Catéchèses S. J-Paul II 10999

Mercredi 1er septembre 1999 L'Eglise demande pardon pour les fautes de ses fils

10999
  Lecture: (Ga 6,1-5)


1. «Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères [...] Oui, nous avons péché et commis l'iniquité en te désertant, oui nous avons grandement péché; tes commandements, nous ne les avons pas écoutés...» (Da 3,26-29). C'est ainsi que priaient les juifs après l'exil (cf. aussi Ba 2,11-13), en se chargeant des fautes commises par leurs pères. L'Eglise imite leur exemple et demande pardon également pour les fautes historiques de ses fils.

En effet, au cours de notre siècle, l'événement du Concile Vatican II a suscité une impulsion significative pour le renouveau de l'Eglise, afin que comme communauté des rachetés elle devienne toujours plus la transparence vivante du message de Jésus au sein du monde. Fidèle à l'enseignement du dernier Concile, l'Eglise est toujours plus consciente que seule une purification permanente de ses membres et de ses institutions peut offrir au monde un témoignage cohérent du Seigneur. C'est pourquoi, «à la fois sainte et appelée à se purifier, elle poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement» (Lumen gentium LG 8).

2. La reconnaissance des implications communautaires du péché pousse l'Eglise à demander pardon pour les fautes «historiques» de ses fils. C'est ce à quoi encourage la précieuse opportunité du grand Jubilé de l'An 2000 qui, dans la ligne du Concile Vatican II, entend entamer une nouvelle page de son histoire, en franchissant les obstacles qui divisent encore entre eux les êtres humains et les chrétiens en particulier.

C'est pourquoi, dans la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente j'ai demandé qu'à la fin de ce second millénaire, «l'Eglise prenne en charge, avec une conscience plus vive, le péché de ses fils, dans le souvenir de toutes les circonstances dans lesquelles, au cours de son histoire, ils se sont éloignés de l'Esprit du Christ et de son Evangile, présentant au monde, non point le témoignage d'une vie inspirée par les valeurs de la foi, mais le spectacle de façons de penser et d'agir qui étaient de véritables formes de contre-témoignage et de scandale» (TMA 33).

3. La reconnaissance des péchés historiques suppose une prise de position à l'égard des événements, de la façon dont ils ont réellement eu lieu et que seules des reconstructions historiques sereines et complètes peuvent faire apparaître. D'autre part, le jugement sur des événements historiques ne peut faire à moins d'une considération réaliste des conditionnements constitués par chaque contexte culturel, avant d'attribuer aux individus des responsabilités morales spécifiques.

L'Eglise ne craint certes pas la vérité qui naît de l'histoire et elle est prête à reconnaître les erreurs, là où elles sont prouvées, surtout lorsqu'il s'agit du respect dû aux personnes et aux communautés.

Elle tend à se méfier des sentences généralisées d'absolution ou de condamnation à l'égard des diverses époques historiques. Elle confie l'enquête sur le passé à la patiente et honnête reconstruction scientifique, exempte de préjugés de type confessionnel ou idéologique, tant en ce qui concerne les fautes qui lui sont attribuées, que les torts qu'elle a subis.

Lorsqu'elles sont établies par une série d'enquêtes historiques, l'Eglise sent le devoir de reconnaître les fautes de ses membres et d'en demander pardon à Dieu et aux frères. Cette demande de pardon ne doit pas être perçue comme l'ostentation d'une feinte humilité, ni comme un reniement de son histoire bimillénaire certainement riche de mérites dans les domaines de la charité, de la culture et de la sainteté. Elle répond en revanche à une incontournable exigence de vérité, qui aux côtés des aspects positifs, reconnaît les limites et les faiblesses des diverses générations de disciples du Christ.

4. L'approche du Jubilé attire l'attention sur certains types de péchés présents et passés pour lesquels il faut particulièrement invoquer la miséricorde du Père.

