'oeuvre évangélisatrice du monde comporte la profonde transformation des personnes humaines sous l'influence de la grâce du Christ. Paul nous indique que le but de l'histoire, dans le dessein du Père, est de «tout réunir sous un seul chef, le Christ, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre» (Ep 1,10). Le Christ est le centre de l'univers, qui attire chacun à lui pour lui communiquer l'abondance de la grâce et la vie éternelle.

Le Père a donné à Jésus le «pouvoir d'exercer le jugement parce qu'il est Fils d'homme» (Jn 5,27). Si le jugement prévoit bien évidemment la possibilité d'une condamnation, il est toutefois confié à celui qui est «Fils d'homme», c'est-à-dire à une personne pleine de compréhension et solidaire de la condition humaine. Le Christ est un juge divin avec un coeur humain, un juge qui désire donner la vie. Seul l'enracinement impénitent dans le mal peut l'empêcher de faire ce don, pour lequel Il n'a pas hésité à affronter la mort.



Mercredi, 29 Avril 1998

29498 1. En tournant notre regard vers le Christ, le Jubilé nous invite également à contempler Marie. Nous ne pouvons séparer le Fils de la Mère, car «être né de Marie» appartient à l'identité personnelle de Jésus. Dès les premières formules de la foi, Jésus fut reconnu comme le Fils de Dieu et de Marie. C'est ce que rappelle par exemple Tertullien lorsqu'il affirme: «Il faut croire en un Dieu unique, tout-puissant, créateur du monde, et dans son Fils Jésus-Christ, né de la Vierge Marie» (De virg. vel., 1, 3).

En tant que Mère, Marie est la première personne humaine à se réjouir d'une naissance qui devait marquer une nouvelle ère dans l'histoire religieuse de l'humanité. Grâce au message de l'ange, elle connaissait le destin extraordinaire réservé à l'enfant dans le plan du salut. La joie de Marie est à la source de tous les Jubilés futurs. C'est dans son coeur maternel que s'est donc également préparé le Jubilé que nous nous apprêtons à célébrer. C'est pourquoi la Sainte Vierge doit être présente de façon pour ainsi dire «transversale» dans les thèmes qui seront traités tout au long de la phase préparatoire (cf. Tertio millennio adveniente
TMA 43). Notre Jubilé devra être une participation à sa joie.

2. Le caractère inséparable du Christ et de Marie vient de la volonté suprême du Père dans l'accomplissement du dessein de l'Incarnation. Comme le dit Paul, «quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme» (Ga 4,4).

Le Père a voulu une mère pour son Fils incarné, afin qu'il naquît de façon véritablement humaine. Il a voulu en même temps une mère vierge, en signe de la filiation divine de l'enfant.

Pour réaliser cette maternité, le Père a demandé son assentiment à Marie. En effet, l'Ange lui a exposé le projet divin et a attendu une réponse, qui devait être le fruit de sa libre volonté. C'est ce qui ressort clairement du récit de l'Annonciation, qui souligne que Marie posa une question, d'où transparaît son intention de demeurer vierge. Lorsque l'ange lui explique que l'obstacle sera surmonté grâce à l'oeuvre de l'Esprit Saint, Elle exprime son assentiment.

3. «Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole» (Lc 1,38). Cette adhésion de Marie au projet divin a eu un effet immense sur tout l'avenir de l'humanité. Nous pouvons dire que le «oui» prononcé au moment de l'Annonciation a changé la face du monde. C'était un «oui» à la venue de Celui qui devait libérer les hommes de l'esclavage du péché et leur procurer la vie divine de la grâce. Ce «oui» de la jeune fille de Nazareth a rendu possible la destinée bienheureuse de l'univers.

Evénement merveilleux! La louange qui jaillit du coeur d'Elisabeth lors de l'épisode de la Visitation exprime bien la joie de toute l'humanité: «Bénie es-tu entre les femmes et béni le fruit de ton sein!» (Lc 1,42).

4. Dès l'instant où Marie donne son consentement, le mystère de l'Incarnation se réalise. Le Fils de Dieu entre dans le monde et commence à vivre en homme, tout en demeurant pleinement Dieu. A partir de ce moment, Marie devient Mère de Dieu.

Ce titre est le plus haut titre qui puisse être attribué à une créature. Il est totalement justifié chez Marie, car une mère est mère de la personne du fils dans toute l'intégrité de son humanité. Marie est «Mère de Dieu» dans la mesure où elle est la Mère du «Fils qui est Dieu», même si sa maternité est définie dans le cadre du mystère de l'Incarnation.

