Catéchèses S. J-Paul II 14499

Mercredi 14 avril 1999 Témoigner de Dieu le Père: la réponse chrétienne à l'athéisme

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  Lecture: (Sg 13,1 Sg 13,3 Sg 13,5)



1. L'orientation religieuse de l'homme vient de sa nature même de créature, ce qui le pousse à aspirer à Dieu, par qui il est créé à sa propre image et ressemblance (cf. Gn Gn 2,17). Vatican II a enseigné que «l'aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l'homme à communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l'homme de dialoguer avec Lui commence avec l'existence humaine. Car, si l'homme existe, c'est que Dieu l'a créé par amour et, par amour, ne cesse de de lui donner l'être; et l'homme ne vit pleinement selon la vérité que s'il reconnaît librement cet amour et s'abandonne à son Créateur» (Gaudium et spes GS 19).

La voie qui conduit les êtres humains à la connaissance de Dieu le Père est Jésus-Christ, le Verbe fait chair, qui vient à nous dans la force de l'Esprit Saint. Comme je l'ai souligné dans les précédentes catéchèses, une telle connaissance n'est authentique et complète que si elle ne se réduit pas à une acquisition de l'intellect seul, mais qu'elle concerne de façon vivante toute la personne humaine. Celle-ci doit offrir au Père une réponse de foi et d'amour, en ayant conscience que, avant de le connaître, nous avons déjà été quant à nous connus et aimés par Lui (cf. Ga Ga 4,9 1Co 13,12 1Jn 4,19).

Malheureusement, ce lien intime et vital avec Dieu, altéré par la faute de nos ancêtres dès le début de l'histoire, est vécu par l'homme de façon fragile et contradictoire, menacé par le doute et souvent interrompu par le péché. L'époque contemporaine a connu des formes particulièrement destructrices d'athéisme «théorique» et «pratique» (cf. Lettre encyclique Fides et ratio FR 46-47). Le sécularisme, en particulier, se révèle dangereux en raison de son indifférence à l'égard des questions ultimes et de la foi: il exprime de fait un modèle d'homme totalement détaché de la référence au Transcendant. L'athéisme «pratique» est ainsi une réalité concrète amère. S'il est vrai qu'il se manifeste surtout dans les civilisations les plus économiquement et techniquement avancées, ses effets s'étendent égale- ment aux situations et aux cultures qui commencent actuellement un processus de développement.

2. Il faut se laisser guider par la Parole de Dieu pour déchiffrer cette situation du monde contemporain et répondre aux graves questions qu'elle pose.

En partant de l'Ecriture Sainte, on remarquera immédiatement qu'elle ne mentionne pas l'athéisme «théorique», alors qu'elle se soucie de repousser l'athéisme «pratique». Le Psalmiste qualifie de sot celui qui pense: «Non, plus de Dieu» (Ps 14,1), et se comporte en conséquence: «Corrompues, abominables leurs actions; non, plus d'honnête homme» (ibid.). Dans un autre Psaume, celui qui est blâmé est «l'homme avide qui bénit méprise Yahvé, l'impie, arrogant, ne cherche point: "Pas de Dieu!" voilà toute sa pensée» (Ps 10,4).

Plus que d'athéisme, la Bible parle d'impiété et d'idolâtrie. L'impie et l'idolâtre est celui qui préfère au vrai Dieu une série de produits humains, faussement considérés divins, vivants et agissants. A l'impuissance des idoles, et également de ceux qui les fabriquent, sont consacrés de longs réquisitoires prophétiques. Avec une véhémence dialectique, ceux-ci opposent à la vacuité et à l'ineptie des idoles fabriquées par l'homme, la puissance du Dieu créateur et auteur de prodiges (cf. Is Is 44,9-20 Jr 10,1-16). Cette doctrine atteint son développement le plus ample dans le Livre de la sagesse (Cf. Sg Sg 13-15), où est présentée la voie, qui sera ensuite évoquée par saint Paul (cf. Rm Rm 1,18-23), de la connaissance de Dieu à partir des choses créées. Etre «athées» signifie alors ne pas connaître la vraie nature de la réalité créée, mais la rendre absolue et, pour cela même, «l'idolâtrer», au lieu de la considérer comme une trace du Créateur et une voie qui conduit à Lui.

