Catéchèses S. J-Paul II 10500

Mercredi 10 mai 2000

10500
Lecture: Mt 28,16-20


1. L'itinéraire de la vie du Christ n'a pas comme fin l'obscurité de la tombe, mais le ciel lumineux de la résurrection. La foi chrétienne est fondée sur ce mystère (cf. 1Co 15,1-20), comme nous le rappelle le Catéchisme de l'Eglise catholique: "La résurrection de Jésus est la vérité culminante de notre foi dans le Christ, crue et vécue comme vérité centrale par la première communauté chrétienne, transmise comme fondamentale par la Tradition, établie par les documents du Nouveau Testament, prêchée comme partie essentielle du mystère pascal en même temps que la Croix" (CEC 638).

Un auteur mystique espagnol du XVI siècle affirmait: "En Dieu, plus on navigue plus on découvre de nouvelles mers" (Fray Luis de Léon). Au long de l'immensité du mystère nous entendons à présent naviguer vers la lumière de la présence trinitaire dans les événements de Pâques. Il s'agit d'une présence qui s'amplifie au cours des cinquante jours qui suivent Pâques.


2. A la différence des écrits apocryphes, les Evangiles canoniques ne présentent pas l'événement de la résurrection en soi, mais plutôt la présence nouvelle et différente du Christ Ressuscité parmi ses disciples. La première scène sur laquelle nous voulons nous arrêter souligne précisément cette nouveauté. Il s'agit de l'apparition qui a lieu dans la ville de Jérusalem encore plongée dans la faible lumière de l'aube: une femme, Marie de Magdala, et un homme se rencontrent à l'intérieur du périmètre d'un cimetière. Dans un premier temps, la femme ne reconnaît pas l'homme qui s'est approché d'elle: et pourtant il s'agit de ce Jésus de Nazareth qu'elle a écouté et qui a transformé sa vie. Pour le reconnaître il y a besoin d'une autre voie de connaissance, différente de celle de la raison et des sens. C'est la voie de la foi qui s'ouvre lorsqu'elle entend qu'on l'appelle par son nom (cf. Jn Jn 20,11-18).

Au cours de cette scène, fixons notre attention, sur les paroles du Ressuscité. Il déclare: "Je monte vers mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu" (Jn 20,17). Le Père céleste apparaît donc, et le Christ, en utilisant à son égard l'expression "mon Père", souligne un lien spécial et unique, différent de celui qui existe entre le Père et les disciples: "votre Père". Dans l'Evangile de Matthieu Jésus appelle dix-sept fois Dieu "mon Père". Le quatrième évangéliste utilise deux termes grecs différents, l'un - hyiós - pour indiquer la pleine et parfaite filiation divine du Christ, l'autre - tékna - qui se réfère au fait que nous sommes fils de Dieu de façon réelle mais dérivée.


3. La seconde scène nous conduit de Jérusalem vers la région septentrionale de la Galilée, sur un mont. Sur celui-ci s'accomplit une autre christophanie, dans laquelle le Ressuscité se révèle aux Apôtres (cf. Mt Mt 28,16-20). Il s'agit d'un événement solennel de révélation, de reconnaissance et de mission. Dans la plénitude de ses pouvoirs salvifiques il confère à l'Eglise le mandat d'annoncer l'Evangile, de baptiser et d'enseigner à vivre selon ses commandements. Et c'est la Trinité qui apparaît dans ces paroles essentielles qui retentissent également dans la formule du baptême chrétien, tels que l'Eglise l'administrera: "Baptisez (toutes les nations) au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit" (Mt 28,19).

Un antique auteur chrétien, Théodore de Mopsuestia (IV-V siècle) commente: "L'expression au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit indique qui donne les biens du baptême: la nouvelle naissance, le renouvellement, l'immortalité, l'incorruptibilité, l'impassibilité, l'immutabilité, la libération de la mort, de l'esclavage et de tous les maux, la jouissance de la liberté et la participation aux biens futurs et sublimes. Voilà pourquoi l'on est baptisé! On invoque donc le Père, le Fils et l'Esprit-Saint pour que tu connaisse la source des biens du baptême" (Homélie II Sur le Baptême, 17).