Ce fut précisément cette intuition qui fit jaillir dans le coeur et sur les lèvres des chrétiens, dès le troisième siècle, le titre de Theotókos, Mère de Dieu. La prière la plus ancienne adressée à Marie trouve ses origines en Egypte, et demande son secours dans les circonstances difficiles, en l'invoquant comme «Mère de Dieu».

Lorsque, plus tard, certains contestèrent la légitimité de ce titre, le Concile d'Ephèse, en 431, l'approuva solennellement et sa vérité s'imposa dans le langage doctrinal, ainsi que dans la prière.

5. Avec la maternité divine, Marie a pleinement ouvert son coeur au Christ, et en Lui à toute l'humanité. Le dévouement total de Marie à l'oeuvre du Fils se manifeste surtout à travers la participation à son sacrifice. Selon le témoignage de Jean, la Mère de Jésus «se tenait près de la Croix» (cf. Jn Jn 19,25). Elle s'est donc unie à toutes les souffrances qui affligeaient Jésus. Elle a participé au don généreux de son sacrifice pour le salut de l'humanité.

Cette association au sacrifice du Christ a produit en Marie une nouvelle maternité. Elle, qui a souffert pour tous les hommes, est devenue mère de tous les hommes. Jésus lui-même a proclamé cette nouvelle maternité lors-qu'il dit du haut de la Croix: «Femme, voici ton fils» (Jn 19,26). Marie était ainsi constituée mère du disciple qu'il aimait et, selon l'intention de Jésus, mère de chaque disciple, de chaque chrétien.

Cette maternité universelle de Marie, destinée à promouvoir la vie selon l'Esprit, représente un don suprême du Christ ressuscité à l'humanité. Au disciple qu'il aimait, Jésus dit: «Voici ta mère». Et dès cette heure-là, «le disciple l'accueillit chez lui» (Jn 19,27), plus encore, «parmi ses biens», parmi les dons précieux que le Maître crucifié lui avait laissés.

Les paroles: «Voici ta mère» sont adressées à chacun de nous. Nous sommes invités à aimer Marie comme le Christ l'a aimée, à la recevoir comme Mère dans notre vie, à nous laisser guider par Elle sur les voies de l'Esprit Saint.

  

Mercredi 6 Mai 1998

60598 1. La première béatitude rapportée dans l'Evangile est celle de la foi, qui fait référence à Marie: «Bienheureuse celle qui a cru» (Lc 1,45). Ces paroles, prononcées par Elisabeth, soulignent le contraste entre l'incrédulité de Zacharie et la foi de Marie. Recevant le message de la future naissance de son fils, Zacharie avait eu du mal à y croire, jugeant la chose irréalisable, car sa femme et lui étaient d'un âge avancé.

Marie, lors de l'Annonciation, est confrontée à un message encore plus bouleversant, qui est la proposition de devenir la mère du Messie. A cette perspective, elle ne réagit pas par le doute, mais elle se limite à demander comment la virginité, à laquelle elle se sent appelée, peut être conciliée avec la vocation maternelle. L'ange lui ayant répondu en évoquant la toute-puissance divine agissant à travers l'Esprit, Marie accorde son consentement humble et généreux.

En ce moment unique de l'histoire de l'humanité, la foi joue un rôle décisif. Saint Augustin affirme à juste titre: «On croit et on conçoit le Christ à travers la foi. Tout d'abord, se réalise la venue de la foi dans le coeur de la Vierge, ensuite la fécondité vient dans le sein de la Mère» (Sermo 293, PL 38, 1327).

2. Le récit évangélique des noces de Cana nous aide à contempler la profondeur de la foi de Marie. Face au manque de vin, Marie pourrait rechercher une solution humaine au problème qui s'est posé, mais elle n'hésite pas à s'adresser immédiatement à Jésus: «Ils n'ont pas de vin» (Jn 2,3). Elle sait que Jésus n'a pas de vin à sa disposition; elle demande donc vraisemblablement un miracle. Et sa requête est d'autant plus audacieuse que, jusqu'à cet instant, Jésus n'a encore opéré aucun miracle. Agissant de la sorte, Elle obéit sans aucun doute à une inspiration intérieure, car, selon le plan divin, la foi de Marie devait précéder la première manifestation du pouvoir messianique de Jésus, comme elle a précédé sa venue sur terre. Elle incarne déjà cette attitude des véritables croyants de tout temps, dont Jésus fera l'éloge: «Bienheureux ceux qui croiront sans avoir vu» (Jn 20,29).