3. L'athéisme peut même devenir une forme d'idéologie intolérante, comme le révèle l'histoire. Les deux derniers siècles ont connu des courants d'athéisme théorique qui ont nié Dieu au nom d'une prétendue autonomie absolue, qu'elle soit de l'homme, de la nature ou de la science. C'est ce que souligne le Catéchisme de l'Eglise catholique: «L'athéisme se fonde souvent sur une fausse conception de l'autonomie humaine, poussée jusqu'au refus de toute dépendance à l'égard de Dieu» (CEC 2126).

Cet athéisme systématique s'est imposé pendant des décennies en offrant l'illusion que, en éliminant Dieu, l'homme aurait été plus libre, tant psychologiquement que socialement. Les principales objections avancées, en particulier à l'égard de Dieu le Père, se fondent autour de l'idée que la religion constituerait pour les hommes une valeur de type compensatoire. Une fois écartée l'image du Père terrestre, l'homme adulte projetterait en Dieu l'exigence d'un père amplifié, dont il devrait à son tour s'affranchir parce qu'il empêcherait le processus de maturation des êtres humains.

Face aux formes d'athéisme et à leurs motivations idéologiques, quelle est l'attitude de l'Eglise? L'Eglise ne déprécie pas l'étude sérieuse des composantes psychologiques et sociologiques du phénomène religieux, mais elle refuse avec fermeté l'interprétation de la religiosité comme projection de la psyché humaine ou comme résultat des conditions sociologiques. En effet, l'expérience religieuse authentique n'est pas une expression d'infantilisme, mais une attitude mûre et noble d'accueil de Dieu, qui répond à l'exigence d'une signification globale de la vie et qui engage de façon responsable en vue d'une société meilleure.

4. Le Concile a reconnu que, dans la genèse de l'athéisme, les croyants ont pu jouer un rôle, n'ayant pas toujours manifesté de façon adéquate le visage de Dieu (cf. GS GS 19 CEC 2125).

Dans cette perspective, c'est précisément dans le témoignage du véritable visage de Dieu le Père que se trouve la réponse la plus convaincante à l'athéisme. Certes, cela n'exclut pas, mais exige également une présentation correcte des motifs d'ordre rationnel qui conduisent à la reconnaissance de Dieu. Malheureusement, ces raison sont souvent occultées par des conditionnements dus au péché et à de multiples circonstances culturelles. C'est l'annonce de l'Evangile, reposant sur le témoignage d'une charité intelligente (cf. GS GS 21), qui est alors la voie la plus efficace afin que les hommes puissent entrevoir la bonté de Dieu et progressivement en reconnaître le visage miséricordieux.


                                  * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 14 avril 1999, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De différents pays: Comité matériel roulant de l'Union internationale des Chemins de Fer.

De France: Séminaristes de Nantes; délégation de Scouts d'Europe de la région apostolique du Midi; Scouts unitaires de France «Saint-Louis», de Nîmes; Paroisse de la cathédrale du Mans; Paroisse de la Sainte-Trinité, de Lyon; Paroisse Saint-Martin, de Nieder-bronn-les-Bains; Paroisse de Foix; Paroisse de La Clayette; Mission catholique italienne d'Avignon et de Nîmes; le Jeune Orchestre d'Avignon; Lycée «Assomption», de Rennes; Lycée «Sainte-Barbe, de Saint-Etienne; Lycée «Sainte-Marie», de Bailleul; Collège «Sainte- Marie», de Ribeauville; Collège «Assomption», de Forges; Collège «Saint-François Régis», de Montpellier; Collège «Saint-Exupéry», de Roubaix»; Collège «Notre-Dame», de Maçon; Collège «Albert Camus», de Moulins-les-Metz; Collège «Saint-Dominique», de Vichy; Collège de Contes; Ecole «Saint-Joseph», de Lectoure; Aumônerie des Jeunes, de L'Isle-Jourdain; Aumônerie de L'Au-du-Meyran; Aumônerie de Beauregard; Aumônerie de Jeunes Espérance de Gardanne; Institution «Saint-Gabriel», de Saint-Laurent-sur-Sèvre; Syndicat agricole, de Lille; pèlerins de Paris, de Grandvilliers; de Belley-Ars; Le Farlede; Bar-le-Duc.

De Suisse: Paroisse Saint-Etienne, de Colombier-Bôle-Auvernier.

De Belgique: Ecole Gilly, de Charleroy.

Du Canada: Pèlerins du diocèse de Timmins.



Chers Frères et Soeurs,

L’orientation religieuse de l’homme vient du fait qu’il est une créature; en effet, parce qu’il a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn Gn 2,17), il désire ardemment vivre avec Lui. Ce lien intime et vital avec Dieu est marqué par le péché depuis le début de l’histoire. Et à notre époque, l’athéisme et surtout le sécularisme présentent un modèle d’homme détaché de Dieu.

