Catéchèses S. J-Paul II 50400

Mercredi 5 avril 2000

50400   

Chers Frères et Soeurs,

1. "Une unique source et une unique racine, une unique forme resplendit de la triple splendeur. Là où brille la profondeur du Père, apparaît la puissance du Fils, sagesse créatrice de l'univers entier, fruit engendré par le coeur paternel! Et là brille la lumière unifiante de l'Esprit Saint". C'est ainsi que chantait, aux débuts du V siècle, Sinesius de Cyrène dans l'Hymne II, en célébrant à l'aube d'un nouveau jour la Trinité divine, unique dans la source et triple dans la splendeur. Cette vérité de l'unique Dieu en trois personnes égales et distinctes n'est pas reléguée dans les cieux; elle ne peut pas être interprétée comme une sorte de "théorème arithmétique céleste" dont aucune conséquence ne dérive pour l'existence de l'homme, comme le supposait le philosophe Kant.

2. En réalité, comme nous l'avons entendu dans le récit de l'évangéliste Luc, la gloire de la Trinité se rend présente dans le temps et dans l'espace et trouve son épiphanie la plus élevée en Jésus, dans son incarnation et son histoire. La conception de Jésus est précisément lue par Luc à la lumière de la Trinité: ce sont les paroles de l'ange qui l'attestent, des paroles adressées à Marie et prononcées à l'intérieur de la modeste maison du village de Nazareth en Galilée, ramenée à la lumière par l'archéologie. Dans l'annonce de Gabriel se manifeste la présence divine transcendante: le Seigneur Dieu - à travers Marie et dans la lignée de la descendance de David - donne son Fils au monde: "Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père" (
Lc 1,31-32).

2. La valeur du terme "fils" est ici double, car dans le Christ s'unissent intimement le lien filial avec le Père céleste et celui avec la mère terrestre. Mais l'Esprit Saint participe également à l'Incarnation, et c'est précisément son intervention qui rend cette conception unique et inimitable: "L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre; c'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu" (Lc 1,35). Les paroles que l'ange proclame sont comme un petit Credo, qui illumine l'identité du Christ en relation avec les autres Personnes de la Trinité. C'est la foi commune de l'Eglise que Luc place déjà aux débuts du temps de la plénitude salvifique: le Christ est le Fils du Dieu Très Haut, le Grand, le Saint, le Roi, l'Eternel, dont la conception dans la chair est accomplie par l'oeuvre de l'Esprit Saint. C'est pourquoi, comme le dira Jean dans sa première Lettre, "quiconque nie le Fils ne possède pas non plus le Père" (1Jn 2,23).

4. Au centre de notre foi se trouve l'Incarnation, dans laquelle se révèle la gloire de la Trinité et son amour pour nous: "Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons contemplé sa gloire" (Jn 1,14). "Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" (Jn 3,16). "En ceci s'est manifesté l'amour de Dieu pour nous: Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui" (1Jn 4,9). A travers ces paroles des écrits de Jean, nous réussissons à comprendre comment la révélation de la gloire trinitaire dans l'Incarnation n'est pas un simple éclair qui déchire les ténèbres l'espace d'un instant, mais une semence de vie divine déposée pour toujours dans le monde et dans le coeur des hommes.

Une déclaration de l'Apôtre Paul dans la Lettre aux Galates est emblématique à ce propos: "Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l'adoption filiale. Et la preuve que vous êtes des fils, c'est que Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son Fils qui s'écrie: Abba, Père! Aussi n'es-tu plus esclave mais fils; fils, et donc héritier de par Dieu" (Ga 4,4-7 cf. Rm Rm 8,15-17). Le Père, le Fils et l'Esprit sont donc présents et agissent dans l'Incarnation pour nous faire participer à leur vie. "A cette union avec le Christ, - a répété le Concile Vatican II - qui est la lumière du monde, de qui nous procédons, par qui nous vivons, vers qui nous tendons, tous les hommes sont appelés" (Lumen gentium LG 3). Et, comme l'affirmait saint Cyprien, la communauté des fils de Dieu est "un peuple rassemblé par l'unité du Père, du Fils et de l'Esprit Saint" (De Orat. Dom. 23).

5. "Connaître Dieu et son Fils, c'est accueillir le mystère de la communion d'amour du Père, du Fils et de l'Esprit Saint dans notre vie qui s'ouvre dès maintenant à la vie éternelle dans la participation à la vie divine. La vie éternelle est donc la vie même de Dieu ainsi que la vie des fils de Dieu. Le croyant ne peut manquer d'être saisi d'un émerveillement toujours renouvelé et d'une reconnaissance sans limites face à cette vérité surprenante et ineffable qui nous vient de Dieu dans le Christ" (Evangelium vitae EV 37-38).

Dans cet émerveillement et cet accueil vital, nous devons adorer le mystère de la Très Sainte Trinité, qui "est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Il est le mystère de Dieu en Lui-même. Il est donc la source de tous les autres mystères de la foi, lumière qui les illumine" (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 234).

Dans l'Incarnation, nous contemplons l'amour trinitaire qui se déploie en Jésus; un amour qui ne reste pas clos dans un cercle parfait de lumière et de gloire, mais qui rayonne dans la chair des hommes, dans leur histoire; qui envahit l'homme en le régénérant et en le rendant fils dans le Fils.

