Catéchèses S. J-Paul II 30698

Mercredi 3 Juin 1998

30698 1. Une autre intervention significative de l'Esprit Saint dans la vie de Jésus, après celle de l'Incarnation, a lieu lors de son baptême dans le Jourdain.

Dans l'Evangile de Marc, l'événement est rapporté de la façon suivante: «Et il advint qu'en ces jours-là Jésus vint de Nazareth de Galilée et il fut baptisé dans le Jourdain par Jean. Et aussitôt, remontant de l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'Esprit comme une colombe descendre vers lui, et une voix vint des cieux: “Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur”» (
Mc 1,9-11 et parallèles). Dans le quatrième Evangile, c'est le témoignage du Baptiste qui est rapporté: «J'ai vu l'Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel, et demeurer sur lui» (Jn 1,32).

2. Dans le témoignage évangélique unanime, l'événement du Jourdain constitue le début de la mission publique de Jésus et de sa révélation comme Messie, Fils de Dieu.

Jean prêchait «un baptême de conversion pour le pardon des péchés» (Lc 3,3). Dans la foule des pécheurs qui viennent se faire baptiser par lui, voici que Jésus apparaît. Il le reconnaît et le proclame l'agneau innocent qui enlève le péché du monde (cf. Jn Jn 1,29) pour reconduire toute l'humanité à la communion avec Dieu. Le Père exprime sa satisfaction pour le Fils bien-aimé qui se fait serviteur obéissant jusqu'à la mort et il lui communique la puissance de l'Esprit, pour qu'il puisse accomplir la mission de Messie-Sauveur.

Assurément, Jésus possède l'Esprit dès sa conception (cf. Mt Mt 1,20 Lc 1,35), mais lors du baptême il reçoit une nouvelle effusion de l'Esprit, une onction de l'Esprit Saint, comme l'atteste saint Pierre dans son discours dans la maison de Corneille: «Dieu l'a oint de l'Esprit Saint et de puissance» (Ac 10,38). Cette onction est une élévation de Jésus «aux yeux d'Israël comme le Messie; c'est-à-dire l'Oint de l'Esprit Saint»; il s'agit d'une véritable exaltation de Jésus en tant que Christ et Sauveur (cf. Dominum et vivificantem DEV 19).

Tant que Jésus a vécu à Nazareth, Marie et Joseph ont pu suivre sa croissance en âge, en sagesse et en grâce (cf. Lc Lc 2,40 Lc 2,51) sous la direction de l'Esprit Saint qui agissait en lui. A présent, les temps messianiques commencent: une nouvelle phase de l'existence historique de Jésus commence. Le baptême dans le Jourdain est comme un «prélude» de ce qui aura lieu par la suite. Jésus commence à se rapprocher des pécheurs pour leur révéler le visage miséricordieux du Père. L'immersion dans le fleuve du Jourdain préfigure et anticipe le «baptême» dans les eaux de la mort, alors que la voix du Père qui le proclame son Fils bien-aimé préannonce la gloire de la résurrection.

3. Après le baptême dans le Jourdain Jésus commence à exercer sa triple mission: mission royale, qui l'engage dans la lutte contre l'esprit du mal, mission prophétique, qui le transforme en prédicateur inlassable de la bonne nouvelle, et mission sacerdotale, qui le pousse à la louange et au don de soi au Père pour notre salut.

Les trois Evangiles synoptiques soulignent comment, immédiatement après le baptême, Jésus est «conduit» par l'Esprit Saint dans le désert «pour être tenté par Satan» (Mt 4,1 cf. Lc Lc 4,1 Mc 1,12). La proposition de Satan est celle d'un messianisme triomphant, fait de prodiges spectaculaires, comme transformer les pierres en pains, se jeter du pinacle du temple en restant indemne, conquérir en un instant le pouvoir politique de toutes les nations. Mais le choix de Jésus, en pleine obéissance à la volonté du Père, est clair et sans équivoque: il accepte d'être le Messie souffrant et crucifié, qui offrira sa vie pour le salut du monde.

Commencée dans le désert, la lutte avec Satan se poursuit pendant toute la vie de Jésus. L'une de ses activités caractéristiques est précisément celle de l'exorciste, en raison de laquelle les gens s'écrient émerveillés: «Même aux esprits impurs, il commande et ils lui obéissent» (Mc 1,27). Quiconque ose affirmer qu'une telle puissance de Jésus provient de Satan lui-même, blasphème contre l'Esprit Saint (Mc 3,22-30): en effet, c'est précisément «par l'Esprit de Dieu» que Jésus expulse les démons (Mt 12,28). Comme l'affirme saint Basile de Césarée, avec Jésus «le diable a perdu son pouvoir en présence de l'Esprit Saint» (De Spir. S. 19).

