Catéchèses S. J-Paul II 8798

Mercredi 8 Juillet 1998

8798 1. «Si le Christ est le chef de l'Eglise, l'Esprit Saint est son âme». C'est ce qu'affirmait mon vénéré prédécesseur Léon XIII dans l'Encyclique Divinum illud munus (1897: DS 3328). Et après lui, Pie XII explicitait: l'Esprit Saint dans le Corps mystique du Christ est «le principe de toute action vitale et vraiment salvifique en chacun des divers membres du Corps» (Enc. Myst. Corp., 1943: DS 3808).

Nous voulons aujourd'hui réfléchir sur le mystère du Corps du Christ qui est l'Eglise, dans la mesure où elle est vivifiée et animée par l'Esprit Saint.

Après l'événement de la Pentecôte, le groupe qui donne origine à l'Eglise se transforme profondément: auparavant, il s'agissait d'un groupe fermé et statique, d'«environ cent vingt personnes» (Ac 1,15); ensuite, il s'agit d'un groupe ouvert et dynamique, auquel, à la suite du discours de Pierre, «il s'adjoignit environ trois mille âmes» (Ac 2,42). La véritable nouveauté n'est pas tant constituée par cette croissance numérique, pourtant extraordinaire, que par la présence de l'Esprit Saint. En effet, pour que la communauté chrétienne existe, il ne suffit pas qu'un groupe de personnes soit rassemblé. L'Eglise naît de l'Esprit du Seigneur. Elle se présente — en utilisant une heureuse expression du regretté Cardinal Congar — «entièrement suspendue au ciel» (La Pentecôte, trad. it., Brescia 1986, p. 60).

2. Cette naissance de l'Esprit, qui a eu lieu pour toute l'Eglise à la Pentecôte, se renouvelle pour chaque croyant dans le baptême, lorsque nous sommes immergés «dans un seul Esprit» pour être insérés «en un seul Corps» (1Co 12,13). Nous lisons chez saint Irénée: «De même qu'on ne peut pas faire un seul pain avec de la farine sans eau, nous aussi, qui sommes nombreux, nous ne pouvions devenir un en Jésus-Christ, sans l'eau qui vient du ciel» (Adv. Haer., 3, 17, 1). L'eau qui vient du ciel et qui transforme l'eau du baptême est l'Esprit Saint.

Saint Augustin affirme: «Ce que notre esprit, c'est-à-dire notre âme, représente pour nos membres, est la même chose que ce que l'Esprit Saint représente pour les membres du Christ, pour le Corps du Christ qui est l'Eglise» (Serm. 267, 4).

Le Concile oecuménique Vatican II, dans la Constitution dogmatique sur l'Eglise, revient sur cette image, la développe et la précise: le Christ «nous fait part de son Esprit qui, étant unique et le même dans la tête et dans les membres, vivifie le corps entier, l'unifie et le meut, si bien que son action a pu être comparée par les saints Pères à la fonction que remplit dans le corps humain le principe de la vie, c'est-à-dire l'âme» (LG 7)

Cette relation de l'Esprit avec l'Eglise nous aide à la comprendre, sans tomber dans deux erreurs opposées, que Mystici Corporis indiquait déjà: le naturalisme ecclésiologique qui s'arrête de façon unilatérale à l'aspect visible, au point de considérer l'Eglise comme une simple institution humaine; ou bien, à l'inverse, le mysticisme ecclésiologique qui souligne l'unité de l'Eglise avec le Christ, au point de considérer le Christ et l'Eglise comme une sorte de personne physique. Ce sont deux erreurs qui comportent une analogie — comme le soulignait déjà Léon XIII dans l'Encyclique Satis cognitum — avec deux hérésies christologiques: le nestorianisme, qui séparait les deux natures dans le Christ, et le monophysisme qui les confondait. Le Concile Vatican II nous a offert une synthèse qui nous aide à saisir le sens véritable de l'unité mystique de l'Eglise, en la présentant comme «une seule réalité complexe, faite d'un double élément humain et divin» (LG 8).