Je pense tout d'abord à la douloureuse réalité de la division entre les chrétiens. Les déchirures du passé, dont les fautes reviennent certainement aux deux parties, demeurent un scandale face au monde. Un second acte de repentir concerne le consentement à des méthodes d'intolérance et même de violence dans le service de la vérité (TMA 35). Même si de nombreuses personnes le firent de bonne foi, il ne fut certainement pas évangélique de penser que la vérité devait être imposée par la force. De nombreux chrétiens ont ensuite manqué de discernement à l'égard de situations de violation des droits humains fondamentaux. La demande de pardon vaut pour ce qui a été omis ou a été passé sous silence par faiblesse ou une évaluation erronée, pour ce qui a été fait ou dit de façon imprécise ou peu appropriée.

Sur ces points, ainsi que d'autres, «la considération des circonstances atténuantes ne dispense pas l'Eglise du devoir de regretter profondément les faiblesses de tant de ses fils qui ont défiguré son visage et l'ont empêchée de refléter pleinement l'image de son Seigneur crucifié, témoin insurpassable d'amour patient et d'humble douceur» (Ibid.).

L'attitude pénitentielle de l'Eglise de notre temps, au seuil du troisième millénaire, ne veut donc pas être un révisionnisme historiographique de façade qui serait par ailleurs aussi suspect qu'inutile. Elle porte plutôt le regard vers le passé et la reconnaissance des fautes, afin que cela serve de leçon pour un avenir de témoignage plus pur.

                                 * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 1er septembre 1999, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerins du diocèse de Besançon, groupe de pèlerins de Nantes.

De Luxembourg: Groupe de pèlerins de Contern.

  Chers Frères et Soeurs,

Dans la ligne du Concile Vatican II, la célébration du grand Jubilé est pour l'Eglise une occasion privilégiée de demander pardon pour les fautes "historiques" de ses fils.

Quand ces fautes ont été établies, en tenant compte du contexte de l'époque, l'Eglise ne craint pas la vérité et elle ressent le devoir de reconnaître le péché de ses membres et d'en demander pardon à Dieu et aux frères. Cette attitude de transparence n'est pas un reniement de ses mérites dans le domaine de la charité, de la culture et de la sainteté, mais une réponse à l'exigence de vérité à laquelle elle ne peut renoncer.

L'approche du Jubilé attire l'attention sur certains péchés présents et passés pour lesquels il faut particulièrement invoquer la miséricorde du Père. Je pense surtout à la douloureuse réalité de la division entre les chrétiens, à l'utilisation de méthodes d'intolérance et même de violence, ou encore au manque de discernement de certains chrétiens face à des situations de violation des droits humains fondamentaux.

L'attitude pénitentielle de l'Eglise de notre temps est un regard porté sur le passé afin que la reconnaissance de ses fautes lui permette, dans l'avenir, de donner un témoignage plus pur.

Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin. Je souhaite que leur séjour à Rome les aide à rendre toujours plus vivante leur foi au Christ. A tous je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 8 septembre 1999 «Je crois en la rémission des péchés»

8999   Lecture: (Lc 15,1-7)

1. Continuant à approfondir le sens de la conversion, nous chercherons aujourd'hui à comprendre la signification de la rémission des péchés qui nous est offerte par Dieu à travers la médiation sacramentelle de l'Eglise.

Et nous voulons tout d'abord prendre conscience du message biblique sur le pardon de Dieu: un message amplement développé dans l'Ancien Testament et qui atteint sa plénitude dans le Nouveau. L'Eglise a inséré ce contenu de sa foi dans le Credo, où elle professe précisément la rémission des péchés: Credo in remissionem peccatorum.

2. L'Ancien Testament nous parle, de diverses manières, du pardon des péchés. Nous trouvons à ce propos une terminologie variée: le péché est «pardonné», «effacé» (Ex 32,32), «expié» (Is 6,7), «jeté derrière soi» (Is 38,17). Le Psaume 103 dit par exemple: «Lui qui pardonne toutes tes offenses, qui te guérit de toute maladie» (Ps 103,3); «Il ne nous traite pas selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses... Comme est la tendresse d'un père pour ses fils, tendre est Yahvé pour qui le craint» (Ps 103,10 Ps 103,13).

Cette disponibilité de Dieu au pardon n'atténue pas la responsabilité de l'homme et la nécessité de son engagement sur la voie de la conversion. Mais comme le souligne le prophète Ezéchiel, si celui qui est mauvais renonce à sa conduite perverse, son péché ne sera plus rappelé, il vivra (cf. Ez Ez 18,19-22).