La Bible nous aide à comprendre que ceux qui veulent nier Dieu sont insensés et se laissent attirer par de vaines idoles. Les choses créées ne peuvent pas être idolâtrées. Elles sont au contraire des chemins qui conduisent à Dieu. Les deux siècles passés ont connu des courants d’athéisme qui niaient Dieu au nom de la quête d’une autonomie absolue de l’homme, de la science ou de la nature. D’autre part, l’Eglise ne déprécie pas les études des composantes psychologiques ou sociologiques des phénomènes religieux, mais elle réfute l’interprétation de la religion comme étant une projection du psychisme humain.

C’est dans l’annonce de l’Evangile et le témoignage du vrai visage du Père que réside la meilleure réponse à l’athéisme, car ils permettent de découvrir la bonté et la miséricorde de Dieu.

Je salue les pèlerins francophones présents à cette audience, en particulier des représentants de l’union internationale des chemins de fer, des séminaristes de Nantes, la délégation des Scouts d’Europe du Midi, la mission catholique italienne d’Avignon et de Nîmes, le jeune orchestre d’Avignon, des jeunes du Collège de Contes et de l’aumônerie de Montbrison. J’accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 21 avril 1999 Témoigner de Dieu le Père dans le dialogue interreligieux

21499   Lecture: (Ac 17,22-23 Ac 17,28)

1. «Un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous» (Ep 4,6).

A la lumière de ces paroles de la Lettre de l'Apôtre Paul aux chrétiens d'Ephèse, nous voulons aujourd'hui réfléchir sur la façon de témoigner de Dieu le Père dans le dialogue avec tous les hommes de différentes confessions religieuses.

Au cours de cette réflexion, nous aurons deux points de référence: le Concile Vatican II, avec la Déclaration Nostra aetate sur les «Relations de l'Eglise avec les religions non-chrétiennes» et l'objectif désormais proche du grand Jubilé.

La Déclaration Nostra aetate a jeté les bases d'un nouveau style, celui du dialogue, dans la relation de l'Eglise avec les diverses religions.

Pour sa part, le Jubilé de l'An 2000 représente une occasion privilégiée pour témoigner de ce style. Dans Tertio millennio adveniente, j'ai invité à approfondir, précisément en cette année consacrée au Père, le dialogue avec les grandes religions, également grâce à des rencontres dans des lieux significatifs (cf. TMA TMA 52-53).

2. Dans l'Ecriture Sainte, le thème de l'unique Dieu par rapport à l'universalité des peuples qui cherchent le salut se développe progressivement, jusqu'au sommet de la pleine révélation en Christ. Le Dieu d'Israël, exprimé par le Tétragramme sacré, est le Dieu des patriarches, le Dieu apparu à Moïse dans le buisson ardent (cf. Ex Ex 3) pour libérer Israël et le faire devenir le peuple de l'Alliance. Le livre de Josué nous rapporte le choix pour le Seigneur effectué à Sichem, où la grande assemblée du peuple choisit le Dieu qui s'est montré bienveillant et providentiel à son égard et abandonne tous les autres dieux (cf. Jos Jos 24).

Ce choix, dans la conscience religieuse de l'Ancien Testament, se précise toujours davantage dans le sens d'un monothéisme rigoureux et universaliste. Si le Seigneur, Dieu d'Israël, n'est pas un Dieu parmi tant d'autres, mais l'unique vrai Dieu, il en découle que c'est par lui que doivent être sauvés tous les peuples «jusqu'aux extrémités de la terre» (Is 49,6). La volonté salvifique universelle transforme l'histoire humaine en un grand pèlerinage de peuples vers un seul centre, Jérusalem, sans que les différences ethnico-culturelles ne soient toutefois annulées (cf. Ap Ap 7,9). Le prophète Isaïe exprime de façon suggestive cette perspective à travers l'image d'une route qui relie l'Egypte à l'Assyrie, en soulignant que la bénédiction divine rassemble l'Israélien, l'Egyptien et l'Assyrien (cf. Is Is 19,23-25). Chaque peuple, tout en conservant pleinement sa propre identité, est appelé à se convertir toujours plus à l'unique Dieu qui s'est révélé à Israël.

