Catéchèses S. J-Paul II 23998

Mercredi 23 Septembre 1998

23998 1. Dans la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, en me référant à l'année consacrée à l'Esprit Saint, j'exhortais toute l'Eglise à «redécouvrir l'Esprit comme Celui qui construit le Royaume de Dieu au cours de l'histoire et prépare sa pleine manifestation en Jésus-Christ, en animant les hommes de l'intérieur et en faisant croître dans la vie des hommes les germes du salut définitif qui adviendra à la fin des temps» (TMA 45).

Si nous nous plaçons dans la perspective de la foi, nous voyons l'histoire, en particulier après la venue de Jésus-Christ, comme étant entièrement enveloppée et pénétrée par la présence de l'Esprit de Dieu. On comprend facilement pourquoi l'Eglise se sent aujourd'hui plus que jamais appelée à discerner les signes de cette présence dans l'histoire des hommes avec laquelle — à l'imitation de son Seigneur — elle «se reconnaît donc réellement et intimement solidaire» (Gaudium et spes GS 1).

2. Pour accomplir ce «devoir permanent» (cf. GS, GS 4), l'Eglise est invitée à redécouvrir de façon toujours plus profonde et vitale que Jésus-Christ, le Seigneur crucifié et ressuscité, est «la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine» (GS 10). Il constitue «le point vers lequel convergent les désirs de l'histoire et de la civilisation, le centre du genre humain, la joie de tous les coeurs et la plénitude de leurs aspirations» (GS 45). Et, en même temps, l'Eglise reconnaît que seul l'Esprit Saint, en imprimant dans les coeurs des croyants l'image vivante de Dieu fait homme, peut les rendre capables de scruter l'histoire, en y saisissant les signes de la présence et de l'action de Dieu.

L'Apôtre saint Paul écrit: «Qui donc entre les hommes sait ce qui concerne l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui? De même, nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l'Esprit de Dieu. Or, nous n'avons pas reçu, nous, l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits» (1Co 2,11-12). Soutenue par ce don permanent de l'Esprit, l'Eglise exprime avec une intime gratitude que «la foi, en effet, éclaire toutes choses d'une lumière nouvelle et nous fait connaître la volonté divine sur la vocation intégrale de l'homme, orientant ainsi l'esprit vers des solutions pleinement humaines» (GS 11).

3. Le Concile Vatican II, utilisant une expression tirée du langage de Jésus lui-même, désigne comme «signes des temps» (GS 4) les indices significatifs de la présence et de l'action de l'Esprit de Dieu dans l'histoire.

L'avertissement adressé par Jésus à ses contemporains retentit pour nous aussi aujourd'hui, de façon forte et salutaire: «Ainsi, le visage du ciel, vous savez l'interpréter, et pour les signes des temps vous n'en êtes pas capables! Génération mauvaise et adultère! Elle réclame un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas» (Mt 16,3-4).

Dans la perspective de la foi chrétienne, l'invitation à discerner les signes des temps correspond à la nouveauté eschatologique introduite dans l'histoire par la venue du Logos parmi nous (cf. Jn Jn 1,14).

4. En effet, Jésus invite au discernement à l'égard des paroles et des oeuvres, qui témoignent de l'avent imminent du Royaume du Père. Il oriente et concentre même tous les signes dans l'énigmatique «signe de Jonas». Et, grâce à cela, il renverse la logique terrestre visant à chercher des signes qui confirment le désir d'affirmation personnelle et de puissance de l'homme. Comme le souligne l'apôtre Paul, «alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié scandale pour les Juifs et folie pour les païens» (1Co 1,22-23).

Comme le premier-né de nombreux frères (cf. Rm Rm 8,29), le Christ a le premier vaincu en lui-même la «tentation» diabolique de se servir de moyens terrestres pour accomplir la venue du Royaume de Dieu. Cela a eu lieu à partir du moment des épreuves messianiques dans le désert, jusqu'au défi sarcastique qui lui fut lancé lorsqu'il était cloué sur la croix: «Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix!» (Mt 27,40). En Jésus crucifié se produit comme une transformation et une concentration des signes: il est lui-même le «signe de Dieu», en particulier dans le mystère de sa mort et de sa résurrection. Pour discerner les signes de sa présence dans l'histoire, il faut se libérer de toute prétention matérielle et accueillir l'Esprit qui «sonde tout, jusqu'aux profondeurs de Dieu» (1Co 2,10).