3. La foi à laquelle Marie est appelée n'est pas facile. Avant Cana déjà, méditant les paroles et les comportements de son Fils, Elle avait dû exercer une foi profonde. L'épisode de la disparition de Jésus à l'âge de douze ans dans le Temple est emblématique, lorsqu'Il lui avait répondu, ainsi qu'à Joseph: «Pourquoi donc me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père?» (Lc 2,49). Mais à présent, à Cana, la réponse de Jésus à la requête de sa Mère semble encore plus nette et pas du tout encourageante: «Que me veux-tu, femme? Mon heure n'est pas encore arrivée» (Jn 2,4). Dans l'idée du Quatrième Evangile, il ne s'agit pas de l'heure de la manifestation publique du Christ, mais plutôt de l'anticipation de la signification de l'Heure suprême de Jésus (cf. Jn Jn 7,30 Jn 12,23 Jn 13,1 Jn 17,1), dont les fruits messianiques de la rédemption et de l'Esprit sont représentés de façon efficace par le vin, comme symbole de prospérité et de joie. Cependant, le fait que cette Heure ne soit pas encore chronologiquement arrivée représente un obstacle qui, provenant de la volonté souveraine du Père, semble insurmontable.

Pourtant, Marie ne renonce pas à sa requête, au point de solliciter les serviteurs pour l'accomplissement du miracle espéré: «Tout ce qu'il vous dira, faites-le» (Jn 2,5). Grâce à la docilité et à la profondeur de sa foi, Elle lit les paroles du Christ au-delà de leur sens immédiat. Elle a l'intuition de la profondeur insondable et des ressources infinies de la miséricorde divine, et elle ne doute pas de la réponse d'amour de son Fils. Le miracle répond à la persévérance de sa foi.

Marie se présente ainsi comme le modèle d'une foi en Jésus qui résiste à tous les obstacles.

4. La vie publique de Jésus réserve également des épreuves pour la foi de Marie. D'une part, elle éprouve de la joie en voyant que la prédication et les miracles de Jésus suscitent l'admiration et l'approbation de nombreuses personnes; d'autre part, Elle voit avec amertume l'opposition toujours plus dure de la part des Pharisiens, des docteurs de la Loi, de la hiérarchie sacerdotale.

On peut imaginer la souffrance de Marie face à cette incrédulité, qu'Elle constatait même au sein de sa famille: ceux qui sont appelés «les frères de Jésus», c'est-à-dire les membres de sa famille, ne croyaient pas en lui et interprétaient son comportement comme étant inspiré par une volonté ambitieuse (cf. Jn Jn 7,2-5).

Marie, bien qu'elle ressente douloureusement le désaccord familial, ne rompt pas les liens avec ces parents, que nous retrouvons avec Elle dans la première communauté en attente de la Pentecôte (cf. Ac Ac 1,14). Grâce à sa bienveillance et à sa charité, Marie aide les autres à partager sa foi.

5. Lors du drame du Calvaire, la foi de Marie demeure intacte. Ce drame a été bouleversant pour la foi des disciples. Ce n'est que grâce à l'efficacité de la prière du Christ qu'il a été possible à Pierre et aux autres, bien qu'ils fussent éprouvés, de reprendre le chemin de la foi, pour devenir les témoins de la résurrection.

En rapportant que Marie se tenait debout au pied de la Croix, l'évangéliste Jean (cf. Jn Jn 19,25) nous fait comprendre que Marie est restée pleine de courage en cet instant dramatique. Cela a certainement été la phase la plus difficile de sa «pérégrination de foi» (cf. Lumen gentium LG 58). Mais Elle a pu rester debout, car sa foi est restée solide. Dans l'épreuve, Marie a continué à croire que Jésus était le Fils de Dieu et que, grâce à son sacrifice, il aurait transformé le destin de l'humanité.

La résurrection a été la confirmation définitive de la foi de Marie. Plus qu'en toute autre personne, la foi dans le Christ ressuscité a assumé dans son coeur le visage le plus authentique et le plus complet de la foi, qui est le visage de la joie.



