Catéchèses S. J-Paul II 21298

Mercredi 2 Décembre 1998

21298 Chers Frères et Soeurs,

Le chrétien est un homme qui espère, car il ne perd jamais de vue le but final de son existence. Cela l'invite à agir pour rendre la réalité conforme au projet de Dieu (cf. Tertio Millennio adveniente
TMA 46). L'Esprit Saint, qui communique le don de l'espérance, fait entrer les baptisés dans l'existence glorifiée du Christ et les pousse à être les témoins de sa résurrection ainsi que les bâtisseurs d'une société nouvelle.

Dans l'Eucharistie, signe de cette nouveauté radicale, le monde commence à être ce qu'il sera lors de la venue finale du Seigneur. L'Église devient "pain rompu" pour le monde et trouve dans la célébration eucharistique la force pour son activité caritative et pour son action missionnaire.

Ainsi, l'espérance tourne nos regards vers "les cieux nouveaux et la terre nouvelle" (2P 3,13). Elle fait aussi agir avec la charité, qui demeurera éternellement. La spiritualité chrétienne est une spiritualité de transformation du monde et d'espérance en l'avènement du Royaume de Dieu.
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française, et je souhaite à tous de bien se préparer à la fête de Noël. À chacun d'entre eux, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.


Mercredi 9 Décembre 1998 Marie, Mère animée par l'Esprit Saint

9128 Marie, Mère animée par l'Esprit Saint

1. Pour couronner la réflexion sur l'Esprit Saint, en cette année qui lui est consacrée dans notre marche vers le grand Jubilé, nous élevons notre regard vers Marie. Son assentiment, exprimé lors de l'Annonciation, il y a deux mille ans, constitue le point de départ de la nouvelle histoire de l'humanité. En effet, le Fils de Dieu s'est incarné et a commencé à habiter parmi nous lorsque Marie a déclaré à l'Ange: «Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole» (
Lc 1,38).

La coopération de Marie avec l'Esprit Saint, manifestée lors de l'Annonciation et de la Visitation, s'exprime par une attitude de docilité constante aux inspirations du Paraclet. Consciente du mystère de son Fils divin, Marie se laissait guider par l'Esprit pour se comporter de façon adaptée à sa mission maternelle. En vraie femme de prière, la Vierge demandait à l'Esprit Saint de compléter l'oeuvre commencée lors de la conception, afin que l'enfant croisse «en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes» (Lc 2,52). Sous cet aspect, Marie se présente comme un modèle pour les parents, en montrant la nécessité d'avoir recours à l'Esprit Saint pour trouver la voie juste dans la tâche difficile de l'éducation.

2. L'épisode de la présentation de Jésus au temple coïncide avec une intervention importante de l'Esprit Saint. Marie et Joseph étaient allés au temple pour «présenter» (cf. Lc Lc 2,22), c'est-à-dire pour offrir Jésus, selon la loi mosaïque qui prescrivait le rachat des premiers-nés et la purification de la mère. En vivant profondément le sens de ce rite, comme l'expression d'une offrande sincère, ils furent illuminés par les paroles de Syméon, prononcées sous l'impulsion particulière de l'Esprit Saint.

Le récit de Luc souligne expressément l'influence de l'Esprit Saint sur la vie de ce vieillard. Il avait reçu de l'Esprit la garantie qu'il ne mourrait pas sans avoir vu le Messie. Et précisément, «poussé par l'Esprit, il vint donc au temple» (cf. Lc Lc 2,27), au moment où Marie et Joseph y apportaient l'enfant. C'est donc l'Esprit Saint qui suscite la rencontre. C'est lui qui inspire au vieux Syméon un cantique qui célèbre l'avenir de l'enfant, venu comme «lumière pour éclairer les nations» et «gloire du peuple d'Israël» (Lc 2,32). Marie et Joseph s'émerveillent de ces paroles qui élargissent la mission de Jésus à tous les peuples.