3. Ce souffle «universaliste», présent dans l'Ancien Testament, se développe ultérieurement dans le Nouveau, qui nous révèle que Dieu «veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité» (1Tm 2,4). La conviction que Dieu est effectivement en train de préparer tous les hommes au salut fonde le dialogue des chrétiens avec les hommes de différentes confessions religieuses et de diverses croyances. Le Concile a ainsi défini l'attitude de l'Eglise à l'égard des religions non chrétiennes: «Elle considère avec un respect sincère ces manières d'agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoi qu'elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu'elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d'annoncer sans cesse, le Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14,6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s'est réconcilié toutes choses» (Na 2).

Ces dernières années, d'aucuns ont opposé au dialogue avec les hommes de différentes confessions religieuses l'annonce, devoir primordial de la mission salvatrice de l'Eglise. En réalité, le dialogue inter-religieux fait partie intégrante de la mission évangélisatrice de l'Eglise (cf. CEC CEC 856). Comme je l'ai répété plusieurs fois, il est fondamental pour l'Eglise, il exprime sa mission salvatrice, il est un dialogue de salut (cf. Insegnamenti VII/1 [1984], PP 595-599). Dans le dialogue inter-religieux, il ne s'agit donc pas de renoncer à l'annonce, mais de répondre à un appel divin afin que l'échange et le partage conduisent à un témoignage réciproque de la propre vision religieuse, à une connaissance approfondie des convictions respectives et à une entente sur certaines valeurs fondamentales.

4. Le rappel de la «paternité» commune de Dieu ne semblera pas alors un vague rappel «universaliste», mais il sera vécu par les chrétiens dans la pleine conscience de ce dialogue salvifique qui passe à travers la médiation de Jésus et l'oeuvre de son Esprit. Ainsi, en recueillant de certaines religions, comme par exemple de la religion musulmane, la puissante affirmation de l'Absolu personnel et transcendant par rapport au cosmos et à l'homme, nous pouvons, quant à nous, offrir le témoignage de Dieu dans l'intimité de sa vie trinitaire, en clarifiant que la Trinité de la personne n'amoindrit pas, mais confère sa qualité à l'unité divine elle-même.

De même, à partir des itinéraires religieux qui conduisent à concevoir la réalité ultime au sens moniste, comme un «Soi» indifférencié dans lequel tout se résout, le christianisme recueille l'appel à respecter le sens le plus profond du mystère divin, au-delà de toutes les paroles et des concepts humains. Toutefois, il n'hésite pas à témoigner de la transcendance personnelle de Dieu, alors qu'il en annonce la paternité universelle et aimante, qui se manifeste pleinement dans le mystère du Fils crucifié et ressuscité.

Puisse le grand Jubilé constituer une occasion précieuse pour que tous les hommes de différentes confessions religieuses se connaissent davantage, afin de s'estimer et de s'aimer dans un dialogue qui constitue pour tous une rencontre de salut!

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 21 avril 1999, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerins des diocèses de Belley-Ars; de Viviers; de Nantes; de Luçon; paroisse Saint-Nicolas, de Labenne Cap-Breton; paroisse Saint-Pierre, de Bondy; paroisse Saint-Bonaventure, de Narbonne; paroisse de Juillan; Faculté de Droit canonique de L'Insti- tut catholique de Paris; Ecole internationale de Formation et d'Evangélisation, de Paray-le-Monial; Collège Stanislas, de Paris; aumônerie des lycées de l'agglomération paloise; aumônerie de l'enseignement public de Seine-et-Marne; établissement catholique «Jeanne d'Arc», de Brétigny-sur-Orge; Communauté de l'Arche-l'Olivier en Bretagne; centre de rééducation de Midi-Gascogne; Foyer Nazareth, de Perpignan; groupe de pèlerins de Nice; du Mesnille-Roy; de Paris; de Strasbourg; de Bordeaux.



Chers Frères et Soeurs,

A partir de la Déclaration conciliaire Nostra aetate et dans la perspective du grand Jubilé, on peut réfléchir sur la manière de témoigner de Dieu le Père dans le dialogue interreligieux. Dans l’Écriture, le Dieu d’Israël n’est pas un dieu parmi d’autres, mais l’unique vrai Dieu et la révélation trouve son accomplissement dans le Christ. Dieu “veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité” (1Tm 2,4). Cette conviction fonde le dialogue interreligieux. Ce dernier est partie intégrante de la mission évangélisatrice de l’Eglise, qui considère avec respect la démarche religieuse de tout homme (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique CEC 856 Nostra aetate, n. 2) ; il exprime sa mission salvatrice et il est un dialogue de salut. Ainsi, en parlant de la “paternité” de Dieu, les chrétiens doivent être conscients qu’ils ont à donner le témoignage d’un Dieu trinitaire, ce qui n’atténue pas l’unicité de Dieu.