C'est pourquoi - comme disait saint Irénée - la gloire de Dieu est l'homme vivant: "Gloria enim Dei vivens homo, vita autem hominis visio Dei"; elle l'est non seulement en raison de sa vie physique mais surtout parce que "la vie de l'homme consiste dans la vision de Dieu" (Adversus Haereses IV, 20, 7). Et voir Dieu signifie être transfigurés en lui: "Nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est" (1Jn 3,2).

Salut en langue française

Chers frères et soeurs,

La gloire de la Trinité se rend présente dans le temps et dans l'espace et trouve sa manifestation la plus haute en Jésus, dans son Incarnation et dans son histoire. Cette révélation est une semence de vie divine déposée dans le monde et dans le coeur des hommes. Dans l'Incarnation, le Père, le Fils et l'Esprit sont présents et agissent pour nous rendre participants de leur vie.

Face à cette vérité surprenante et ineffable qui nous vient de Dieu dans le Christ, le croyant s'émerveille et est saisi d'un profond sentiment de reconnaissance. En accueillant en nous ce don divin, adorons le mystère de la Trinité, mystère central de notre foi et de la vie chrétienne!

Dans l'Incarnation nous contemplons l'amour trinitaire qui se déploie en Jésus. C'est un amour qui ne reste pas clos dans un cercle de lumière et de gloire. Il se diffuse dans le coeur des hommes, dans leur histoire; il les régénère, en les rendant fils dans le Fils. Et si, selon saint Irénée, la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, c'est parce que la vie de l'homme consiste dans la vision de Dieu et que voir Dieu, c'est être transfiguré en lui.

* * *


Je suis heureux d'accueillir les personnes de langue française. Je salue en particulier les pèlerins du diocèse de Paris, avec leur Archevêque le Cardinal Jean-Marie Lustiger, ceux des diocèses de Bretagne et de l'Ouest, accompagnés de Mgr François Saint-Macary, Archevêque de Rennes, et des Évêques de la région, ainsi que les pèlerins des Landes, avec l'Évêque d'Aire et Dax, Mgr Robert Sarrabère. Que votre pèlerinage jubilaire soit l'occasion de grandir dans la foi au Christ ! À tous je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.





Mercredi 12 avril 2000

12040
Chers Frères et Soeurs,


1. La lecture qui vient d'être proclamée nous conduit sur les rives du Jourdain. Nous nous arrêtons aujourd'hui spirituellement sur les rives du fleuve qui s'écoule le long des Deux Testaments bibliques, pour contempler la grande épiphanie de la Trinité le jour où Jésus se présente sur la scène de l'histoire, précisément dans ces eaux, pour commencer son ministère public.

L'art chrétien personnifiera ce fleuve sous l'apparence d'un vieil homme qui assiste émerveillé à la vision qui s'accomplit dans son sein aquatique. C'est en lui, en effet, comme l'affirme la liturgie byzantine, que "se lave le Christ Soleil". Cette même liturgie, dans les Matines du jour de la Théophanie ou Epiphanie du Christ, imagine un dialogue avec le fleuve: "Jourdain, qu'as-tu vu pour être si profondément troublé? - J'ai vu l'Invisible nu et j'ai été parcouru par un tremblement.

Comment, en effet, ne pas frémir et ne pas céder devant Lui? Les anges frémirent à sa vue, le ciel perdit la raison, la terre trembla, la mer recula avec tous les êtres visibles et invisibles. Le Christ est apparu dans le Jourdain pour sanctifier toutes les eaux!".

2. La présence de la Trinité dans cet événement est clairement affirmée dans tous les textes évangéliques de l'épisode. Nous venons d'entendre le plus long, de Matthieu, qui introduit également un dialogue entre Jésus et le Baptiste. Au centre de la scène apparaît la figure du Christ, le Messie qui accomplit en plénitude toute justice (cf. Mt
Mt 3,15). Il est celui qui conduit à son accomplissement le projet divin de salut, devenant humblement solidaire des pécheurs.

Son humiliation volontaire lui obtient une élévation merveilleuse: sur lui retentit la voix du Père qui le proclame "mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur" (Ibid., v. Mt Mt 3,17). C'est une phrase qui contient deux aspects du messianisme de Jésus: le messianisme davidique, à travers l'évocation d'un poème royal (cf. Ps Ps 2,7) et le messianisme prophétique, à travers la citation du premier chant du Serviteur du Seigneur (cf. Is Is 42,1). On a donc la révélation de l'intime lien d'amour de Jésus avec le Père céleste, en même temps que son investiture messianique face à toute l'humanité.

3. Dans la scène apparaît également l'Esprit Saint sous forme de "colombe" qui "descend et se pose" sur le Christ. On peut avoir recours à différentes références bibliques pour illustrer cette image: à la colombe qui indique la fin du déluge et la naissance d'une nouvelle ère (cf. Gn Gn 8,8-12 1P 3,20-21), à la colombe du Cantique des Cantiques, symbole de la femme aimée (cf. Ct Ct 2,14 Ct 5,2 Ct 6,9), à la colombe qui est une sorte de blason pour indiquer Israël dans certains passages vétérotestamentaires (cf. Os Os 7,11 Ps 68,14).