4. Selon l'évangéliste Luc, après la tentation dans le désert «Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l'Esprit [...] il enseignait dans leur synagogues» (Lc 4,14-15). La présence puissante de l'Esprit Saint se retrouve également dans l'activité évangélisatrice de Jésus. Il le souligne lui-même dans le discours à la synagogue de Nazareth (Lc 4,16-30), en appliquant à sa propre personne le passage d'Isaïe: «L'Esprit du Seigneur Yahvé est sur moi» (Is 61,1). Dans un certain sens on peut dire que Jésus est le «missionnaire de l'Esprit», envoyé par le Père pour annoncer avec la force de l'Esprit Saint l'Evangile de la miséricorde.

Animée par la puissance de l'Esprit, la parole de Jésus exprime véritablement son mystère du Verbe fait chair (Jn 1,14). C'est donc la parole de quelqu'un qui fait «autorité», à la différence des scribes (Mc 1,22). C'est «une doctrine nouvelle», comme le reconnaissent stupéfaits les auditeurs de son premier discours à Capharnaüm (Mc 1,27). C'est une parole qui accomplit et qui dépasse la loi mosaïque, comme il ressort du discours de la montagne (Mt 5,7). C'est la parole qui communique le pardon divin aux pécheurs, qui offre la guérison et le salut aux malades, qui ressuscite même les morts. C'est la Parole de celui «que Dieu a envoyé», et il est tellement habité par l'Esprit, qu'il peut le communiquer «sans mesure» (Jn 3,34).

5. La présence de l'Esprit Saint ressort de façon particulière dans la prière de Jésus.

L'évangéliste Luc rapporte que lors du baptême dans le Jourdain «au moment où Jésus se trouvait en prière [...] le ciel s'ouvrit, et l'Esprit Saint descendit sur lui» (Lc 3,21-22). Ce lien entre la prière de Jésus et la présence de l'Esprit revient de façon explicite dans l'hymne de joie: «Jésus tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit Saint et il dit: “Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre...» (Lc 10,21).

L'Esprit accompagne ainsi l'expérience la plus intime de Jésus, celle de sa filiation divine, qui le pousse à s'adresser à Dieu le Père en l'appelant «Abbà» (Mc 14,36) avec une intimité particulière, qui n'est attestée à propos d'aucun autre juif s'adressant au Très-Haut. Précisément à travers le don de l'Esprit, Jésus fait participer les croyants à sa communion filiale et à son intimité avec le Père. Comme nous le dit saint Paul, l'Esprit Saint fait qu'en nous adressant à Dieu, nous nous écrions: «Abbà, Père» (Rm 8,15 cf. Ga Ga 4,6).

Cette vie filiale est le grand don que nous recevons dans le baptême. Nous devons toujours la redécouvrir et la cultiver à nouveau, en devenant dociles à l'oeuvre que l'Esprit Saint accomplit en nous.





Mercredi 10 Juin 1998

10698 1. Toute la vie du Christ s'est déroulée dans l'Esprit Saint. Saint Basile affirme que l'Esprit fut pour Lui «un compagnon inséparable en tout» (De Spir. S. 16) et nous offre cette admirable synthèse de l'histoire du Christ: «Venue du Christ: l'Esprit Saint la précède; incarnation: l'Esprit Saint est présent; opérations miraculeuses, grâces et guérisons: à travers l'Esprit; les démons chassés, le diable enchaîné: grâce à l'Esprit Saint; rémission des péchés, union avec Dieu: grâce à l'Esprit Saint; résurrection des morts: en vertu de l'Esprit Saint» (ibid., 19).

Après avoir médité sur le baptême de Jésus et sur sa mission accomplie dans la puissance de l'Esprit, nous voulons à présent réfléchir sur la révélation de l'Esprit à l'«heure» suprême de Jésus, l'heure de sa mort et de sa résurrection.

2. La présence de l'Esprit Saint au moment de la mort de Jésus est déjà concevable par le simple fait que sur la croix le Fils de Dieu meurt dans sa nature humaine. Si «unus de Trinitate passus est» (
DS 401), c'est-à-dire «si celui qui a souffert est une Personne de la Trinité», toute la Trinité est présente dans la passion, et donc également le Père et l'Esprit Saint.

