Catéchèses S. J-Paul II 40899

Mercredi 4 août 1999 Le purgatoire: une purification nécessaire pour la rencontre avec Dieu


40899   Lecture: (1Jn 1,5-9)

1. Comme nous l'avons vu au cours des deux précédentes catéchèses, sur la base de l'option définitive pour Dieu ou contre Dieu, l'homme se trouve face à une alternative: ou bien il vit avec le Seigneur dans la béatitude éternelle, ou bien il reste loin de sa présence.

Pour ceux qui se trouvent en condition d'ouverture à Dieu, mais de façon imparfaite, le chemin vers la pleine béatitude exige une purification, que la foi de l'Eglise illustre à travers la doctrine du «Purgatoire» (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1030-1032).

2. Dans l'Ecriture Sainte, il est possible de saisir certains éléments qui aident à comprendre le sens de cette doctrine, bien qu'elle ne soit pas énoncée de façon formelle. Ceux-ci expriment la conviction que l'on ne peut pas accéder à Dieu sans passer à travers une quelconque purification.

Selon la législation religieuse de l'Ancien Testament, ce qui est destiné à Dieu doit être parfait. Par conséquent, l'intégrité également physique est particulièrement exigée pour les réalités qui entrent en contact avec Dieu sur le plan du sacrifice, comme par exemple les animaux à immoler (cf. Lv Lv 22,22) ou sur celui institutionnel, comme dans le cas des prêtres, ministres du culte (cf. Lv Lv 21,17-23). A cette intégrité physique doit correspondre un dévouement total des individus et de la collectivité (cf. 1R 8,61), au Dieu de l'alliance dans la lignée des enseignements du Deutéronome (cf. Dt Dt 6,5). Il s'agit d'aimer Dieu de tout son être, avec une pureté de coeur et à travers le témoignage d'oeuvres (cf. ibid ., Dt Dt 10,12 sq).

L'exigence d'intégrité s'impose évidemment après la mort, pour entrer dans la communion parfaite et définitive avec Dieu. Ceux qui ne possèdent pas cette intégrité doivent passer par la purification. Un texte de saint Paul le suggère. L'Apôtre parle de la valeur de l'oeuvre de chacun, qui sera révélée le jour du jugement, et dit: «Si l'oeuvre bâtie sur le fondement [qui est le Christ] subsiste, l'ouvrier recevra une récompense; si son oeuvre est consumée, il en subira la perte; quant à lui, il sera sauvé, mais comme à travers le feu» (1Co 3,14-15).

3. Pour atteindre un état d'intégrité parfaite, l'intercession ou la médiation d'une personne est parfois nécessaire. Par exemple, Moïse obtient le pardon de son peuple à travers une prière, dans laquelle il évoque l'oeuvre salvifique accomplie par Dieu par le passé et invoque sa fidélité au jurement fait aux pères (cf. Ex Ex 32,30 et vv. Ex Ex 32,11-13). La figure du Serviteur du Seigneur, définie par le Livre d'Isaïe, se caractérise égale- ment par la fonction d'intercéder et d'expier en faveur de la multitude; au terme de ses souffrances, il «verra la lumière» et «justifiera les multitudes», s'accablant lui-même de leurs fautes (cf. Is Is 52,13-53 52,12, spéc. Is Is 53,11).

Le Psaume 51 peut être considéré, selon la vision de l'Ancien Testament, comme une synthèse du processus de réintégration: le pécheur confesse et reconnaît sa faute (Ps 51,6), demande avec insistance à être purifié ou «lavé» (Ps 51,4 Ps 51,9 Ps 51,12 Ps 51,16) pour pouvoir proclamer la louange divine (Ps 51,17).

4. Dans le nouveau Testament, le Christ est présenté comme l'intercesseur, qui assume les fonctions du prêtre suprême le jour de l'expiation (cf. He He 5,7 He 7,25). Mais en lui, le prêtre présente une configuration nouvelle et définitive. Il entre une seule fois dans le sanctuaire céleste dans le but d'intercéder aux côtés de Dieu en notre faveur (cf. He He 9, 23-26, spéc. He He 9,24). Il est le Prêtre et dans le même temps la «victime d'expiation» pour les péchés du monde entier (cf. 1Jn 2,2).