5. Si nous nous demandions quand aura lieu l'accomplissement du Royaume de Dieu, Jésus nous répondrait, comme il le fit aux Apôtres, que ce n'est pas à nous «de connaître les temps (chrónoi) et les moments (kairói) que le Père a fixés de sa seule autorité (exousía)». Jésus nous demande également d'accueillir la force de l'Esprit, pour être ses témoins «à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre» (Ac 1,7-8).

La disposition providentielle des signes des temps était cachée auparavant dans le secret du dessein du Père (cf. Rm Rm 16,25 Ep 3,9), elle a fait irruption dans l'histoire et en elle s'est tracée une route sous le signe paradoxal du Fils crucifié et ressuscité (cf. 1P 1,19-21). Elle est accueillie et interprétée par les disciples du Christ dans la lumière et dans la puissance de l'Esprit, dans l'attente vigilante et active de l'avent définitif qui conduira l'histoire à son terme, au-delà d'elle-même, dans le sein du Père.

6. Ainsi, le temps, par une disposition du Père, s'étend comme une invitation à «connaître l'amour du Christ qui surpasse tout ce qu'on peut connaître», pour être comblés «jusqu'à entrer dans la plénitude de Dieu» (Ep 3,18-19). Le secret de ce chemin est l'Esprit Saint, qui nous guide «vers la vérité tout entière» (Jn 16,13).

Le coeur ouvert avec confiance à cette perspective d'espérance, j'invoque du Seigneur l'abondance des dons de l'Esprit pour toute l'Eglise, «afin que le “printemps” du Concile Vatican II puisse trouver dans le nouveau millénaire son “été”, c'est-à-dire son développement mûr» (Discours à l'occasion du Consistoire public ordinaire, 21 février 1998, n. 4, in L'Osservatore Romano en langue française du 24 février 1998 n. 8).

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 23 septembre 1998, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De divers pays: Religieuses Ursulines; Petites Soeurs des Pauvres.

De France: Paroisse Sainte Bernadette, de Pau; Collège Sainte-Thérèse, de Muzillac; groupe de pèlerins d'Arras; de Cambrai.

De Suisse: Pèlerins du Jura et de Neuchâtel.

Du Canada: Groupe de pèlerins.

Salut en langue française

Chers frères et soeurs,

Considérée dans une perspective de foi, l'histoire est tout entière enveloppée et pénétrée de la présence de l'Esprit de Dieu. Aussi l'Eglise se sent-elle plus que jamais appelée à en discerner les signes dans l'histoire des hommes dont elle est réellement et intimement solidaire.

Pour accomplir cette mission, l'Eglise est invitée à redécouvrir de manière toujours plus profonde et vitale que Jésus-Christ est «la clé, le centre et la fin de toute l'histoire humaine» (Gaudium et spes GS 10). Elle reconnaît aussi que seul l'Esprit Saint peut rendre les croyants capables de scruter l'histoire, pour y saisir les signes de la présence et de l'action de Dieu.

Et le véritable signe de Dieu, c'est le Christ, dans le mystère de sa mort et de sa résurrection, qui conduit les disciples à attendre activement l'accomplissement total de l'histoire. L'Esprit Saint aide à connaître «l'amour qui surpasse tout ce qu'on peut connaître» et qui comble «jusqu'à entrer dans la plénitude de Dieu» (Ep 3,19). Ce même Esprit nous entraîne vers «la vérité tout entière» (Jn 16,13) et fait de nous les témoins du Christ, jusqu'aux extrémités de la terre.
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J'accueille avec plaisir les pèlerins de langue française. Je souhaite que leur séjour à Rome, auprès du tombeau des Apôtres, les aide à grandir dans la connaissance du Christ et à prendre une conscience toujours plus vive de leur responsabilité de chrétiens au milieu de leurs frères. A tous je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 30 Septembre 1998

30998 1. Au cours de cette seconde année de préparation au Jubilé de l'An 2000, la redécouverte de la présence de l'Esprit Saint nous conduit à accorder une attention particulière au sacrement de la Confirmation (cf. Tertio millennio adveniente TMA 45). Celui-ci — comme l'enseigne le Catéchisme de l'Eglise catholique — «parfait la grâce baptismale [...] donne l'Esprit Saint pour nous enraciner plus profondément dans la filiation divine, nous incorporer plus fermement au Christ, rendre plus solide notre lien avec l'Eglise, nous associer davantage à sa mission et nous aider à rendre témoignage de la foi chrétienne par la parole accompagnée des oeuvres» (CEC 1316).