4. Nous parvenons ainsi à la troisième scène que nous voulons évoquer. Elle nous ramène dans le passé, lorsque Jésus marchait encore sur les routes de la Terre Sainte, en parlant et en agissant. Au cours de la solennité hébraïque des Tentes, il proclame: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive, celui qui croit en moi. Selon le mot de l'Ecriture: De son sein couleront des fleuves d'eau vive" (Jn 7,38). L'évangéliste Jean interprète ces paroles précisément à la lumière de la Pâque de gloire et du don de l'Esprit Saint: "Il parlait de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui; car il n'y avait pas encore d'Esprit, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié" (Jn 7,39).

La glorification de la Pâque viendra et avec elle également le don de l'Esprit lors de la Pentecôte, que Jésus anticipera pour ses Apôtres le soir même du jour de la résurrection. Apparaissant au Cénacle, il soufflera sur eux et dira: "Recevez l'Esprit Saint" (Jn 20,22).


5. Le Père et l'Esprit sont donc unis au Fils à l'heure suprême de la rédemption. C'est ce que Paul affirme dans une page particulièrement lumineuse de la Lettre aux Romains, où il évoque la Trinité précisément en liaison avec la résurrection du Christ et la nôtre à tous: "Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous" (Rm 8,11).

La condition afin que se réalise cette promesse est indiquée par l'Apôtre dans la même Lettre: "En effet, si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton coeur croit que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé" (Rm 10,9). A la nature trinitaire de l'événement pascal correspond l'aspect trinitaire de la profession de foi. En effet, "nul ne peut dire "Jésus est Seigneur", s'il n'est avec l'Esprit Saint" (1Co 12,3) et celui qui le dit, le dit "pour la gloire de Dieu le Père" (Ph 2,11).

Accueillons donc la foi pascale et la joie qui en résulte, en faisant notre un chant de l'Eglise d'Orient, pour la veillée pascale: "Toutes les choses sont illuminées par ta résurrection, ô Seigneur, et le paradis est rouvert. Toute la création te bénit et chaque jour t'offre un hymne. Je glorifie la puissance du Père et du Fils, j'élève un hymne à l'autorité de l'Esprit Saint. Divinité indivise, incréée, Trinité consubstantielle qui règne dans les siècles des siècles" (Canon pascal de saint Jean Damascène, Samedi Saint, troisième ton).

                                  * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'audience générale du 10 mai 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De différents pays: Groupe "Aide à l'Eglise en détresse".

De France: Pèlerins des diocèses d'Autun et de Belley-Ars; Lycée "Maison française", à la Chesnoye; Lycée agricole, de Saint-Geniez d'Olt; Collège Saint-François d'Assise", de Montigny-le-Bretonneux; Collège de la Maîtrise, de Saint-Claude; groupe Notre-Dame de Salut; Fraternité franciscaine, de Cest; Famille du Coeur de Jésus; groupes de pèlerins de Seyssel; de Nice; de Paris; la Confrérie de Notre-Dame de la Miséricorde, d'Ajaccio.

De Belgique: Groupe de pèlerins.



Chers Frères et Soeurs,

La résurrection du Christ est la vérité essentielle de notre foi, crue et vécue par la première communauté chrétienne et transmise par la Tradition. La Trinité, présente dans le mystère pascal, va se manifester pendant les cinquante jours qui la suivront.

Dans les récits des apparitions du Christ ressuscité que rapportent les Evangiles, on insiste moins sur l’événement de la résurrection que sur la présence nouvelle du Christ au milieu de ses disciples. Si Marie-Madeleine veut reconnaître le Christ, il lui faut, pour croire, dépasser la raison et les sens. Jésus rappelle alors le lien unique et spécial qu’il a avec le Père céleste. En Galilée, sur la montagne, Jésus ressuscité donne mission à ses disciples d’aller baptiser et enseigner; la Sainte Trinité est présente dans la formule que l’Eglise utilise encore aujourd’hui: «Baptisez toutes les nations au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit». Enfin, lorsqu’il apparaît au Cénacle, Jésus, anticipant le jour de la Pentecôte, fait à ses disciples le don de l’Esprit Saint.

A la nature trinitaire de l’événement pascal correspond l’aspect trinitaire de notre profession de foi. Saint Paul nous rappelle en effet qu’on ne peut dire «Jésus est Seigneur» que sous l’action de l’Esprit Saint, et que celui qui le proclame le fait «pour la gloire de Dieu le Père» (Ph 2,11). Que notre foi pascale soit un hymne plein de joie à la Sainte Trinité !