Jésus, comme le grand intercesseur qui expie pour nous, se révélera pleinement à la fin de notre vie, lorsqu'il s'exprimera à travers l'offre de miséricorde mais également à travers l'inévitable jugement pour celui qui refuse l'amour et le pardon du Père. L'offre de la miséricorde n'exclut pas le devoir de nous présenter purs et intègres aux côtés de Dieu, riches de cette charité que Paul appelle «lien de perfection» (Col 3,14).

5. Au cours de notre vie terrestre, en suivant l'exhortation évangélique à être parfaits comme le Père céleste (cf. Mt Mt 5,48), nous sommes appelés à croître dans l'amour pour nous trouver fermes et irréprochables devant Dieu le Père «lors de l'Avènement de notre Seigneur Jésus avec tous ses saints» (1Th 3,12 sq). D'autre part, nous sommes invités à «[nous purifier] de toute souillure de la chair et de l'esprit» (2Co 7,1 cf. 1Jn 3,3), car la rencontre avec Dieu exige une pureté absolue.

Toute trace d'attachement au mal doit être éliminée; toute difformité de l'âme corrigée. La purification doit être complète et cela est précisément ce qui fait l'objet de la doctrine de l'Eglise sur le purgatoire. Ce terme n'indique pas un lieu, mais une condition de vie. Ceux qui, après la mort, vivent dans un état de purification sont déjà dans l'amour du Christ, qui les relève des restes de l'imperfection (cf. Conc. oecum. de Florence, Decretum por Graecis: DS 304 Conc. oecum. de Trente, Decretum de iustificatione: DS 1580 Decretum de purgatorio: DS 1820).

Il convient de préciser que l'état de purification n'est pas un prolongement de la situation terrestre, comme si après la mort, il était donné une autre possibilité de changer son destin. L'enseignement de l'Eglise à ce propos est sans équivoque et a été répété par le Concile Vatican II, qui enseigne: «Ignorants du jour et de l'heure, il faut que, suivant l'avertissement du Seigneur, nous restions constamment vigilants pour mériter, quand s'achèvera le cours unique de notre vie terrestre (cf. He He 9,27), d'être admis avec lui aux noces et comptés parmi les bénis de Dieu, au lieu d'être, comme de mauvais et paresseux serviteurs écartés par l'ordre de Dieu vers le feu éternel vers ces ténèbres du dehors où "seront les pleurs et les grincements de dents" (Mt 22,13 et 25, 30)» (Lumen gentium LG 48).

6. Un dernier aspect important que la tradition de l'Eglise a toujours souligné, est reproposé aujourd'hui: il s'agit de celui de la dimension communautaire. En effet, ceux qui se trouvent dans une condition de purification sont liés aux bienheureux qui jouissent déjà pleinement de la vie éternelle ainsi qu'à nous, qui sommes en pèlerinage en ce monde vers la maison du Père (cf. C.E.C. CEC 1032).

Comme dans la vie terrestre, les croyants sont unis entre eux dans l'unique Corps mystique, ainsi après la mort, ceux qui vivent dans l'état de purification expérimentent la même solidarité ecclésiale qui oeuvre dans la prière, dans les suffrages et dans la charité des autres frères dans la foi. La purification est vécue dans le lien essentiel qui se crée entre ceux qui vivent la vie du siècle présent et ceux qui jouissent déjà de la béatitude éternelle.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 4 août 1999 se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de pèlerins.



Chers Frères et Soeurs,

Pour ceux qui, au moment de la mort, se trouvent en condition d'ouverture à Dieu, mais d'une manière imparfaite, le chemin vers la plénitude requiert une purification complète, que la foi de l'Eglise présente à travers l'enseignement sur le "purgatoire".