En effet, le sacrement de la Confirmation associe intimement le chrétien à l'onction même du Christ, que «Dieu a oint de l'Esprit Saint» (Ac 10,38). Cette onction est évoquée dans le nom même de «chrétien», qui tire son origine de celui du «Christ», traduction grecque du terme hébraïque «messie», qui signifie précisément «oint». Le Christ est le Messie, l'Oint de Dieu.

Grâce au sceau de l'Esprit conféré par la Confirmation, le chrétien atteint sa pleine identité et devient conscient de sa mission dans l'Eglise et dans le monde. «Avant que cette grâce ne vous soit conférée — écrit saint Cyrille de Jérusalem — vous n'étiez pas suffisamment dignes de ce nom, mais vous étiez en quelque sorte en chemin pour devenir chrétiens» (Catech. myst., III, 4: ).

2. Pour comprendre toute la richesse de grâce contenue dans le sacrement de la Confirmation, qui avec le Baptême et l'Eucharistie, constitue l'ensemble organique des «sacrements de l'initiation chrétienne», il faut en saisir la signification à la lumière de l'histoire du salut.

Dans l'Ancien Testament, les prophètes annoncent que l'Esprit de Dieu se posera sur le Messie promis (cf. Is Is 11,2), et dans le même temps il sera communiqué à tout le peuple messianique (cf. Ez Ez 36,25-27 Jl 3,1-2). A la «plénitude des temps», Jésus est conçu par l'action de l'Esprit Saint dans le sein de la Vierge Marie (cf. Lc Lc 1,35). Lorsque l'Esprit descend sur Lui, au moment du baptême dans le fleuve Jourdain, il est manifesté comme le Messie promis, le Fils de Dieu (cf. Mt Mt 3,13-17 Jn 1,33-34). Toute sa vie se déroule en totale communion avec l'Esprit Saint qu'il donne «sans mesure» (Jn 3,34), comme couronnement eschatologique de sa mission selon sa promesse (cf. Lc Lc 12,12 Jn 3,5-8 Jn 7,37-39 Jn 16,7-15 Ac 1,8). Jésus communique l'Esprit «en soufflant» sur les Apôtres le jour de la résurrection (cf. Jn Jn 20,22), puis lors de l'effusion solennelle et merveilleuse du jour de la Pentecôte (cf. Ac Ac 2,1-4).

C'est ainsi que les Apôtres, remplis de l'Esprit Saint, commencent à «annoncer les grandes oeuvres de Dieu» (cf. Ac Ac 2,11). Ceux qui croient à leur prédication et se font baptiser reçoivent également «le don de l'Esprit Saint» (Ac 2,38).

La distinction entre la Confirmation et le Baptême est clairement suggérée dans les Actes des Apôtres, à l'occasion de l'évangélisation de la Samarie. C'est Philippe, l'un des Sept, qui prêche la foi et qui baptise; les Apôtres Pierre et Jean viennent ensuite et imposent les mains aux nouveaux baptisés pour qu'ils reçoivent l'Esprit Saint (Ac 8,5-17). De même, à Ephèse, l'Apôtre Paul impose les mains à un groupe de nouveaux baptisés et «l'Esprit Saint vint sur eux» (Ac 19,6).

3. Le sacrement de la Confirmation «perpétue, en quelque sorte, dans l'Eglise, la grâce de la Pentecôte» (CEC 1288). Le Baptême, que la tradition chrétienne appelle «porche de la vie dans l'Esprit» (ibid. , CEC CEC 1213), nous fait renaître «d'eau et d'Esprit» (cf. Jn Jn 3,5) en nous faisant participer de façon sacramentelle à la mort et à la résurrection du Christ (cf. Rm Rm 6,1-11). La Confirmation, quant à elle, nous fait pleinement participer à l'effusion de l'Esprit Saint de la part du Seigneur Ressuscité.