3. La présence de l'Esprit Saint dans l'Eglise a pour effet que, bien qu'elle soit marquée par le péché de ses membres, celle-ci est préservée de la défection. En effet, la sainteté prend non seulement la place du péché, mais elle le dépasse. Dans ce sens également, on peut dire avec saint Paul que, là où le péché abonde, la grâce surabonde (cf. Rm Rm 5,20).

L'Esprit Saint habite dans l'Eglise non pas comme un hôte, qui reste de toute façon étranger, mais comme l'âme qui transforme la communauté en «temple saint de Dieu» (1Co 3,17 cf. 1Co 6,19 Ep 2,21) et qui l'assimile sans cesse à soi, grâce à son don spécifique qui est la charité (cf. Rm Rm 5,5 Ga 5,22). La charité — enseigne le Concile Vatican II dans la Constitution dogmatique sur l'Eglise — «dirige tous les moyens de sanctification, leur donne leur âme et les conduit à leur fin» (LG 42). La charité est le «coeur» du Corps mystique du Christ, comme nous le lisons dans la belle page autobiographique de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus: «Je compris que si l'Eglise avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l'Eglise avait un coeur, et que ce coeur était brûlant d'Amour. Je compris que l'Amour seul faisait agir les membres de l'Eglise, que si l'Amour venait à s'éteindre, les Apôtres n'annonceraient plus l'Evangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang [...] Je compris que l'Amour renfermait toutes les Vocations, que l'Amour était tout, qu'il embrassait tous les temps et tous les lieux [...] en un mot qu'il est Eternel!» (Manuscrit autobiographique, MSB 3v).

4. L'Esprit qui habite dans l'Eglise, demeure également dans le coeur de chaque fidèle: il est le dulcis hospes animae. Suivre un chemin de conversion et de sanctification personnelle signifie alors se laisser «conduire» par l'Esprit (cf. Rm Rm 8,14), le laisser agir, prier, aimer en nous. «Devenir saints» est possible si on se laisse sanctifier par celui qui est le Saint, en collaborant docilement à son action transformante. C'est pourquoi, le renforcement de la foi et du témoignage des chrétiens étant l'objectif prioritaire du Jubilé, «il est donc nécessaire de susciter chez tous les fidèles une réelle aspiration à la sainteté, un fort désir de conversion et de renouveau personnel, dans un climat de prière toujours plus intense et de solidarité dans l'accueil du prochain, particulièrement des plus démunis» (Tertio millennio adveniente TMA 42).

Nous pouvons considérer que l'Esprit Saint est comme l'âme de notre âme, et qu'il est donc le secret de notre sanctification. Laissons-nous habiter par sa présence forte et discrète, intime et transformante!

5. Saint Paul nous enseigne que l'inhabitation de l'Esprit Saint en nous, étroitement liée à la résurrection de Jésus, est également le fondement de notre résurrection finale: «Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous» (Rm 8,11).

Dans la béatitude éternelle, nous vivrons dans la joyeuse convivialité qui est à présent préfigurée et anticipée par l'Eucharistie. Alors, l'Esprit portera à pleine maturité tous les germes de communion, d'amour et de fraternité qui ont fleuri le long de notre pèlerinage terrestre. Comme l'affirme saint Grégoire de Nysse, «entourés par l'unité de l'Esprit Saint comme par le lien de la paix, nous seront tous un seul Corps et un seul Esprit» (Hom. 15 in ).


Mercredi 22 Juillet 1998

22798 1. Le geste de Jésus, qui le soir de Pâques «souffla» sur les Apôtres en leur communiquant l'Esprit Saint (cf. Jn Jn 20,21-22), évoque la création de l'homme, décrite dans la Genèse comme la communication d'un «souffle de vie» (Gn 2,7). L'Esprit Saint est comme le «souffle» du Ressuscité, qui donne une vie nouvelle à l'Eglise représentée par les premiers disciples. Le signe le plus évident de cette vie nouvelle est le pouvoir de pardonner les péchés. En effet, Jésus dit: «Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis» (Jn 20,22-23). Là où «l'Esprit de sanctification» (Rm 1,4) est répandu, ce qui fait obstacle à la sainteté, c'est-à-dire le péché, est détruit. L'Esprit Saint, selon la parole du Christ, est celui qui «établira la culpabilité du monde» (Jn 16,8).

