Catéchèses S. J-Paul II 17399

Mercredi 17 mars 1999 «Connaître» le Père

17399 Lecture: Jn 17, 1

1. A l'heure dramatique où il s'apprête à affronter la mort, Jésus conclut son grand discours d'adieu (cf. Jn
Jn 13 sq), en adressant une magnifique prière au Père. Celle-ci peut être considérée comme un testament spirituel dans lequel Jésus remet entre les mains du Père le mandat reçu: faire connaître son amour au monde, à travers le don de la vie éternelle (cf. Jn Jn 17,2). La vie qu'il offre est expliquée de façon significative comme un don de connaissance. «La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent toi le seul véritable Dieu et celui que tu as envoyé» (Jn 17,3).

Dans le langage biblique de l'Ancien et du Nouveau Testament, la connaissance ne concerne pas seulement la sphère intellectuelle, mais implique normalement une expérience vitale qui met en cause la personne humaine dans sa globalité et donc également dans sa capacité à aimer. C'est une connaissance qui fait «rencontrer» Dieu, en se plaçant à l'intérieur de ce processus que la tradition théologique orientale aime à appeler «divinisation» et qui s'accomplit à travers l'action intérieure et transformante de l'Esprit de Dieu (cf. saint Grégoire de Nysse, Oratio catech. 37: , 98B). Nous avons déjà traité de ces thèmes au cours de la catéchèse consacrée à l'année de l'Esprit Saint. En retournant maintenant sur la phrase citée par Jésus, nous nous proposons d'approfondir ce que cela signifie de connaître de façon vitale Dieu le Père.

2. On peut connaître Dieu comme père à divers niveaux, selon la perspective dans laquelle on se place, et l'aspect du mystère que l'on considère. Il existe une connaissance naturelle de Dieu à partir de la création: celle-ci conduit à reconnaître en Lui l'origine et la cause transcendante du monde et de l'homme et, dans ce sens, à en ressentir la paternité. Cette connaissance s'approfondit à la lumière progressive de la Révélation, c'est-à-dire sur la base des paroles et des interventions historiques et salvifiques de Dieu (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 287).

Dans l'Ancien Testament, connaître Dieu comme père signifie remonter aux origines du peuple de l'Alliance: «N'est- ce pas lui ton père, qui t'a procréé, lui qui t'a fait et par qui tu subsistes?» (Dt 32,6). La référence à Dieu en tant que père garantit et conserve l'unité des membres d'une même famille: «N'avons-nous pas tous un Père unique? N'est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés?» (Ml 2,10). On reconnaît Dieu comme père également au moment où il réprimande le fils pour son bien: «car Yahvé reprend celui qu'il aime comme un père le fils qu'il chérit» (Pr 3,12). Et, bien sûr, un père peut toujours être invoqué dans les moments de découragement: «J'invoquai le Seigneur, Père de mon Seigneur: "Ne m'abandonne pas au jour de l'épreuve, au temps des orgueilleux et de l'abandon"» (Si 51,10). Dans toutes ces formes, on applique à Dieu par excellence les valeurs qui sont présentes dans la paternité humaine. L'on ressent toutefois qu'il n'est pas possible de connaître à fond le contenu d'une telle paternité divine, sinon dans la mesure où Dieu lui-même la manifeste.

3. Dans les événements de l'histoire du salut se révèle toujours plus l'initiative du Père, qui, à travers son action intérieure, ouvre le coeur des croyants à accueillir le Fils incarné. En connaissant Jésus, ils pourront le connaître Lui aussi, le Père. C'est ce qu'enseigne Jésus lui-même en répondant à Thomas: «Si vous me connaissez vous connaîtrez aussi mon Père» (Jn 14, 7, cf. vv. Jn Jn 14,7-10).

Il faut donc croire en Jésus et le regarder, lui, lumière du monde, pour ne pas demeurer dans les ténèbres de l'ignorance (cf. Jn Jn 12,44-46) et pour savoir que sa doctrine vient de Dieu (cf. Jn Jn 7,17 sq). C'est à cette condition qu'il est possible de connaître le Père, en devenant capables de l'adorer «en esprit et en vérité» (Jn 4,23). Cette connaissance vivante est inséparable de l'amour. Elle est communiquée par Jésus, comme il le dit dans sa prière sacerdotale: «Père juste, [...] je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux» (Jn 17,25-26).