Le lien indissoluble entre la Pâque de Jésus-Christ et l'effusion de l'Esprit Saint lors de la Pentecôte s'exprime dans la relation intime qui unit les sacrements du Baptême et de la Confirmation. Ce lien étroit apparaît également du fait qu'au cours des premiers siècles, la Confirmation constituait généralement «une unique célébration avec le Baptême, formant avec celui-ci, selon l'expression de saint Cyprien, un “sacrement double”» (CEC 1290). Cette pratique a été conservée jusqu'à aujourd'hui en Orient, tandis qu'en Occident, pour de multiples raisons, s'est affirmée la célébration successive et même normalement distanciée des deux sacrements.

Dès les temps apostoliques, la pleine communion du don de l'Esprit Saint aux baptisés est exprimée de manière efficace par l'imposition des mains. A celle-ci, pour mieux exprimer le don de l'Esprit, s'est rapidement ajoutée une onction d'huile parfumée, appelée «chrême». En effet, à travers la Confirmation, les chrétiens, consacrés par l'Onction du Baptême, participent à la plénitude de l'Esprit dont Jésus est rempli, afin que toute leur vie diffuse «la bonne odeur du Christ» (2Co 2,15).

4. Les différences de rituel que la Confirmation a connues au cours des siècles en Orient et en Occident, selon les diverses sensibilités spirituelles des deux traditions et en réponse à diverses exigences pastorales, expriment la richesse du sacrement et sa pleine signification dans la vie chrétienne.

En Orient, ce sacrement est appelé «Chrismation», onction avec le «chrême», ou «myron». En Occident, le terme de Confirmation exprime la confirmation du Baptême en tant que renforcement de la grâce à travers le sceau de l'Esprit Saint. En Orient, les deux sacrements étant unis, la «Chrismation» est conférée par le prêtre qui baptise, bien qu'il accomplisse l'onction avec le chrême consacré par l'évêque (cf. CEC, CEC 1312). Dans le rite latin, le ministre ordinaire de la Confirmation est l'évêque, qui, pour des motifs sérieux, peut en concéder la faculté à des prêtres, c'est-à-dire à des députés (cf. CEC, CEC 1313).

Ainsi, «la pratique des Eglises d'Orient souligne davantage l'unité de l'initiation chrétienne. Celle de l'Eglise latine exprime plus nettement la communion du nouveau chrétien avec son évêque, garant et serviteur de l'unité de son Eglise, de sa catholicité et de son apostolicité, et par là, le lien avec les origines apostoliques de l'Eglise du Christ» (CEC 1292).

5. Ce que nous venons d'exposer souligne non seulement la signification de la Confirmation dans l'ensemble organique des sacrements de l'initiation chrétienne, mais également l'efficacité irremplaçable qu'elle possède en ce qui concerne la maturation de la vie chrétienne. Un engagement décisif de la pastorale, qui doit être intensifié sur le chemin de préparation au Jubilé, consiste à former avec un grand soin les baptisés qui se préparent à recevoir la Confirmation, en les introduisant dans les profondeurs fascinantes du mystère qu'elle représente et qu'elle accomplit. Dans le même temps, il faut aider les chrétiens à redécouvrir, avec un émerveillement joyeux, l'efficacité salvifique de ce don de l'Esprit Saint.
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Je salue les pèlerins francophones présents à cette audience, en particulier le groupe de séminaristes de Caen et les jeunes lycéens de Paris. J’accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 7 Octobre 1998

7108 1. De vendredi à dimanche dernier, j'ai effectué ma deuxième visite pastorale en Croatie. Alors que j'ai encore à l'esprit les images de ce pèlerinage, je désire m'arrêter brièvement avec vous sur sa signification, en le plaçant dans le contexte des événement historiques qui ont concerné non seulement la Croatie, mais l'Europe tout entière.

Je rends tout d'abord grâce à Dieu qui m'a permis de vivre cette expérience si intense. Ma pensée reconnaissante s'adresse ensuite aux très chers évêques de la Croatie, ainsi qu'à Monsieur le Président de la République, aux autres représentants des Autorités et à tous ceux qui ont rendu possible cette nouvelle rencontre entre le Successeur de Pierre et la nation croate, qui Lui a toujours été fidèle depuis plus de treize siècles.