C'est encore l'Esprit qui fait prononcer à Syméon une prophétie douloureuse: Jésus sera un «signe de contradiction» et «une épée transpercera l'âme de Marie» (Lc 2,34 Lc 2,35). A travers ces paroles, l'Esprit Saint prépare Marie à la grande épreuve qui l'attend, et il confère au rite de présentation de l'enfant la valeur d'un sacrifice offert par amour. Lorsque Marie a reçu son fils des bras de Syméon, elle a compris qu'elle le recevait pour l'offrir. Sa maternité devait la faire participer au sort de Jésus et toute opposition contre lui aurait eu des répercussions dans son coeur.

3. La présence de Marie au pied de la Croix est le signe que la mère a suivi jusqu'au bout l'itinéraire douloureux tracé par l'Esprit Saint à travers les paroles de Syméon.

Au Calvaire, dans les paroles que Jésus adresse à sa Mère et au disciple bien-aimé, apparaît une autre caractéristique de l'action de l'Esprit Saint: il assure la fécondité du sacrifice. Les paroles de Jésus manifestent précisément un aspect «marial» de cette fécondité: «Femme, voici ton fils!» (Jn 19,26). Dans ces paroles, l'Esprit Saint n'apparaît pas expressément. Mais puisque l'événement de la Croix, ainsi que toute la vie du Christ, se déroule dans l'Esprit Saint (cf. Dominum et vivificantem DEV 40-41), le Sauveur demande à sa Mère précisément dans ce même Esprit de permettre le sacrifice du Fils, pour devenir la Mère d'une multitude de fils. Il assure un fruit immense à cette offrande suprême de la Mère de Jésus: une nouvelle maternité destinée à s'étendre à tous les hommes.

De la Croix, le Sauveur voulait déverser sur l'humanité des fleuves d'eau vive (cf. Jn Jn 7,38), c'est-à-dire l'abondance de l'Esprit Saint. Mais il désirait que cette effusion de grâce soit liée au visage d'une mère, sa Mère. Marie apparaît désormais comme la nouvelle Eve mère des vivants, ou la Fille de Sion mères des peuples. Le don de la mère universelle était inclus dans la mission rédemptrice du Messie: «Après quoi, sachant que désormais tout était accompli...», écrit l'Evangéliste après la double déclaration: «Femme, voici ton Fils» et «Voici ta mère» (Jn 19,26-28).

Cette scène nous laisse deviner l'harmonie du plan divin en relation avec le rôle de Marie dans l'action salvifique de l'Esprit Saint. Dans le mystère de l'Incarnation, sa coopération avec l'Esprit avait joué un rôle essentiel; le concours maternel de Marie accompagnait l'activité de l'Esprit Saint également dans le mystère de la naissance et de la formation des fils de Dieu.

4. A la lumière de la déclaration du Christ sur le Calvaire, la présence de Marie dans la communauté en attente de la Pentecôte prend toute sa valeur. Saint Luc, qui avait attiré l'attention sur le rôle de Marie dans l'origine de Jésus, a voulu souligner sa présence significative dans l'origine de l'Eglise. La communauté est non seulement composée d'Apôtres et de Disciples, mais également de femmes, parmi lesquelles Luc nomme uniquement «Marie, la mère de Jésus» (Ac 1,14).

La Bible ne nous offre pas d'autres informations sur Marie après le drame du Calvaire. Mais il est très important de savoir qu'Elle participait à la vie de la première communauté et à sa prière assidue et unanime. Elle fut certainement présente à l'effusion de l'Esprit le jour de la Pentecôte. L'Esprit, qui avait déjà habité en Marie, ayant accompli en elle des merveilles de grâce, redescend à présent dans son coeur en communiquant les dons et les charismes nécessaires pour l'exercice de sa maternité spirituelle.

5. Marie continue à exercer dans l'Eglise la maternité qui lui a été confiée par le Christ. Dans cette mission maternelle, l'humble servante du Seigneur ne fait pas concurrence au rôle de l'Esprit Saint; au contraire, Elle est appelée par l'Esprit lui-même à coopérer de façon maternelle avec Lui. Celui-ci rappelle sans cesse à la mémoire de l'Eglise les paroles de Jésus au disciple bien-aimé: «Voici ta mère!», et il invite les croyants à aimer Marie comme le Christ l'a aimée. Tout approfondissement du lien avec Marie permet à l'Esprit une action plus féconde pour la vie de l'Eglise.