C'est Jésus-Christ qui nous conduit à la communion parfaite et définitive avec Dieu. Il est l'intercesseur qui assume en lui les fonctions de grand prêtre qui prie pour nous (cf. He He 7,25) et de "victime offerte" pour les péchés de tous (cf. 1Jn 2,2). A la fin de notre vie il nous offrira sa miséricorde, mais celle-ci n'exclue pas le devoir de croître dans l'amour, pour que nous soyons saints et irréprochables devant le Père (cf. 1Th 3,12-13). C'est pourquoi toute trace d'attachement au mal doit être éliminée, et toute difformité de l'âme doit être corrigée.

Le purgatoire, qui n'est pas un lieu, est donc une condition de vie où ceux qui sont dans un état de purification, participent déjà à l'amour du Christ qui les libère de leurs imperfections. Etant liés à ceux qui jouissent de la béatitude éternelle et à ceux qui vivent dans le siècle présent, ils expérimentent la solidarité ecclésiale qui opère dans la prière et dans la charité.

Je salue les pèlerins francophones présents à cette audience. Que Jésus vous garde dans son amour! J'accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 11 août 1999 La vie chrétienne comme chemin vers la pleine communion avec Dieu

11899
  Lecture: (Ep 2,1-6)


1. Après avoir médité sur le but eschatologique de notre existence, c'est-à- dire sur la vie éternelle, nous voulons à présent réfléchir sur le chemin qui conduit à celui-ci. C'est pourquoi nous développons la perspective présentée dans la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente: «Toute la vie chrétienne est comme un grand pèlerinage vers la maison du Père, dont on retrouve chaque jour l'amour inconditionnel pour toutes les créatures humaines, et en particulier pour le "fils perdu" (cf. Lc Lc 15,11-32). Ce pèlerinage concerne la vie intérieure de chaque personne, il implique la communauté croyante et enfin inclut l'humanité entière» (TMA 49). En réalité, ce que le chrétien vivra un jour en plénitude est déjà en quelque sorte anticipé aujourd'hui. La Pâque du Seigneur est en effet l'inauguration de la vie du monde qui viendra.

2. L'Ancien Testament prépare l'annonce de cette vérité à travers le thème complexe de l'Exode. Le chemin du peuple élu vers la terre promise (cf. Ex Ex 6,6) est comme une icône magnifique du chemin du chrétien vers la maison du Père. Certes, la différence est fondamentale: tandis que dans l'ancien Exode, la libération était orientée vers la possession de la terre, don provisoire comme toutes les réalités humaines, le nouvel «Exode» consiste dans l'itinéraire vers la maison du Père, dans une perspective à caractère définitif et d'éternité, qui transcende l'histoire humaine et cosmique. La terre promise de l'Ancien Testament fut en effet perdue avec la chute des deux royaumes et l'exil babylonien, à la suite duquel se développa l'idée d'un retour comme nouvel Exode. Toutefois, ce chemin ne se traduisit pas uniquement en un autre établissement de type géographique ou politique, mais s'ouvrit à une vision «eschatologique» qui préludait désormais à la pleine révélation dans le Christ. C'est dans cette direction que vont précisément les images à caractère universel, qui dans le Livre d'Isaïe décrivent le chemin des peuples et de l'histoire vers une nouvelle Jérusalem, centre du monde (cf. Is Is 56-66).

3. Le Nouveau Testament annonce l'accomplissement de cette grande attente, indiquant dans le Christ le Sauveur du monde: «Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l'adoption filiale» (Ga 4,4-5). A la lumière de cette annonce, la vie présente est déjà placée sous le signe du salut. Celle-ci se réalise dans l'événement de Jésus de Nazareth qui culmine dans la Pâque, mais qui aura sa pleine réalisation dans la «parousie», lors de la dernière venue du Christ.

Selon l'apôtre Paul, cet itinéraire de salut qui relie le passé au présent en le projetant dans l'avenir, est le fruit d'un dessein de Dieu, entièrement centré sur le mystère du Christ. Il s'agit du «mystère de sa volonté, selon ce que, dans sa bienveillance, il avait établi en lui pour le réaliser dans la plénitude des temps: c'est-à-dire le dessein de ramener dans le Christ toutes choses, les êtres célestes et les terrestres» (Ep 1,9-10 cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1042 sq).