3. Dans le Nouveau Testament, le pardon de Dieu se manifeste à travers les paroles et les gestes de Jésus. En remettant les péchés, Jésus révèle le visage de Dieu, Père miséricordieux. Prenant position contre certaines tendances religieuses caractérisées par une sévérité hypocrite à l'égard des pécheurs, il illustre à diverses occasions combien la miséricorde du Père envers tous ses fils est grande et profonde (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1443).

La parabole sublime que l'on a l'habitude d'appeler «du fils prodigue», mais qui devrait être appelés «du père miséricordieux» (Lc 15,11-32), peut être considérée comme le sommet de cette révélation. L'attitude de Dieu y est présentée en termes vraiment bouleversants par rapport aux critères et aux attentes de l'homme. Le comportement du Père dans la parabole peut être compris dans toute son originalité si l'on garde à l'esprit que, dans le con- texte social de l'époque de Jésus, il était normal que les fils travaillent dans la maison paternelle, comme les deux fils du patron de la vigne, dont Il nous parle dans une autre parabole (cf. Mt Mt 21,28-31). Cette situation durait jusqu'à la mort du père, et ce n'est qu'alors que les fils se partageaient les biens qui leur revenaient en héritage. Dans notre cas, en revanche, le père consent à la requête du fils cadet, qui lui demande sa part d'héritage, et divise ses biens entre lui et son fils aîné (cf. Lc Lc 15,12).

4. La décision du fils cadet de s'émanciper, en dilapidant les biens reçus de son père et en vivant de façon dissolue (cf. ibid ., Lc Lc 15,13), est un abandon impudent de la communion familiale. L'éloignement de la maison paternelle exprime bien le sens du péché, avec son caractère de rébellion ingrate et ses conséquences également humainement pénibles. Face au choix de ce fils, le bon sens humain exprimé d'une certaine façon dans la protestation du frère aîné, aurait conseillé la sévérité et une punition adéquate, avant une complète réintégration dans la famille.

Mais tout au contraire, le Père l'ayant vu revenir de loin, court à sa rencontre plein d'émotion (ou mieux, «s'agitant dans ses viscères», comme le dit littéralement le texte grec: Lc 15,20), le serre dans ses bras dans un geste d'amour et désire que tous fêtent son retour.

La miséricorde paternelle apparaît encore davantage lorsque ce père, admonestant tendrement le frère aîné qui revendique ses propres droits (cf. Ibid ., Lc Lc 15,29 s), l'invite au banquet de réjouissance commun. La pure légalité est dépassée par l'amour paternel généreux et gratuit, qui va au-delà de la justice humaine et invite les deux frères à s'asseoir encore une fois à la table du père.

Le pardon ne consiste pas seulement à recevoir à nouveau sous le toit paternel le fils qui s'en est éloigné, mais également à l'accueillir dans la joie d'une communion recomposée, en le rappelant de la mort à la vie. C'est pourquoi «il fallait bien festoyer et se réjouir» (Ibid ., Lc Lc 15,32).

Le Père miséricordieux qui embrasse le fils perdu est l'icône définitive de Dieu révélé par le Christ. Il est tout d'abord et surtout un Père. Il est le Dieu Père qui étend ses bras bénissants et miséricordieux, attendant toujours, ne forçant jamais aucun de ses fils. Ses mains soutiennent, serrent, donnent de la vigueur et dans le même temps réconfortent, consolent, caressent. Ce sont des mains de père et de mère dans le même temps.

Le père miséricordieux de la parabole contient en lui, en les transcendant, tous les traits de la paternité et de la maternité. En se jetant au cou de son fils, il montre l'aspect d'une mère qui caresse son fils et l'entoure de sa chaleur. On comprend, à la lumière de cette révélation du visage et du coeur de Dieu le Père, la Parole de Jésus, qui déconcerte la logique humaine: «Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt dix neuf justes, qui n'ont pas besoin de repentir (Ibid ., Lc Lc 15,7). Et également: «Il naît de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent» (Ibid , Lc Lc 15,10).