Salut en langue française
Chers frères et soeurs,

La coopération de Marie avec l'Esprit Saint, manifestée à l'Annonciation et à la Visitation, s'exprime dans une attitude de constante docilité aux inspirations du Paraclet. Lors de la présentation au temple, l'Esprit suscite la rencontre entre Marie, Joseph et Syméon, et inspire à ce dernier un cantique qui célèbre le Christ, «lumière pour éclairer les nations» et «gloire du peuple d'Israël» (Lc 2,32).

Sur la Croix, Jésus demande à sa Mère de consentir au sacrifice de son Fils, pour devenir la mère d'une multitude de fils. A cette offrande suprême, l'Esprit Saint assure un fruit immense: une nouvelle maternité destinée à s'étendre à tous les hommes.

Marie participe à la vie de la première communauté et à sa prière assidue et unanime. Certainement présente lors de l'effusion de l'Esprit Saint le jour de la Pentecôte, elle y reçoit alors les dons et les charismes nécessaires à l'exercice de sa maternité spirituelle.

L'Esprit rappelle constamment à la mémoire de l'Eglise les paroles de Jésus au disciple bien-aimé: «Voici ta mère!» (Jn 19,26), et il invite les croyants à aimer Marie comme le Christ l'a aimée.
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Je salue les pèlerins francophones présents à cette audience. En ce temps de l'Avent, les confiant à l'intercession de l'Immaculée Conception, je leur accorde à tous la Bénédiction apostolique.



Mercredi 16 Décembre 1998


16128 1. «Je suis sorti d'auprès du Père et venu dans le monde; à présent, je quitte le monde et je vais vers le Père» (Jn 16,28).

Avec ces paroles de Jésus, nous commençons aujourd'hui un nouveau cycle de catéchèses centré sur la figure de Dieu le Père, en suivant ainsi les indications thématiques offertes par Tertio millennio adveniente pour la préparation au grand Jubilé de l'An 2000.

Au cours du cycle de la première année, nous avons réfléchi sur Jésus-Christ unique Sauveur. En effet, le Jubilé en tant que célébration de la venue du Fils de Dieu dans l'histoire humaine, revêt une profonde connotation christologique. Nous avons médité sur la signification du temps, qui a atteint son point culminant lors de la naissance du Rédempteur, il y a deux mille ans. Cet événement, alors qu'il inaugure l'ère chrétienne, ouvre également une nouvelle phase de renouveau de l'humanité et de l'univers, dans l'attente de l'ultime venue du Christ.

Par la suite, dans les catéchèses de la seconde année de préparation à l'événement jubilaire, notre attention s'est tournée vers l'Esprit Saint, que Jésus a envoyé au Père. Nous l'avons contemplé à l'oeuvre dans la création et dans l'histoire, comme Personne-Amour et Personne-Don. Nous avons souligné sa puissance, qui tire du chaos un cosmos riche d'ordre et de beauté. En Lui, la vie divine est communiquée et, avec Lui, l'histoire devient un chemin vers le salut.

Nous voulons à présent vivre la troisième année de préparation au Jubilé, désormais imminent, comme un pèlerinage vers la maison du Père. Nous nous insérons ainsi dans l'itinéraire qui, partant du Père, reconduit les créatures vers le Père, selon le dessein d'amour pleinement révélé dans le Christ. Le chemin vers le Jubilé doit déboucher sur un grand acte de louange au Père (cf. TMA TMA 49), de sorte que toute la Trinité soit glorifiée en Lui.

2. Les paroles de l'Evangile sont le point de départ de notre réflexion, qui nous montrent en Jésus le Fils et le Révélateur du Père. Son enseignement, son ministère, son style même de vie, tout en Lui nous renvoie au Père (cf. Jn Jn 5,19 Jn Jn 5,36 Jn 8,28 Jn 14,10 Jn 17,6). Il est le centre de la vie de Jésus, et Jésus est, à son tour, l'unique voie pour accéder au Père. «Nul ne vient du Père que par moi» (Jn 14,6). Jésus est le point de rencontre des êtres humains avec le Père, qui s'est rendu visible en Lui: «Qui m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire: “Montre-nous le Père!”? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi?”» (Jn 14,9-10).