Mercredi 13 Mai 1998

13598 1. Dans le cadre de la préparation au grand Jubilé de l'An 2000, l'année en cours est consacrée de façon particulière à l'Esprit Saint. En poursuivant le chemin entamé par toute l'Eglise, après avoir conclu la thématique christologique, nous commençons aujourd'hui une réflexion systématique sur Celui «qui est Seigneur et qui donne la vie». J'ai amplement parlé de la troisième personne de la Très Sainte Trinité en de nombreuses occasions. Je rappelle en particulier l'Encyclique «Dominum et vivificantem» et la catéchèse sur le Credo. La perspective de l'imminent Jubilé m'offre l'occasion de revenir à nouveau sur la contemplation de l'Esprit Saint, pour scruter avec une âme emplie d'adoration l'action qu'il accomplit à travers le temps et l'histoire.

2. Une contemplation, à dire la vérité, qui ne serait pas facile si l'Esprit lui-même ne venait en aide à notre faiblesse (cf. Rm
Rm 8,26). En effet, comment discerner la présence de l'Esprit de Dieu dans l'histoire? Nous ne pouvons apporter une réponse à cette question qu'en ayant recours aux Saintes Ecritures qui, étant inspirées par le Paraclet, nous révèlent progressivement son action et son identité. Celles-ci nous manifestent d'une certaine façon le «langage» de l'Esprit, son «style», sa «logique». Il est possible de lire également la réalité dans laquelle il opère avec un regard qui va au-delà d'une simple observation extérieure, saisissant derrière les choses et les événements, les traits de sa présence. L'Ecriture elle-même, depuis l'Ancien Testament, nous aide à comprendre que rien de ce qui est bon, vrai et saint dans le monde, ne peut s'expliquer indépendamment de l'Esprit de Dieu.

3. Une première mention voilée de l'Esprit apparaît dès les premières lignes de la Bible, dans l'hymne au Dieu créateur, par lequel s'ouvre le livre de la Genèse: «Un vent de Dieu tournoyait sur les eaux» (Gn 1,2).Pour dire «esprit», on utilise ici le mot hébreu ruach, qui signifie «souffle» et qui désigne aussi bien le vent que la respiration. Comme on le sait, ce texte appartient à la soi-disant «source sacerdotale» qui remonte à la période de l'exil babylonien (VI siècle avant J.-C.), lorsque la foi d'Israël était parvenue de façon explicite à une conception monothéiste de Dieu. Prenant conscience, grâce à la lumière de la révélation, du pouvoir créateur de l'unique Dieu, Israël a eu l'intuition que Dieu a créé l'univers par la force de sa Parole. Uni à celle-ci, ressort le rôle de l'Esprit, dont la perception est favorisée par la même analogie de langage qui, par association, unit la parole au souffle des lèvres: «Par la parole de Yahvé les cieux ont été faits, par le souffle (ruach) de sa bouche, toute leur armée» (Ps 33,6 [32], 6). Ce souffle vital et vivifiant de Dieu ne se limite pas au moment initial de la création, mais soutient en permanence et vivifie tout le créé, le renouvelant continuellement: «Tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu renouvelles la face de la terre» (Ps 104,30 [103], 30).

4. La nouveauté la plus caractéristique de la révélation biblique est d'avoir perçu dans l'histoire le domaine privilégié de l'action de l'Esprit de Dieu. Dans environ cent passages de l'Ancien Testament, le mot ruach JHWH indique l'action de l'Esprit du Seigneur qui guide son peuple, surtout dans les grandes étapes de son chemin. Ainsi, à l'époque des juges, Dieu faisait descendre son Esprit sur les hommes faibles et les transformait en guides charismatiques, investis d'énergie divine: c'est l'épisode de Gédéon, de Jephté et en particulier de Samson (cf. Jg Jg 6,34 Jg 11,29 Jg 13,25 Jg 14,6 Jg 14,19).

Avec l'avènement de la monarchie de David, cette force divine qui jusqu'alors s'était manifestée de façon imprévisible et intermittente, atteint une certaine stabilité. On le constate bien dans la consécration royale de David, à propos de laquelle l'Ecriture dit: «L'Esprit de Yahvé se fondit sur David à partir de ce jour-là» (1S 16,13).