«Quand nous prions le Père, nous sommes en communion avec Lui et avec son Fils Jésus-Christ. C'est alors que nous Le connaissons et Le reconnaissons dans un émerveillement toujours nouveau» (CEC 2781). Connaître le Père signifie donc trouver en lui la source de notre être et de notre unité, en tant que membres d'une unique famille, mais cela signifie aussi s'immerger dans une vie «surnaturelle», la vie même de Dieu.

4. L'annonce du Fils reste donc la voie maîtresse pour connaître et faire connaître le Père; en effet, comme le rappelle une expression suggestive de saint Irénée, «la connaissance du Père est le Fils» (Adv. haer., 4; 6; 7: , 990B). C'est la possibilité offerte à Israël, mais aussi aux peuples, comme Paul le souligne dans l'Epître aux Romains: «Ou alors Dieu est-il le Dieu des Juifs seulement, et non point des païens? Certes, également des païens; puisqu'il n'y a qu'un seul Dieu, qui justifiera les circoncis en vertu de la foi comme les incirconcis par le moyen de cette foi» (Rm 3,29 sq). Dieu est unique, et est le Père de tous, désireux d'offrir à tous le salut apporté au moyen de son Fils: c'est ce que l'Evangile de Jean appelle le don de la vie éternelle. Ce don a besoin d'être entendu et communiqué, sur la lignée de la reconnaissance qui faisait dire à Paul, dans la seconde Epître aux Thessaloniciens: «Nous devons, quant à nous, rendre grâces à Dieu à tout moment à votre sujet, frères aimés du Seigneur, parce que Dieu vous a choisis dès le commencement pour être sauvés par l'Esprit qui sanctifie et la foi en la vérité» (2Th 2,13).

                                * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 17 mars 1999, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Ecole Sainte-Marie, de Neuilly; Ecole Notre-Dame, d'Arlanc; groupe de la Roche-sur-Yon; groupe de Retraités des Postes et Télécommunications, d'Orléans; groupe de Cahuzac-sur-Vère; groupe de Nice.



Chers Frères et Soeurs,

A l’heure où il s’apprête à affronter sa mort, Jésus conclut son discours d’Adieu par une grande prière adressée au Père, qui peut être considérée comme son testament spirituel. Par l’offrande de sa vie, le Christ fait connaître son Père aux hommes. “La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent toi le seul véritable Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ” (Jn 17,3). La connaissance de Dieu, qui implique une expérience spirituelle, permet de le rencontrer et de vivre le mystère de l’Alliance.

L’histoire du salut nous révèle toujours plus l’initiative du Père, qui ne cesse d’ouvrir le coeur des croyants pour qu’ils accueillent le Verbe incarné. En connaissant le Christ, nous connaissons le Père. Croire en Jésus et le contempler, nous rend capables d’adorer le Père “en esprit et en vérité” (Jn 4,23). “Quand nous prions le Père, nous sommes en communion avec lui et avec son Fils. C’est alors que nous le connaissons” (Catéchisme de l’Eglise Catholique CEC 2781).

Le Christ est donc la Voie pour connaître et faire connaître le Père. Comme saint Irénée l’a rappelé, “la connaissance du Père, c’est le Fils” (Adv. Haer. 4, 6, 7).

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les élèves de l’école Sainte-Marie de Neuilly et leurs accompagnatrices. J’accorde à tous les fidèles présents la Bénédiction apostolique.



Mercredi 24 mars 1999 L'amour providentiel de Dieu le Père


24399   1. Poursuivant notre méditation sur Dieu le Père, nous voulons aujourd'hui nous arrêter sur son amour généreux et providentiel. «Le témoignage de l'Ecriture est unanime: la sollicitude de la divine Providence est concrète et immédiate, elle prend soin de tout, des moindres petites choses jusqu'aux grands événements du monde et de l'histoire» (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 303). Nous pouvons nous appuyer sur un texte du Livre de la Sagesse, dans lequel la Providence divine est décrite en action, au secours d'un bateau au milieu de la mer: «Mais c'est ta Providence, ô Père, qui le pilote car tu as mis un chemin jusque dans la mer, et dans les flots un sentier assuré, montrant que tu peux sauver de tout, en sorte que, même sans expérience, on puisse embarquer» (Sg 14,3-4).