Un antique commentaire hébraïque du passage de la Genèse (cf. 1, 2) qui décrit l'Esprit qui plane avec une tendresse maternelle sur les eaux primordiales est significatif: "L'Esprit de Dieu planait sur la surface des eaux comme une colombe qui plane sur ses petits sans les toucher" (Talmud, Hagigah 15a). En Jésus, l'Esprit Saint descend comme une force d'amour surabondant. En se référant précisément au Baptême de Jésus, le Catéchisme de l'Eglise catholique enseigne: "L'Esprit, que Jésus possède en plénitude dès sa conception, vient "reposer" sur Lui. Il en sera la source pour toute l'humanité" (CEC 536).

4. Toute la Trinité est donc présente au bord du Jourdain pour révéler son mystère, authentifier et soutenir la mission du Christ et pour indiquer qu'avec lui, l'histoire du salut entre dans sa phase centrale et définitive. Celle-ci implique le temps et l'espace, l'histoire humaine et l'ordre cosmique, mais en premier lieu les trois Personnes divines. Le Père confie au Fils la mission de conduire à son accomplissement dans l'Esprit la "justice", c'est-à-dire le salut divin.

Cromazio, Evêque d'Aquilée au IV siècle, dans une homélie sur le baptême et sur l'Esprit Saint, affirme: "De même que notre première création fut l'oeuvre de la Trinité, ainsi notre seconde création est l'oeuvre de la Trinité. Le Père n'accomplit rien sans le Fils et sans l'Esprit Saint, car l'oeuvre du Père est également celle du Fils et l'oeuvre du Fils est également celle de l'Esprit Saint. Il n'y a qu'une seule et même grâce de la Trinité. Nous sommes donc sauvés par la Trinité parce qu'à l'origine, nous n'avons été créés que par la Trinité" (Sermon 18 A).

5. Après le baptême du Christ, le Jourdain est également devenu le fleuve du baptême chrétien: les eaux des fonts baptismaux sont, selon une tradition chère aux Eglises d'Orient, un Jourdain en miniature. La preuve en est la prière liturgique suivante: "Nous te prions, alors, ô Seigneur, afin que l'action purificatrice de la Trinité descende sur les eaux baptismales et que la grâce de la rédemption et la bénédiction du Jourdain dans la force, dans l'action et dans la présence de l'Esprit Saint leur soient données" (Grandes Vêpres de la Sainte Théophanie de Notre Seigneur Jésus-Christ, Bénédiction des eaux).

Saint Paulin de Nola semble également s'inspirer d'une telle idée dans plusieurs vers conçus comme une légende explicative pour le baptistère: "Ces fonts, régénérateurs pour les âmes ayant besoin de salut, font jaillir un fleuve vivant de lumière divine. L'Esprit Saint descend du ciel dans ce fleuve et en unit les eaux sacrées avec la source céleste; le flot est alors imprégné de Dieu et engendre de l'éternelle semence une sainte descendance grâce à ses eaux fécondes" (Lettre 32, 5). En sortant de l'eau régénératrice des fonts baptismaux, le chrétien commence son itinéraire de vie et de témoignage.

Chers frères et soeurs,

L'épisode du Baptême de Jésus au Jourdain, que nous venons d'entendre, nous permet de contempler l'épiphanie de la Trinité, au moment où Jésus commence son ministère public. Jésus apparaît comme le Messie qui accomplit en plénitude toute justice, celui qui porte à son achèvement le dessein de salut du Père. Dans cet événement, nous découvrons en même temps le lien d'amour entre le Fils et le Père céleste, ainsi que les deux aspects de la figure de Jésus, évoqués dans les Ecritures: Messie davidique et Messie prophétique. L'Esprit Saint est aussi présent sous la forme d'une colombe, qui descend sur Jésus comme une force d'amour surabondant.

Au Jourdain, toute la Trinité est présente et révèle son mystère; elle authentifie et soutient la mission du Christ, montrant que l'histoire du salut entre dans sa phase centrale et définitive. Le Père confie au Fils la charge de conduire l'oeuvre du salut à son achèvement, dans l'Esprit. La première création fut l'oeuvre de la Trinité, il en va de même pour la seconde création. Le Jourdain devient le fleuve du Baptême chrétien, dans lequel les fidèles régénérés peuvent commencer leur vie chrétienne et leur témoignage.
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Je suis heureux d'accueillir les francophones présents ce matin. Je salue les pèlerins des diocèses de Quimper avec leur évêque, Monseigneur Clément Guillon, et de Sherbrooke. J’adresse un cordial salut aux jeunes des collèges de l’Immaculée Conception de Carpentras, et Victor Duruy de Paris, ainsi qu’à la délégation de la Fédération internationale de Bobsleigh et de Tobogganing. Puisse l'année jubilaire raviver votre foi et votre désir de servir le Christ et son Église ! Avec ma Bénédiction apostolique.