Dans ce dessein divin, le présent est le temps du «déjà et du pas encore», temps du salut déjà réalisé et du chemin vers sa réalisation parfaite: «au terme de laquelle nous devons parvenir, tous ensemble, à ne faire plus qu'un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet homme parfait dans la force de l'âge, qui réalise la plénitude du Christ» (Ep 4,13).

4. La croissance vers une telle perfection dans le Christ et donc vers l'expérience du mystère trinitaire, implique que la Pâque se réalise et ne se célèbre pleinement que dans le royaume eschatologique de Dieu (cf. Lc Lc 22,16). Mais l'événement de l'incarnation, de la croix et de la résurrection constitue dé- jà la révélation définitive de Dieu. L'offre de rédemption que cet événement implique s'inscrit dans l'histoire de notre liberté humaine, appelée à répondre à l'appel du salut. La vie chrétienne est participation au mystère pascal, comme chemin de croix et résurrection. Chemin de croix, parce que notre existence est continuellement passée au crible purificateur qui conduit au dépassement du vieux monde marqué par le péché. Chemin de résurrection, parce que, en ressuscitant le Christ, le Père a vaincu le péché, de sorte que, dans le croyant, le «jugement de la croix» devient «justice de Dieu», c'est-à-dire triomphe de sa Vérité et de son Amour sur la perversité du monde.

5. La vie chrétienne est en définitive une croissance vers le mystère de la Pâque éternelle. Celle-ci exige donc de maintenir le regard fixé sur les fins, les réalités ultimes, mais en même temps de s'engager dans les réalités «avant-dernières»: entre celles-ci et le but eschatologique, il n'y a pas d'opposition, mais au contraire un rapport de fécondation mutuelle. Si le primat de l'Eternel doit toujours être affirmé, cela n'empêche pas que nous vivions les réalités historiques avec rectitude et à la lumière de Dieu (cf. CEC CEC 1048 sq).

Il s'agit de purifier toute expression de l'humain et toute activité terrestre, afin qu'en elles transparaisse toujours plus le Mystère de la Pâque du Seigneur. En effet, comme l'a rappelé le Concile, l'activité humaine, qui porte toujours avec elle le signe du péché, est purifiée et élevée à la perfection par le mystère pascal, «car ces valeurs de dignité, de communion fraternelle et de liberté, tous ces fruits excellents de notre nature et de notre industrie, que nous aurons propagés sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père un royaume éternel et universel» (Gaudium et spes GS 39).

Cette lumière d'éternité illumine la vie et toute l'histoire de l'homme sur terre.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 11 août 1999 se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Soeurs de l'Enfant Jésus, de Chaufailles.

Du Liban: Groupe de jeunes.

Du Canada: Groupe de pèlerins.



Chers Frères et Soeurs,

La vie du chrétien consistant dans le pèlerinage vers la maison du Père, le présent est le temps du “déjà et du pas encore”, temps de la croissance dans le Christ et du chemin vers l’accomplissement définitif de la Pâque éternelle.

A cet effet, le chrétien est appelé à participer au mystère pascal, comme chemin de croix et de résurrection. Chemin de croix, parce que notre existence est continuellement passée au crible purificateur qui porte au dépassement du vieux monde marqué par le péché. Chemin de résurrection, parce que, en ressuscitant le Christ, le Père a vaincu le péché, de sorte que, dans le croyant, le “jugement de la croix” devient triomphe de sa vérité et de son amour sur le mal.

La vie chrétienne exige donc de maintenir le regard sur les fins dernières, mais en même temps de s’engager dans les réalités “avant-dernières”. Il s’agit de purifier, et d’élever à leur perfection, toute expression de l’humain et toute activité terrestre, pour que la lumière de l’éternité illumine la vie et l’histoire de l’homme sur la terre.