Nous devons cependant nous demander: quel a été précisément le rôle de l'Esprit à l'heure suprême de Jésus? Il n'est possible de répondre à cette question que si l'on comprend le mystère de la rédemption comme mystère d'amour.

Le péché, qui est la rébellion de la créature à son Créateur, avait interrompu le dialogue d'amour entre Dieu et ses enfants.

Grâce à l'Incarnation de son Fils Unique, Dieu exprime à l'humanité pécheresse son amour fidèle et passionné, jusqu'à se rendre vulnérable en Jésus. Le péché, quant à lui, manifeste sur le Golgotha sa nature d'«attentat contre Dieu», si bien que chaque fois que les hommes recommencent à pécher gravement, comme le dit l'Epître aux Hébreux, «ils crucifient pour leur compte le Fils de Dieu et le bafouent publiquement» (He 6,6).

En remettant son Fils pour nos péchés, Dieu nous révèle que son dessein d'amour précède chacun de nos mérites et dépasse de beaucoup chacune de nos infidélités. «En ceci consiste l'amour: ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils comme victime d'expiation pour nos péchés» (1Jn 4,10).

3. La passion et la mort de Jésus sont un mystère d'amour ineffable, qui concerne les trois Personnes divines. Le Père en prend l'initiative absolue et gratuite: c'est lui qui aime le premier et en remettant son Fils entre nos mains meurtrières, il expose son bien le plus précieux. Comme le dit Paul, «Lui, il n'a pas épargné son propre fils», c'est-à-dire il ne l'a pas jalousement gardé pour lui comme un trésor, mais «l'a livré pour nous tous» (Rm 8,32).

Le Fils partage pleinement l'amour du Père et son projet de salut: «Il s'est livré pour nos péchés... selon la volonté de Dieu notre Père» (Ga 1,4).

Et l'Esprit Saint? De même que dans l'intimité de la vie trinitaire, également dans ce lien d'amour qui s'établit entre le Père et le fils dans le mystère du Golgotha, l'Esprit Saint est la Personne-Amour, en qui convergent l'amour du Père et du Fils.

L'Epître aux Hébreux, développant l'image du sacrifice, précise que Jésus s'est offert «avec un Esprit éternel» (He 9,14). Dans l'Encyclique Dominum et vivificantem j'ai montré que dans ce passage «Esprit éternel» veut précisément indiquer l'Esprit Saint: comme le feu brûlait les victimes expiatoires des antiques sacrifices rituels, ainsi «l'Esprit Saint a agi d'une manière spéciale dans ce don absolu de lui-même réalisé par le Fils de l'homme pour transformer la souffrance en amour rédempteur» (DEV 40). «L'Esprit Saint, en tant qu'Amour et Don descend, en un certain sens, au coeur même du sacrifice offert sur la Croix. En nous référant à la tradition biblique, nous pouvons dire qu'il consomme ce sacrifice par le feu de l'Amour qui unit le Fils au Père dans la communion trinitaire. Et comme le sacrifice de la Croix est un acte propre du Christ, dans ce sacrifice aussi il “reçoit” l'Esprit Saint» (DEV 41).

Dans la liturgie romaine, le prêtre prie justement avec ces paroles significatives avant la communion: «Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, qui par la volonté du Père et avec la puissance de l'Esprit Saint a donné vie au monde en mourant...».

4. L'histoire de Jésus ne prend pas fin avec la mort, mais s'ouvre à la vie glorieuse de la Pâque. «Par sa résurrection des morts, Jésus-Christ notre Seigneur» a été «établi Fils de Dieu avec puissance selon l'Esprit de sainteté» (cf. Rm Rm 1,4).

La résurrection est l'accomplissement de l'Incarnation, et elle a lieu elle aussi, comme la naissance du Fils dans le monde, «avec la puissance de l'Esprit». «Et nous — affirme Paul à Antioche de Pisidie — , nous vous annonçons la Bonne Nouvelle: la promesse faite à nos Pères, Dieu l'a accomplie en notre faveur à nous, leurs enfants: il a ressuscité Jésus. Ainsi est-il écrit dans les psaumes: “Tu es mon fils, moi-même aujourd'hui je t'ai engendré”» (Ac 13,32).