Puisse le grand Jubilé constituer une occasion précieuse pour que tous les hommes des différentes confessions religieuses se connaissent davantage et s’estiment, dans un dialogue qui soit pour tous une rencontre de salut !

J’accueille avec plaisir les pèlerins francophones, en particulier les étudiants et les professeurs de la Faculté de Droit canonique de l’Institut Catholique de Paris, les membres de la Communauté de l’Arche-l’Olivier en Bretagne, et les paroissiens de Saint-Bonaventure de Narbonne. J’accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.




Mercredi 28 avril 1999 Le dialogue avec les juifs

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  Lecture: (Rm 11,1-5)


1. Le dialogue interreligieux que la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente encourage comme aspect caractéristique de cette année consacrée en particulier à Dieu le Père (cf. TMA TMA 52-53) concerne avant tout les juifs, «nos frères aînés», comme je les ai appelés à l'occasion de la mémorable rencontre avec la communauté juive de Rome le 13 avril 1986 (cf. Insegnamenti IX/1, p. 1027). En réfléchissant sur le patrimoine spirituel qui nous unit, le Concile Vatican II, en particulier dans la Déclaration Nostra aetate, a conféré une nouvelle orientation à nos relations avec la religion juive. Il faut approfondir toujours davantage cet enseigne- ment, et le Jubilé de l'An 2000 pourra représenter une magnifique occasion de rencontre, si possible dans des lieux significatifs pour les grandes religions monothéistes (cf. TMA TMA 53).

Chacun sait que, malheureusement, le rapport avec nos frères juifs a été difficile dès les premiers temps de l'Eglise et jusqu'à notre siècle. Mais au cours de cette histoire longue et tourmentée, des moments de dialogue serein et constructif n'ont pas manqué. Il faut rappeler à ce propos que la première oeuvre théologique intitulée «Dialogue» est consacrée de façon significative par le philosophe et martyr Justin, au II e siècle, à sa rencontre avec le juif Triphon. On doit aussi signaler la dimension dialogique fortement présente dans la littérature contemporaine néo-juive, qui a profondément influencé la pensée philosophique et théologique du XX e siècle.

2. Cette attitude de dialogue entre les chrétiens et les juifs n'exprime pas seulement la valeur générale du dialogue entre les religions, mais également le partage du long chemin qui mène de l'Ancien au Nouveau Testament. Il existe une longue période de l'histoire du salut que les chrétiens et les juifs ont parcourue ensemble. «A la différence des autres religions non chrétiennes - en effet - la foi juive est déjà une réponse à la révélation de Dieu dans l'Ancienne Alliance» (CEC 839). Cette histoire est illuminée par une immense lignée de personnes saintes, dont la vie témoigne de la possession, dans la foi, des choses espérées. La Lettre aux Hébreux souligne précisément cette réponse de foi au cours de l'histoire du salut (cf. He He 11).

Le témoignage courageux de la foi devrait également aujourd'hui caractériser la collaboration des chrétiens et des juifs dans la proclamation et la réalisation du dessein salvifique de Dieu, en faveur de l'humanité tout entière. Si ce dessein est ensuite différemment interprété par rapport à l'accueil fait au Christ, cela comporte bien évidemment un changement de direction, qui est à l'origine du christianisme lui-même, mais qui n'empêche pas que de nombreux éléments restent communs.

Le devoir de collaborer pour promouvoir une condition humaine plus conforme au dessein de Dieu demeure en particulier. Le grand Jubilé, qui se réclame précisément de la tradition juive des années jubilaires, indique l'urgence de cet engagement commun pour rétablir la paix et la justice sociale. Reconnaissant la seigneurie de Dieu sur tout le créé et en particulier sur la terre (cf. Lv Lv 25), tous les croyants sont appelés à traduire leur foi dans un engagement concret, afin de protéger la sacralité de la vie humaine sous toutes ses formes et défendre la dignité de chaque frère et soeur.

3. En méditant sur le mystère d'Israël et sur sa «vocation irrévocable» (cf. Insegnamenti IX/1 [1986], p. 1028), les chrétiens explorent également le mystère de leurs racines. Dans les sources bibliques communes avec leurs frères juifs, ils trouvent des éléments indispensables pour vivre et approfondir leur foi elle-même.