5. Le mystère du «retour à la maison» exprime admirablement la rencontre entre le Père et l'humanité, entre la miséricorde et la misère, dans un cercle d'amour qui ne concerne pas seulement le fils perdu, mais qui s'étend à tous.

L'invitation au banquet, que le père adresse au fils aîné, implique l'exhortation du Père céleste à tous les membres de la famille humaine afin qu'eux aussi soient miséricordieux.

L'expérience de la paternité de Dieu implique l'acceptation de la «fraternité», précisément parce que Dieu est le Père de tous, également du frère qui se trompe.

En racontant la parabole, Jésus ne parle pas seulement du Père, mais il laisse également entrevoir ses propres sentiments. Face aux pharisiens et aux scribes qui l'accusent de recevoir les pécheurs et les publicains et de manger avec eux (cf. Ibid ., Lc Lc 15,2), il montre qu'il préfère les pécheurs et les publicains qui s'approchent de lui avec confiance (cf. Ibid ., Lc Lc 15,1) et révèle ainsi qu'il est envoyé pour manifester la miséricorde du Père. C'est la miséricorde qui resplendit en particulier sur le Golgotha, lors du sacrifice offert par le Christ en rémission des péchés (cf. Mt Mt 26,28).

                                  * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 8 septembre 1999, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerins du diocèse d'Autun; pèlerins de Metz et de Paris.

De Belgique: Groupe de pèlerins.



Chers Frères et Soeurs,

Continuant à approfondir le sens de la conversion, nous devons chercher à comprendre la signification de la rémission des péchés, que nous professons dans le Credo. Comme nous le montre l’Ancien Testament, la remise des péchés par Dieu ne diminue pas la responsabilité de l’homme et son nécessaire engagement sur la voie de la conversion. Dans le Nouveau Testament, le pardon et l’infinie miséricorde divines se manifestent à travers les actions de Jésus.

On peut considérer la parabole du Fils prodigue comme le sommet de la révélation de l’amour de Dieu (cf. Lc Lc 15,11-32). La décision du fils prodigue de s’émanciper de son père est un refus de demeurer dans la communion familiale. Cela exprime bien le sens du péché, avec son caractère de rébellion. Le bon sens aurait voulu que l’on donne raison au fils aîné et que son frère soit sévèrement puni. A l’inverse, lors de son retour, le père court à sa rencontre et lui exprime tout son amour, dépassant ainsi la simple légalité et la pure justice, pour faire asseoir son fils à la table paternelle. Le pardon ne consiste pas seulement en un retour, mais aussi en un accueil dans la joie de la communion retrouvée, un passage de la mort à la vie. Le père qui embrasse son fils est l’icône de Dieu révélé par le Christ, qui manifeste par-dessus tout la rémission des péchés au Calvaire.

Le mystère du retour dans la maison du Père exprime de manière admirable la rencontre entre Dieu et l’humanité, entre sa miséricorde et notre misère. Et, comme le fils aîné, nous sommes appelés à être miséricordieux à l’égard de nos frères.

Je salue cordialement les pèlerins francophones. Que leur séjour à Rome affermisse leur foi! Avec la Bénédiction apostolique.



Mercredi 15 septembre 1999 Le Sacrement de pénitence

15999   Lecture: Jn 20,19-23

1. Le chemin vers le Père, soumis à la réflexion particulière de cette année de préparation au grand Jubilé, implique également la redécouverte du Sacrement de pénitence dans sa signification profonde de rencontre avec Lui, qui pardonne à travers le Christ dans l'Esprit (cf. Tertio millennio adveniente TMA 50).

Il existe divers motifs pour lesquels il est urgent d'effectuer une sérieuse réflexion sur ce sacrement. C'est tout d'abord l'annonce de l'amour du Père qui le demande, comme fondement de la vie et de l'action chrétienne, dans le contexte de la société actuelle où la vision éthique de l'existence humaine est souvent cachée. Si de nombreuses personnes ont perdu la dimension du bien et du mal, c'est parce qu'elles ont égaré le sens de Dieu, en interprétant la faute seulement selon des perspectives psychologiques ou sociologiques. En second lieu, la pastorale doit donner une nouvelle impulsion à un itinéraire de croissance dans la foi qui souligne la valeur de l'esprit et de la pratique de la pénitence au cours de toute la vie chrétienne.