Au cours et après l'exil de Babylone, toute l'histoire d'Israël fut relue comme un long dialogue échangé entre Dieu et le peuple élu «que Yahvé Sabaot avait envoyé — par son esprit — par le ministère des prophètes du passé» (cf. Zc 7, 12). Le prophète Ezéchiel explique le lien existant entre l'esprit et la prophétie, lorsqu'il dit par exemple: «L'Esprit de Yahvé fondit sur moi et il me dit: Parle! Ainsi parle Yahvé...» (Ez 11,5).

Mais la perspective prophétique montre surtout dans l'avenir le temps privilégié où se réaliseront les promesses sous le signe du ruach divin. Isaïe annonce la naissance d'un descendant sur lequel «reposera l'Esprit de Yahvé [...] esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahvé» (Is 11,2-3). «Ce texte — comme je l'ai écrit dans l'Encyclique Dominum et vivificantem — est important pour toute la pneumatologie de l'Ancien Testament, car il constitue comme un pont entre le concept biblique ancien de l'“esprit” entendu avant tout comme un “souffle charismatique” et l'“Esprit” comme personne et comme don, don pour la personne. Le Messie de la lignée de David (“de la souche de Jessé”) est précisément la personne sur laquelle “reposera” l'Esprit du Seigneur» (Dominum et vivificantem DEV 15).

5. Dans l'Ancien Testament déjà émergent deux traits de l'identité mystérieuse de l'Esprit Saint, qui sont ensuite amplement confirmés par la révélation du Nouveau Testament.

Le premier trait est la transcendance absolue de l'Esprit, qui est donc appelé «saint» (Is 63,10 Is 63,11 Ps 52 [51] Ps 13). L'Esprit de Dieu est divin sous tous les aspects. Il ne s'agit pas d'une réalité que l'homme peut conquérir par ses propres forces, mais d'un don qui vient d'en-haut: on ne peut que l'invoquer et l'accueillir. Infiniment «différent» par rapport à l'homme, l'Esprit est communiqué avec une gratuité totale à ceux qui sont appelés à collaborer avec lui dans l'histoire du salut. Et lorsque cette énergie divine rencontre un accueil humble et disponible, l'homme est arraché à son égoïsme et libéré de ses peurs, et dans le monde fleurissent l'amour et la vérité, la liberté et la paix.

Un autre trait de l'Esprit de Dieu est la puissance dynamique qu'il révèle en intervenant dans l'histoire. On risque parfois de projeter sur l'image biblique de l'Esprit des conceptions liées à d'autres cultures comme par exemple, la conception de l'«esprit» comme quelque chose d'évanescent, de statique et d'inerte. La conception biblique du ruach indique au contraire une énergie suprêmement active, puissante, irrésistible: l'Esprit du Seigneur, — comme nous le lisons dans Isaïe — «est comme un torrent débordant» (Is 30,28). C'est pourquoi lorsque le Père intervient à travers son Esprit, le chaos se transforme en cosmos, la vie éclate dans le monde et l'histoire se remet en route.



Mercredi 20 Mai 1998

20598 1. La révélation de l'Esprit Saint comme personne distincte du Père et du Fils, pressentie dans l'Ancien Testament, devient claire et explicite dans le Nouveau.

Il est vrai que les écrits néotestamentaires nous offrent un enseignement systématique sur l'Esprit Saint. En recueillant toutefois les nombreuses données présentes dans les écrits de Luc, Paul et Jean, il est possible de saisir la convergence de ces trois grands courants de la révélation néotestamentaire concernant l'Esprit Saint.

2. Par rapport aux deux autres synoptiques, l'évangéliste Luc nous présente une pneumatologie beaucoup plus développée.

Dans l'Evangile, il veut montrer que Jésus est le seul à posséder pleinement l'Esprit Saint. Certes, l'Esprit intervient également sur Elisabeth, Zacharie, Jean Baptiste et surtout sur Marie elle-même, mais seul Jésus, au cours de toute son existence terrestre, détient pleinement l'Esprit de Dieu. Il est conçu par l'oeuvre de l'Esprit Saint (cf. Lc
Lc 1,35). De lui, le Baptiste dira: «Pour moi, je vous baptise avec de l'eau, mais vient le plus fort que moi [...] lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu» (Lc 3,16).