Il fait prendre conscience du péché, mais, dans le même temps, c'est lui-même qui remet les péchés. A ce propos, saint Thomas remarque: «Puisque c'est l'Esprit Saint qui fonde notre amitié avec Dieu, il est normal qu'à travers lui Dieu nous remette les péchés» (Contr. Gent. 4, 21, 11).

2. L'Esprit du Seigneur détruit non seulement le péché, mais il opère également une sanctification et une divinisation de l'homme. Dieu nous «a choisis dès le commencement pour être sauvés par l'Esprit qui sanctifie et la foi en la vérité» (2Th 2,13).

Voyons de plus près en quoi consiste cette «sanctification-divinisation».

L'Esprit Saint est «Personne-Amour; il est Personne-don» (Dom. et viv., n. 10). Cet amour donné par le Père, accueilli et rendu par le Fils, est communiqué à l'homme racheté, qui devient ainsi un «homme nouveau» (Ep 4,24), une «créature nouvelle» (Ga 6,15). Nous chrétiens, sommes non seulement purifiés du péché, mais nous sommes également régénérés et sanctifiés. Nous recevons une vie nouvelle, car nous sommes rendus «participants de la divine nature» (2P 1,4): nous sommes «appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes!» (1Jn 3,1). C'est la vie de la grâce: le don gratuit avec lequel Dieu nous rend participants de sa vie trinitaire.

Les trois Personnes divines, dans leur relation avec les baptisés, ne doivent être ni séparées — car chacune agit toujours en communion avec les autres —, ni confondues, car chaque Personne se communique en tant que Personne.

Dans la réflexion sur la grâce, il est important d'éviter de la concevoir comme une «chose». Elle est «d'abord et principalement le don de l'Esprit qui nous justifie et nous sanctifie» (CEC 2003). C'est le don de l'Esprit Saint qui nous assimile au Fils et nous fait rentrer dans une relation filiale avec le Père: dans l'unique Esprit au moyen du Christ, nous avons accès au Père (cf. Ep Ep 2,18).

3. La présence de l'Esprit Saint opère une transformation qui touche vraiment et intimement l'homme: c'est la grâce sanctifiante ou déifiante, qui élève notre être et notre agir, en nous habilitant à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Cela se produit à travers les vertus théologales de la foi, de l'espérance et de la charité, «qui adaptent les facultés de l'homme à la participation de la nature divine» (CEC 1812). Ainsi, avec la foi, le croyant considère Dieu, ses frères, l'histoire, non seulement selon la perspective de la raison, mais du point de vue de la révélation divine. Avec l'espérance, l'homme considère l'avenir avec une certitude confiante et agissante, espérant contre toute espérance (cf. Rm Rm 4,18), en gardant le regard tourné vers l'objectif de la béatitude éternelle et de la pleine réalisation du Royaume de Dieu. Avec la charité, le disciple est engagé à aimer Dieu de tout son coeur et les autres comme le Seigneur Jésus nous a aimés, c'est-à-dire jusqu'au don total de soi.

4. La sanctification de chaque croyant a toujours lieu à travers l'incorporation à l'Eglise. «La vie de chaque fils de Dieu en Christ et au moyen du Christ est reliée par un lien merveilleux à la vie de tous les autres frères chrétiens dans l'unité surnaturelle du Corps mystique du Christ, allant presque jusqu'à former une seule personne mystique» (Paul VI, Const. apos. Indulgentiarum doctrina, n. 5).

C'est le mystère de la communion des saints. Un lien éternel de charité relie tous les «saints», que ce soit ceux qui ont déjà atteint la patrie céleste ou qui sont en train de se purifier au Purgatoire, ou ceux qui sont encore en pèlerinage sur terre. Parmi eux, il existe également un échange abondant de biens, au point que la sainteté de l'un rejaillit sur tous les autres. Saint Thomas affirme: «Celui qui vit dans la charité, participe à tout le bien qui est fait dans le monde» (In Symb. Apost.) et aussi: «L'acte de l'un s'accomplit à travers la charité d'un autre, cette charité en vertu de laquelle nous sommes tous une seule chose en Christ» (In IV Sent. d.20, a.2; q.3 ad 1).