2. Le message biblique présente cette dimension de «pénitence» comme un engagement permanent à la conversion. Faire oeuvre de pénitence suppose une transformation de la conscience, qui est fruit de la grâce divine. Dans le Nouveau Testament, en particulier, la conversion est demandée comme choix fondamental à ceux à qui l'on adresse la prédication du Royaume de Dieu: «Repentez-vous et croyez à l'Evangile» (Mc 1,15 cf. Mt Mt 4,17). C'est avec ces paroles que Jésus commence son ministère, annonce l'accomplissement des temps et l'imminence du royaume. Le «repentez-vous» (en grec: metanoéite) est un appel à changer sa façon de penser et de se comporter.

3. Cette invitation à la conversion constitue la conclusion vitale de l'annonce faite par les Apôtres après la Pentecôte. Dans celle-ci, l'objet de l'annonce est pleinement expliqué: ce n'est plus génériquement le «royaume», mais bien l'oeuvre même de Jésus, insérée dans le plan divin prédit par les prophètes. A l'annonce de ce qui a eu lieu en Jésus-Christ mort, ressuscité et vivant dans la gloire du Père, suit l'invitation pressante à la «conversion», à laquelle est également lié le pardon des péchés. Tout cela ressort clairement du discours que Pierre prononce dans le portique de Salomon: «Dieu, Lui, a ainsi accompli ce qu'il avait annoncé d'avance par la bouche de tous les prophètes, que son Christ souffrirait. Repentez-vous donc et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés» (Ac 3,18-19).

Dans l'Ancien Testament, ce pardon des péchés est promis par Dieu dans le contexte de la Nouvelle Alliance, qu'Il établira avec son peuple (cf. Jr Jr 31,31-34). Dieu écrira la loi dans le coeur. Dans cette perspective, la conversion est une nécessité pour l'alliance définitive avec Dieu et, en même temps, une attitude permanente de celui qui, accueillant les paroles de l'annonce évangélique, commence à faire partie du Royaume de Dieu dans son dynamisme historique et eschatologique.

4. Le sacrement de la Réconciliation véhicule et rend visible de façon mystérique ces valeurs fondamentales annoncées par la Parole de Dieu. Il réintroduit l'homme dans le contexte salvifique de l'alliance et l'ouvre à nouveau à la vie trinitaire, qui est un dialogue de grâce, une circulation d'amour, un don et un accueil de l'Esprit Saint.

Une relecture attentive de l'Ordo Paenitentiae aidera beaucoup de personnes à approfondir, à l'occasion du Jubilé, les dimensions essentielles de ce sacrement. La maturité de la vie ecclésiale dépend en grande partie de sa redécouverte. En effet, le sacrement de la Réconciliation ne finit pas au moment liturgique et célébratif, mais conduit à vivre l'attitude de la pénitence en tant que dimension permanente de l'expérience chrétienne. C'est «s'approcher de la sainteté de Dieu, c'est retrouver sa propre vérité intérieure, troublée et même bouleversée par le péché, c'est se libérer au plus profond de soi-même, et par la suite recouvrer la joie perdue, la joie d'être sauvé, que la majorité de nos contemporains ne sait plus apprécier» (Reconciliatio et paenitentia RP 31, III).

5. En raison des contenus doctrinaux de ce sacrement, je renvoie à l'Exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentia (cf. nn. 28-34) et au Catéchisme de l'Eglise catholique (cf. nn. 1420-1484), ainsi qu'aux autres interventions du Magistère de l'Eglise. Je désire rappeler ici l'importance du soin pastoral nécessaire pour valoriser ce sacrement au sein du Peuple de Dieu, pour que l'annonce de la réconciliation, le chemin de conversion et la célébration même du sacrement puissent davantage toucher le coeur des hommes et des femmes de notre époque.