Dans un psaume, on retrouve encore l'image de la mer, sillonnée par les navires et dans laquelle frétillent des animaux petits et grands, pour rappeler la nourriture que Dieu fournit à tous les êtres vivants: «Tous ils espèrent de toi que tu donnes en son temps leur manger; tu leur donnes, eux, ils ramassent, tu ouvres la main, ils se rassasient» (Ps 104,27-28).

2. L'image du bateau au milieu de la mer représente bien notre situation face à la Providence du Père. Comme le dit Jésus, Il «fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes» (Mt 5,45). Toutefois, face à ce message de l'amour providentiel du Père, on se de- mande spontanément comment expliquer la douleur. Et il faut reconnaître que le problème de la douleur constitue une énigme face à laquelle la raison humaine s'égare. La Révélation divine nous aide à comprendre qu'elle n'est pas voulue par Dieu, étant entrée dans le monde à cause du péché de l'homme (cf. Gn Gn 3,16-19). Dieu la permet pour le salut même de l'homme, en tirant le bien du mal. «Dieu tout puissant..., étant suprêmement bon, ne permettrait jamais qu'un mal quelconque existe dans ses oeuvres, s'il n'était pas suffisamment puissant et bon, pour tirer le bien du mal lui-même» (Saint Augustin, Enchiridion de fide, spe et caritate, 11, 3: PL 40, 236). A ce propos, les paroles que Joseph adresse à ses frères, qui l'avaient vendu et qui dépendent à présent de son pouvoir, sont significatives: «Ainsi, ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, c'est Dieu [...] Le mal que vous aviez dessein de me faire, le dessein de Dieu l'a tourné en bien, afin d'accomplir ce qui se réalise aujourd'hui: sauver la vie à un peuple nombreux» (Gn 45,8 Gn 50,20).

Les desseins de Dieu ne coïncident pas avec ceux de l'homme; ils son infiniment meilleurs, mais ils restent souvent incompréhensibles à l'esprit humain. Le Livre des Proverbes dit: «Yahvé dirige les pas de l'homme: comment l'homme comprendrait-il son chemin?» (Pr 20,24). Dans le Nouveau Testament Paul énoncera ce principe réconfortant: «Avec ceux qui l'aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien» (Rm 8,28)

3. Quelle doit-être notre attitude face à cette action divine providentielle et clairvoyante? Nous ne devons certes pas attendre passivement ce qu'Il nous envoie, mais plutôt collaborer avec Lui, afin qu'il mène à bien ce qu'il a commencé à opérer en nous. Nous devons être diligents, en particulier dans la recherche des biens célestes. Ces derniers doivent se trouver à la première place, comme le demande Jésus: «Cherchez d'abord son Royaume et sa justice» (Mt 6,33). Les autres biens ne doivent pas être l'objet de préoccupations excessives, car notre Père céleste connaît nos besoins; c'est ce que nous enseigne Jésus lorsqu'il exhorte ses disciples à «un abandon filial à la Providence du Père céleste, qui prendra soin des besoins les plus élémentaires de ses fils» (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 305): «Vous non plus, ne cherchez pas ce que vous mangerez et que vous boirez; ne vous tourmentez pas. Car ce sont là toutes choses dont les païens de ce monde sont en quête; mais votre Père sait que vous en avez besoin» (Lc 12,29 sq).

Nous sommes donc appelés à collaborer avec Dieu, dans une attitude de grande confiance. Jésus nous enseigne à demander au Père céleste notre pain quotidien (cf. Mt Mt 6,11 Lc 11,3). Si nous le recevons avec reconnaissance, nous nous rappellerons également spontanément que rien ne nous appartient, et que nous devons être prêts à tout donner: «A quiconque te demande, donne, et à qui t'enlève ton bien, ne le réclame pas» (Lc 6,30).