5. La Concile a rappelé que «l'appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s'adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang» (Lumen gentium LG 40). Concrètement, la route que chaque fidèle doit suivre pour devenir saint est celle de la fidélité à la volonté de Dieu, telle qu'elle nous est exprimée par sa Parole, par ses commandements, par les inspirations de l'Esprit Saint. Comme pour Marie et pour tous les saints, pour nous aussi, la perfection de la charité consiste dans l'abandon confiant, sur l'exemple de Jésus, entre les mains du Père. Encore une fois, cela est rendu possible grâce à l'Esprit Saint, qui également dans les moments difficiles, nous fait répéter avec Jésus: «Voici, je viens, pour faire, ô Dieu, ta volonté» (cf. He He 10,7).

6. Cette sainteté se reflète dans une forme particulière de la vie religieuse, dans laquelle la consécration baptismale est vécue dans l'engagement à suivre le Seigneur de façon radicale, à travers les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance. «Comme l'existence chrétienne tout entière, l'appel à la vie consacrée est lui aussi en relation étroite avec l'action de l'Esprit Saint. C'est l'Esprit qui, au cours des millénaires, pousse toujours de nouvelles personnes à percevoir l'attrait d'un choix si exigeant [...] C'est l'Esprit qui suscite le désir d'une réponse totale; c'est Lui qui forme et façonne l'esprit de ceux qui sont appelés, en les configurant au Christ chaste, pauvre et obéissant, et en les poussant à faire leur sa mission» (Exhort. apos. Vita consecrata, VC 19).

Une expression éminente de sainteté, rendue possible par la force de l'Esprit Saint, est le martyre, témoignage suprême rendu par le sang au Seigneur Jésus. Mais l'engagement chrétien est déjà une forme de témoignage significatif et fécond, vécu — dans les diverses conditions de vie, jour après jour — dans une fidélité radicale au commandement de l'amour.

  

Mercredi 29 Juillet 1998


29798 Chers Frères et Soeurs,

Dans la première communauté chrétienne, "personne ne se disait propriétaire de ce qu'il possédait, mais on mettait tout en commun" (
Ac 4,32). C'est l'Esprit Saint qui inspirait de jeter ainsi les bases de la Nouvelle Jérusalem, car il fait de tous les croyants un seul être dans le Christ Jésus en les établissant dans une pleine communion avec Dieu.

L'Esprit Saint aide l'Eglise à annoncer l'Evangile au monde et à surmonter les difficultés, généralement par des médiations humaines. Ainsi, lorsque surviennent des discussions dans la communauté primitive, il rétablit l'unité grâce à l'intervention des Apôtres et il aide à opérer les discernements nécessaires.

Grâce à l'Esprit, l'unité des chrétiens grandit progressivement. Le Grand Jubilé de l'An 2000 représentera une étape importante sur ce chemin. L'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes ont déjà fait des pas significatifs à propos de la doctrine sur l'Esprit Saint.

Le Jubilé devra permettre enfin de faire grandir l'amour fraternel à l'intérieur de l'Eglise catholique pour disposer les coeurs à accueillir l'action de l'Esprit et faire en sorte que l'unité consiste, comme le disait saint Bernard, "en une même charité".
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J'accueille avec plaisir les pèlerins de langue française à qui je souhaite une bonne découverte de Rome en ces jours de vacances.

A chacun d'entre vous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.




Mercredi 5 Août 1998


50898 1. Le Nouveau Testament atteste la présence, dans les diverses communautés chrétiennes, de charismes et de ministères suscités par l'Esprit Saint. Les Actes des Apôtres, par exemple, décrivent ainsi la communauté chrétienne d'Antioche: «Il y avait dans l'Eglise établie à Antioche des prophètes et des docteurs: Barnabé, Syméon appelé Niger, Lucius de Cyrène, Manaën, ami d'enfance d'Hérode le tétrarque, et Saul» (Ac 13,1).