Le don de l'Esprit que le Fils reçoit en plénitude au matin de Pâques est répandu par lui en surabondance sur l'Eglise. A ses disciples réunis au Cénacle, Jésus dit: «Recevez l'Esprit Saint» (Jn 20,22) et il le communique «en quelque sorte à travers les plaies de sa crucifixion: “Il leur montra ses mains et son côté”» (DEV 24). La mission salvifique de Jésus se résume et s'accomplit dans la communication de l'Esprit Saint aux hommes, pour les reconduire au Père.

5. Si le «chef-d'oeuvre» de l'Esprit Saint est la Pâque du Seigneur Jésus, mystère de souffrance et de gloire, à travers le don de l'Esprit il est également possible aux disciples du Christ de souffrir avec amour et de faire de la croix la voie vers la lumière: «per crucem ad lucem». L'Esprit du Fils nous donne la grâce de posséder les mêmes sentiments que le Christ et d'aimer comme il a aimé, jusqu'à offrir la vie pour ses frères: «Celui-là a donné sa vie pour nous. Et nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères» (1Jn 3,16).

En nous communiquant son Esprit, le Christ entre dans notre vie, afin que chacun de nous puisse dire comme Paul: «Ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi» (Ga 2,20). Toute la vie devient ainsi une Pâque continuelle, un passage incessant de la mort à la vie, jusqu'à la dernière Pâque, lorsque nous passerons nous aussi avec Jésus et comme Jésus «de ce monde au Père» (Jn 13,1). En effet, — affirme saint Irénée de Lyon — «ceux qui ont reçu et qui portent l'Esprit de Dieu sont conduits au Verbe, c'est-à-dire au Fils, et le Fils les accueille et les présente au Père, et le Père leur donne l'éternité» (Demonstr. Ap. Ap 7).



Mercredi 17 Juin 1998

17698 1. Lors de la dernière Cène Jésus avait dit aux Apôtres: «Cependant je vous dis la vérité: c'est votre intérêt que je parte; car si je ne pars pas le Paraclet ne viendra pas vers vous; mais si je pars, je vous l'enverrai» (Jn 16,7). Le soir du jour de Pâques Jésus tient sa promesse: il apparaît aux Onze réunis au Cénacle, souffle sur eux et dit: «Recevez l'Esprit Saint» (Jn 20,22). Cinquante jours après, à la Pentecôte, a lieu «la manifestation définitive de ce qui s'était déjà manifesté dans le même Cénacle le jour de Pâques» (Dominum et vivificantem DEV 25). Le livre des Actes des Apôtres nous a rapporté la description de l'événement (cf. Ac Ac 2,1-4).

En méditant sur ce texte, nous pouvons percevoir certaines caractéristiques de l'identité mystérieuse de l'Esprit Saint.

2. Il est tout d'abord important de saisir le lien entre la fête juive de la Pentecôte et la première Pentecôte chrétienne.

Au début, la Pentecôte était la fête des sept semaines (cf. Tb Tb 2,1), la fête de la moisson (cf. Ex Ex 23,16), lorsque l'on offrait le premier blé à Dieu (cf. Nb Nb 28,26 Dt 16,9). Par la suite, la fête a reçu une nouvelle signification: elle est devenue la fête de l'alliance que Dieu a conclue avec son peuple au Sinaï, lorsqu'il donna sa loi à Israël.

Saint Luc rapporte l'événement de la Pentecôte comme une théophanie, une manifestation de Dieu, semblable à celle du mont Sinaï (cf. Ex Ex 19,16-25): un bruit assourdissant, un vent puissant, des langues de feu. Le message est clair: la Pentecôte est le nouveau Sinaï, l'Esprit Saint est la nouvelle Alliance, il est le don de la nouvelle loi. Saint Augustin saisit ce lien avec beaucoup de perspicacité: «Mes frères, il y a un grand et merveilleux mystère: vous pouvez constater que le jour de la Pentecôte (les juifs) reçurent la loi écrite par la main de Dieu et, le même jour de la Pentecôte, vint l'Esprit Saint» (Ser. Mai 158, 4). Un Père de l'orient, Sévérien de Gabala, précise: «Il fallait que le même jour où fut donnée la loi antique, la grâce de l'Esprit Saint soit également donnée» (Cat. in Act. Apost. 2, 1).

3. Ainsi s'accomplit la promesse faite aux pères. Nous lisons dans le livre du prophète Jérémie: «Mais voici l'alliance que je conclurai avec la maison d'Israël après ces jours-là, oracle de Yahvé. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l'écrirai sur leur coeur» (Jr 31,33). Et dans le livre du prophète Ezéchiel: «Et je vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j'ôterai de votre chair le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair. Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes» (Ez 36,26-27).