Avant de baptiser dans l'Esprit Saint et le feu, Jésus lui-même est baptisé dans le Jourdain, lorsque «l'Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe» (Lc 3,22). Luc souligne que Jésus non seulement va dans le désert «conduit par l'Esprit», mais qu'il y va «rempli d'Esprit Saint» (Lc 4,1) et qu'il y remporte la victoire sur le tentateur. Il entreprend sa mission «avec la puissance de l'Esprit» (Lc 4,14). Dans la synagogue de Nazareth, lorsque commence officiellement sa mission, Jésus applique à lui-même la prophétie du livre d'Isaïe (cf. Is Is 61,1-2): «L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres...» (Lc 4,18). Toute l'activité évangélique de Jésus est placée ainsi sous l'action de l'Esprit.

Ce même Esprit soutiendra la mission évangélisatrice de l'Eglise, selon la promesse du ressuscité à ses disciples: «Et voici que moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Vous donc, demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en-haut» (Lc 24,49). Selon le Livre des Actes, la promesse se réalise le jour de la Pentecôte: «Tous furent alors remplis de l'Esprit Saint et commencèrent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer» (Ac 2,4). C'est ainsi que se réalise la prophétie de Joël: «Il se fera dans les derniers jours, dit le Seigneur, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair. Alors vos fils et vos filles prophétiseront» (Ac 2,17). Luc voit dans les apôtres les représentants du Peuple de Dieu des derniers temps, et souligne à juste titre que cet Esprit de prophétie touche tout le Peuple de Dieu.

3. Saint Paul, à son tour, souligne la dimension rénovatrice et eschatologique de l'oeuvre de l'Esprit, qui est considéré comme la source de la vie nouvelle et éternelle communiquée par Jésus à son Eglise.

Dans la première Lettre aux Corinthiens, nous lisons que le Christ, nouvel Adam, en vertu de la résurrection, est devenu «esprit vivifiant» (1Co 15,45): c'est-à-dire qu'il a été transformé par la force vitale de l'Esprit de Dieu de façon à devenir à son tour un principe de vie nouvelle pour les croyants. Le Christ communique cette vie précisément à travers l'effusion de l'Esprit Saint.

L'existence des croyants n'est plus une existence d'esclaves, placée sous la Loi, mais une vie en tant que fils car ils ont reçu l'Esprit du Fils dans leurs coeurs et peuvent s'exclamer: Abba, Père! (cf. Ga Ga 4,5-7 Rm 8,14-16). Il s'agit d'une vie «dans le Christ», c'est-à-dire qui appartient exclusivement à lui et qui est incorporée dans l'Eglise: «Aussi bien est-ce en un seul esprit que nous avons été baptisés en un seul corps» (1Co 12,13). L'Esprit Saint suscite la foi (cf. 1Co 12,3), diffuse la charité dans les coeurs (cf. Rm Rm 5,5) et guide la prière des chrétiens (cf. Rm Rm 8,26).

En tant que principe d'un nouvel être, l'Esprit Saint détermine également chez le croyant un nouveau dynamisme actif: «Puisque l'Esprit est notre vie, que l'Esprit nous fasse aussi agir» (Ga 5,25). Cette nouvelle vie s'oppose à celle de la «chair», dont les désirs déplaisent à Dieu et enferment la personne dans la prison étouffante du moi replié sur lui-même (cf. Rm Rm 8,5-9). En s'ouvrant au contraire à l'amour donné par l'Esprit Saint, le chrétien peut goûter le fruit de l'Esprit: amour, joie, paix, patience, bienveillance, bonté, fidélité... (cf Ga 5,16-24).

Selon Paul, toutefois, ce que nous possédons maintenant ne sont que des «arrhes» ou prémices de l'Esprit (Rm 8,23 cf. également 2Co 5,5). Dans la résurrection finale, l'Esprit complétera son chef-d'oeuvre en réalisant pour les croyants la pleine «spiritualisation» de leur corps (cf. 1Co 15,43-44) et faisant participer d'une certaine façon tout l'univers au salut (cf. Rm Rm 8,20-22).

4. Dans la perspective de Jean, l'Esprit Saint est surtout l'esprit de vertu, le Paraclet.

Jésus annonce le don de l'Esprit au moment de conclure son oeuvre terrestre: «Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité, qui vient du Père, il me rendra témoignage. Mais vous aussi vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement» (Jn 15,26 sq). Et, précisant ultérieurement le rôle de l'Esprit, Jésus ajoute: «Il vous introduira dans la vérité tout entière; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu'il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir. Lui me glorifiera, car c'est de mon bien qu'il recevra et il vous le dévoilera» (Jn 16,13-14). L'Esprit n'apportera donc pas une nouvelle révélation, mais guidera les fidèles vers une intériorisation et une pénétration plus profonde de la vérité révélée par Jésus.