Je salue les pèlerins francophones présents à cette audience, notamment les scouts du Liban et tous les jeunes. Que Jésus vous garde dans son amour et sa vérité, et qu’il fasse de vous des instruments de sa paix! J’accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 18 août 1999 La voie de la conversion, libération du mal

18899   Lecture: Ps 51,3-5 Ps 51,11 (50), 3-5.11

1. Parmi les thèmes proposés de façon particulière à la considération du peuple de Dieu en cette troisième année de préparation au grand Jubilé de l'An 2000, nous trouvons la conversion, qui inclut la libération du mal (cf. Tertio millennio adveniente TMA 50). Il s'agit d'un thème qui touche profondément notre expérience. Toute l'histoire personnelle et communautaire, en effet, se présente en grande partie comme une lutte contre le mal. L'invocation «Délivre-nous du mal» ou du «malin» contenue dans le Notre Père scande notre prière afin que nous nous éloignions du péché et que nous soyons libres de toute connivence avec le mal. Elle nous rappelle la lutte quotidienne, mais elle nous rappelle surtout le secret pour la vaincre: la force de Dieu qui s'est manifestée et qui nous est offerte en Jésus (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 2853).

2. Le mal moral provoque la souffrance, qui est présentée, en particulier dans l'Ancien Testament, comme une punition liée à des comportements en contraste avec la loi de Dieu. D'autre part, l'Ecriture Sainte souligne que, après le péché, on peut demander à Dieu sa miséricorde, c'est-à-dire le pardon de la faute et la fin des peines provoquées par celle-ci. Le retour sincère à Dieu et la libération du mal sont deux aspects d'un unique chemin. Ainsi, par exemple, Jérémie exhorte le peuple: «Revenez, fils rebelles, je veux guérir vos rébellions!» (Jr 3,22). Dans le Livre des Lamentations est soulignée la perspective du retour au Seigneur (cf. Lm Lm 5,21) et l'expérience de sa miséricorde: «Les faveurs de Yahvé ne sont pas finies, ni ses compassions épuisées; elles se renouvellent chaque matin, grande est sa fidélité» (Lm 3,22 cf. v. Lm Lm 3,32).

Toute l'histoire d'Israël est relue à la lumière de la dialectique «péché, punition, repentir - miséricorde» (cf. par ex. Jg 3, 7-10): tel est le noyau central de la tradition du Deutéronome. La défaite historique du royaume et de la ville de Jérusalem elle-même est interprétée comme une punition divine au manque de fidélité à l'Alliance.

3. Dans la Bible, la plainte adressée à Dieu lorsque l'on est tenaillé par la souffrance s'accompagne de la reconnaissance du péché commis et de la confiance en son intervention libératrice. La confession de la faute est l'un des éléments à travers lesquels ressort cette confiance. A ce propos, certains psaumes, qui expriment avec force la confession de la faute et la douleur du péché (cf. Ps Ps 38,19 Ps 41,5), sont très indicatifs. Une telle admission de culpabilité, décrite de façon efficace dans le Psaume 51, est incontournable pour commencer une nouvelle vie. La confession du péché fait ressortir et refléter la justice de Dieu: «Contre toi, toi seul, j'ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l'ai fait» (Ps 51,6). Dans les Psaumes revient continuellement l'invocation à l'aide et l'attente confiante de la libération d'Israël (cf. Ps Ps 88 Ps 130). Jésus lui-même pria sur la croix avec le Psaume 22 pour obtenir l'intervention bienveillante du Père lors de l'heure suprême.

4. S'adressant à travers ces expressions au Père, Jésus exprime l'attente de la libération du mal qui, selon la perspective biblique, a lieu à travers une personne qui accueille la souffrance avec sa valeur expiatoire: c'est le cas de la figure mystérieuse du Serviteur du Seigneur chez Isaïe (42, 1-9; 49, 1-6; 50, 4-9; 52, 13-53, 12). D'autres personnages assument également la même fonction, comme le prophète qui paie et expie les fautes d'Israël (cf. Ez Ez 4,4-5), le transpercé vers lequel se tourneront les regards (cf. Za Za 12,10-11 et Jn 19,37 cf. également Ap 1,7), les martyrs qui acceptent leurs souffrances en expiation des péchés de leur peuple (cf. 2M 7,37-38).

Jésus résume toutes ces figures et les réinterprète. Ce n'est qu'en Lui et à travers Lui que nous prenons conscience du mal et que nous invoquons le Père pour en être libérés.