La manifestation la plus expressive de cette relation de Jésus avec le Père se trouve dans sa condition de ressuscité, sommet de sa mission et fondement de vie nouvelle et éternelle pour ceux qui croient en Lui. Mais l'union entre le Fils et le Père, comme celle entre le Fils et les croyants, passe à travers le mystère de l'«élévation» de Jésus, selon une expression typique de l'Evangile de Jean. Par le terme d'«élévation», l'évangéliste indique aussi bien la crucifixion que la glorification du Christ; toutes deux se reflètent sur le croyant: «Ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme, afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle. Car Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle» (Jn 3,14-16).

Cette «vie éternelle» n'est autre que la participation des croyants à la vie même de Jésus ressuscité et elle consiste à être insérés dans ce courant d'amour qui unit le Père et le Fils, qui sont une seule chose (cf. Jn Jn 10,30 Jn 17,21-22).

3. La profonde communion dans laquelle se rencontrent le Père, le Fils et les croyants inclut l'Esprit Saint. En effet, il est le lien éternel qui unit le Père et le Fils et qui fait participer les hommes à cet ineffable mystère d'amour. Donné comme le «Consolateur», l'Esprit «demeure» dans les disciples du Christ (cf. Jn Jn 14,16-17), en rendant la Trinité présente.

Selon l'évangéliste Jean, c'est précisément dans le contexte de la promesse du Paraclet que Jésus dit à ses disciples: «Ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père et vous en moi et moi en vous» (Jn 14,20).

L'Esprit Saint est Celui qui introduit l'homme dans le mystère de la vie trini-taire. «Esprit de vérité» (Jn 15,26 Jn 16,13), il agit au plus profond des croyants, en faisant resplendir dans leur esprit la Vérité qui est le Christ.

4. Saint Paul souligne lui aussi cette orientation qui nous pousse vers le Père, en vertu de l'Esprit du Christ qui habite en nous. Pour l'Apôtre, il s'agit d'une véritable filiation, qui nous permet d'invoquer Dieu le Père avec la même expression familière utilisée par Jésus: Abbà (cf. Rm Rm 8,15).

Toute la création, qui «en attente aspire à la révélation des fils de Dieu» (Rm 8,19) est concernée par cette nouvelle dimension de notre relation avec Dieu. La création «jusqu'à ce jour gémit en travail d'enfantement» (Rm 8,22), dans l'attente de la rédemption complète qui rétablira et perfectionnera l'harmonie du cosmos dans le Christ.

Dans la description de ce mystère, qui unit les hommes et toute la création au Père, l'Apôtre exprime la fonction du Christ et l'action de l'Esprit. En effet, à travers le Christ, «image du Dieu invisible» (Col 1,15), toutes les choses ont été créées.

Il est le «principe, le premier-né de ceux qui ressuscitent d'entre les morts» (cf. Col Col 1,18). En lui sont « récapitulées» toutes les choses, celles du ciel et celles de la terre (cf. Ep Ep 1,10), et c'est à Lui qu'il revient de les remettre au Père (cf. 1Co 15,24), afin que Dieu soit «tout en tous» (1Co 15,28). Ce chemin de l'homme et du monde vers le Père est soutenu par la puissance de l'Esprit Saint, qui vient en aide à notre faiblesse et «intercède pour nous en des gémissements ineffables» (Rm 8,26).

Le Nouveau Testament nous introduit ainsi avec beaucoup de clarté dans ce mouvement qui va du Père au Père. Nous souhaitons y réfléchir avec une attention particulière en cette dernière année de préparation au grand Jubilé.
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Chers Frères et Soeurs,

Nous commençons aujourd'hui un nouveau cycle de catéchèse, centré sur la figure de Dieu Père. Après avoir médité sur le Christ unique Sauveur et sur l'Esprit Saint, nous voulons vivre cette troisième année de préparation au Jubilé comme un grand pèlerinage vers la maison du Père.

Le point de départ de notre réflexion est la personne de Jésus, le Fils. Par tout son être, il nous révèle le Père. Il est lui-même l'unique voie pour accéder au Père, qui se rend visible en lui. La manifestation la plus expressive de ce rapport de Jésus avec son Père se trouve dans sa condition de ressuscité. Mais l'union entre le Fils et le Père, comme l'union entre le Fils et les croyants, passe à travers le mystère de l'"élévation" de Jésus, qui se manifeste dans sa crucifixion et sa glorification.