La communauté d'Antioche apparaît ainsi comme une communauté vivante, de laquelle ressortent deux rôles distincts: celui des prophètes, qui discernent et annoncent les voies de Dieu, et celui des docteurs, c'est-à-dire des professeurs, qui approfondissent et exposent la foi de façon adéquate. On pourrait dénoter dans le premier un caractère plus charismatique, et dans le second une note plus institutionnelle, mais dans l'un et l'autre cas, une unique obéissance à l'Esprit de Dieu. Du reste, cet enchevêtrement d'éléments charismatiques et institutionnels peut être décelé à partir des origines mêmes de la communauté d'Antioche — née après la mort d'Etienne suite à la dispersion des chrétiens — où certains frères avaient prédit la bonne nouvelle également aux païens, suscitant de nombreuses conversions. A l'annonce d'un tel événement, la communauté mère de Jérusalem avait délégué Barnabé pour rendre visite à la nouvelle communauté. Et celui-ci — raconte Luc, constatant la grâce du Seigneur, «s'en réjouit et les encouragea tous à demeurer, d'un coeur ferme, fidèles au Seigneur» (Ac 11,23-24).

Dans cet épisode apparaît clairement la double façon à travers laquelle l'Esprit de Dieu soutient l'Eglise: d'une part, il suscite directement l'activité des croyants en ouvrant des voies nouvelles et inédites à l'annonce de l'Evangile, de l'autre, il rend leur oeuvre authentique à travers l'intervention officielle de l'Eglise, représentée ici par l'oeuvre de Barnabé, envoyé par la communauté mère de Jérusalem.

2. Saint Paul accomplit avant tout une réflexion profonde sur les charismes et sur les ministères. Il l'accomplit tout particulièrement dans les chapitres 12 à 14 de la première Lettre aux Corinthiens. Sur la base de ce texte, certains éléments peuvent être réunis pour établir une théologie correcte des charismes.

Paul établit avant tout le critère fondamental de discernement, un critère que l'on pourrait définir de «christologique»: un charisme n'est authentique que s'il conduit à proclamer que Jésus-Christ est le Seigneur (cf. 1Co 12,1-3).

Immédiatement après, Paul souligne la variété des charismes et leur unité d'origine: «Il y a, certes, diversité des dons spirituels, mais c'est le même Esprit» (1Co 12,4). Les dons de l'Esprit, qu'Il distribue «comme il l'entend» (1Co 12,11), peuvent être nombreux et Paul en dresse une liste (1Co 12,8-10), qui n'a certes pas la prétention d'être exhaustive. L'Apôtre enseigne ensuite que la diversité des charismes ne doit pas provoquer de divisions et pour cela, développe la comparaison éloquente des divers membres de l'unique corps (1Co 12,12-27). L'unité de l'Eglise est une unité dynamique et organique, et tous les dons de l'Esprit sont importants pour la vitalité du corps tout entier.

3. Paul enseigne, d'autre part, que Dieu a établi une hiérarchie de positions dans l'Eglise (cf. ibid. , 1Co 1Co 12,28): à la première place, il y a les «apôtres», puis les «prophètes», et enfin, les «maîtres». Ces trois premières positions sont fondamentales et sont énumérées selon un ordre décroissant.

L'Apôtre se rend compte ensuite que la distribution des dons est diversifiée: tous n'ont pas tel ou tel charisme (cf. ibid. , 1Co 1Co 12,29-30); chacun a le sien (cf. ibid. , 1Co 1Co 7,7), et doit l'accueillir avec gratitude, le mettant généreusement au service de la communauté. Cette recherche de communion est dictée par la charité, qui reste la «meilleure voie» et le don le plus grand (cf. ibid. , 1Co 1Co 13,13), sans lequel les charismes perdent toute valeur (cf. ibid. , 1Co 1Co 13,1-3).

4. Les charismes sont donc des grâces concédées par l'Esprit Saint à certains fidèles pour leur permettre de contribuer au bien commun de l'Eglise.

La variété des charismes correspond à la variété des services, qui peuvent être momentanés ou durables, privés ou publics. Les ministères ordonnés des évêques, des prêtres et des diacres sont des services stables et publiquement reconnus. Les ministères des laïcs, fondés sur le baptême et la communion, peuvent recevoir de l'Eglise, à travers un évêque, une reconnaissance officielle ou seulement de fait.