De quelle façon l'Esprit Saint constitue-t-il la nouvelle et éternelle Alliance? En enlevant le péché et en répandant l'amour de Dieu dans le coeur de l'homme: «La loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus t'a affranchi de la loi du péché et de la mort» (Rm 8,2). La loi mosaïque indiquait des obligations, mais ne pouvait pas changer le coeur de l'homme. Il fallait un coeur nouveau, et c'est précisément ce que Dieu nous offre en vertu de la rédemption accomplie par Jésus. Le Père ôte notre coeur de pierre et nous donne un coeur de chair, comme celui du Christ, animé par l'Esprit Saint qui nous fait agir par amour (cf. Rm Rm 5,5). Sur la base de ce don s'instaure la nouvelle Alliance entre Dieu et l'humanité. Saint Thomas affirme avec finesse que l'Esprit Saint lui-même est la Nouvelle Alliance, faisant agir l'amour en nous, plénitude de la loi (cf. Comment. in 2Co 3,6).

4. A la Pentecôte l'Esprit descend et l'Eglise naît. L'Eglise est la communauté de ceux qui sont «nés d'en haut», «d'eau et d'Esprit», comme on le lit dans l'Evangile de Jean (cf. Jn Jn 3,3 Jn Jn 3,5). Tout d'abord, la communauté chrétienne n'est pas le résultat de la libre décision des croyants; à son origine il y a en premier lieu l'initiative gratuite de l'Amour de Dieu, qui offre le don de l'Esprit Saint. L'assentiment de la foi à ce don d'amour est une «réponse» à la grâce et il est lui-même suscité par la grâce. C'est pourquoi, il existe entre l'Esprit Saint et l'Eglise un lien profond et indissoluble. A ce propos, saint Irénée dit: «Là où se trouve l'Eglise, se trouve également l'Esprit de Dieu; et là où se trouve l'Esprit du Seigneur, se trouve l'Eglise et toute grâce» (Adv. Haer., 3, 24, 1). On comprend alors l'expression hardie de saint Augustin: «On possède beaucoup d'Esprit Saint lorsqu'on aime l'Eglise» (In Jn 32,8).

Le récit de l'événement de la Pentecôte souligne que l'Eglise naît universelle: tel est le sens de la liste des peuples — Parthes, Mèdes, Elamites... (cf. Ac Ac 2,9-11) — qui écoutent la première annonce faite par Pierre. L'Esprit Saint est donné à tous les hommes, quelle que soit leur race ou leur nation, et il accomplit en eux la nouvelle unité du Corps mystique du Christ. Saint Jean Chrysostome souligne la communion réalisée par l'Esprit Saint à travers cette observation concrète: «Qui vit à Rome sait que les habitants des Indes sont ses membres» (In Jn 65,1).

5. Le fait que l'Esprit Saint est «la nouvelle Alliance», a pour conséquence que l'oeuvre de la troisième Personne de la Très Sainte Trinité consiste à rendre présent le Seigneur ressuscité et avec lui Dieu le Père. En effet, l'Esprit exerce son action salvifique en rendant la présence de Dieu immédiate. C'est en cela que consiste l'Alliance nouvelle et éternelle: désormais Dieu s'est rendu accessible à chacun de nous. Chacun, «du plus petit au plus grand» (cf. Jr Jr 31,34), est doté, d'une certaine façon, de la connaissance directe du Seigneur, comme nous le lisons dans la première épître de saint Jean: «Quant à vous, l'onction que vous avez reçu de lui demeure en vous, et vous n'avez pas besoin qu'on vous enseigne. Mais puisque son onction vous instruit de tout, qu'elle est véridique, non mensongère, comme elle vous a instruits, demeurez en lui» (1Jn 2,27). Ainsi s'accomplit la promesse faite par Jésus à ses disciples au cours de la dernière Cène: «Mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit» (Jn 14,26).

Grâce à l'Esprit Saint, notre rencontre avec le Seigneur a lieu dans le cadre ordinaire de l'existence filiale, dans le «face à face» de l'amitié, en faisant l'expérience de Dieu comme Père, Frère, Ami et Epoux. Telle est la Pentecôte. Telle est la nouvelle Alliance.