L'Esprit Saint introduit l'homme dans la communion profonde du Père et du Fils. Grâce à l'Esprit, notre être est orienté vers le Père, et nous bénéficions d'une véritable filiation, qui nous permet d'invoquer Dieu Père avec l'expression familière de Jésus : Abba (Rm 8,15). La création tout entière est impliquée dans notre relation avec Dieu. Elle attend l'accomplissement de la rédemption, qui rétablira et perfectionnera l'harmonie du cosmos dans le Christ.
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Je salue avec plaisir les pèlerins de langue française. Je leur souhaite d'accueillir dans la joie et dans la paix du coeur la venue du Christ, Sauveur des hommes. À tous je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 23 Décembre 1998

23128 Je salue très cordialement les pèlerins de langue française qui sont présents à cette audience, notamment les groupes de jeunes. À la veille de la fête de Noël, je leur souhaite de bien accueillir le Seigneur, qui s'est fait homme pour notre salut.

À chacun d'entre vous, mes chers amis, je donne de grand coeur ma Bénédiction apostolique.





Mercredi 13 Janvier 1999 Le visage de Dieu le Père, aspiration de l'homme


13199 1. «Tu nous a faits pour toi, Seigneur, et notre coeur est inquiet tant qu'il ne repose pas en toi» (Conf. 1, 1). Cette célèbre affirmation, qui ouvre les Confessions de saint Augustin, exprime de façon tangible le besoin irrésistible qui pousse l'homme à chercher le visage de Dieu. C'est une expérience attestée par les diverses traditions religieuses. «Depuis les temps les plus reculés — dit le Concile — jusqu'à aujourd’hui, on trouve dans les différents peuples une certaine sensibilité à cette force cachée qui est présente au cours des choses et aux événements de la vie humaine, parfois même une reconnaissance de la Divinité suprême, ou encore du Père» (Nostra aetate NAE 2).

En réalité, de nombreuses prières de la littérature religieuse universelle expriment la conviction que l'Etre suprême peut être perçu et invoqué comme un père, auquel on parvient à travers l'expérience de l'attention affectueuse reçue du père terrestre. C'est précisément cette relation qui a suscité dans certains courants de l'athéisme contemporain le soupçon que l'idée même de Dieu est la projection de l'image paternelle. Un soupçon qui est, en réalité, infondé.

Toutefois, il est vrai que, en partant de son expérience, l'homme est parfois tenté d'imaginer la divinité sous des traits anthropomorphiques qui reflètent trop le monde humain. La recherche de Dieu procède ainsi «à tâtons», comme le dit Paul dans le discours aux Athéniens (cf. Ac Ac 17,27). Il faut donc avoir à l'esprit ce clair-obscur de l'expérience religieuse, en ayant conscience que seule la pleine révélation, dans laquelle Dieu se manifeste, peut dissiper les ombres et les équivoques et faire resplendir la lumière.

2. A l'exemple de Paul, qui précisément dans le discours aux Athéniens cite un vers du poète Aratus sur l'origine de l'homme (cf. Ac Ac 17,28), l'Eglise considère avec respect les tentatives que les diverses religions accomplissent pour saisir le visage de Dieu, en distinguant dans leurs croyances ce qui est acceptable de ce qui est incompatible avec la révélation chrétienne.

Dans cette optique, on doit considérer comme une intuition religieuse positive la perception de Dieu comme Père universel du monde et des hommes. En revanche, on ne peut pas accepter l'idée d'une divinité dominée par l'arbitraire et le caprice. Chez les grecs antiques, par exemple, le Bien, en tant qu'être suprême et divin, était également appelé père, mais le dieu Zeus manifestait sa paternité aussi bien à travers la bienveillance que la colère et la cruauté. Dans l'Odyssée, on peut lire: «Père Zeus, aucun n'est plus funeste que toi parmi les dieux: tu n'as aucune pitié des hommes, après les avoir engendrés et abandonnés au malheur et à des douleurs pénibles» (XX, 201-203).