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier le groupe "Aide à l'Eglise en détresse", les pèlerins des diocèses d'Angoulême, d'Autun, de Belley-Ars, ainsi que les jeunes. Je leur souhaite de vivre ce temps de Pâques dans la joie d'une foi vivante et rayonnante. De grand coeur, je leur accorde à tous la Bénédiction apostolique.





Mercredi 17 mai 2000

17500
  Très chers frères et soeurs!

1. Je désire aujourd'hui m'arrêter avec vous sur le pèlerinage à Fatima, que le Seigneur m'a donné d'accomplir vendredi et samedi de la semaine dernière. Les émotions que j'ai éprouvées sont encore vives en moi. J'ai à l'esprit l'immense foule qui s'est rassemblée sur l'esplanade devant le Sanctuaire, vendredi soir à mon arrivée, et en particulier samedi matin pour la béatification des deux pastoureaux François et Jacinthe. Une foule qui exultait de joie et, dans le même temps, capable de créer des moments de silence absolu et d'intense recueillement.

Mon coeur est rempli de gratitude: pour la troisième fois, en la fête du 13 mai, date de la première apparition de la Madone à la Cova da Iria, la Providence m'a accordé de me rendre en pèlerinage aux pieds de la Vierge, là où elle apparut aux trois pastoureaux Lucie, François et Jacinthe, de mai à octobre 1917. Lucie est encore en vie, et j'ai encore une fois eu la joie de la rencontrer.

J'adresse un profond remerciement à l'Evêque de Fatima et à tout l'épiscopat portugais pour la préparation de cette visite et pour l'accueil chaleureux. Je renouvelle également mon salut et j'exprime ma gratitude au Président de la République, au Premier ministre et aux autres Autorités portugaises pour les attentions qui m'ont été réservées et pour l'engagement avec lequel ils se sont prodigués pour la réussite de ce pèlerinage apostolique.


2. Comme à Lourdes, à Fatima également la Vierge a choisi des enfants, François, Jacinthe et Lucie, comme destinataires de son message. Ils l'ont accueillie si fidèlement qu'ils méritent non seulement d'être reconnus comme témoins crédibles des apparitions, mais de devenir eux-mêmes un exemple de vie évangélique.

Lucie, leur cousine à peine plus âgée encore vivante, a tracé des portraits significatifs des deux nouveaux bienheureux. François était un enfant bon, réfléchi, à l'âme contemplative; alors que Jacinthe était vive, plutôt susceptible, mais très douce et aimable. Leurs parents les avaient éduqués à la prière, et le Seigneur lui-même les attira plus étroitement à lui, grâce à l'apparition d'un Ange qui, tenant entre les mains un Calice et une Hostie, leur enseigna à s'unir au sacrifice eucharistique en réparation des péchés.

Cette expérience les prépara aux rencontres successives avec la Madone, qui les invita à prier assidûment et à offrir des sacrifices pour la conversion des pécheurs. Avec les deux pastoureaux de Fatima l'Eglise a proclamé bienheureux deux très jeunes enfants, car, bien que ce ne soient pas des martyrs, ils ont démontré qu'ils vivaient les vertus chrétiennes à un degré héroïque, malgré leur âge tendre. Un héroïsme d'enfants, mais un héroïsme véritable.

Leur sainteté ne dépend pas des apparitions, mais de la fidélité et de l'engagement avec lequel ils ont répondu au don singulier reçu du Seigneur et de la Très Sainte Vierge. Après la rencontre avec l'Ange et avec la belle Dame, ils récitaient le rosaire plusieurs fois par jour, offraient des pénitences fréquentes pour la fin de la guerre et pour les âmes qui avaient le plus besoin de la miséricorde divine, et ressentaient le désir intense de "consoler" le Coeur de Jésus et Celui de Marie. En outre, les pastoureaux durent supporter les fortes pressions de ceux qui les poussaient, avec la force et de terribles menaces, à renier tout et à révéler les secrets reçus. Mais ils s'encouragèrent mutuellement, confiants dans le Seigneur et dans l'aide de "cette Dame", dont François disait: "C'est notre amie". En raison de leur fidélité à Dieu, ils constituent un exemple lumineux, pour les enfants et les adultes, d'une manière de se conformer de façon simple et généreuse à l'action transformante de la grâce divine.