Mercredi 19 avril 2000

19040 1. L'itinéraire de Carême, que nous avons commencé le Mercredi des Cendres, atteint son sommet en cette Semaine, opportunément dénommée "sainte". En effet, nous nous apprêtons à revivre ces jours prochains les événements les plus sacrés de notre salut: la passion, la mort et la résurrection du Christ.

Au cours de ces journées, la Croix se présente à nous comme le symbole éloquent de l'amour de Dieu pour l'humanité. Dans le même temps, retentit dans la liturgie l'invocation du Rédempteur en train de mourir: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" (
Mt 27,46 Mc 15,34). Très souvent, nous ressentons comme "nôtre" ce cri de souffrance, lors des diverses situations pénibles de l'existence, qui peuvent causer un abattement intérieur, engendrer des inquiétudes et des incertitudes. Dans les moments de solitude et d'égarement, fréquents dans la vie de l'homme, peut se présenter dans l'âme du croyant l'exclamation suivante: le Seigneur m'a abandonné!

Cependant, la passion du Christ et sa glorification sur l'arbre de la Croix offrent une clef de lecture différente de ces événements. Sur le Golgotha, au sommet du sacrifice de son Fils unique, le Père ne l'abandonne pas, mais au contraire porte à terme le dessein de salut pour toute l'humanité. Dans sa passion, sa mort et sa résurrection, il nous est révélé que le dernier mot de l'existence humaine n'est pas la mort, mais la victoire de Dieu sur la mort. L'amour divin, manifesté en plénitude dans le mystère pascal, vainc la mort et le péché, qui en est la cause (cf. Rm Rm 5,12).


2. Au cours de ces journées de la Semaine sainte, nous entrons dans le coeur du plan salvifique de Dieu. L'Eglise, en particulier au cours de cette année jubilaire, désire rappeler à tous que le Christ est mort pour chaque homme et pour chaque femme, car le don du salut est universel. L'Eglise montre le visage d'un Dieu crucifié, qui ne suscite pas la peur, mais qui communique seulement amour et miséricorde. Il n'est pas possible de rester indifférent face au sacrifice du Christ! Dans l'âme de celui qui s'arrête pour contempler la passion du Seigneur naissent spontanément des sentiments de profonde gratitude. En montant spirituellement avec Lui au Calvaire, on parvient d'une certaine façon à faire l'expérience de la lumière et de la joie qui émanent de sa résurrection.

C'est ce que nous revivrons, avec l'aide de Dieu, lors du Triduum pascal. A travers l'éloquence des rites de la Semaine sainte, la liturgie nous montrera la continuité indissociable qui existe entre la passion et la résurrection. La mort du Christ comporte déjà en elle le germe de la résurrection.


3. Le prélude au Triduum sera la célébration de la Messe chrismale dans la matinée de demain, Jeudi saint, qui verra les prêtres rassemblés autour de leurs pasteurs respectifs dans les cathédrales diocésaines. L'Huile des malades, celle des catéchumènes et le Chrême, pour l'administration des Sacrements seront bénis. Un rite riche de signification, accompagné par le geste tout aussi significatif du renouveau des engagements et des promesses sacerdotales par les prêtres. C'est la journée des prêtres, qui chaque année nous conduit, ministres de l'Eglise, à redécouvrir la valeur et le sens de notre sacerdoce, don et mystère d'amour.

Dans la soirée, nous revivrons le mémorial de l'institution de l'Eucharistie, sacrement de l'amour infini de Dieu pour l'humanité. Judas trahit Jésus; Pierre, malgré toutes ses affirmations, le renie; les autres apôtres s'enfuient au moment de la passion. Ceux qui restent à ses côtés sont peu nombreux. Et pourtant, c'est à ces hommes fragiles que le Seigneur confie son testament, en s'offrant lui-même dans le corps donné et dans le sang versé pour la vie du monde (cf. Jn Jn 6,51). Mystère incommensurable de condescendance et de bonté!

Vendredi saint retentira le récit de la Passion et nous serons invités à vénérer la Croix, symbole extraordinaire de la miséricorde divine. Le Crucifié indique à l'homme, qui a bien souvent du mal à distinguer le bien du mal, la seule voie qui donne un sens à l'existence humaine. C'est la route de l'accueil total de la volonté de Dieu et du don de soi généreux aux frères.

Au cours d'une journée de grand silence liturgique, nous nous arrêterons Samedi saint, pour réfléchir sur le sens de ces événements. L'Eglise veillera avec sollicitude en compagnie de Marie, Mère des Douleurs, et elle attendra avec Elle la naissance de l'aube de la résurrection. En effet, à la naissance du "premier jour après le samedi", le silence sera brisé par l'heureuse annonce pascale, proclamée par le chant joyeux de l'Exultet, au cours de la solennelle liturgie de la Veillée de Pâques. Le triomphe du Christ sur la mort viendra ébranler, avec la pierre du sépulcre, les coeurs et les esprits des fidèles et les inonder de la même joie éprouvée par Madeleine, par les pieuses femmes, par les Apôtres et par ceux auxquels le Ressuscité s'est manifesté le jour de Pâques.