Toutefois, l'exigence d'un Dieu supérieur à l'arbitraire et au caprice est également présent chez les grecs antiques, comme en témoigne, par exemple, l'«Hymne à Zeus» du poète Cléante. L'idée d'un père divin, prêt au don généreux de la vie et attentif à pourvoir aux biens nécessaires à l'existence, mais également sévère et ayant recours aux châtiments, pas toujours pour une raison évidente, est liée dans les sociétés antiques à l'institution du patriarcat et en transfère la conception traditionnelle sur le plan religieux.

3. En Israël, la reconnaissance de la paternité de Dieu est progressive et sans cesse menacée par la tentation de l'idolâtrie que les prophètes dénoncent avec force: «Ils disent au bois: “Tu es mon Père!” et à la pierre: “Toi, tu m'as enfanté!”» (Jr 2,27). En réalité, pour l'expérience religieuse biblique, la perception de Dieu en tant que Père est liée, plus qu'à son action créatrice, à son intervention historico-salvifique, à travers laquelle il établit avec Israël une relation particulière d'alliance. Dieu se plaint souvent que son amour paternel n'a pas trouvé une réponse adaptée: «Yahvé parle. J'ai élevé des enfants, je les ai faits grandir, mais ils se sont révoltés contre moi» (Is 1,2).

La paternité de Dieu apparaît à Israël plus solide que celle humaine: «Si mon Père et ma mère m'abandonnent, Yahvé m'accueillera» (Ps 27,10). Le Psalmiste qui a éprouvé cette douloureuse expérience d'abandon, et qui a trouvé en Dieu un père plus attentif que le père terrestre, nous indique la voie qu'il a parcourue pour parvenir à ce but: «De toi mon coeur a dit: Cherche sa face. C'est ta face Yahvé, que je cherche» (Ps 27,8). Rechercher le visage de Dieu est un chemin nécessaire, qui doit être parcouru avec un coeur sincère et un engagement constant. Seul le coeur du juste peut se réjouir en recherchant la face du Seigneur (cf. Ps Ps 105, 3sq.) et le visage paternel de Dieu peut donc resplendir sur lui (cf. Ps Ps 119,135 cf. également Ps 31,17 Ps 67,2 Ps 80,4 Ps 80,8 Ps 80,20). En observant la loi divine, l'on jouit également pleinement de la protection du Dieu de l'Alliance. La bénédiction dont Dieu gratifie son peuple, à travers la médiation sacerdotale d'Aaron, insiste précisément sur cette révélation lumineuse du visage de Dieu: «Que Yahvé fasse pour toi rayonner son visage et te fasse grâce! Que Yahvé te découvre sa face et t'apporte la paix!» (Nb 6,25 sq.).

4. Depuis que Jésus est venu au monde, la recherche du visage de Dieu le Père a pris des proportions encore plus significatives. Dans son enseignement, Jésus, se fondant sur sa propre expérience de Fils, a confirmé la conception de Dieu comme père, qui est déjà définie dans l'Ancien Testament. Il l'a même constamment mise en évidence, il l'a vécue de façon intime et ineffable, et l'a proposée comme programme de vie pour celui qui veut obtenir le salut.

Jésus se présente surtout de façon absolument unique par rapport à la paternité divine, se manifestant comme «fils» et s'offrant comme l'unique voie pour parvenir au Père. A Philippe, qui lui demande: «Montre-nous le Père et cela nous suffit» (Jn 14,8), il répond que le connaître, lui, signifie connaître le Père, car le Père, agit à travers lui (cf. Jn Jn 14,8-11). Donc, pour celui qui veut rencontrer le Père il est nécessaire de croire dans le Fils: à travers Lui, Dieu ne se limite pas à nous assurer une assistance paternelle attentive, mais il nous communique sa propre vie, en nous rendant «fils dans le Fils». C'est ce que souligne l'Apôtre Jean, avec une reconnaissance émue: «Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu; Et nous le sommes!» (1Jn 3,1).

  Salut en langue française

Chers frères et soeurs,

Les traditions religieuses de l'humanité témoignent du besoin irrésistible qui pousse l'homme à rechercher le visage de Dieu. De nombreuses prières de la littérature religieuse universelle expriment la conviction que l'Etre suprême peut être reconnu et invoqué comme un père auquel on parvient à travers l'expérience de l'attention affectueuse reçue du père terrestre.