4. La certitude de l'amour de Dieu nous donne confiance dans sa providence paternelle, même lors des moments les plus difficiles de l'existence. Cette confiance totale en Dieu le Père providentiel, même face aux adversités, est admirablement exprimée par sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus: «Que rien ne te trouble, rien ne t'effraye. Tout passe, Dieu ne change pas. La patience obtient tout. Celui qui a Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit» (Poésies, n. 30).

L'Ecriture nous offre un exemple éloquent de confiance totale en Dieu, lorsqu'elle rapporte qu'Abraham avait mûri la décision de sacrifier son fils Isaac. En réalité, Dieu ne voulait pas la mort de son fils, mais la foi du père. Et Abraham démontre pleinement sa foi, car lorsqu'Isaac lui demande où se trouve l'agneau de l'holocauste, il ose lui répondre que «c'est Dieu qui pourvoira» (Gn 22,8). Immédiatement après il fera précisément l'expérience de la Providence bienveillante de Dieu, qui sauve le jeune garçon et récompense sa foi, en le comblant de bénédictions.

Il faut donc interpréter de tels textes à la lumière de toute la révélation qui atteint sa plénitude en Jésus-Christ. Il nous enseigne à placer en Dieu une immense confiance, même lors des moments les plus difficiles: cloué sur la Croix, Jésus s'abandonne totalement au Père: «Père, en tes mains je remets mon esprit» (Lc 23,46). Avec cette attitude, Il élève à un degré sublime ce que Job avait résumé dans les célèbres paroles: «Yahvé avait donné, Yahvé a repris: que le nom de Yahvé soit béni!» (Jb 1,21). Même ce qui est humainement considéré comme un malheur, peut appartenir au grand dessein de l'amour infini avec lequel le Père pourvoit à notre salut.

                                  * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 24 mars 1999, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Collège Saint-Jacques, de Hazebrouck; Lycée Georges Cuvier, de Montbéliard; Ecole Sainte-Marie, de Neuilly; Ecole Notre-Dame de Bonne Nouvelle, de Montpellier; Collège Saint-Jean de Passy; Collège Notre-Dame, de Billom; Collège Saint-Charles, de Montpellier; groupe de pèlerins de La-Roche-sur-Yon.

De Guadeloupe: Groupe d'élèves de Pointe-à-Pitre.


Chers Frères et Soeurs,

“Le témoignage de l’Ecriture est unanime: la sollicitude de la divine providence est concrète et immédiate, elle prend soin de tout, des moindres petites choses jusqu’aux grands événements du monde et de l’histoire” (Catéchisme de l’Eglise Catholique, CEC 303).

Ce message sur la providence du Père fait surgir la question de la souffrance, devant laquelle la raison humaine se perd. La Révélation nous aide à comprendre qu’elle n’est pas voulue par Dieu, car elle est entrée dans le monde à cause du péché (cf. Gn Gn 3,16-19), mais que Dieu la permet pour le salut de l’homme, tirant ainsi le bien du mal.

En réponse à l’action divine, nous ne devons pas rester inactifs; il nous appartient de collaborer avec Dieu et de rechercher par-dessus tout les biens célestes (cf. Mt Mt 6,33); les autres biens ne doivent pas être objet de préoccupations excessives, parce que notre Père céleste connaît nos besoins (cf. Lc Lc 12,29-30).

Jésus Christ nous enseigne à avoir une immense confiance en Dieu, jusque dans les moments les plus difficiles de l’existence, qui peuvent faire partie du grand projet d’amour infini avec lequel le Père pourvoit à notre salut.
Je salue les pèlerins francophones présents à cette audience, en particulier des jeunes des collèges Sainte-Marie de Neuilly, Saint-Jean de Passy, de Hazebrouck et de la Guadeloupe. J’accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 31 mars 1999 - Mercredi saint et la Semaine sainte

31399  1. Dimanche dernier, Dimanche des Rameaux, nous sommes entrés dans la semaine dite «sainte», car au cours de celle-ci nous commémorons les événements centraux de notre rédemption. Le coeur de cette semaine est constitué par le Triduum de la Passion et de la Résurrection du Seigneur qui, comme on le lit dans le Missel romain, «resplendit au sommet de l'année liturgique, car l'oeuvre de la rédemption humaine et de la parfaite glorification de Dieu a été accomplie par le Christ, en particulier au moyen du mystère pascal, avec lequel, en mourant, il a détruit notre mort, et, en ressuscitant, il nous a redonné la vie» (Normes générales, n. 18). Dans l'histoire de l'humanité rien de plus significatif ni de plus grande valeur n'est survenu. Au terme du Carême, nous nous apprêtons ainsi à vivre avec ferveur les jours les plus importants pour notre foi; nous intensifions notre engagement à suivre, avec une fidélité toujours plus grande, le Christ, Rédempteur de l'homme.