4. Très chers frères et soeurs, préparons notre coeur à vivre intensément ce Triduum Saint. Laissons-nous envahir par la grâce de ces jours saints et, comme l'exhortait déjà le saint Evêque Athanase, "suivons nous aussi le Seigneur, c'est-à-dire imitons-le, et ainsi nous aurons trouvé la façon de célébrer la fête non seulement extérieurement, mais de la manière la plus concrète, c'est-à-dire non seulement à travers les paroles, mais également à travers les oeuvres" (Lettres pascales, Lett. 14, 2).

C'est avec ces sentiments, que je vous souhaite à tous et à vos proches un Saint Triduum fructueux et une heureuse Pâque de résurrection.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 19 avril 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Institution Saint-Pierre, de Courpière; Ecole Saint-Joseph, de Lectoure; Etoile  Notre-Dame, de Mayenne; Collège Saint-Pierre, de Violès; Collège Saint-Joseph, de Fontenay-le-Comte; Collège Péguy, de Metz; Scouts venant de Miramas; groupe "Sara", de Marseille.
De la Principauté de Monaco: Lycée Albert I.
Du Canada: Les Petits Chanteurs de l'Ile; groupe de pèlerins du diocèse de Trois-Rivières.

Chers Frères et Soeurs,

L'itinéraire de Carême, que nous avons commencé le Mercredi des Cendres, trouve son sommet dans la Semaine sainte, qui nous fait revivre les événements de notre salut: la passion, la mort et la résurrection du Christ. La Croix est le symbole éloquent de l’amour de Dieu pour l’humanité. Durant la Passion et la mort sur la Croix, le Père n’abandonne pas son Fils. Il donne du fruit à son sacrifice. La Passion devient la victoire de Dieu sur la mort.

A la Messe chrismale, les prêtres se rassemblent autour de leurs évêques; ils renouvellent leurs engagements et leurs promesses sacerdotales. C’est la journée des prêtres, qui donne l’occasion de découvrir à nouveau le sens du sacerdoce, mystère d’amour. Le mémorial de l’institution de l’Eucharistie nous permettra de mesurer la grandeur du don de Dieu.

Le Vendredi saint, en contemplant la Croix du Christ, nous percevrons le sens de toute vie humaine, qui passe par l’accueil de la volonté divine et le don généreux de soi aux autres. Le Samedi saint, jour de silence, nous méditerons le grand mystère de la Passion dans l’attente vigilante de la Résurrection. Avec l’Exultet, dans la fête de Pâques, nous célébrons la victoire du Christ sur la mort. Préparons donc nos coeurs à vivre pleinement les Jours saints!

Je suis heureux d'accueillir les francophones présents ce matin, en particulier les groupes de jeunes venus célébrer la Semaine sainte à Rome. Puisse votre séjour affermir votre foi et faire de vous des témoins de l’Evangile! Avec ma Bénédiction apostolique.




Mercredi 26 avril 2000

26400
  Lecture:
Mc 9,2-4 Mc 9,7

1. En cette Octave de Pâques, considérée comme une unique grande journée, la liturgie répète sans se lasser l'annonce de la résurrection: "Jésus est vraiment ressuscité!". Cette annonce ouvre un horizon nouveau à l'humanité tout entière. Dans la résurrection, ce qui était mystérieusement caché dans la Transfiguration sur le mont Thabor devient réalité. Le Sauveur avait alors révélé à Pierre, Jacques et Jean le prodige de gloire et de lumière scellé par les paroles du Père: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé!" (Mc 9,7).

En la fête de Pâques, ces paroles nous apparaissent dans leur plénitude de vérité. Le Fils bien-aimé du Père, le Christ crucifié et mort, est ressuscité pour nous. Dans sa lumière, nous qui sommes croyants, nous voyons la lumière et "élevés par l'Esprit - comme l'affirme la liturgie de l'Eglise d'Orient -, nous chantons la Trinité consubstantielle pour tous les siècles" (Grandes Vêpres de la Transfiguration du Christ). Le coeur comblé de joie pascale, nous gravissons aujourd'hui en esprit le mont saint, qui domine la plaine de Galilée, pour contempler l'événement qui s'est accompli là-haut, anticipant les événements pascals.


2. Le Christ se trouve au centre de la Transfiguration. C'est vers lui que convergent deux témoins de la Première Alliance: Moïse, médiateur de la Loi, et Elie, le prophète du Dieu vivant. La divinité du Christ, proclamée par la voix du Père, est également révélée par des symboles que Marc dépeint avec son style pittoresque. En effet, il y a la lumière et il y a la blancheur qui représentent l'éternité et la transcendance: "Et ses vêtements devinrent resplendissants, d'une telle blancheur qu'aucun foulon sur terre ne peut blanchir de la sorte" (Mc 9,3). Il y a ensuite les nuées, signe de la présence de Dieu sur le chemin de l'Exode d'Israël et dans la tente de l'Alliance (cf. Ex Ex 13,21-22 Ex 14,19-24 Ex 40,34-38).

La liturgie orientale des Matines de la Transfiguration chante également: "Lumière immuable de la lumière du Père, ô Verbe, dans ta lumière brillante nous avons aujourd'hui vu sur le Thabor la lumière qu'est le Père et la lumière qu'est l'Esprit, une lumière qui illumine chaque créature".