Le thème de la visite faisait écho aux paroles que Jésus ressuscité adressa aux Apôtres: «Vous serez mes témoins» (
Ac 1,8). Ce pèlerinage était donc placé sous le signe du témoignage. Et c'est dans cette perspective que j'ai pu reparcourir en esprit presque deux mille ans d'histoire: des martyrs des persécutions romaines jusqu'à ceux du récent régime communiste: de saint Domnius, Evêque de Salone, antique Siège primatial, au Cardinal Alojzije Stepinac, Archevêque de Zagreb, dont la béatification a représenté le moment culminant de mon séjour croate. Cet acte liturgique solennel a ainsi été mis en relief, sur l'arrière-plan d'événements historiques remontant à la Rome antique, lorsque le pays n'était pas encore habité par les Croates.

L'autre temps fort de mon voyage apostolique a été la célébration du 1700e anniversaire de la ville et de l'Eglise de Split. Ces deux moments ont été accompagnés par un pèlerinage marial: tout d'abord au Sanctuaire national de Marija Bistrica, puis à celui de la Madone de l'Ile, à Salone, le plus ancien sanctuaire consacré à la Vierge en Croatie. Ce fait est très significatif. En effet, quand un peuple connaît l'heure de la passion et de la croix, il ressent plus fort que jamais le lien avec la Mère du Christ, et Elle devient un signe d'espérance et de réconfort. Cela a été le cas pour ma patrie, la Pologne; cela a été le cas pour la Croatie, ainsi que pour chaque nation chrétienne durement éprouvée par les événements historiques.

2. In Te, Domine, speravi; telle était la devise du Cardinal Alojzije Stepinac, sur la tombe duquel j'ai prié dès mon arrivée à Zagreb. Sa figure résume toute la tragédie qui a frappé l'Europe au cours de ce siècle, marqué par les grands maux du fascisme, du nazisme et du communisme. En lui resplendit dans sa plénitude la réponse catholique: foi en Dieu, respect de l'homme, amour envers tous confirmé dans le pardon, unité avec l'Eglise guidée par le Successeur de Pierre.

La cause de la persécution et du procès-farce monté contre lui, fut son ferme refus face aux insistances du régime pour qu'il se sépare du Pape et du Siège apostolique et qu'il se place à la tête d'une «Eglise nationale croate». Il préféra rester fidèle au Successeur de Pierre. C'est pourquoi il fut calomnié, puis condamné.

Dans sa béatification, nous reconnaissons la victoire de l'Evangile du Christ sur les idéologies totalitaires; la victoire des droits de Dieu et de la conscience sur la violence et les abus de pouvoir; la victoire du pardon et de la réconciliation sur la haine et la vengeance. Le bienheureux Stepinac constitue ainsi le symbole de la Croatie qui veut pardonner et se réconcilier, en purifiant la mémoire de la rancoeur et en vainquant le mal par le bien.

3. Depuis longtemps, je désirais me rendre en personne au célèbre sanctuaire de Marija Bistrica. La Providence a fait en sorte que cela se réalise à l'occasion de la béatification du Cardinal Alojzije Stepinac. Dès les débuts de son épiscopat, il guida personnellement chaque année, à pied, le pèlerinage votif de la ville de Zagreb à ce sanctuaire, situé à 50 kilomètres environ de la capitale, jusqu'à ce que les autorités communistes n'interdisent tout type de manifestation religieuse.

La statue de bois antique et vénérée de la Madone à l'Enfant, que les fidèles furent obligés de cacher au cours du XVI siècle, lors de l'invasion ottomane, pour la préserver du sacrilège et de la destruction, représente en un certain sens l'histoire difficile du peuple croate pendant plus de mille trois cents ans. La béatification du Cardinal Stepinac dans ce sanctuaire, et la visite le lendemain à Split, se détachent ainsi sur l'arrière-plan d'événements qui remontent aux temps antiques, lorsque la ville appartenait à l'empire romain.