Dans la Bible, la perception de Dieu comme Père est liée à son intervention salvifique dans l'histoire, par laquelle il établit avec Israël une relation particulière d'alliance. Seul le juste peut se réjouir de la recherche du visage du Seigneur, car sur lui resplendit le visage paternel de Dieu.

De manière tout à fait unique, Jésus se présente comme «le fils» qui révèle le Père en plénitude, et il s'offre aux hommes comme le seul chemin pour l'atteindre. Celui qui veut rencontrer le Père doit donc croire au Fils. Par lui, Dieu nous communique sa propre vie et fait de nous des «fils dans le Fils».
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française venus à cette audience. Je les invite à reconnaître toujours plus la miséricorde du Père, source de tout amour. A chacun, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.




La «paternité» de Dieu dans l'Ancien Testament Mercredi 20 janvier 1999

20199
  Lecture: Ps 139 [138], 1-2;13-16


Chers Frères et Soeurs,

1. Le peuple d'Israël - comme nous l'avons déjà mentionné dans la dernière catéchèse - a fait l'expérience de Dieu comme père. Comme tous les autres peuples, il a reconnu en lui les sentiments paternels tirés de l'expérience traditionnelle d'un père terrestre. Il a surtout saisi en Dieu une attitude particulièrement paternelle, en partant de la connaissance directe de son action salvifique particulière (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique
CEC 238).

Du premier point de vue, celui de l'expérience humaine universelle, Israël a reconnu la paternité divine à partir de l'émerveillement devant la création et le renouvellement de la vie. Le miracle d'un enfant qui se forme dans le sein maternel n'est pas explicable sans l'intervention de Dieu, comme le rap- pelle le Psalmiste: «C'est toi qui m'as formé les reins, qui m'as tissé au ventre de ma mère...» (Ps 139 [138], 13). Israël a également pu voir un père en Dieu par analogie avec certains personnages qui remplissaient une charge publique, en particulier religieuse, et qui étaient considérés comme des pères: c'est le cas des prêtres (cf. Jg Jg 17,10 Jg 18-19 Gn 48,8) ou des prophètes (cf. 2R 2,12). En outre, on comprend bien comment le respect que la société israélite demandait à l'égard du père et des parents poussait à voir en Dieu un père exigeant. En effet, la législation mosaïque est très sévère à l'égard des fils qui ne respectent pas leurs parents, jusqu'à prévoir la peine de mort pour celui qui frappe ou ne serait-ce que maudit son père ou sa mère (Ex 21,15 Ex 21,17).

2. Mais au delà de cette représentation suggérée par l'expérience humaine, mûrit en Israël une image plus spécifique de la paternité divine à partir des interventions salvifiques de Dieu. En le sauvant de l'esclavage d'Egypte, Dieu appelle Israël à entrer dans une relation d'alliance avec lui et même à se considérer comme son premier-né. Dieu démontre ainsi qu'il est père d'une manière singulière, comme il ressort des paroles qu'il adresse à Moïse: «Alors tu diras à Pharaon: Ainsi parle Yahvé: mon fils premier-né, c'est Israël» (Ex 4,22). A l'heure du désespoir, ce peuple- fils pourra se permettre d'invoquer le Père céleste avec le même titre privilégié, afin qu'il renouvelle encore le prodige de l'exode: «Aie pitié, Seigneur, du peuple appelé de ton nom, d'Israël dont tu as fait un premier-né» (Si 36,11). En vertu de cette situation, Israël est tenu d'observer une loi qui le distingue des autres peuples, auxquels il doit témoigner la paternité divine dont il jouit d'une manière particulière. Le Deutéronome le souligne dans le contexte des engagements dérivant de l'alliance: «Vous êtes des fils pour Yahvé votre Dieu [...] Car tu es un peuple consacré à Yahvé ton Dieu et Yahvé t'a choisi pour être son peuple à lui parmi tous les peuples qui sont sur la terre» (Dt 14,1 sq.)