Dans quelle mesure l'Esprit de vérité est-il appelé Paraclet? En tenant compte de la perspective de Jean, qui voit le procès fait à Jésus comme un procès qui se poursuit avec les disciples persécutés à cause de son nom, le Paraclet est celui qui défend la cause de Jésus, convainquant le monde «en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement» (Jn 16,8). Le péché fondamental que le Paraclet fera reconnaître est de ne pas avoir cru dans le Christ. La justice qu'il montre est celle que le Père a rendue au Fils crucifié, le glorifiant à travers la résurrection et l'ascension au Ciel. Le jugement, dans ce contexte, consiste à faire ressortir la faute de ceux qui, dominés par Satan, prince de ce monde (cf. Jn Jn 16,11), ont rejeté le Christ (cf. Dominum et vivificantem DEV 27). L'Esprit Saint est donc, à travers son assistance intérieure, le défenseur et le promoteur de la cause du Christ, Celui qui oriente les esprits et les coeurs des disciples vers la pleine adhésion à la «vérité» de Jésus.



Mercredi 27 Mai 1998

27598 1. Jésus est lié au Saint-Esprit dès le premier instant de son existence dans le temps, comme le rappelle le Symbole de Nicée-Constantinople: «Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine». La foi de l'Eglise dans ce mystère se fonde sur la Parole de Dieu: «L'Esprit Saint — annonce l'ange Gabriel à Marie — viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre; c'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu» (Lc 1,35). Et il est dit a Joseph: «Ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint» (M 1, 20).

Grâce à l'intervention directe de l'Esprit Saint, la grâce suprême se réalise dans l'Incarnation, la «grâce de l'union», de la nature humaine avec la personne du Verbe. Cette union est source de tout autre grâce, comme l'explique saint Thomas (S.Th. III 2,10-12; III 6, 6; III 7,13).

2. Pour approfondir le rôle de l'Esprit Saint dans l'événement de l'Incarnation, il est important de revenir aux éléments que nous offre la Parole de Dieu.

Saint Luc affirme que l'Esprit Saint descend comme une puissance d'en haut sur Marie, qui est prise sous son ombre. L'Ancien Testament nous montre que chaque fois que Dieu décide de faire naître la vie, il agit à travers la «puissance» de son souffle créateur: «Par la parole de Yahvé les cieux ont été faits, par le souffle de sa bouche, toute leur armée» (Ps 33,6 [32], 6). Cela est valable pour chaque être vivant, au point que si Dieu «ramenait à lui son esprit, s'il concentrait en lui son souffle, toute chair (c'est-à-dire chaque être humain) expirerait à la fois et l'homme retournerait à la poussière» (Jb 34,14-15). Dieu fait intervenir son Esprit en particulier dans les moments où Israël éprouve son impuissance à se relever par ses seules forces. Le prophète Ezéchiel le suggère dans la vision dramatique de la vallée pleine de squelettes: «L'esprit vint en eux, ils reprirent vie et se mirent debout sur leurs pieds» (Ez 37,10).

La conception virginale de Jésus est «la plus grande oeuvre accomplie par l'Esprit Saint dans l'histoire de la création et du salut» (Dominum et vivificantem DEV 50). Dans cet événement de grâce, une vierge est rendue féconde, une femme, rachetée dès sa conception, engendre le Rédempteur. Une nouvelle création se prépare ainsi et la nouvelle et éternelle alliance débute: un homme qui est le Fils de Dieu commence à vivre. Jamais avant cet événement il n'avait été dit que l'Esprit Saint soit descendu sur une femme pour la rendre mère. Dans l'histoire d'Israël, lorsque des naissances prodigieuses ont lieu, l'intervention divine, quand elle est mentionnée, fait référence à l'enfant qui naîtra et non pas à la mère.