Dans la prière du Notre Père, la référence au mal devient explicite; le terme ponerós (Mt 6,13) qui est en soi une forme adjective, peut indiquer ici une personnification du mal. Celui-ci est provoqué dans le monde par l'être spirituel, appelé par la Révélation biblique Diable ou Satan, qui s'est dressé délibérément contre Dieu (cf. CEC CEC 2851 sq). La «malignité» humaine constituée par ce qui est démoniaque ou suscitée par son influence, se présente également de nos jours sous une forme attrayante, qui séduit les esprits et les coeurs, au point de faire perdre le sens même du mal et du péché. Il s'agit de ce «mystère d'iniquité» dont parle saint Paul (cf. 2Th 2,7). Celui-ci est certainement lié à la liberté de l'homme, «mais dans la densité même de cette expérience humaine, interviennent des facteurs qui le situent au-delà de l'humain, dans cette zone limite où la conscience, la volonté et la sensibilité de l'homme sont au contact des forces obscures qui, selon saint Paul, agissent dans le monde au point de parvenir presque à s'en rendre maîtres» (Reconciliatio et paenitentia RP 14).

Malheureusement, les êtres humains peuvent devenir coupables de malveillance, c'est-à-dire «génération mauvaise et adultère» (Mt 12,39).

5. Nous croyons que Jésus a vaincu définitivement Satan et nous a ainsi soustraits à la peur à son égard. A chaque génération, l'Eglise représente, comme l'Apôtre Pierre dans le discours à Corneille, l'image libératrice de Jésus de Nazareth, «qui a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable; car Dieu était avec lui» (Ac 10,38).

Si en Jésus a eu lieu la défaite du malin, sa victoire doit toutefois être librement acceptée par chacun de nous, jusqu'à ce que le mal soit définitivement éliminé. La lutte contre le mal exige donc un engagement et une vigilance permanente. La libération définitive n'est entrevue que dans une perspective eschatologique (cf. Ap Ap 21,4). Au-delà de nos efforts et de nos échecs mêmes, demeure cette parole réconfortante du Christ: «Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage! J'ai vaincu le monde» (Jn 16,33).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 18 août 1999 se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage de la cathédrale de Strasbourg; groupe de l'Ile de la Réunion; pèlerinage des Antilles, Guyane.

De Grèce: Groupe de pèlerins de Tynos.

Du Liban: Collège des Pères Antonins, de Baabda.



Chers Frères et Soeurs,

Nous sommes appelés à nous convertir, c'est-à-dire à revenir sincèrement à Dieu et à nous libérer du mal: ce sont là deux aspects d'un unique chemin. Le mal moral provoquant la souffrance, toute notre histoire personnelle et communautaire se présente d'ailleurs en grande partie comme une lutte contre celui-ci.

Dans la Bible, la plainte adressée à Dieu, quand on est tenaillé par la douleur, s'accompagne de la reconnaissance du péché commis. Mais c'est seulement en Jésus que nous prenons conscience du mal, car celui-ci est suscité par Satan, qui séduit les esprits et les coeurs, de manière à faire perdre le sens du péché. Confessant notre faute, nous pouvons dès lors invoquer le Père miséricordieux, dans la confiance en son intervention libératrice. Nous croyons que Jésus a vaincu définitivement Satan et qu'il nous a soustraits à la peur qu'il causait, toutefois cette victoire doit être librement acceptée par chacun de nous.

Dans notre lutte contre le mal, qui requiert un engagement constant, pensons à cette parole du Christ: "Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage! J'ai vaincu le monde" (Jn 16,33).
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Je salue les pèlerins présents à cette audience, notamment ceux qui sont venus du Liban et de Tynos en Grèce. Que la Vierge Marie vous garde sous sa protection! J'accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 25 août 1999 BCombattre le péché personnel et les «structures du péché»

25899   Lecture: Mt 4,1-4

1. En continuant à réfléchir sur le chemin de conversion, soutenus par la certitude de l'amour du Père, nous voulons aujourd'hui porter notre attention sur le sens du péché tant personnel que social.