3. Ce texte liturgique souligne la dimension trinitaire de la Transfiguration du Christ sur le mont. En effet, la présence du Père avec sa voix révélatrice est explicite. La tradition chrétienne entrevoit également de façon implicite la présence de l'Esprit Saint, dans le sillage de l'événement parallèle du Baptême dans le Jourdain, où l'Esprit descendait sur le Christ sous forme de colombe (cf. Mc Mc 1,10). En effet, le commandement donné par le Père: "Ecoutez-le" (Mc 9,7) suppose que Jésus soit empli de l'Esprit Saint, si bien que ses paroles sont "esprit et vie" (Jn 6,63 cf. Jn 3,34-35).

Il est donc possible de monter sur le mont, pour s'arrêter, contempler et être plongés dans le mystère de lumière de Dieu. A travers le Mont Thabor sont représentés tous les monts qui conduisent à Dieu, selon une image chère aux mystiques. Un autre texte de l'Eglise d'Orient nous invite à cette ascension vers le haut, vers la lumière: "Venez, peuples, suivez-moi! Montons sur la montagne sainte et céleste, en nous arrêtant spirituellement dans la ville du Dieu vivant et contemplons en esprit la divinité du Père et de l'Esprit qui resplendit dans le Fils unique" (Tropaire en conclusion du Canon de saint Jean Damascène).


4. Dans la Transfiguration, nous contemplons non seulement le mystère de Dieu, en passant de lumière en lumière (cf. Ps Ps 36,10), mais nous sommes également invités à écouter la parole divine qui s'adresse à nous. Au-dessus de la parole de la Loi qui est en Moïse et de la prophétie qui est en Elie, retentit la parole du Père qui renvoie à celle du Fils, comme je viens de le rappeler. En présentant le "Fils bien-aimé", le Père ajoute l'invitation à l'écouter (cf. Mc Mc 9,7).

Lorsqu'elle commente la scène de la Transfiguration, la Seconde Lettre de Pierre souligne profondément la voix divine. Jésus-Christ "reçut en effet de Dieu le Père honneur et gloire, lorsque la gloire pleine de majesté lui transmit une telle parole: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur". Cette voix, nous, nous l'avons entendue; elle venait du Ciel, nous étions avec lui sur la montagne sainte. Ainsi nous tenons plus ferme la parole prophétique: vous faites bien de la regarder, comme un lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commence à poindre et que l'astre du matin se lève dans vos coeurs" (2P 1,17-19).


5. Vision et écoute, contemplation et obéissance sont donc les voies qui conduisent à la montagne sainte sur laquelle la Trinité se révèle dans la gloire du Fils. "La Transfiguration nous donne un avant-goût de la glorieuse venue du Christ "qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire" (Ph 3,21). Mais elle nous rappelle aussi qu'"il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu" (Ac 14,22)" (CEC 556).

La liturgie de la Transfiguration, comme le suggère la spiritualité de l'Eglise d'Orient, présente dans les trois apôtres Pierre, Jacques et Jean, une "triade" humaine qui contemple la Trinité divine. Comme les trois jeunes dans la fournaise ardente du livre de Daniel (3, 51-90), la liturgie "bénit Dieu le Père Créateur, chante le Verbe descendu les aider qui change le feu en rosée, et exalte l'Esprit Saint qui donne à tous la vie pour les siècles" (Matines de la fête de la Transfiguration).

Nous aussi, nous prions à présent le Christ transfiguré avec les paroles du canon de saint Jean Damascène: "Tu m’as séduit par le désir pour toi, ô Christ, et tu m'as transformé par ton divin amour. Brûle mes péchés avec le feu immatériel et daigne me combler de ta douceur afin que, tressaillant de joie, j'exalte tes manifestations".

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 26 avril 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de pèlerins des diocèses de Poitiers, Carcassonne, Pamiers, Arras, Rennes, Laval; paroisse de la Sante-Trinité, de Paris; paroisse de Draguignan; paroisse Saint-François, de Millau; paroisse de Jonquières; Ecole internationale de formation et évangélisation, Paray-le-Monial; Association "Sous le regard de Marie", de Maythet; Institution des Chartreux, de Lyon; Foyer de Charité, de Châteauneuf-de-Galaure; Ecole Lacordaire, de Marseille; Familles de l'Aumônerie militaire française, de Saarburg; Lycée du Parc des Chaumes, d'Avallon.

De Suisse: Pèlerinage des servants de messe et de la Maîtrise Saint-Pierre-aux-Liens de Bulle; paroisse de Massongex et Vérossaz-en-Valais.

De Belgique: Paroisse Saint-Anne, de Bruxelles.

Du Liban: Groupe de pèlerins.


Chers frères et soeurs,

En ces jours de l'octave de Pâques, la liturgie nous redit sans cesse l'annonce de l'Ange: "Jésus est vraiment ressuscité!". Avec la résurrection, ce qui était mystérieusement caché dans la Transfiguration du Seigneur devient réalité. Les paroles du Père à Pierre, Jacques et Jean sur le Mont Thabor nous apparaissent dans leur pleine vérité: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé!". Ce Fils bien-aimé, qui a été crucifié et qui est mort, il est ressuscité pour nous.