3. Si nous nous demandons dans quel but l'Esprit a accompli l'événement de l'Incarnation, la Parole de Dieu nous répond de façon concise, dans la deuxième Lettre de Pierre, que cela s'est produit pour que nous devenions des «participants de la nature divine» (2P 1,4). «En effet, — explique saint Irénée de Lyon — tel est le motif pour lequel le Verbe s'est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l'homme: pour que l'homme en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu» (Adv. Haer. 3, 19, 1). Saint Athanase se situe dans le même courant: «Quand le Verbe fut sur la Saint Vierge, l'Esprit avec le Verbe entra en elle; dans l'Esprit le Verbe forma un corps et l'adapta pour lui, voulant à travers sa personne unir et conduire au Père toute la création» (Ad Serap. 1, 31). Ces affirmations sont reprises par saint Thomas: «Le Fils unique de Dieu, voulant que nous participions de sa nature divine, assuma notre nature humaine, afin que, devenu homme, il fasse des hommes des dieux» (Opusc. 57 in festo Corp. Christi, 1), c'est-à-dire des êtres participants, par la grâce, de la nature divine.

Le mystère de l'Incarnation révèle l'amour stupéfiant de Dieu, dont l'Esprit Saint est la personnification la plus élevée, étant l'Amour de Dieu en personne, la Personne-Amour: «En ceci s'est manifesté l'amour de Dieu pour nous: Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui» (1Jn 4,9). Dans l'Incarnation, plus que dans tout autre oeuvre, se révèle la gloire de Dieu.

C'est à juste titre que dans le Gloria in excelsis nous chantons: «Nous te louons, nous te bénissons... nous te rendons grâce pour ton immense gloire». Cette expression peut être appliquée de façon particulière à l'action de l'Esprit Saint qui, dans la première Lettre de Pierre, est appelé «l'Esprit de la gloire» (1P 4,14). Il s'agit d'une gloire qui est pure gratuité: elle ne consiste pas à prendre ou à recevoir, mais seulement à donner. En nous donnant son Esprit, qui est source de vie, le Père manifeste sa gloire, en la rendant visible dans notre vie. En ce sens, Irénée affirme que «la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant» (Adv. Haer. IV, 20, 7).

4. Si nous cherchons à présent à voir de plus près ce que l'événement de l'Incarnation nous révèle du mystère de l'Esprit, nous pouvons dire que cet événement nous montre tout d'abord qu'Il est la puissance bienveillante de Dieu qui engendre la vie.

La puissance qui «prend sous son ombre» Marie, rappelle la nuée du Seigneur qui se posait sur la tente dans le désert (cf. Ex 40,34) ou qui remplissait le temple (cf. 1R 8,10). Il s'agit donc d'une présence amicale, la proximité salvifique de Dieu qui vient sceller un pacte d'amour avec ses enfants. C'est une puissance au service de l'amour, qui se déploie sous le signe de l'humilité: non seulement elle inspire l'humilité de Marie, la servante du Seigneur, mais elle se cache presque derrière elle, au point que personne à Nazareth ne réussit à comprendre que «ce qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint» (Mt 1,20). Saint Ignace d'Antioche exprime de façon merveilleuse ce mystère paradoxal: «Au prince de ce monde la virginité de Marie resta cachée et également sa maternité, et il en fut de même de la mort du Seigneur. Ce sont les trois mystères à la voix élevée qui se sont accomplis dans le silence calme de Dieu» (Ad Eph. 19, 1).

5. Le mystère de l'Incarnation, vu dans la perspective de l'Esprit Saint qui l'a accompli, jette également une lumière sur le mystère de l'homme.

En effet, si l'Esprit agit de façon unique dans le mystère de l'Incarnation, il est présent également à l'origine de chaque être humain. L'être humain est un «être reçu», une réalité pensée, aimée et donnée. L'évolution ne suffit pas à expliquer l'origine du genre humain, de même que la causalité biologique des parents ne suffit pas à expliquer à elle seule la naissance d'un enfant. Même dans la transcendance de son action, toujours respectueuse des «causes secondes», Dieu crée l'âme spirituelle du nouvel être humain, en lui communiquant le souffle vital (cf. Gn Gn 2,7) à travers son Esprit qui est le «dispensateur de la vie». Chaque enfant doit donc être vu et accueilli comme un don de l'Esprit Saint.

La chasteté des célibataires et des vierges constitue également un reflet particulier de cet amour «répandu dans nos coeurs par le Saint Esprit» (Rm 5,5). L'Esprit qui a fait participer la Vierge Marie à la fécondité divine, assure également à ceux qui ont choisi la virginité pour le Royaume des cieux une descendance nombreuse dans le cadre de la famille spirituelle, formée par tous ceux qui «ne sont engendrés ni du sang, ni d'un vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu» (cf. Jn Jn 1,13).




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