Considérons tout d'abord l'attitude de Jésus venu précisément libérer les hommes du péché et de l'influence de Satan.

Le Nouveau Testament souligne avec force l'autorité de Jésus sur les démons, qu'il chasse «avec le doigt de Dieu» (Lc 11,20). Dans la perspective évangélique, la libération des possédés (cf. Mc Mc 5,1-20) prend une signification plus profonde que la simple guérison physique, dans la mesure où le mal physique est mis en relation avec un mal intérieur. La maladie dont Jésus libère est tout d'abord celle du péché. Jésus lui-même l'explique à l'occasion de la guérison du paralytique: «Eh bien! pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre, je te l'ordonne, dit- il au paralytique, lève-toi, prends ton grabat et va-t'en chez toi» (Mc 2,10-11). Avant encore de le faire dans les guérisons, Jésus a vaincu le péché en surmontant lui-même les «tentations» auxquelles le diable le soumettait lors de la période qu'il passa dans le désert après le baptême reçu de Jean (cf. Mc Mc 1,12-13 Mt 4,1-11 Lc 4,1-13). Pour combattre le péché qui se cache en nous et autour de nous, nous devons suivre les traces de Jésus et apprendre le goût du «oui» qu'il a sans cesse prononcé, répondant au projet d'amour du Père. Ce «oui» demande tout notre engagement, mais nous ne pourrions pas le prononcer sans l'aide de la grâce, que Jésus lui-même nous a obtenue à travers son oeuvre rédemptrice.

2. En regardant à présent le monde contemporain, nous devons constater que la conscience du péché s'y est considérablement affaiblie. En raison d'une indifférence religieuse diffuse, ou du refus de ce que la droite raison et la Révélation nous disent de Dieu, le sens de l'alliance de Dieu et de ses commandements vient à manquer chez de nombreux hommes et femmes. Ensuite, la responsabilité humaine est très souvent obscurcie par la prétention d'une liberté absolue, qui se considère menacée et conditionnée par Dieu, législateur suprême.

Le drame de la situation contemporaine, qui semble abandonner certaines valeurs morales fondamentales, dépend en grande partie du sens du péché. A ce propos, nous nous apercevons à quel point le chemin de la «nouvelle évangélisation» devra être long. Il faut restituer à la conscience le sens de Dieu, de sa miséricorde, de la gratuité de ses dons, afin qu'elle puisse reconnaître la gravité du péché, qui dresse l'homme contre son Créateur. La valeur de la liberté personnelle doit être reconnue et défendue comme un don précieux de Dieu, s'opposant ainsi à la tendance à la faire disparaître dans la chaîne des conditionnements sociaux ou à la détacher de son incontournable référence au Créateur.

3. Il est également vrai que le péché personnel possède toujours une valeur sociale. Alors qu'il offense Dieu et porte préjudice à lui-même, le pécheur se rend également responsable du mauvais témoignage et des influences négatives liées à son comportement. Même lorsque le péché est intérieur, il produit cependant une aggravation de la condition humaine et constitue une diminution de cette contribution que chaque homme est appelé à apporter au progrès spirituel de la communauté humaine.

En plus de tout cela, les péchés des personnes consolident les formes de péché social qui sont précisément le fruit de l'accumulation de nombreuses fautes personnelles. Les véritables responsabilités demeurent évidemment celles des personnes, car la structure sociale en tant que telle n'est pas le sujet d'actes moraux. Comme le rappelle l'Exhortation apostolique post-synodale Reconciliatio et paenitentiae, «[l'Eglise] quand elle parle de situations de péché ou quand elle dénonce comme péchés sociaux certaines situations ou certains comportements collectifs de groupes sociaux plus ou moins étendus, ou même l'attitude de nations entières et de blocs de nations, sait et proclame que ces cas de péché social sont le fruit, l'accumulation et la concentration de nombreux péchés personnels [...] Les vraies responsabilités sont donc celles des personnes» (RP 16).