3. Mon pèlerinage à Fatima a donc été un remerciement à Marie pour ce qu'elle a voulu communiquer à l'Eglise à travers ces enfants et pour la protection qui m'a été accordée au cours de mon pontificat: un remerciement que j'ai voulu lui renouveler symboliquement avec le don du précieux anneau épiscopal, qui m'a été offert par le Cardinal Wyszynski quelques jours après mon élection au Siège de Pierre.

Les temps apparaissant désormais mûrs, j'ai considéré opportun de rendre public le contenu de ce que l'on appelle la troisième partie du secret.

Je suis heureux d'avoir pu prier dans la Chapelle des Apparitions, construite sur le lieu où la "Dame enveloppée de lumière" se montra plusieurs fois aux trois enfants et parla avec eux. J'ai rendu grâce pour ce que la miséricorde divine a accompli au cours du XXème siècle, grâce à l'intercession maternelle de Marie. A la lumière des apparitions de Fatima, les événements de cette période historique très tourmentée acquièrent une éloquence particulière. Il n'est alors pas difficile de mieux comprendre combien la miséricorde Dieu a été déversée sur l'humanité à travers Marie. Nous ne pouvons que remercier Dieu pour le témoignage courageux de tant de hérauts du Christ qui lui sont restés fidèles jusqu'au sacrifice de leur vie. En outre, j'ai plaisir à rappeler ici les enfants et les adultes, hommes et femmes, qui, selon les indications données par la Vierge à Fatima, ont offert quotidiennement des prières et des sacrifices, en particulier en récitant le saint Rosaire et par la pénitence. Je voudrais encore une fois les rappeler tous et rendre grâce à Dieu.

4. De Fatima se diffuse dans le monde entier un message de conversion et d'espérance, un message qui, conformément à la révélation chrétienne, est profondément inséré dans l'histoire. Celui-ci, précisément à partir des expériences vécues, invite les croyants à prier assidûment pour la paix dans le monde et à faire pénitence pour ouvrir les coeurs à la conversion. Tel est l'Evangile authentique du Christ reproposé à notre génération particulièrement éprouvée par les événements passés. L'appel que Dieu nous a fait parvenir à travers la Sainte Vierge conserve encore aujourd'hui toute son actualité.

Très chers frères et soeurs, accueillons la lumière qui vient de Fatima: laissons-nous guider par Marie. Que son Coeur Immaculé soit notre refuge et le chemin qui nous conduit au Christ. Que les bienheureux pastoureaux intercèdent pour l'Eglise, afin qu'elle poursuive avec courage son pèlerinage sur terre et qu'elle annonce avec une fidélité constante l'Evangile du salut à tous les hommes!

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 17 mai 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage des diocèses de Luçon et de La Rochelle, avec Mgr François Garnier et Mgr Georges Pontier; Congrégation des Serviteurs de Jésus et Marie; Collège Sainte-Marie, d'Antony; groupe de pèlerins de Béziers, de Paris, de Bayonne, de Lourdes, de La Région du Pays de Loire.

De Côte-d'Ivoire: Groupe de pèlerins du diocèse de Grand-Bassam.


Chers frères et soeurs,

En me rendant pour la troisième fois à Fatima, j'ai voulu remercier la Vierge pour ce qu'elle a communiqué à l'Eglise à travers trois petits bergers et pour la protection qu'elle m'a accordée durant mon pontificat. La Vierge a choisi des enfants pour leur dire son message; formés par leurs parents à la prière, ils étaient préparés aux différentes rencontres avec la Vierge, qui les a invités à prier de manière assidue et à offrir des sacrifices pour la conversion des pécheurs.

L'Eglise a proclamé bienheureux deux pastoureaux parce qu'ils ont su, malgré leur jeune âge, vivre leur foi de façon héroïque. Leur sainteté ne dépend pas des apparitions, mais de la fidélité et de l'engagement avec lesquels ils ont répondu au don reçu du Seigneur et de Marie, se confiant totalement à eux.

De Fatima se diffuse dans le monde un message de conversion et d'espérance. Prions inlassablement pour la paix sur la terre et faisons pénitence pour que tous les coeurs s'ouvrent à la conversion. Accueillons la lumière de Fatima et laissons-nous guider par Marie!