En montant sur la montagne du Thabor, sur toutes les montagnes qui nous conduisent à Dieu, nous pouvons contempler la gloire de la Trinité. Dans la lumière du Verbe, nous voyons la lumière du Père, la lumière qu'est l'Esprit, la lumière qui illumine toute créature. Nous entendons aussi le Père céleste qui nous invite à écouter la parole de son Fils.

Vision et écoute, contemplation et obéissance, tels sont donc les chemins qui conduisent à la montagne sainte où se révèle la Trinité, dans la gloire du Fils. En contemplant le Christ ressuscité et en écoutant sa parole, laissons-nous transfigurer par son amour!


Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, notamment le groupe de servants de messe et la Maîtrise Saint-Pierre-aux-Liens de Bulle. En cette semaine pascale où nous célébrons la Résurrection du Seigneur, je leur souhaite de découvrir toujours plus sa présence aimante dans leur vie. De grand coeur je donne à tous la Bénédiction apostolique.



Mercredi 3 mai 2000

30500
  Lecture:
Mc 15,34-35 Mc 15,37-39

1. A la fin du récit de la mort du Christ, l'Evangile fait retentir la voix du centurion romain, qui anticipe la profession de foi de l'Eglise: "Vraiment cet homme était fils de Dieu!" (Mc 15,39). Au cours des dernières heures de l'existence terrestre de Jésus, s'accomplit dans les ténèbres l'épiphanie trinitaire suprême. Le récit évangélique de la passion et de la mort du Christ met en effet en lumière, même dans l'abîme de la douleur, la permanence de son rapport intime avec le Père céleste.

Tout commence le soir de la Dernière Cène entre les murs tranquilles du Cénacle, où flotte cependant l'ombre de la trahison. Jean nous a transmis ces discours d'adieu qui soulignent de façon merveilleuse le lien profond et l'immanence réciproque entre Jésus et le Père: "Si vous me connaissez vous connaîtrez aussi mon père... Qui m'a vu a vu le Père... Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même: mais le Père demeurant en moi fait ses oeuvres. Croyez m'en! Je suis dans le Père et le Père est en moi" (Jn 14,7 Jn 14,9-11).

En disant cela, Jésus reprend les paroles qu'il avait prononcées peu de temps auparavant, lorsqu'il avait déclaré de façon lapidaire: "Moi et le Père nous sommes un.... le Père est en moi et moi dans le Père" (Jn 10,30 Jn 10,38). Et dans la prière qui scelle les discours du Cénacle, s'adressant au Père dans la contemplation de sa gloire, il redit: "Père saint, garde-les dans ton nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient un comme nous" (Jn 17,11). C'est avec cette confiance absolue dans le Père que Jésus s'apprête à accomplir son acte suprême d'amour (cf. Jn Jn 13,1).


2. Dans la passion, le lien qui l'unit au Père se manifeste de façon particulièrement intense et, dans le même temps, dramatique. Le Fils de Dieu vit son humanité en plénitude, pénétrant dans l'obscurité de la souffrance et de la mort qui appartiennent à notre condition humaine. Au Gethsémani, au cours d'une prière semblable à une lutte, à une "agonie", Jésus s'adresse au Père en utilisant la dénomination araméenne de l'intimité filiale: "Abba Père! Tout t'est possible: éloigne de moi cette coupe; pourtant pas ce que je veux, mais ce que tu veux!" (Mc 14,36).

Peu après, lorsque l'hostilité des hommes se déchaîne contre lui, il rappelle à Pierre que cette heure des ténèbres fait partie d'un dessein divin du Père: "Penses-tu donc que je ne puisse faire appel à mon Père, qui me fournirait sur le champ plus de douze légions d'anges? Comment alors s'accompliraient les Ecritures d'après lesquelles il doit en être ainsi?" (Mt 26,53-54).

3. Le dialogue du procès avec le Grand Prêtre se transforme également en une révélation de la gloire messianique et divine qui enveloppe le Fils de Dieu. "Le Grand Prêtre lui dit: "Je t'adjure par le Dieu Vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu ". "Tu l'as dit, lui dit Jésus. D'ailleurs je vous le déclare: dorénavant, vous verrez le Fils de l'homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel"" (Mt 26,63-64).

Lorsqu'il sera sur la croix, les spectateurs lui rappelleront de façon sarcastique cette proclamation: "Il a compté sur Dieu; que Dieu le délivre maintenant, s'il s'intéresse à lui! Il a bien dit: Je suis le Fils de Dieu!" (Mt 27,43). Mais en cette heure le silence du Père lui était réservé, afin qu'il puisse se faire pleinement solidaire des pécheurs et les racheter. Comme l'enseigne le Catéchisme de l'Eglise catholique, "Jésus n'a pas connu la réprobation comme s'il avait lui-même péché. Mais dans l'amour rédempteur qui l'unissait toujours au Père, il nous a assumés dans l'égarement de notre péché par rapport à Dieu" (CEC 603).