On le voit, par exemple, dans la liturgie. Comme le fit Jésus, qui nous est présenté par Luc alors qu'il ouvre le Livre du prophète Isaïe dans la synagogue de Nazareth (cf. Lc Lc 4,16 sq), l'Eglise puise à la richesse liturgique du peuple juif. Elle organise la liturgie des heures, la liturgie de la parole et même la structure des prières eucharistiques, selon les modèles de la tradition juive. Certaines grandes fêtes, comme la Pâque et la Pentecôte, évoquent l'année liturgique juive, et représentent d'excellentes occasions pour rappeler dans la prière le peuple que Dieu a choisi et ai- me (cf. Rm Rm 11,2). Aujourd'hui, le dialogue implique que les chrétiens soient davantage conscients de ces éléments qui nous rapprochent. De même que l'on prend acte de l'«alliance jamais révoquée» (cf. Insegnamenti, 1980 [III/2], PP 1272-1276), l'on doit considérer la valeur intrinsèque de l'Ancien Testament (cf. Dei Verbum DV 3), même si celui-ci n'acquiert pleinement son sens qu'à la lumière du Nouveau Testament et contient des promesses qui s'accomplissent en Jésus. N'est-ce pas la lecture actualisée de l'Ecriture juive faite par Jésus qui allume «le coeur au-dedans» (Lc 24,32) des disciples d'Emmaüs, en leur permettant de reconnaître le Ressuscité alors qu'il fractionnait le pain?

4. L'histoire commune des chrétiens et des juifs, et plus particulièrement leur dialogue, doit se tourner vers l'avenir (CEC 840) devenant, pour ainsi dire, «la mémoire de l'avenir» (Nous nous souvenons: une réflexion sur la Shoah, in: L'Osservatore Romano en langue française n. 12 du 24 mars 1998). Le souvenir des faits tristes et tragiques du passé peut ouvrir la voie à un sens de fraternité renouvelé, fruit de la grâce de Dieu, et à un engagement pour que la semence infectée de l'antijudaïsme et de l'antisémitisme ne plantent plus jamais ses racines dans le coeur de l'homme.

Israël, le peuple qui édifie sa foi sur la promesse faite par Dieu à Abraham: «Tu deviendras père d'une multitude de nations» (Gn 17,4 Rm 4,17), indique Jérusalem comme lieu symbolique du pèlerinage eschatologique des peuples, unis dans la louange du Très-Haut. Je souhaite qu'à l'aube du troisième millénaire, le dialogue sincère entre les chrétiens et les juifs contribue à créer une nouvelle civilisation, fondée sur l'unique Dieu saint et miséricordieux, et qui soit promotrice d'une humanité réconciliée dans l'amour.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 28 avril 1999, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerins des diocèses d'Autun et de Dijon; aumônerie du lycée Voltaire, de Paris; aumônerie des 7 Mares, de Maurepas; lycée de Garçons, de Chateauneuf-de-Galaure; collège Saint-Joseph, de Questembert; Collège Saint-Jean-Baptiste, d'Aradon; collège Saint-Taurin, d'Eauze; collège Saint-François-de-Sales, de Dijon; école Saint-Erembert, de Saint-Germain-en-Laye; Club Europe Sainte-Thérèse, de Maison-Alfort; Rayonnement du CNRS, de Paris.

Chers Frères et Soeurs,

Le dialogue interreligieux regardant avant tout les Juifs, le Grand Jubilé représente une magnifique occasion de rencontre. Le rapport avec nos frères juifs a été difficile dès les premiers temps de l’Eglise et jusqu’à aujourd’hui, mais les moments de dialogue n’ont pas manqué.

Les chrétiens et les juifs regardent ensemble une grande partie de l’histoire du salut, qui est pour nous l’Ancienne Alliance. Cette histoire est illuminée par une lignée de personnes saintes, dont le témoignage courageux rend compte de leur espérance et doit inspirer encore la collaboration entre chrétiens et juifs. Reconnaissant la seigneurie de Dieu sur tout le créé (cf. Lv Lv 25), tous les croyants sont appelés à traduire leur foi en des engagements en faveur de la dignité de l’homme.

L’Eglise puise dans la richesse liturgique du peuple juif. Certaines grandes fêtes constituent une excellente occasion pour se rappeler dans la prière le peuple que Dieu a choisi et aime (cf. Rm Rm 11,2). Aujourd’hui, le dialogue implique donc que les chrétiens soient plus conscients des éléments qui nous rapprochent.