En particulier, je désire rappeler aux pasteurs que l'on ne peut être un bon confesseur que si l'on est un pénitent authentique. Les prêtres savent qu'ils sont les dépositaires d'un pouvoir qui vient d'en haut: en effet, le pardon qu'ils transmettent «est le signe efficace de l'intervention du Père» (RP 31, III) qui fait ressusciter de la mort spirituelle. C'est pourquoi, en vivant avec humilité et simplicité évangélique une dimension aussi essentielle de leur ministère, les confesseurs ne doivent pas négliger leur propre perfectionnement et leur formation permanente, afin que ne viennent jamais à manquer les qualités humaines qui sont si nécessaires à la relation avec les consciences.

Mais c'est toute la communauté chrétienne qui doit participer avec les pasteurs au renouveau pastoral de la Réconciliation. C'est l'«ecclésialité» propre au sacrement qui l'impose. La communauté ecclésiale est le foyer qui accueille le pécheur repenti et pardonné et, plus encore, qui crée le milieu adapté à un chemin de retour au Père. Dans une communauté réconciliée et réconciliante les pécheurs peuvent retrouver la route qu'ils ont perdue et l'aide de leurs frères. Enfin, à travers la communauté chrétienne on peut redessiner un solide chemin de charité, qui rendra visible à travers des oeuvres de bien le pardon retrouvé, le mal réparé, l'espérance de pouvoir retrouver les bras miséricordieux du Père.

                                  * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 15 septembre 1999, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerins des paroisses de Strasbourg, Colmar et Mulhouse; Mouvement chrétien des retraites, de Saint-Claude; pèlerins de Nantes, de Chaufailles, de Nice; bénévoles accompagnateurs de pèlerins pour le Jubilé.



Chers Frères et Soeurs,

Cette dernière année de préparation au grand Jubilé doit être l’occasion de redécouvrir le sacrement de pénitence comme chemin de rencontre avec Dieu le Père qui pardonne par le Christ et dans l’Esprit. En prêchant le Royaume de Dieu, le Christ appelle à la conversion, au changement dans la façon de penser et de se comporter. Le message biblique présente le pardon des péchés comme une invitation à la conversion. Faire des oeuvres de pénitence suppose une transformation de la conscience, fruit de la grâce divine.

Le sacrement de la réconciliation réintroduit l’homme dans le cadre du salut annoncé par la nouvelle alliance, l’ouvrant à la vie trinitaire, qui est un dialogue de grâce, ainsi qu’un accueil et un don de l’Esprit Saint. Ce sacrement conduit à vivre l’attitude pénitentielle comme une dimension permanente de la vie chrétienne, un engagement sur la voie de la sainteté.

Il importe donc que les prêtres et la communauté chrétienne tout entière revalorisent ce sacrement, pour que l’annonce de la réconciliation, le chemin de la conversion et la célébration même puissent toucher le coeur des hommes d’aujourd’hui.

J’accueille avec plaisir les pèlerins francophones, en particulier le groupe de bénévoles en session de préparation pour l’accueil des pèlerins francophones du Jubilé. J’accorde à tous la Bénédiction apostolique.

  

Mercredi 22 septembre 1999 Réconciliation avec Dieu et nos frères

22999   Lecture: (2Co 5,18-20)

1. En poursuivant la réflexion sur le Sacrement de la Pénitence, nous voulons aujourd'hui approfondir une dimension qui le caractérise intrinsèquement: la réconciliation. Cet aspect du Sacrement se présente comme un antidote et un remède par rapport au caractère déchirant qui est propre au péché. En effet, en péchant, non seulement l'homme s'éloigne de Dieu, mais il dépose des germes de division en lui-même et dans ses relations avec ses frères. Le mouvement de retour à Dieu implique donc une réintégration de l'unité compromise par le péché.

2. La réconciliation est un don du Père: Lui seul peut l'accomplir. C'est pourquoi elle représente tout d'abord un appel qui vient d'en haut: «Au nom du Christ laissez-vous réconcilier avec Dieu» (2Co 5,20). Comme Jésus nous l'explique dans la parabole du Père miséricordieux (cf. Lc Lc 15,11-32), pardonner et se réconcilier est une fête pour Lui. Le Père, dans celui-ci comme dans d'autres passages évangéliques, offre non seulement le pardon et la réconciliation mais, dans le même temps, il montre comment ces dons sont une source de joie pour tous.