Dans le centre de la ville actuelle de Split, qui comprend l'antique Siège épiscopal de Salone, se trouvent le palais et le mausolée de l'empereur Dioclétien, qui fut sans doute le plus cruel persécuteur des chrétiens. Mais voici que, quelques siècles plus tard, le mausolée fut transformé en cathédrale et, dans ses murs, furent placées les reliques de saint Domnius, Evêque de Salone et martyr. Je me suis recueilli en prière devant son urne, en reparcourant en esprit l'ample perspective historique qui s'étend depuis l'époque de Dioclétien jusqu'aux événements de notre siècle, marqué par des persécutions tout aussi féroces, mais également illustré par des figures de martyrs tout aussi splendides que celles de l'antiquité.

4. A Salone, où s'élève le sanctuaire marial consacré à la Madone de l'Ile, se trouvent les plus anciens vestiges du christianisme dans la région. C'est précisément là que j'ai voulu rencontrer les catéchistes, les professeurs et les membres des associations et mouvements ecclésiaux, des jeunes pour la plupart: auprès des vestiges des racines chrétiennes, nous avons prié pour l'avenir de l'Eglise et de l'évangélisation.

Les vastes domaines dans lesquels travailler sont surtout ceux de la famille, de la vie et des jeunes, comme je l'ai rappelé lors de la rencontre avec les membres de la Conférence épiscopale croate. Dans chacun de ces domaines, les chrétiens sont appelés à apporter un témoignage de cohérence évangélique dans les choix personnels et collectifs. La guérison des blessures de la guerre, l'édification d'une paix juste et stable et, surtout, le rétablissement des valeurs morales minées par les précédents régimes totalitaires, exigent un travail long et patient, pour lequel il est nécessaire de faire sans cesse référence au patrimoine spirituel hérité des pères.

La figure du bienheureux Alojzije Stepinac constitue pour tous un point de référence vers lequel se tourner pour en tirer inspiration et soutien. A travers sa béatification nous a été révélée, se détachant au cours des siècles, cette lutte entre l'Evangile et l'anti-Evangile qui parcourt l'histoire. Le martyr de notre temps, dont les plus âgés se souviennent encore, est ainsi élevé au rang de grand symbole de ce combat: depuis la formation sur les ruines de l'empire romain d'une nouvelle société et l'arrivée des Croates sur les rives de la mer Adriatique, à travers les temps difficiles de la domination ottomane, jusqu'à notre siècle troublé et dramatique, l'Eglise à toujours fait face aux défis du mal, en annonçant avec une force courageuse la parole de l'Evangile.

Pendant plus de treize siècles, les Croates, ayant accueilli cette Parole et reçu le Baptême, ont conservé leur fidélité au Christ et à l'Eglise, la confirmant au seuil du troisième millénaire. La personne de l'Archevêque de Zagreb, le bienheureux martyr Alojzije Stepinac en est le témoin! Sa figure rejoint celle des martyrs antiques: contrairement aux intentions de Dioclétien, les persécutions des premiers siècles consolidèrent la présence de l'Eglise dans le monde antique. Prions le Seigneur afin que, par l'intercession de la Vierge Marie, Advocata Croatiae, Mater fidelissima, les persécutions des temps modernes soient à l'origine d'une nouvelle floraison de la vie ecclésiale en Croatie et dans le monde entier.
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Je salue les pèlerins francophones présents à cette audience, et je leur accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 14 Octobre 1998

14108 1. Dans la précédente catéchèse, nous nous sommes arrêtés sur le sacrement de la Confirmation comme accomplissement de la grâce baptismale. A présent, nous en approfondissons la valeur salvifique et l'effet spirituel exprimés par le signe de l'onction, qui indique le «sceau du don de l'Esprit Saint» (cf. Paul VI, Const. ap. Divinae consortium naturae [15.8.1971]: AAS 63, 663).