Mercredi 24 Juin 1998


24698 Chers frères et soeurs,

1. Ces jours derniers, j'ai accompli ma troisième Visite pastorale en Autriche et à présent, de retour à Rome, me reviennent en mémoire les rencontres significatives que j'ai eues avec ces chères populations. Le sentiment qui domine dans mon âme est la gratitude.

En premier lieu, je rends grâce à Dieu, dispensateur de tout bien, qui m'a accordé de vivre cette intense expérience spirituelle, riche de célébrations liturgiques, de moments de réflexion et de prière, dans la perspective d'un printemps renouvelé de l'Eglise dans ce pays bien-aimé. Un remerciement particulier s'adresse à mes vénérés frères dans l'épiscopat, qui en ces temps difficiles n'épargnent pas leurs énergies en se prodiguant au service de la vérité et de la charité. Je les encourage dans leur engagement pastoral. En outre, je voudrais remercier à nouveau le Président fédéral et les Autorités publiques, ainsi que tous les citoyens, qui m'ont accueilli avec une hospitalité vraiment cordiale.

2. Par ma visite, j'ai voulu manifester à la population autrichienne mon estime et mon appréciation, en indiquant dans le même temps, en qualité de Successeur de Pierre, quelques orientations utiles pour le chemin futur de ces Eglises particulières.

Tandis qu'à Salzbourg je me suis arrêté sur le thème de la mission, à Sankt Pölten j'ai invité à réfléchir sur le problème des vocations. Enfin, comme point culminant et motif principal de mon voyage, j'ai eu la joie d'inscrire les noms de trois serviteurs de Dieu dans l'Album des bienheureux. Au cours de la célébration suggestive sur la Heldenplatz à Vienne, j'ai rappelé à tous que l'héroïsme du chrétien réside dans la sainteté.

Les «héros de l'Eglise» ne sont pas nécessairement ceux qui ont écrit l'histoire selon des critères humains, mais des femmes et des hommes, qui ont peut-être semblés petits aux yeux de nombreuses personnes, et qui en réalité se sont révélés grands devant Dieu. Nous les chercherions en vain dans les rangs des puissants; ils restent inscrits de façon indélébile en lettre majuscules dans le «livre de la vie».

Les biographies des nouveaux bienheureux contiennent un message pour notre époque. Ce sont des documents accessibles à tous, que les gens d'aujourd'hui peuvent lire et comprendre sans difficultés: en effet, ils parlent avec le langage éloquent de la vie vécue.

3. Avec un grand plaisir je rappelle la présence et l'enthousiasme de nombreux jeunes, à qui j'ai rappelé que l'Eglise voit en eux la richesse prometteuse de l'avenir. En les invitant à avoir le courage de témoigner du Christ sans compromis, j'ai réaffirmé ce que j'ai écrit dans l'Encyclique Redemptoris missio: «L'homme contemporain croit plus les témoins que les maîtres, l'expérience que la doctrine, la vie et les faits que les théories» (
RMi 42).

Les jeunes, qui sont naturellement sensibles à la fascination de l'idéal, surtout lorsqu'il est incarné dans la vie, ont apprécié ce discours. Ils ont compris le sens de ma visite dans leur pays: je me suis rendu en Autriche comme pèlerin de foi, comme collaborateur de la joie, comme coopérateur de la vérité.

4. Je ne peux que mentionner deux rencontres, très différentes entre elles, mais chacune significative dans son propre domaine: la rencontre avec les Autorités et le Corps diplomatique à la Hofburg et la visite aux malades et aux mourants à l'Hospice Rennweg de la Caritas Socialis. Lors de ces deux rencontres, j'ai exposé selon des points de vue différents le même thème de fond: le devoir essentiel du respect pour l'image de Dieu imprimée en chaque être humain. C'est l'un des points fondamentaux du message que j'ai voulu apporter non seulement aux catholiques, mais à tous les habitants de l'Autriche.

Chaque homme, à chaque étape de la vie, revêt une valeur inaliénable. Le discours sur la «culture de la vie» adressé aux architectes de la Maison européenne se réalise, entre autres, dans des institutions comme celles de l'Hospice, où est réécrit jour après jour l'«Evangile de la souffrance», lu à la lumière de la foi.

Le Seigneur est présent aux côtés de ceux qui inlassablement prêtent leur service dans les hôpitaux et dans les maisons de soins, ainsi que de ceux qui n'abandonnent pas leurs proches gravement malades, et il reconnaît comme s'adressant à lui-même leurs soins aimants. Les malades, avec le poids de leurs souffrances supportées par amour du Christ, constituent un trésor précieux pour l'Eglise, qui possède en son sein des collaborateurs très efficaces dans l'action évangélisatrice.