Le lien entre la paternité divine et la joie festive du banquet est caractéristique du Nouveau Testament. Le Royaume de Dieu est comparé à un banquet joyeux où celui qui invite est précisément le Père (cf. Mt Mt 8,11 Mt 22,4 Mt 26,29). L'accomplissement de toute l'histoire salvifique est encore exprimé à travers l'image du banquet préparé par Dieu le Père pour les noces de l'Agneau (cf. Ap Ap 19,6-9).

3. Précisément dans le Christ, Agneau sans tache, offert pour nos péchés (cf. 1P 1,19 Ap 5,6 Ap 12,11), se concentre la réconciliation qui provient du Père. Jésus-Christ est non seulement le Réconciliateur, mais la Réconciliation elle-même. Comme l'enseigne saint Paul, notre transformation en créature nouvelle, renouvelée par l'Esprit, «vient de Dieu qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation. Car c'était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes, et mettant en nous la parole de la réconciliation» (2Co 5,18-19).

C'est précisément à travers le mystère de la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ qu'est surmonté le drame de la division existant entre l'homme et Dieu. En effet, avec la Pâque, le mystère de l'infinie miséricorde du Père pénètre dans les racines les plus sombres de l'iniquité de l'être humain. Il s'accomplit là un mouvement de grâce qui, s'il est accueilli par un libre accord, conduit à savourer la douceur d'une pleine réconciliation.

L'abîme de la douleur et de l'abandon du Christ se transforme ainsi en une source intarissable d'amour compatissant et pacifiant. Le Rédempteur redessine un chemin de retour au Père qui permet de vivre à nouveau le rapport filial perdu et qui confère à l'être humain les forces nécessaires pour conserver cette communion profonde avec Dieu.

4. Malheureusement, dans une existence rachetée, il existe également la possibilité de pécher à nouveau, et cela exige une vigilance permanente. En outre, également après le pardon, des «résidus du péché» subsistent et ils doivent être éliminés et combattus à travers un programme de pénitence comprenant un plus grand engagement pour le bien. Il exige tout d'abord la réparation des torts, physiques ou moraux, causés à des groupes ou à des individus. La conversion devient ainsi un chemin permanent, dans lequel le mystère de la réconciliation réalisé dans le sacrement se présente comme point d'arrivée et point de départ.

La rencontre avec le Christ qui pardonne, développe dans notre coeur ce dynamisme de la charité trinitaire que l'Ordo Paenitentiae décrit ainsi: «Au moyen du sacrement de la pénitence le Père accueille le fils repenti qui revient à Lui, le Christ charge sur ses épaules la brebis égarée pour la ramener au bercail, et l'Esprit Saint sanctifie à nouveau son temple ou y intensifie sa présence; le signe en est la participation renouvelée et plus fervente à la table du Seigneur, dans la grande joie du banquet que l'Eglise de Dieu dresse pour fêter le retour du fils lointain» (n. 6; cf. aussi nn. 5 et 19).

5. Le «Rite de la Pénitence» exprime dans la formule d'absolution le lien entre le pardon et la paix, offerts par Dieu le Père dans la Pâque de son Fils, et par la «médiation du ministère de l'Eglise» (OP, n. 46). Le Sacrement, alors qu'il signifie et réalise le don de la réconciliation, souligne qu'elle ne concerne pas seulement notre rapport avec Dieu le Père, mais également celui avec nos frères. Ce sont deux aspects de la réconciliation intimement liés. L'action réconciliatrice du Christ a lieu dans l'Eglise. Celle-ci ne peut pas réconcilier par elle même mais comme instrument vivant du pardon du Christ, sur la base d'un mandat précis du Seigneur (cf. Jn Jn 20,23 Mt 18,18). Cette réconciliation dans le Christ se réalise de façon éminente dans la célébration du Sacrement de la Pénitence. Mais tout l'être intime de l'Eglise dans sa dimension communautaire est caractérisé par l'attitude permanente à la réconciliation.