2. La Semaine sainte nous conduit à méditer sur le sens de la Croix, dans laquelle «la révélation de l'amour miséricordieux de Dieu atteint son sommet» (cf. Dives in misericordia
DM 8). Le thème de cette troisième année de préparation immédiate au grand Jubilé de l'An 2000, consacrée au Père, nous invite de manière toute particulière à cette réflexion. Sa miséricorde infinie nous a sauvés. Pour racheter l'humanité, il a librement donné son Fils unique. Comment ne pas lui rendre grâce? L'histoire est illuminée et guidée par l'événement incomparable de la rédemption: Dieu, riche de miséricorde, a répandu sur chaque être humain sa bonté infinie, à travers le sacrifice du Christ. Comment manifester de façon appropriée notre reconnaissance? Si la liturgie de ces jours nous fait tout d'abord élever au Seigneur, vainqueur de la mort, un hymne d'action de grâce, elle nous demande aussi, dans le même temps, d'éliminer de notre vie tout ce qui nous empêche de nous conformer à lui. Nous contemplons le Christ dans la foi et nous reparcourons les étapes décisives du salut qu'il a accompli. Nous nous reconnaissons pécheurs et nous confessons notre ingratitude, notre infidélité et notre indifférence face à son amour. Nous avons besoin de son pardon, qui nous purifie et nous soutienne dans l'engagement de conversion intérieure et de renouveau persévérant de l'esprit.

3. «Pitié pour moi, Dieu, en ta bonté, en ta grande tendresse efface mon péché, lave-moi tout entier de mon mal et de ma faute purifie-moi» (Ps 50,1 Ps 50,4). Ces paroles, que nous avons proclamées le Mercredi des Cendres, nous ont accompagnés au cours de tout l'itinéraire quadragésimal. Elles retentissent dans notre esprit avec une intensité singulière à l'approche des jours saints, au cours desquels nous est renouvelé le don extraordinaire de la rémission des fautes, obtenu pour nous par Jésus sur la Croix. Face au Crucifié, rappel éloquent à la miséricorde de Dieu, comment ne pas se repentir de ses propres péchés et ne pas se convertir à l'amour? Comment ne pas réparer concrètement les torts causés aux autres et ne pas restituer les biens acquis de façon malhonnête? Le pardon exige des gestes concrets: le repentir n'est véritable et efficace que s'il se traduit en actes tangibles de conversion et de juste réparation.

4. «Dans ta fidélité, secours-moi Seigneur»! C'est ainsi que la liturgie d'aujourd'hui, Mercredi saint, nous exhorte à prier, entièrement tournée vers les événements salvifiques que nous commémorerons les jours prochains. En proclamant aujourd'hui l'Evangile de Matthieu sur la Pâque et sur la trahison de Judas, nous pensons déjà à la Messe solennelle «in Cena Domini» de demain après-midi, qui rappellera l'institution du Sacerdoce et de l'Eucharistie, ainsi que le commandement «nouveau» de l'amour fraternel que nous a laissé le Seigneur à la veille de sa mort.

Demain matin, cette célébration suggestive sera précédée par la Messe chrismale, que l'Evêque préside dans toutes les cathédrales du monde entouré de son presbyterium. Les huiles saintes pour le Baptême, pour l'Onction des malades et le Chrême seront bénies. Ensuite, dans la soirée, une fois terminée la Messe «in Cena Domini», viendra le temps de l'adoration, comme en réponse à l'invitation que Jésus adresse à ses disciples au cours de la nuit dramatique de son agonie: «Demeurez ici et veillez avec moi» (Mt 26,38).