Il est toutefois indéniable que, comme j'ai plusieurs fois eu l'occasion de l'affirmer, l'interdépendance des systèmes sociaux, économiques et politiques, crée dans le monde d'aujourd'hui de multiples structures de péché (cf. Sollicitudo rei socialis, n. 36; Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1869). Il existe une terrible force d'attraction du mal qui font juger «normales» et «inévitables» beaucoup d'attitudes. Le mal grandit et influence avec des effets dévastateurs les consciences, qui restent désorientées et ne sont même pas en mesure d'opérer un discernement. Si l'on pense ensuite aux structures du péché qui freinent le développement des peuples les plus désavantagés du point de vue économique et politique (cf. Sollicitudo rei socialis, n. 37), on aurait presque envie de baisser les bras face à un mal moral qui semble inéluctable. Beaucoup de personnes ressentent un sentiment d'impuissance et d'égarement face à une situation écrasante, qui paraît sans issue. Mais l'annonce de la victoire du Christ sur le mal nous donne la certitude que même les structures du mal les plus enracinées peuvent être vaincues et remplacées par des «structures de bien» (cf. ibid ., SRS SRS 39).

4. La «nouvelle évangélisation» affronte ce défi. Elle doit s'engager afin que tous les hommes retrouvent la conscience que dans le Christ, il est possible de vaincre le mal par le bien. Il faut former les consciences au sens de la responsabilité personnelle, intimement liée aux impératifs moraux et à la conscience du péché. Le chemin de conversion implique l'exclusion de toute connivence avec ces structures de péché qui conditionnent aujourd'hui de manière particulière les personnes dans les divers contextes de vie.

Le Jubilé peut constituer une occasion providentielle pour que les individus et les communautés marchent dans cette direction, en promouvant une authentique «métanoia», c'est-à-dire un changement de mentalité, qui contribuera à la création de structures plus justes et plus humaines, au bénéfice du bien commun.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 25 août 1999, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerins du diocèse d'Autun; étudiants du diocèse de Marseille; aumônerie des lycées de Reims; groupe de pèlerins de Nevers; de l'Isle-Dabau; d'Arbois; de Lee.

Du Sénégal: Pèlerinage conduit par S.Exc. Mgr Adrien Théodore Sarr.

Du Cameroun: Groupe de pèlerins.


Chers Frères et Soeurs,

Notre réflexion sur la conversion nous invite à porter notre attention sur le sens du péché personnel et social. Dans l’Evangile, Jésus n’opère pas de simples guérisons physiques; il libère du péché, qu’il a vaincu en luttant contre les tentations. Pour combattre le péché, il nous faut apprendre, comme le Christ, à dire “oui” au projet d’amour du Père, avec l’aide de la grâce, que le Seigneur nous a obtenue par la Rédemption.

Dans le monde actuel, le sens du péché, de l’alliance et des commandements divins s’est affaibli, au profit d’une prétendue liberté absolue. Le péché a aussi un aspect social, même si la responsabilité demeure personnelle. Le pécheur donne le mauvais exemple; il a des influences néfastes et n’apporte pas sa contribution au progrès spirituel de la communauté humaine. Mais il reste évident que les systèmes sociaux, économiques et politiques créent de multiples structures de péché.

La nouvelle évangélisation consiste d’abord à faire redécouvrir aux hommes le sens de Dieu, de sa miséricorde et de la gratuité de ses dons. Nos contemporains prendront ainsi conscience que le Christ est vainqueur du mal par le bien et que la véritable liberté se réalise dans la relation avec Dieu. Ils s’engageront sur la voie d’une conversion authentique et d’un changement de mentalité, qui contribueront à la création de structures plus justes et plus humaines, en vue du bien commun.

Je salue cordialement les pèlerins francophones, notamment ceux du diocèse d'Autun, avec leur Evêque, Monseigneur Raymond Séguy, et les jeunes de Reims et de Marseille. J'accueille avec joie les pèlerins du Sénégal, avec Monseigneur Adrien-Théodore Sarr, Evêque de Kaolack, ainsi que les Camerounais. Que votre pèlerinage à Rome vous rende forts dans la foi ! De grand coeur, je vous bénis tous.





Catéchèses S. J-Paul II 40899