Au moyen de l'onction, le confirmand reçoit pleinement ce don de l'Esprit Saint que, sous une forme initiale et fondamentale, il a déjà reçu avec le Baptême. Comme l'explique le catéchisme de l'Eglise catholique, «le sceau est le symbole de la personne (cf.
Gn 38,18 Ct 8,6), signe de son autorité (cf. Gn Gn 41,42), de sa propriété sur un objet (cf. Dt Dt 32,34)...» (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1295). Jésus lui-même déclare que sur Lui «le Père, Dieu, a marqué son sceau» (Jn 6,27). Ainsi, nous les chrétiens, greffés en vertu de la foi et du Baptême dans le Corps du Christ Seigneur, sommes marqués du sceau de l'Esprit en recevant l'onction. L'Apôtre Paul l'enseigne explicitement lorsqu’il s'adresse aux chrétiens de Corinthe: «Et Celui qui nous affermit avec vous dans le Christ et qui nous a donné l'onction, c'est Dieu. Lui qui nous a aussi marqués d'un sceau et a mis dans nos coeurs les arrhes de l'Esprit» (2Co 1,21-22 cf. Ep Ep 1,13-14 Ep 4,30).

2. Le sceau de l'Esprit Saint, signifie et révèle donc l'appartenance totale du disciple à Jésus-Christ, le fait qu'il soit à son service pour toujours dans l'Eglise, et, dans le même temps, il implique la promesse de la protection divine lors des épreuves qu'il devra affronter pour témoigner sa foi dans le monde.

Jésus lui-même l'a prédit, à l'approche de sa passion: «On vous livrera au sanhédrin, vous serez battus de verges dans les synagogues et vous comparaîtrez devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi, pour rendre témoignage en face d'eux [...] Et quand on vous emmènera pour vous livrer, ne vous préoccupez pas de ce que vous direz mais dites ce qui vous sera donné sur le moment: car ce n'est pas vous qui parlerez, mais l'Esprit Saint» (Mc 13,9 Mc 13,11 par. ).

Une promesse analogue apparaît dans l'Apocalypse, dans une vision qui embrasse toute l'histoire de l'Eglise et qui illumine l'épisode dramatique que les disciples du Christ sont appelés à affronter, unis à leur Seigneur Crucifié et Ressuscité. Ils sont présentés avec l'image suggestive de ceux à qui le sceau de Dieu a été imprimé sur le front (cf. Ap Ap 7,2-4).

3. La Confirmation, accomplissement de la grâce baptismale, nous unit plus solidement à Jésus-Christ et à son Corps qui est l'Eglise. Ce sacrement accroît également en nous les dons de l'Esprit Saint afin de nous accorder «une force spéciale de l'Esprit Saint pour répandre et défendre la foi par la parole et par l'action en vrais témoins du Christ, pour confesser vaillamment le nom du Christ et pour ne jamais éprouver de la honte à l'égard de la Croix» (CEC 1303 cf. Concile de Florence, DS 1319 Conc. oecum. Vatican II, Lumen gentium LG 11 LG 12).

Saint Ambroise exhorte le confirmé par ces paroles vibrantes: «Rappelle-toi que tu as reçu le sceau spirituel, “l'Esprit de sagesse et d'intelligence, l'Esprit de conseil et de force, l'Esprit de connaissance et de piété, l'Esprit de crainte de Dieu” et tu dois conserver ce que tu as reçu. Dieu le Père t'a marqué, le Christ Seigneur t'a confirmé et il a placé, en gage, l'Esprit dans ton coeur» (De mysteriis, 7, 42; PL 16, 402-403).

Le don de l'Esprit engage à rendre témoignage à Jésus-Christ et à Dieu le Père, et il assure la capacité et le courage de le faire. Les Actes des Apôtres nous disent clairement que l'Esprit s'est répandu sur les Apôtres, pour qu'ils deviennent des «témoins» (Ac 1,8 cf. Jn Jn 15,26-27).

Pour sa part, saint Thomas d'Aquin, résumant admirablement la tradition de l'Eglise, affirme qu'à travers la Confirmation sont communiqués aux baptisés les moyens nécessaires pour professer publiquement en toute circonstance la foi reçue dans le baptême. «La plénitude de l'Esprit Saint lui est donnée — précise-t-il — ad robur spirituale (par la force spirituelle), qui convient à l'âge mûr» (S. Th., III 72, 2). Cette maturité ne doit pas, bien évidemment, être mesurée avec des critères humains, mais à l'intérieur de la relation mystérieuse de chacun avec le Christ.