Le Vendredi saint est un jour profondément émouvant, au cours duquel l'Eglise nous fait à nouveau entendre le récit de la Passion du Christ. L'«adoration» de la Croix se trouvera au centre de l'action liturgique qui sera célébrée en cette journée, alors que la communauté ecclésiale prie intensément pour les besoins des croyants et du monde entier. Une phase de silence profond s'ouvre alors. Tout sera silencieux jusqu'à la nuit du Samedi saint. La joie et la lumière feront irruption dans le coeur des ténèbres avec les rites suggestifs de la veillée pascale et le chant de fête de l'«Alléluia». Ce sera la rencontre dans la foi avec le Christ ressuscité et la joie pascale se prolongera pendant les cinquante jours qui suivront.

5. Très chers frères et soeurs, préparons-nous à revivre ces événements avec une ferveur intime en compagnie de la Très Sainte Vierge, présente au moment de la passion de son Fils et témoin de sa résurrection. Un chant polonais s'exprime ainsi: «Très Sainte Mère, nous élevons notre cri vers ton Coeur transpercé par l'épée de la douleur!». Que Marie accepte nos prières et les sacrifices de ceux qui souffrent; qu'Elle soutienne nos intentions quadragésimales et nous accompagne lorsque nous suivrons Jésus à l'heure de l'épreuve extrême. Le Christ, martyrisé et crucifié, est source de force et signe d'espérance pour tous les croyants et pour l'humanité tout entière.

                                   * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 31 mars 1999, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe du diocèse de Tulle; Collège François Villon, de Marseille; Lycée Saint-Jude, d'Armentières.

Du Canada: Collège Mérici, de Québec.



Chers Frères et Soeurs,

Au cours de la Semaine sainte, nous allons commémorer les événements centraux de notre rédemption. Dans l'histoire de l'humanité, il n'y a pas d'événement de plus grande portée. Nous sommes donc invités à suivre le Christ, Rédempteur de l'homme, avec une plus grande fidélité.

Nous serons conduits à méditer le sens de la Croix, sommet de l'amour miséricordieux (cf. encyclique Dives in misericordia DM 8). Dans l'année consacrée au Père, comment ne pas le remercier pour le don de son Fils? Devant le Crucifié, comment ne pas reconnaître nos fautes et nous convertir à l'amour? Comment ne pas chercher à réparer concrètement les torts causés à notre prochain et ne pas restituer les biens acquis malhonnêtement? En éliminant de notre vie ce qui nous empêche de nous conformer au Christ et en confessant notre péché, nous implorons son pardon et nous invoquons son aide pour persévérer dans la voie du renouveau spirituel. Le pardon est vrai et efficace quand il se traduit par des actes concrets de conversion et de juste réparation.

Demain, Jeudi saint, l'évêque, entouré de son presbyterium, consacrera les saintes huiles. Nous ferons aussi mémoire de la Cène du Seigneur, en veillant avec Lui. Vendredi, au pied de la Croix, nous prierons pour les croyants et pour le monde entier. Dans le silence du Samedi saint, nous nous préparerons à rencontrer le Christ ressuscité. Frères et Soeurs, demandons à Marie de nous aider à vivre intensément ces jours saints!
Je salue cordialement les pèlerins francophones, notamment l'évêque de Tulle, Monseigneur Le Gal, et ses diocésains, ainsi que les jeunes de Marseille, d'Armentières et de Québec. J’accorde à tous les fidèles présents la Bénédiction apostolique.




Mercredi 7 avril 1999 L'amour exigeant du Père

7499   Lecture: Mt 7, 21-23


1. L'amour de Dieu le Père pour nous ne peut pas nous laisser indifférents, il demande même à être partagé à travers un engagement constant d'amour. Cet engagement revêt des significations toujours plus profondes à mesure que nous nous approchons davantage de Jésus, qui vit pleinement en communion avec le Père, devenant un modèle pour nous.