5. En pensant à nouveau aux intenses émotions éprouvées, je ressens le besoin de répéter ce que j'ai affirmé au terme de ma visite: Credo in vitam! Je crois en la vie. Je crois que l'Eglise qui est en Autriche est vivante. Je crois que cette vie est plus forte que les épreuves qu'ont traversées et que traversent de nombreux fidèles de ce pays bien-aimé. Je suis allé parmi eux pour les aider à surmonter les difficultés actuelles et pour les encourager à reprendre avec générosité le chemin vers le grand Jubilé.

A Rome également, le coeur du Pape continue à battre pour l'Autriche. Je répète à tous les paroles du Christ: «Que votre coeur ne se trouble pas» (Jn 14,1). Ne regardez pas seulement vers le passé! Préparez l'avenir avec l'aide de l'Esprit Saint! Ma visite pastorale en Autriche est terminée; que commence à présent une nouvelle étape du pèlerinage qui conduira le Peuple de Dieu qui est en Autriche à franchir le seuil du nouveau millénaire pour communiquer, avec ses évêques, la bonne nouvelle du Christ aux générations qui viendront.

«Vergelt's Gott» - Merci pour tout. Que Dieu vous le rende!



Mercredi 1 Juillet 1998

10798 1. A peine l'Esprit Saint fut-il descendu sur les Apôtres le jour de la Pentecôte, que ces derniers «commencèrent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer» (cf. Ac Ac 2,4). On peut donc dire que l'Eglise, au moment même où elle naît, reçoit en don de l'Esprit la capacité d'«annoncer les merveilles de Dieu» (Ac 2,11): c'est le don d'évangéliser.

Ce fait implique et révèle une loi fondamentale de l'histoire du salut: on ne peut pas évangéliser, ni prophétiser, on ne peut pas en somme parler du Seigneur et au nom du Seigneur, sans la grâce et la puissance de l'Esprit Saint. En utilisant une comparaison biologique, nous pourrions dire que, de même que la parole humaine est véhiculée par le souffle humain, la Parole de Dieu est transmise par le souffle de Dieu, par sa ruach ou par son pneuma, qui est l'Esprit Saint.

2. Ce lien entre l'Esprit de Dieu et la Parole divine peut déjà être remarqué dans l'expérience des prophètes antiques.

L'appel d'Ezéchiel est décrit comme l'infusion d'un «esprit» dans sa personne: «(Le Seigneur) me dit: “Fils d'homme, tiens-toi debout, je vais te parler”. L'esprit entra en moi comme il m'avait été dit, il me fit tenir debout et j'entendis celui qui me parlait» (Ez 2,1-2).

Dans le Livre d'Isaïe, on lit que le futur serviteur du Seigneur proclamera le droit aux nations, précisément parce que le Seigneur a posé son esprit sur lui (cf. Is Is 42,1).

Selon le prophète Joël, les temps messianiques seront caractérisés par une effusion universelle de l'Esprit: «Après cela je répandrai mon Esprit sur toute chair» (Jl 3,1); par l'effet de cette communication de l'Esprit «vos fils et vos filles prophétiseront» (ibid.).

3. En Jésus, le lien entre la Parole et l'Esprit atteint son sommet: Il est en effet la Parole elle-même faite chair «par l'oeuvre de l'Esprit Saint». Il commence à prêcher «avec la puissance de l'Esprit Saint» (cf. Lc Lc 4,14 sq). A Nazareth, lors de sa prédication inaugurale, il applique à sa propre personne le passage d'Isaïe: «L'Esprit du Seigneur est sur moi [...] il m'a envoyé pour porter la bonne nouvelle aux pauvres» (cf. Lc Lc 4,18). Comme le souligne le quatrième Evangile, la mission de Jésus, «celui que Dieu a envoyé et qui «prononce les paroles de Dieu», est fruit du don de l'Esprit, qu'il a reçu et qu'il donne «sans mesure» (cf. Jn Jn 3,34). Apparaissant à ses disciples au Cénacle, le soir de Pâques, Jésus accomplit ainsi le geste expressif de «souffler» sur eux en disant: «Recevez l'Esprit Saint» (cf. Jn Jn 20,21-22).