Cet enseignement, enraciné dans l'Ecriture Sainte et développé dans la sainte Tradition, trouve son expression dans la doctrine du Concile de Trente, selon lequel le sacrement de la Confirmation imprime dans l'âme comme une «marque spirituelle indélébile»: le «caractère» (cf. DS DS 1609), qui est précisément le signe imprimé par Jésus-Christ en chaque chrétien par le sceau de son Esprit.

4. Ce don spécifique conféré par le sacrement de la Confirmation habilite les fidèles à exercer leur «tâche prophétique» de témoignage rendu à la foi. «Le confirmé — explique saint Thomas — reçoit le pouvoir de professer publiquement la foi chrétienne, en vertu d'une charge presque officielle (quasi ex officio)» (S.Th., III 72,5, ad. 2; cf. CEC, CEC 1305). Et le Concile Vatican II, en illustrant dans Lumen gentium le caractère sacré et organique de la communauté sacerdotale, souligne que «par le sacrement de confirmation, (le lien des fidèles) avec l'Eglise est rendu plus parfait, ils sont enrichis d'une force spéciale de l'Esprit Saint et obligés ainsi plus strictement tout à la fois à répandre et à défendre la foi par la parole et par l'action en vrais témoins du Christ» (LG 11).

Le baptisé qui reçoit, en pleine et mûre conscience, le sacrement de la Confirmation, déclare solennellement devant l'Eglise, soutenu par la grâce de Dieu, sa disponibilité à se laisser saisir, de façon toujours nouvelle et toujours plus profonde, par l'Esprit de Dieu, pour devenir un témoin du Christ Seigneur.

5. Cette disponibilité, grâce à l'Esprit qui pénètre et remplit le coeur, peut aller jusqu'au martyre, comme nous le montre la chaîne ininterrompue de témoins chrétiens qui, depuis l'aube du christianisme jusqu'à notre époque, n'ont pas craint de sacrifier leur vie terrestre par amour de Jésus-Christ. «Le martyre — écrit le Catéchisme de l'Eglise catholique — est le témoignage suprême rendu à la vérité de la foi; il désigne un témoignage qui va jusqu'à la mort. Le martyr rend témoignage au Christ, mort et ressuscité, auquel il est uni par la charité» (CEC 2473).

Au seuil du troisième Millénaire, invoquons le don du Paraclet pour raviver l'efficacité de la grâce du sceau spirituel imprimé en nous par le sacrement de la Confirmation. Animée par l'Esprit, notre vie diffusera le «parfum du Christ» (2Co 2,15) jusqu'aux extrémités de la terre.



Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 14 octobre 1998, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de pèlerins des diocèses de Savoie et de Saint-Claude; groupe de pèlerins de Paris, de Nice, de Chauffailles.

De Belgique: Groupe de pèlerins.

Du Canada: Groupe de pèlerins.



Salut en langue française

Chers frères et soeurs,

Par la Confirmation, le chrétien est marqué du sceau de l'Esprit Saint qui porte la grâce du Baptême à son accomplissement. Appartenant totalement au Christ, il est uni plus fermement à son Corps, l'Eglise. Le don de l'Esprit l'engage à rendre témoignage à Jésus-Christ et à Dieu le Père. Les Actes des Apôtres nous disent en effet que l'Esprit est répandu sur les Apôtres pour qu'ils deviennent des «témoins» (cf. Ac Ac 1,8). La Confirmation communique aussi au fidèle les aides nécessaires pour professer publiquement et en toutes circonstances la foi de son Baptême.

Soutenu par la grâce, le baptisé qui reçoit la Confirmation avec une pleine conscience déclare devant l'Eglise sa disponibilité à se laisser saisir de façon toujours plus profonde par l'Esprit de Dieu. Cette disponibilité peut aller jusqu'au martyre, suprême témoignage rendu à la vérité de la foi, comme nous le montre la chaîne ininterrompue de ceux qui n'ont pas peur de sacrifier leur vie par amour du Christ. Invoquons le don de l'Esprit pour raviver en nous l'efficacité de la grâce qui nous vient de la Confirmation.
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française. Je les invite à saisir l'occasion de leur pèlerinage à Rome pour prendre une conscience plus vive de leur appartenance au Christ et de leur attachement à l'Eglise. A tous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.

  


Catéchèses S. J-Paul II 23998