Il faut surmonter un certain individualisme en concevant la réconciliation: toute l'Eglise collabore à la conversion des pécheurs, à travers la prière, l'exhortation, la correction fraternelle, le soutien de la charité. Sans la réconciliation avec les frères la charité ne prend pas corps dans l'individu. De même que le péché blesse le tissu du Corps du Christ, la réconciliation recrée la solidarité entre les membres du Peuple de Dieu.

6. La pratique pénitentielle ancienne soulignait l'aspect communautaire-ecclésial de la réconciliation, en particulier au moment final de l'absolution par l'évêque, avec la pleine réadmission des pénitents dans la communauté. L'enseignement de l'Eglise et la discipline pénitentielle promulguée après le Concile Vatican II exhortent à redécouvrir et à remettre à l'honneur la dimension communautaire-ecclésiale de la Réconciliation (cf. Lumen gentium LG 11 et aussi Sacrosanctum Concilium SC 27), restant établie la doctrine sur la nécessité de la confession individuelle.

Dans le contexte du grand Jubilé de l'An 2000, il sera important de proposer au Peuple de Dieu des enseignements valables et des itinéraires de réconciliation actualisés, qui fassent redécouvrir l'esprit communautaire non seulement de la pénitence, mais de tout le projet de salut du Père sur l'humanité. C'est ainsi que se réalisera l'enseignement de la Constitution Lumen gentium: «Il a plu à Dieu que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel; il a voulu au contraire en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté» (LG 9).

                                * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 22 septembre 1999, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage de la Région apostolique du Midi; paroisse de Thonon-les-Bains; pèlerins des diocèses de Belley-Ars et d'Annecy; pèlerins d'Amiens et de Lille.


Chers Frères et Soeurs,

Par le péché, l’homme s’éloigne de Dieu et met des germes de division en lui-même et dans ses relations avec les autres. La réconciliation, dimension du Sacrement de la Pénitence, est un don du Père. Dans la parabole de l’enfant prodigue, il est significatif que la réconciliation soit une occasion de fête, qui est l’image du banquet des noces de l’Agneau. Par le Christ, à travers le mystère de sa mort sur la Croix et de sa Résurrection, Dieu nous offre la réconciliation; sa miséricorde pénètre au plus profond de l’homme. Nous sommes appelés à accueillir librement la réconciliation, qui devient en nous une source d’amour et de paix; le lien entre le pardon et la paix est exprimé de manière particulière par la formule d’absolution, qui manifeste le don de Dieu transmis par l’Eglise qui en a reçu le mandat. Parce que le péché se renouvelle, nous devons être particulièrement vigilants.

La démarche de conversion est un chemin permanent, chemin personnel et ecclésial, car toute la communauté chrétienne coopère à la conversion des pécheurs par la prière, la correction fraternelle et le soutien de la charité. De même que le péché blesse l’ensemble du Corps du Christ, de même la réconciliation recrée la solidarité entre les membres du peuple de Dieu. Il importe donc de mettre en relief la dimension ecclésiale de la Pénitence, tout en rappelant la nécessité de la confession individuelle. Ces deux aspects seront particulièrement importants dans le cadre du Jubilé.

Je vous salue cordialement, chers pèlerins francophones, notamment vous qui venez de la région apostolique Midi-Pyrénées, avec Monseigneur Périer, Mgr Gaidon, Mgr Ghirard, Mgr Housset et Mgr Fréchard. Je vous salue aussi, vous qui participez au douzième chapitre général de la Congrégation du Coeur immaculé de Marie. Que votre séjour à Rome affermisse votre foi! Avec ma Bénédiction apostolique.

Je salue affectueusement le groupe de fidèles de l’Eglise syrienne orthodoxe, conduits par leur évêque, Son Excellence Mar Gregorios Yohanna Ibrahim. Chers amis, que votre séjour vous confirme dans la joie et dans la force de la foi en Jésus Christ ! Que la Vierge Marie, la Theotokos, vous protège et vous garde sur tous vos chemins ! Je profite de cette occasion pour souhaiter à l’Eglise syrienne orthodoxe une heureuse célébration du huitième centenaire de la mort du Patriarche Mar Michel le Grand, et je vous prie de transmettre mes salutations fraternelles à Sa Sainteté le Patriarche Mar Ignatius Zakka Iwas.




Catéchèses S. J-Paul II 10999