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, notamment Monseigneur Garnier, Evêque de Luçon et Monseigneur Pontier, Evêque de La Rochelle, et leurs diocésains, ainsi que le groupe de Grand-Bassam en Côte-d'Ivoire. Avec la Bénédiction apostolique!


J'accueille avec plaisir le pèlerinage national de Grèce, venu à Rome pour effectuer une démarche jubilaire et guidé par le Vicaire général d'Athènes. Chers amis, puisse votre prière en la Ville des Apôtres Pierre et Paul vous conforter dans votre foi et stimuler votre témoignage de fidèles attachés au Successeur de Pierre, dans un esprit de paix et de concorde avec tous vos frères chrétiens! Que le Christ ressuscité soit votre lumière et votre joie!





Mercredi 24 mai 2000

24500
Lecture:
Ac 1,6-9

1. Le mystère de la Pâque du Christ concerne l'histoire de l'humanité, mais dans le même temps la transcende. La pensée et le langage humains eux-mêmes peuvent d'une certaine façon saisir et communiquer ce mystère, mais pas l'expliquer complétement. C'est pourquoi le Nouveau Testament, tout en parlant de "résurrection", comme l'atteste l'antique Credo que Paul lui-même a reçu et qu'il transmet dans la première Lecture de l'Epître aux Corinthiens (cf. 15, 3-5), a également recours à une autre formulation pour définir la signification de la Pâque. En particulier chez Jean et Paul, elle est présentée comme exaltation ou glorification du Crucifié. Ainsi, pour le quatrième évangéliste la Croix du Christ est déjà le trône royal, qui repose sur la terre mais qui pénètre dans les cieux. Le Christ y est assis comme Sauveur et Seigneur de l'histoire.

Jésus, en effet, dans l'Evangile de Jean s'exclame: "Et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi" (Jn 12,32; cf. Jn 3,14 Jn 8,28). Paul, dans l'hymne contenu dans l'Epître aux Philippiens, après avoir décrit l'humiliation profonde du Fils de Dieu lors de sa mort sur la Croix, célèbre ainsi la Pâque: "Aussi Dieu l'a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout, au nom de Jésus, s'agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame de Jésus-Christ qu'il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père" (Ph 2,9-11).


2. L'Ascension du Christ au ciel, racontée par Luc comme sceau de son Evangile et comme début de sa seconde oeuvre, les Actes des Apôtres, doit être comprise dans cette même lumière. Il s'agit de la dernière apparition de Jésus, qui "se termine par l'entrée irréversible de son humanité dans la gloire divine symbolisée par la nuée et par le ciel" (CEC 659). Le ciel est par excellence le signe de la transcendance divine. Il est la zone cosmique qui se trouve au-dessus de l'horizon terrestre, sur lequel se déroule l'existence humaine.

Le Christ, après avoir parcouru les routes de l'histoire et être également entré dans l'obscurité de la mort, frontière de notre caractère fini et salaire du péché (cf. Rm Rm 6,23), retourne à la gloire que, depuis l'éternité (cf. Jn Jn 17,5), il partage avec le Père et avec l'Esprit Saint. Et il conduit avec lui l'humanité rachetée. En effet, la Lettre aux Ephésiens affirme que "Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés [...] nous a fait revivre avec le Christ [...] et fait asseoir aux cieux" (Ep 2,4-6). Cela est tout d'abord valable pour la Mère de Jésus, Marie, dont l'assomption constitue les prémisses de notre ascension dans la gloire.


3. Nous nous arrêtons face au Christ glorieux de l'Ascension pour contempler la présence de toute la Trinité. On sait que l'art chrétien, dans ce qu'on appelle la Trinitas in cruce, a représenté à plusieurs reprises le Christ crucifié sur lequel le Père s'incline comme pour une étreinte, alors qu'entre les deux s'envole la colombe de l'Esprit Saint (comme le fit par exemple Masaccio dans l'église S. Maria Novella à Florence). De cette façon, la croix constitue un symbole d'union qui relie l'humanité et la divinité, la mort et la vie, la souffrance et la gloire.

De façon analogue on peut entrevoir la présence des trois personnes divines dans la scène de l'Ascension. Luc, dans la page finale de l'Evangile, avant de présenter le Ressuscité qui, en tant que prêtre de la Nouvelle Alliance, bénit ses disciples et se détache de la terre pour être conduit dans la gloire du ciel (cf. Lc Lc 24,50-52), évoque à nouveau le discours d'adieu adressé aux apôtres. Dans celui-ci apparaît tout d'abord le dessein de salut du Père, qui dans les Ecritures avait annoncé la mort et la résurrection du Fils, source de pardon et de libération (cf. Lc Lc 24,45-47).