Parmi les ministères des laïcs, rappelons ceux qui sont institués à travers un rite liturgique: celui des lecteurs et des acolytes. Viennent ensuite les ministres extraordinaires de la communion eucharistique et ceux responsables d'activités ecclésiales, en commençant par les catéchistes, mais il faut rappeler également les «animateurs de la prière, du chant et de la liturgie; chefs de communautés ecclésiales de base et de groupes bibliques; responsables des oeuvres de charité; administrateurs des biens de l'Eglise; dirigeants des divers groupes d'apostolat; enseignants de religion dans les écoles» (Enc. Redemptoris missio, RMi 74).

5. Si l'on en croit le message de Paul et de tout le Nouveau Testament, amplement repris et illustré par le Concile Vatican II (cf. Lumen gentium, LG 12), il n'existe pas une Eglise au «modèle charismatique» et une autre au «modèle institutionnel». Comme je l'ai répété en une autre occasion, la distinction entre charisme et institution est «regrettable et nuisible» (cf. Discours aux participants au IIe Colloque international des mouvements ecclésiaux, 2 mars 1987, in Insegnamenti X/1 [1987], p. 478).

C'est aux Pasteurs qu'il revient de discerner l'authenticité des charismes et d'en réglementer l'exercice, dans une attitude d'humble obéissance à l'Esprit, d'amour désintéressé pour le bien de l'Eglise et de fidélité docile à la loi suprême du salut des âmes.

Parmi les fidèles qui assistaient à l'Audience générale du 5 août 1998, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De divers pays: Soeurs de la Charité de Saint-Louis.

De France: Paroisse de Marmande.

Chers frères et soeurs,

Dans la communauté chrétienne d'Antioche, il existait des prophètes, qui discernaient les voies de Dieu, et des docteurs, qui exposaient la foi. Les uns et les autres obéissaient à l'Esprit Saint, car l'Esprit ouvre des chemins nouveaux à l'annonce de l'Evangile et authentifie l'oeuvre des croyants par l'intervention de l'Eglise.

Le critère fondamental du discernement des charismes est christologique: un charisme authentique amène à proclamer que Jésus-Christ est Seigneur. De plus, la variété des charismes ne doit pas faire oublier leur unique origine, l'Esprit, qui les distribue comme il veut, favorisant ainsi la croissance de l'Eglise dans l'unité. D'autre part, il existe une hiérarchie dans l'Eglise, comme le montre saint Paul qui cite les apôtres, les prophètes et les maîtres. Les dons reçus par chacun doivent permettre de rechercher une communion vécue dans la charité. Le ministère ordonné des Evêques, des prêtres et des diacres, ainsi que les ministères institués des lecteurs et des acolytes, sans oublier les nombreux autres ministères laïcs sont autant de grâces données par l'Esprit Saint.

Charisme et institution ne s'opposent donc pas. Seule doit compter, pour le discernement des charismes par les pasteurs, la loi suprême du salut des âmes.
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J'accueille avec plaisir les pèlerins de langue française, notamment les religieuses ici présentes, et je leur souhaite de bien profiter de toutes les richesses de Rome, spirituelles, humaines et artistiques. A chacun d'entre vous, mes chers amis, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 12 Août 1998

12898 1. Dans la perspective du grand Jubilé de l'An 2000, dès l'Encyclique Dominum et vivificantem, j'invitais à regarder «dans la foi l'ensemble des deux millénaires où s'est exercée l'action de l'Esprit de vérité: celui-ci, au cours des siècles, a puisé au trésor de la Rédemption du Christ, donnant aux hommes la vie nouvelle, réalisant en eux l'adoption dans le Fils unique, les sanctifiant, en sorte qu'ils peuvent redire à la suite de saint Paul: “Nous avons reçu l'Esprit de Dieu” (cf. 1Co 2,12)» (Dominum et vivificantem, DEV 53).