Dans le contexte culturel de l'Ancien Testament, l'autorité du Père est absolue, elle est utilisée comme terme de comparaison pour décrire l'autorité du Dieu créateur, à qui il n'est pas licite d'adresser des contestations. On peut lire chez Isaïe: «Malheur à qui dit à un père: "Pourquoi engendres-tu?" et à une femme: "Pourquoi mets-tu au monde?"; Ainsi parle Yahvé, le Saint d'Israël, son créateur: On me demande des signes au sujet de mes enfants, au sujet de l'oeuvre de mes mains, on me donne des ordres» (
Is 45,10 sq). Un père a également la tâche de guider son fils, en le reprenant avec sévérité si cela est nécessaire. Le Livre des Proverbes rappelle que cela est également valable pour Dieu: «Yahvé reprend celui qu'il aime, comme un père le fils qu'il chérit» (Pr 3,12 cf. Ps Ps 103,13). Pour sa part, le prophète Malachie atteste l'affection pleine de compassion de Dieu à l'égard de ses enfants (Ml 3,17), mais il s'agit toujours d'un amour exigeant: «Rappelez-vous la Loi de Moïse, mon serviteur à qui j'ai prescrit, à l'Horeb, pour tout Israël, des lois et des coutumes» (Ml 3,22).

2. La Loi que Dieu donne à son peuple n'est pas un poids imposé par un patron tyrannique, mais l'expression de cet amour paternel qui indique le juste sentier de la conduite humaine et la condition pour hériter des promesses divines. Tel est le sens de l'injonction du Deutéronome: «Garde les commandements de Yahvé ton Dieu pour marcher dans ses voies et pour le craindre. Mais Yahvé ton Dieu te conduit vers un heureux pays» (Dt 8,5-7). Dans la mesure où elle ratifie l'alliance entre Dieu et les fils d'Israël, la loi est dictée par l'amour. Mais la transgresser n'est pas sans conséquences, et comporte des résultats douloureux, qui sont toutefois toujours dominés par la logique de l'amour, car ils obligent l'homme à prendre une conscience salutaire d'une dimension constitutive de son être. «C'est en découvrant la grandeur de l'amour de Dieu que notre coeur est ébranlé par l'horreur et le poids du péché et qu'il commence à craindre d'offenser Dieu par le péché et d'être séparé de Lui» (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1432).

S'il se détache du Créateur, l'homme tombe nécessairement dans le mal, dans la mort et dans le néant. En revanche, l'adhésion à Dieu est source de vie et de bénédiction. C'est ce que souligne le même Livre du Deutéronome: «Vois, je te propose aujourd'hui vie et bonheur, mort et malheur. Si tu écoutes les commandements de Yahvé ton Dieu que je te prescrits aujourd'hui, et que tu aimes Yahvé ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras et tu multiplieras, Yahvé ton Dieu te bénira dans le pays où tu entres pour en prendre possession» (Dt 30,15, sq).

3. Jésus n'abolit pas la Loi dans ses valeurs fondamentales, mais il la perfectionne, comme il le dit lui-même dans le discours de la montagne: «N'allez pas croire que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes; je ne suis pas venu abolir, mais accomplir» (Mt 5,17).

Jésus indique le coeur de la Loi dans le précepte de l'amour, et il en développe les exigences radicales. Amplifiant le précepte de l'Ancien Testament, il commande d'aimer ses amis et ses ennemis, et il explique cette extension du précepte en faisant référence à la paternité de Dieu: «Afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes» (Mt 5,43-45 cf. CEC CEC 2784).

Avec Jésus, un saut de qualité est accompli: il résume la Loi et les Prophètes en une seule norme, aussi simple dans sa formulation que difficile dans sa réalisation: «Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faîtes-le vous-mêmes pour eux» (cf. Mt Mt 7,12). Cette voie est même présentée comme celle à parcourir pour être parfaits comme le Père céleste (cf. Mt 5,48). Celui qui agit ainsi rend témoignage aux hommes pour que soit glorifié le Père qui est dans les cieux (cf. Mt Mt 5,16), et il se prépare à recevoir le Royaume qu'Il a préparé pour les justes, selon les paroles du Christ dans le jugement dernier: «Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde» (Mt 25,34).