En n'observant pas la loi de Dieu, Israël agit en opposition avec sa condition filiale, ce qui lui vaut les reproches du Père céleste: «Tu oublies le rocher qui t'a mis au monde, tu ne te souviens plus du Dieu qui t'a engendré» (Dt 32,18). Cette condition filiale concerne tous les membres du peuple d'Israël, mais elle est appliquée de façon particulière au descendant et successeur de David selon le célèbre oracle de Nathan, dans lequel Dieu dit: «Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils» (2S 7,14 1Ch 17,13). Fondée sur cet oracle, la tradition messianique affirme une filiation divine du Messie. Dieu déclare au roi messianique: «Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré» (Ps 2,7 cf. Ps Ps 110,3 [109], Ps 3).

3. La paternité divine à l'égard d'Israël est caractérisée par un amour intense, constant et plein de compassion. Malgré les infidélités du peuple, et les menaces de châtiment qui s'ensuivent, Dieu se révèle incapable de renoncer à son amour. Et il l'exprime en ter- mes de profonde tendresse, même lorsqu'il est obligé de se plaindre du manque de correspondance de ses fils: «Et moi j'avais appris à marcher à Ephraïm, je le prenais par les bras, et ils n'ont pas compris que je prenais soin d'eux! Je les menais avec des attaches humaines, j'étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue, je m'inclinais vers lui et le faisais manger [...] Comment t'abandonnerais-je, Ephraïm, te livre- rais-je, Israël? [...] Mon coeur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent» (Os 11,3 sq. 8; cf. Jr Jr 31,20). Le reproche lui-même devient l'ex- pression d'un amour de prédilection, comme l'explique le Livre des Proverbes: «Ne méprise pas, mon fils, la correction de Yahvé, et ne prend pas mal sa réprimande, car Yahvé reprend celui qu'il aime, comme un père le fils qu'il chérit» (Pr 3,11-12).

4. Une paternité aussi divine et dans le même temps aussi «humaine» dans les manières dont elle s'exprime, revêt également les caractéristiques que l'on attribue d'habitude à l'amour maternel. Même si elles sont rares, les images de l'Ancien Testament dans lesquelles Dieu est comparé à une mère sont extrêmement significatives. On peut lire par exemple dans le livre d'Isaïe: «Sion avait dit: "Yahvé m'a abandonnée; le Seigneur m'a oubliée". Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t'oublierai pas» (Is 49,14-15). Et aussi: «Comme celui que sa mère console, moi aussi, je vous consolerai» (Is 66,13).

L'attitude divine envers Israël se manifeste ainsi également sous des traits maternels, qui en expriment la tendresse et la bienveillance (cf. CEC CEC 239). Cet amour, que Dieu répand avec tant d'abondance sur son peuple, fait exulter le vieux Tobie et lui fait proclamer: «Célébrez-le en face des nations, vous, enfants d'Israël! Car il vous a dispersés parmi elles, c'est là qu'il vous a montré sa grandeur. Exaltez-le en face de tous les vivants, c'est lui notre Seigneur, c'est lui notre Dieu, c'est lui notre Père et il est Dieu dans tous les siècles! (Tb 13,3-4). Salut en langue française Chers frères et soeurs, Le peuple d'Israël a reconnu la paternité de Dieu à partir de l'émerveillement devant la création, du renouvellement de la vie et spécialement du miracle de la naissance d'un enfant. Il a aussi l'expérience de cette paternité à travers les interventions salvifiques de Dieu. Au moment de la libération d'Egypte, Dieu va même jusqu'à considérer Israël comme son premier-né. Une telle paternité, qui s'exerce en faveur d'Israël, est caractérisée par un amour intense, constant et rempli de compassion. Malgré les infidélités du peuple et les menaces de châtiment, Dieu se révèle incapable de renoncer à son amour. A la fois divine et «humaine» dans ses manières de s'exprimer, cette paternité revêt les caractéristiques habituellement attribuées à l'amour d'une mère qui n'oublie jamais son enfant (cf. Is Is 66,13). L'amour que Dieu répand avec abondance sur son peuple fait exulter le vieux Tobie: «Exaltez-le en face de tous les vivants; c'est lui notre Seigneur, c'est lui notre Dieu, c'est lui notre Père, et il est Dieu dans tous les siècles! (Tb 13,3-4).


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Je salue les pèlerins francophones présents à cette audience. De grand coeur, je leur accorde à tous la Bénédiction apostolique.




Catéchèses S. J-Paul II 21298