Au cours des précédentes catéchèses, nous avons défini la manifestation de l'Esprit de Dieu dans la vie du Christ, dans la Pentecôte, dont est née l'Eglise, ainsi que dans la vie personnelle et communautaire des croyants. Aujourd'hui, notre regard s'étend à l'horizon du monde et de toute l'histoire humaine. Nous nous situons ainsi dans le cadre du programme tracé par cette même Encyclique sur l'Esprit Saint, où il est souligné qu'il n'est pas possible de se limiter aux deux mille ans écoulés depuis la naissance de Jésus-Christ. Il faut en effet «remonter en arrière, embrasser aussi toute l'action de l'Esprit Saint avant le Christ — depuis le commencement — dans le monde entier et spécialement dans l'économie de l'Ancienne Alliance» (ibid. , DEV DEV 53). Et ensemble, il faut «porter plus loin notre regard et avancer “vers le large”, en sachant que “le vent souffle où il veut” selon l'image employée par Jésus dans la conversation avec Nicodème (cf. Jn Jn 3,8)» (ibid. , DEV DEV 53).

2.Du reste, le Concile Vatican II, concentré sur le mystère et sur la mission de l'Eglise dans le monde, nous avait déjà offert une telle étendue de perspective. Pour le Concile, l'action de l'Esprit Saint ne peut être limitée au domaine institutionnel de l'Eglise, où l'Esprit Saint oeuvre de façon particulière et totale, mais elle doit être reconnue également hors des frontières visibles de son Corps (cf. Gaudium et spes GS 22 Lumen gentium LG 16).

Pour sa part, le Catéchisme de l'Eglise catholique rappelle avec toute la Tradition que «la Parole de Dieu et son Souffle sont à l'origine de l'être et de la vie de toute créature» (CEC 703). Et il rapporte à ce sujet un texte significatif de la liturgie byzantine: «Au Saint Esprit, il convient de régner, de sanctifier et d'animer la création, car Il est Dieu consubstantiel au Père et au Fils [...] A lui revient le pouvoir sur la vie, car étant Dieu, Il garde la création dans le Père et par le Fils» (ibid.). Il n'existe donc aucune partie de la création et aucun moment de l'histoire dans lequel l'Esprit ne déploie son action.

Il est vrai que toutes les choses ont été créées par Dieu le Père à travers le Christ et en vue de Lui (cf. Col Col 1,16), si bien que le sens et la fin ultimes de la création sont de «ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ» (Ep 1,10). Il est toutefois aussi vrai que tout cela a lieu en vertu de la puissance de l'Esprit Saint. En illustrant ce «rythme» trinitaire de l'histoire du salut, saint Irénée affirme que «l'Esprit prépare tout d'abord l'homme pour le Fils de Dieu, le Fils le conduit au Père et le Père lui donne l'incorruptibilité et la vie éternelle» (Adv. Haer., IV, 20, 5).

3. L'Esprit Saint, présent dans la création et oeuvrant à toutes les phases de l'histoire du salut, dirige toute chose vers l'avènement définitif de l'incarnation du Verbe. Evidemment, il ne s'agit pas d'un Esprit différent de celui diffusé «sans mesure» (cf. Jn Jn 3,34) par le Christ crucifié et ressuscité. Le même et identique Esprit Saint prépare l'événement du Messie dans le monde, et, à travers Jésus-Christ, est communiqué par Dieu le Père à l'Eglise et à toute l'humanité. Les dimensions christologique et pneumatologique sont inséparables et traversent non seulement l'histoire du salut, mais toute l'histoire du monde.

Il nous est donc permis de penser que, partout où se trouvent des éléments de vérité, de bonté, d'authentique beauté, de véritable sagesse, partout où s'accomplissent des efforts généreux en vue de l'édification d'une société plus humaine et conforme au dessein de Dieu, la voie du salut est ouverte. A plus forte raison, là où l'on rencontre une attente sincère de la révélation de Dieu et une espérance ouverte au mystère qui sauve, il est possible de saisir l'oeuvre cachée et efficace de l'Esprit de Dieu, qui pousse l'homme à la rencontre avec le Christ, «chemin, vérité et vie» (Jn 14,6). Lorsque nous parcourons certaines pages magnifiques de littérature et de philosophie, ou que nous admirons certains chefs-d'oeuvre d'art, ou encore que nous écoutons émerveillés des morceaux de musique qui ont quelque chose de sublime, nous reconnaissons spontanément dans ces manifestations du génie humain un certain reflet lumineux de l'Esprit de Dieu. Certes, de tels reflets se placent à un autre niveau par rapport aux interventions qui font de l'être humain, élevé à l'ordre surnaturel, un temple dans lequel l'Esprit Saint habite avec les autres Personnes de la Très Sainte Trinité (cf. S. Thomas, Summ. Theol. I-II I-II 109,0, 1, ad 1). Ainsi, l'Esprit Saint, de façon directe ou indirecte, oriente l'homme vers son salut intégral.