Je souhaite qu’à l’aube du troisième millénaire les relations sincères entre les chrétiens et les juifs contribuent à créer une nouvelle civilisation, fondée sur le Dieu unique, saint et miséricordieux, en vue d’une humanité réconciliée dans l’amour.
Je salue les pèlerins francophones présents à cette audience, en particulier les jeunes, et notamment ceux de l’aumônerie de Maurepas et du Collège Saint-François de Sales, de Dijon. J’accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 5 mai 1999 Le dialogue avec l'Islam

50599
  Lecture: He 11, 1-3.8-10


1. En approfondissant le thème du dialogue interreligieux, nous réfléchissons aujourd'hui sur le dialogue avec les musulmans, qui «adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux» (Lumen Gentium
LG 16 cf. CEC; CEC 841). L'Eglise les considère avec estime, convaincue que leur foi en Dieu transcendant concourt à la construction d'une nouvelle famille humaine, fondée sur les plus hautes aspirations du coeur de l'homme.

Les musulmans eux-aussi, comme les juifs et les chrétiens, considèrent la figure d'Abraham comme un modèle de soumission inconditionnée aux décrets de Dieu (Nostra Aetate NAE 3). A l'exemple d'Abraham, les fidèles s'efforcent de reconnaître dans leur vie la place qui revient à Dieu, origine, maître, guide et fin ultime de tous les êtres (Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, Message aux musulmans pour la fin du Ramadan, 1417/1497). Cette disponibilité et ouverture humaine à la volonté de Dieu se traduit par une attitude de prière, qui exprime la situation existentielle de chaque personne devant le Créateur.

Dans le sillage de la soumission d'Abraham à la volonté divine se trouve sa descendante, la Vierge Marie, Mère de Jésus qui, en particulier dans la piété populaire, est également invoquée avec dévotion par les musulmans.

2. C'est avec joie que nous, chrétiens, reconnaissons les valeurs religieuses que nous avons en commun avec l'Islam. Je voudrais aujourd'hui reprendre ce que je disais il y a quelques années aux jeunes musulmans, à Casablanca: «Nous croyons au même Dieu, le Dieu vivant, le Dieu qui crée les mondes et porte ses créatures à leur perfection» (Insegnamenti, VIII/2 [1985], p. 497). Le patrimoine des textes révélés de la Bible parle de façon unanime de l'unicité de Dieu. Jésus lui-même le répète, faisant sienne la profession d'Israël: «Le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur» (Mc 12,29 cf. Dt Dt 6,4-5). C'est l'unicité qui est également affirmée dans les paroles de louange qui jaillissent du coeur de l'apôtre Paul: «Au Roi des siècles, Dieu incorruptible, invisible, unique, honneur et gloire dans les siècles des siècles! Amen» (1Tm 1,17).

Nous savons qu'à la lumière de la pleine révélation dans le Christ, cette unicité mystérieuse n'est pas réductible à une unité numérique. Le mystère chrétien nous fait contempler dans l'unité substantielle de Dieu les personnes du Père, du Fils et de l'Esprit Saint: chacune en possession de l'entière et indivisible substance divine, mais l'une étant distincte de l'autre en vertu de leur relation réciproque.

3. Les relations n'amoindrissent absolument pas l'unité divine, comme l'explique le Concile de Latran IV (1215): «Chacune des trois Personnes est cette Réalité, c'est-à-dire substance, essence ou nature divine... Elle n'engendre pas, n'est pas engendrée et ne procède pas...» (DS 804). La doctrine chrétienne sur la Trinité, ratifiée par les Conciles, est explicite lorsqu'elle rejette tout «trithéisme» ou «polythéisme». C'est pourquoi, c'est-à-dire en référence à l'unique substance divine, il existe une correspondance significative entre christianisme et islam.

Cependant, cette correspondance ne doit pas faire oublier les différences entre les deux religions. En effet, nous savons que l'unité de Dieu s'exprime dans le mystère des trois Personnes divines. Etant en effet Amour (cf. 1Jn 4,8), Dieu est depuis toujours le Père qui se donne entièrement en engendrant le Fils, tous deux unis dans une communion d'amour qui est l'Esprit Saint. Cette distinction et compénétration (pericorési) des trois Personnes divines ne s'ajoute pas à leur unité, mais en est l'expression la plus profonde, qui les caractérise. D'autre part, il ne faut pas oublier que le monothéisme trinitaire typique du christianisme reste un mystère inaccessible à la raison humaine, qui est toutefois appelée à accepter la révélation de la nature intime de Dieu (cf. CEC 237).