Sous ce souffle se déroule la vie de l'Eglise. «L'Esprit Saint est le protagoniste de toute la mission ecclésiale» (Redemptoris missio RMi 21). L'Eglise annonce l'Evangile grâce à sa présence et à sa force salvifique. En s'adressant aux chrétiens de Thessalonique, saint Paul affirme: «Car notre Evangile ne s'est pas présenté à vous en paroles seulement, mais en puissance, dans l'action de l'Esprit Saint» (1Th 1,5). Saint Pierre définit les apôtres comme «ceux qui vous prêchent l'Evangile dans l'Esprit Saint» (1P 1,12).

Mais que signifie «prêcher dans l'Esprit Saint»? De façon synthétique, l'on peut dire que cela signifie évangéliser dans la force, dans la nouveauté, dans l'unité de l'Esprit Saint.

4. Evangéliser dans la force de l'Esprit signifie être investi de cette puissance qui s'est manifestée de façon suprême dans l'activité évangélique de Jésus. L'Evangile nous dit que les auditeurs s'émerveillaient car «ils les enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes» (Mc 1,22). La parole de Jésus chasse les démons, apaise les tempêtes, guérit les malades, pardonne les pécheurs, ressuscite les morts.

L'autorité de Jésus est communiquée par l'Esprit Saint, comme don pascal, à l'Eglise. Nous voyons ainsi les Apôtres riches de parrhesía, c'est-à-dire de cette franchise qui les fait parler de Jésus sans peur. Les adversaires en restent étonnés, «se rendant compte que c'étaient des gens sans instruction ni culture» (Ac 4,13).

Paul peut lui aussi, grâce au don de l'Esprit de la Nouvelle Alliance, affirmer en toute vérité: «En possession d'une telle espérance, nous nous comportons avec beaucoup d'assurance» (2Co 3,12).

Cette force de l'Esprit est plus que jamais nécessaire au chrétien de notre temps, à qui il est demandé de rendre témoignage de sa foi dans un monde souvent indifférent, voire hostile, fortement marqué par le relativisme et l'hédonisme. Il s'agit d'une force dont les prédicateurs ont besoin en particulier, eux qui doivent reproposer l'Evangile sans céder à des compromis et à de fausses idées, en annonçant la vérité du Christ «à temps et à contretemps» (2Tm 4,2).

5. L'Esprit Saint assure également à l'annonce un caractère d'actualité toujours renouvelé, afin que la prédication ne finisse pas par devenir une vaine répétition de formules et une froide application de méthodes. En effet, les prédicateurs doivent être au service de la «Nouvelle Alliance», qui n'est pas «de la lettre», qui fait mourir, mais «de l'Esprit», qui fait vivre (cf. 2Co 3,6). Il ne s'agit pas de développer «la vétusté de la lettre», mais «la nouveauté de l'Esprit» (cf. Rm Rm 7,6). Il s'agit d'une exigence particulièrement vitale pour la «nouvelle évangélisation». Celle-ci sera véritablement «nouvelle» dans la ferveur, dans les méthodes, dans les expressions, si celui qui annonce les merveilles de Dieu et parle en son nom, aura tout d'abord écouté Dieu et se sera rendu docile à l'Esprit Saint. C'est pourquoi la contemplation faite d'écoute et de prière est fondamentale. Si l'annonciateur ne prie pas, il finira par «se prêcher lui-même» (cf. 2Co 4,5) et ses paroles se réduiront à des «discours creux» (cf. 2Tm 2,16).

6. Enfin, l'Esprit accompagne et encourage l'Eglise à évangéliser dans l'unité et en construisant l'unité. La Pentecôte a eu lieu lorsque les disciples «se trouvaient tous ensemble dans un même lieu» (Ac 2,1) et qu'ils étaient «tous d'un même coeur assidus à la prière» (Ac 1,14). Après avoir reçu l'Esprit Saint, Pierre tient son premier discours à la foule «debout avec les Onze» (Ac 2,14): c'est l'icône d'une annonce unanime, qui doit rester telle même lorsque les annonciateurs sont dispersés dans le monde.

Prêcher le Christ sous l'impulsion de l'Esprit unique, au seuil du troisième millénaire, implique pour tous les chrétiens un effort concret et généreux vers la pleine communion. Telle est la grande entreprise de l'oecuménisme, à encourager avec une espérance toujours renouvelée et un engagement effectif, même si les temps et les résultats se trouvent dans les mains du Père, qui nous demande une humble disponibilité pour accueillir ses desseins et les inspirations intérieures de l'Esprit.




Catéchèses S. J-Paul II 30698