4. Nous nous arrêterons donc, au cours des prochaines catéchèses, pour contempler l'action de l'Esprit dans le vaste domaine de l'histoire de l'humanité. Cette perspective nous aidera à saisir également la relation profonde qui unit l'Eglise et le monde, l'histoire générale de l'homme et l'histoire particulière du salut. Cette dernière, en réalité, n'est pas une histoire «séparée», mais joue à l'égard de la première un rôle que nous pourrions qualifier de «sacramentel», c'est-à-dire de signe et d'instrument de l'unique grand don de salut parvenu à l'humanité à travers l'Incarnation du Verbe et l'effusion de l'Esprit.

On comprend bien sous cet aspect, certaines pages merveilleuses du Concile Vatican II sur la solidarité qui règne entre l'Eglise et l'humanité. J'aime à relire dans cette perspective pneumatologique l'avant-propos de Gaudium et spes: «Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur coeur. Leur communauté, en effet, s'édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l'Esprit-Saint dans leur marche vers le royaume du Père, et porteurs d'un message de salut qu'il leur faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire» (GS 1).

On voit clairement ici que la solidarité de l'Eglise avec le monde et la mission à accomplir à son égard doivent être comprises à partir du Christ, à la lumière et dans la force de l'Esprit Saint. L'Eglise se place ainsi au service de l'Esprit qui oeuvre mystérieusement dans les coeurs et dans l'histoire. Et elle se sent envoyée pour transmettre à toute l'humanité la plénitude de l'Esprit reçue le jour de la Pentecôte.

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 12 août 1998, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de pèlerins de Quimper; de Dampierre.

De Côte-d'Ivoire: Groupe de pèlerins ivoiriens.

De l'Ile Maurice: Groupe de pèlerins de Port-Louis.

Chers frères et soeurs,

A l'approche du grand Jubilé de l'An 2000, je vous invite à porter un regard de foi sur «deux millénaires de l'action de l'Esprit Saint» (Dominum et vivificantem DEV 53). L'Esprit, qui agit dans l'Eglise, était déjà à l'oeuvre dans l'Ancienne Alliance et il continue à souffler où il veut. En effet, la Parole et le Souffle de Dieu sont à l'origine de l'être et de la vie de toute créature (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique, CEC 703). L'Esprit n'est absent d'aucun lieu de la création, d'aucun moment de l'histoire.

L'Esprit est communiqué par le Père à l'Eglise et à toute l'humanité. Ainsi, là où se trouvent des éléments de vérité, de bonté, de vraie beauté et de vraie sagesse, là où existe une attente de la révélation de Dieu, Il est à l'oeuvre de manière cachée et discrète. La littérature, la philosophie, l'art, la musique, toutes les manifestations du génie humain sont de lumineux reflets de l'action de l'Esprit de Dieu qui, directement ou indirectement, oriente l'homme vers le salut.

Ainsi que le disait Gaudium et spes, il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans le coeur des disciples du Christ. «Conduits par l'Esprit Saint dans leur marche vers le royaume du Père» (GS 1), les chrétiens sont appelés dans l'Eglise à transmettre à toute l'humanité la plénitude de l'Esprit reçu le jour de la Pentecôte.
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française, notamment ceux qui viennent de Côte-d'Ivoire, de l'Ile Maurice et du Viêt-Nam, et je leur souhaite de faire de leurs vacances un temps de découverte de la présence et de l'action de Dieu dans leur vie.

A chacun d'entre vous, mes chers amis, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.




Catéchèses S. J-Paul II 8798