4. Un grand signe d'espérance est constitué par le dialogue interreligieux, qui conduit à une connaissance et une estime de l'autre plus approfondie (Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, Message aux musulmans pour la fin du Ramadan 1418/1998). Les deux traditions, chrétienne et musulmane, possèdent une longue tradition d'étude, de réflexion philosophique et théologique, d'art, de littérature et de science, qui a laissé son empreinte dans les cultures occidentales et orientales. L'adoration envers l'unique Dieu, Créateur de tous, nous encourage à intensifier notre connaissance réciproque à l'avenir.

Dans le monde d'aujourd'hui, tragiquement marqué par l'oubli de Dieu, chrétiens et musulmans sont toujours appelés à défendre et promouvoir, dans un esprit d'amour, la dignité humaine, les valeurs morales et la liberté. Le pèlerinage commun vers l'éternité doit s'exprimer dans la prière, dans le jeûne et dans la charité, mais également dans un engagement solidaire pour la paix et la justice, pour la promotion de l'homme et la protection de l'environnement. En marchant ensemble sur la voie de la réconciliation et en renonçant, dans une humble soumission à la volonté divine, à toute forme de violence comme moyen pour résoudre les différends, les deux religions pourront offrir un signe d'espérance, en faisant resplendir dans le monde la sagesse et la miséricorde de cet unique Dieu qui a créé et qui gouverne la famille humaine.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 5 mai 1999, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Congrégation des prêtres de l'Oratoire, de Paris; Petites Soeurs de Jésus; Ecole des Officiers de la Gendarmerie nationale française; pèlerins du diocèse de Nantes; paroisse Saint-Bonnet, du Champsaur; Mouvement chrétien des Retraités, de Freyming-Merlebach; Collège «Les Saules», de Chesnay; Collège Saint-François d'Assise, de Montigny-le-Bretonneux; Ecole Sainte-Jeanne d'Arc, de Brignoles dans le Var; groupe de pèlerins de Morlaix.

Du Luxembourg: Groupe de pèlerins.

Du Canada: Groupe de pèlerins.

De l'Ile Maurice: Groupe de pèlerins du diocèse de Port-Louis.

Chers Frères et Soeurs,

Le dialogue avec les Musulmans nous permet de reconnaître avec joie les valeurs religieuses que nous avons en commun. En effet, "nous croyons au même Dieu, le Dieu unique, le Dieu vivant, le Dieu qui crée les mondes et porte ses créatures à leur perfection" (Discours aux jeunes musulmans, Casablanca, 19 août 1985). Toutefois, lorsque nous parlons de l'unicité de Dieu, nous contemplons dans son unité substantielle le mystère trinitaire du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Les correspondances qui existent entre le Christianisme et l'Islam ne doivent donc pas faire oublier les différences.

Aujourd'hui, Chrétiens et Musulmans sont appelés à défendre et à promouvoir la dignité humaine, les valeurs morales et la liberté, par la prière, le jeûne et la charité, mais aussi par un engagement solidaire pour la paix, la justice, la promotion de l'homme et la protection de l'environnement. Marchant ensemble sur le chemin de la réconciliation et renonçant à la violence pour résoudre les différends, les deux religions offriront au monde un signe d'espérance, en faisant resplendir la sagesse et la miséricorde du Dieu unique qui a créé et qui gouverne la famille humaine.

J'accueille avec plaisir les francophones présents ce matin. Je salue particulièrement les pèlerins du diocèse de Port-Louis à l'Ile Maurice, les Officiers de l'Ecole nationale de la gendarmerie française, ainsi que les élèves du Collège Saint-François d'Assise de Montigny-le-Bretonneux et tous les jeunes. Que le Christ ressuscité vous garde dans sa joie et sa paix ! A tous je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.


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Chers Frères dans l'Episcopat de l'Eglise arménienne catholique.

Alors que vous tenez au Vatican un synode consacré à d'importantes questions concernant la vie de vos communautés, l'Eglise est reconnaissante à votre peuple pour son témoignage de fidélité rendu au Christ, et elle se réjouit de la célébration du mille sept centième anniversaire de l'évangélisation. C'est avec courage, foi, enthousiasme et dans la prière que vous êtes appelés à un nouvel élan apostolique. Votre peuple attend une parole forte et des gestes concrets qui la confirment.

A sa Béatitude Jean-Pierre XVIII, Patriarche de Cilicie des Arméniens et à tous les Evêques, je souhaite un travail fructueux : j'invoque sur eux l'aide de l'Esprit Saint, pour qu'il donne force et courage à la Communauté arménienne catholique en ce tournant important de son histoire.




Catéchèses S. J-Paul II 14499