4. Alors qu'il annonce l'amour du Père, Jésus ne manque jamais de rappeler qu'il s'agit d'un amour exigeant. Cette caractéristique du visage de Dieu apparaît dans toute la vie de Jésus. Sa «nourriture» est précisément d'accomplir la volonté de celui qui l'a envoyé (cf. Jn Jn 4,34). Son jugement est juste, précisément parce qu'il ne cherche pas sa propre volonté, mais la volonté du Père qui l'a envoyé dans le monde (cf. Jn Jn 5,30). C'est pourquoi, le Père lui rend témoignage (cf. Jn Jn 5,37) ainsi que les Ecritures (cf. Jn Jn 5,39). Ce sont surtout les oeuvres qu'il accomplit au nom du Père qui garantissent qu'il est envoyé par lui (cf. Jn Jn 5,36 Jn 10,25 Jn 10,37-38). Parmi celles-ci, la plus élevée est celle d'offrir sa propre vie, comme le Père le lui a commandé: ce don de soi est d'ailleurs la raison pour laquelle le Père l'aime (cf. Jn Jn 10,17-18) et est le signe qu'il aime le Père (cf. Jn Jn 14,31). Si la loi du Deutéronome était déjà un chemin et une garantie de vie, la loi du Nouveau Testament l'est de façon inédite et paradoxale, s'exprimant dans le commandement d'aimer ses frères, jus- qu'à donner sa vie pour eux (cf. Jn Jn 15,12-13).

Le «commandement nouveau» de l'amour, comme le rappelle saint Jean Chrysostome, trouve sa raison ultime dans l'amour divin: «Vous ne pouvez pas invoquer votre Père le Dieu de toute bonté, si vous conservez un coeur cruel et inhumain; dans ce cas, en effet, vous ne possédez plus en vous l'empreinte de la bonté du Père céleste» (Hom. in illud «Angusta est porta»: , 44B). Dans cette perspective se trouvent à la fois la continuité et le dépassement: la Loi se transforme et s'approfondit comme Loi de l'amour, l'unique qui convient au visage paternel de Dieu.

                                    * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 7 avril 1999, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage diocésain de Tulle; pèlerins d'Alsace; pèlerins bretons du diocèse de Vannes; pèlerins du diocèse d'Autun; pèlerins de Lugny et de Brive; paroisse de Les Breuleux; paroisse Notre-Dame-du-Port; Ecole Saint- Vincent-de-Paul, de Nice; Collège Les Maristes, de Bourg-de-Péage; Collège Saint-Dominique, de Châlons-sur-Saône; Collège Saint-Joseph, de Lorient; Collège Chabot, de Le-Boire-sur-Vie; jeunes des aumôneries du diocèse de Dijon; Lycée Saint-Louis, de Bar-Le-Duc.

De Suisse: Groupe de pèlerins de Fribourg.

De Belgique: Groupe de pèlerins; jeunes de Molenbeck.

Du Canada: groupe de pèlerins du Québec.



Chers Frères et Soeurs,

L'amour de Dieu le Père ne peut nous laisser indifférents. Il réclame de notre part un continuel engagement de charité, qui nous rend proches de Jésus, modèle de charité. Dans l'Ancien Testament déjà, la loi de Dieu est l'expression de son amour paternel. Elle indique le juste chemin pour hériter des promesses divines. Se détacher du Créateur conduit l'homme au mal, à la mort, au néant, alors qu'adhérer à sa loi est source de vie et de bénédictions.

Jésus n'abolit pas la loi dans ses valeurs fondamentales, mais il la porte à son accomplissement. Il indique que le coeur de la loi se trouve dans le commandement de l'amour et il en développe les exigences radicales. C'est la voie à parcourir pour être parfait comme le Père céleste. Celui qui agit ainsi glorifie Dieu et lui rend témoignage, se préparant à recevoir le Royaume préparé pour les justes. Par toute sa vie, Jésus nous rappelle que l'amour pour le Père s'exprime dans l'amour des frères, jusqu'à donner sa vie pour eux.
J'accueille avec plaisir les francophones. Je salue les pèlerins du diocèse de Tulle, venus avec leur Evêque, Mgr Le Gal, ceux d'Alsace et de Bretagne ainsi que les nombreux jeunes, notamment ceux de Molenbeck, venus approfondir le dialogue islamo-chrétien, et ceux du collège Les Maristes de Bourg-de-Péage, dont je me prépare à canoniser le fondateur, Marcellin Champagnat. Que le Seigneur Ressuscité soit pour chacun joie et lumière sur la route ! A tous je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.





Catéchèses S. J-Paul II 17399