4. Sur la croix, Jésus continue en réalité à conduire son dialogue intime avec le Père en le vivant dans toute son humanité déchirée et souffrante, sans jamais perdre l'attitude confiante du Fils qui est "une seule chose" avec le Père. D'un côté, en effet, il y a le silence mystérieux du Père, accompagné de l'obscurité cosmique et souligné par le cri: ""Eli, Eli, lemà sabachtani?", c'est-à-dire: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?"" (Mt 27,46).

De l'autre côté le Psaume 22, ici cité par Jésus, se termine par un hymne au Seigneur souverain du monde et de l'histoire; cet aspect est souligné dans le récit de Luc, selon lequel les dernières paroles du Christ mourant sont une lumineuse citation du psaume avec l'ajout de l'invocation au Père: "Père, en tes mains je remets mon esprit" (Lc 23,46 cf. Ps Ps 31,6).


5. L'Esprit Saint participe également à ce dialogue constant entre le Père et le Fils. C'est ce que nous dit l'Epître aux Hébreux, lorsqu'elle décrit par une formule que l'on pourrait qualifier de trinitaire l'offrande sacrificielle du Christ, en déclarant que Jésus "par un Esprit éternel, s'est offert lui-même sans tache à Dieu" (He 9,14). Dans sa Passion, en effet, le Christ a pleinement ouvert son être humain angoissé à l'action de l'Esprit Saint et celui-ci lui a donné l'élan nécessaire pour faire de sa mort une offrande parfaite au Père.

Pour sa part, l'Evangile relie étroitement le don du Paraclet avec le "départ" de Jésus, c'est-à-dire avec sa Passion et sa mort, lorsqu'il rapporte cette parole du Sauveur: "Cependant je vous dis la vérité: c'est votre intérêt que je parte; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous; mais si je pars, je vous l'enverrai" (Jn 16,7). Après la mort de Jésus sur la croix, dans l'eau qui jaillit du côté transpercé (cf. Jn Jn 19,34) il est possible de reconnaître un symbole du don de l'Esprit (cf. Jn Jn 7,37-39). Le Père glorifie alors son Fils en lui donnant la capacité de communiquer l'Esprit à tous les hommes.

Nous élevons notre contemplation à la Trinité, qui se révèle également le jour de la douleur et des ténèbres, en relisant les paroles du "testament" spirituel de sainte Thérèse Bénédicte de la Croix: "Il n'y a pas que la seule activité humaine qui puisse nous aider, mais la passion du Christ: y participer est mon véritable désir. J'accueille dès à présent la mort que Dieu m'a destinée, en union parfaite avec sa sainte volonté. Accueilles, Seigneur, à ta gloire et à ta louange, ma vie et ma mort pour les intentions de l'Eglise. Que le Seigneur soit accueilli parmi les siens et que son Règne vienne à nous dans la gloire" (La puissance de la Croix).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 3 mai 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage de la région Centre et de la région de l'Est; groupes de la paroisse de Carcassonne, de la paroisse de Thénezay, de la paroisse de Morsbronn-les-Bains; groupe de "Fêtes et Saisons"; Communauté du Verbe de Vie; Communauté "Jeunesse et Lumière"; Communauté de Nazareth; Communauté Saint-Martin; Centre de formation pédagogique Saint-Paul, de Guingamp; Collège Gérard de Nerval, de Marne-la-Vallée; Collège Saint-Rémy, de Charleville-Mézières; Collège Saint-François d'Assise, de Montigny-le-Bretonneux; Collège Trinitaire La Bruyère-Sainte Isabelle, de Paris.

De l'Ile Maurice: Groupe de pèlerins.

Du Luxembourg: Groupe de pèlerins.


Chers Frères et Soeurs,

Le récit évangélique de la passion et de la mort du Christ met en lumière la permanence de son rapport intime avec son Père. Saint Jean souligne que c'est avec une confiance absolue dans le Père que Jésus s'achemine vers la réalisation de son acte suprême d'amour. Dans la Passion, le lien qui l'unit à lui se manifeste de manière particulièrement intense. Alors que l'hostilité des hommes se déchaîne contre lui, Jésus rappelle à Pierre que cette heure des ténèbres fait partie du dessein de son Père.

Au cours du procès, la rencontre de Jésus avec le Grand-Prêtre est aussi une révélation de la gloire messianique et divine qui enveloppe le Fils de Dieu. Sur la croix, il poursuit son dialogue intime avec le Père sans jamais perdre son attitude confiante de Fils, qui ne fait qu'un avec lui.

L'Esprit participe aussi à ce dialogue constant. Dans la Passion, le Christ a pleinement ouvert son être humain angoissé à l'action du Saint-Esprit, qui lui a donné l'élan nécessaire pour faire de sa mort une offrande parfaite à son Père. Alors le Père glorifie son Fils, lui donnant la capacité de communiquer l'Esprit à tous les hommes.

Je salue cordialement les personnes de langue française présentes à cette audience, particulièrement les pèlerins des régions Centre et Est de la France, et du Luxembourg, venus avec leurs Evêques, ainsi que ceux de l'Ile Maurice. Je leur souhaite d'accueillir toujours plus la présence du Ressuscité dans leur vie et d'en témoigner généreusement autour d'eux. De grand coeur je donne à tous la Bénédiction apostolique.




Catéchèses S. J-Paul II 50400