4. Mais dans ces mêmes paroles du Ressuscité se profile également l'Esprit Saint, dont la présence sera source de force et de témoignage apostolique: "Et voici que moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Vous donc, demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en-haut" (Lc 24,49). Si le Paraclet est promis par le Christ dans l'Evangile de Jean, pour Luc le don de l'Esprit fait également partie d'une promesse du Père lui-même.

C'est pourquoi la Trinité tout entière est présente au moment où s'ouvre le temps de l'Eglise. C'est ce que Luc répète également dans le second récit de l'Ascension du Christ, celui des Actes des Apôtres. En effet, Jésus exhorte les disciples à "attendre que s'accomplisse la promesse du Père", c'est-à-dire celle d'être "baptisés dans l'Esprit Saint", lors de la Pentecôte désormais imminente (cf. Ac Ac 1,4-5).


5. L'Ascension est donc une épiphanie trinitaire qui indique le but vers lequel se dirige le cours de l'histoire personnelle et universelle. Même si notre corps mortel passe à travers la dissolution dans la poussière de la terre, tout notre "moi" racheté est tendu vers le haut et vers Dieu, en suivant le Christ comme guide.

Soutenus par cette joyeuse certitude, nous nous adressons au mystère de Dieu Père, Fils et Esprit, qui se révèle dans la Croix glorieuse du Ressuscité, avec l'invocation d'adoration de la bienheureuse Elisabeth de la Trinité: "Ô mon Dieu, Trinité que j'adore, aide-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en toi, immobile et calme, comme si mon âme était déjà dans l'éternité... Mon âme est pacifique! Fais-en ton ciel, ta demeure d'élection et le lieu de ton repos... Ô mes Trois, mon tout, ma Béatitude, Solitude infinie, Immensité dans laquelle je me perds, je m'abandonne à toi..., dans l'attente de pouvoir contempler dans ta lumière l'abîme de ta grandeur" (Elévation à la Très Sainte Trinité, 21 novembre 1904).

                             * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 24 mai 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupes de pèlerins des diocèses de Reims, Châlons, Bayeux, Sées, Coutances et Toulon; Compagnie des Filles de la Charité; Foyer de Charité de Combs-la-Ville.

De Suisse: Groupe de la paroisse de Vernayaz.

De Belgique: Groupe de pèlerins.

Du Canada: Groupe de pèlerins.

De Côte d'Ivoire: Groupe de pèlerins.


Chers frères et soeurs,

Dans les écrits de Jean et de Paul, Pâques est présenté comme une exaltation ou une glorification du Crucifié. La croix est le trône royal sur lequel le Christ, Sauveur et Seigneur de l'histoire, est assis. L'Ascension doit être comprise dans cette perspective.

Après avoir parcouru les routes de l'histoire et être passé par l'obscurité de la mort, le Christ retourne à la gloire qu'il partage de toute éternité avec le Père et l'Esprit Saint, emmenant avec lui l'humanité rachetée. Devant le Christ glorieux de l'Ascension, nous nous arrêtons pour contempler la Trinité, car on peut y entrevoir la présence des trois personnes divines. Le discours d'adieu du Ressuscité, rapporté par Luc, laisse apparaître le dessein de salut du Père qui, dans les Ecritures, avait annoncé la mort et la résurrection du Fils, source de pardon et de libération. L'Esprit Saint, d'où jaillissent la force et le témoignage apostolique, s'y profile aussi. La Trinité entière est présente au moment où s'ouvre le temps de l'Eglise.

L'Ascension est donc une épiphanie trinitaire qui indique le but vers lequel se dirige l'histoire personnelle et universelle. Avec Elisabeth de la Trinité, nous pouvons prier: "Ô mon Dieu, Trinité que j'adore!".


Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins des diocèses de Reims, Châlons, Bayeux, Sées et Coutances, et leurs Evêques, les Visitatrices des Filles de la Charité, venues du monde entier, ainsi que les pèlerins de Côte-d'Ivoire. Que votre pèlerinage jubilaire vous permette de grandir dans la foi au Christ et dans l'amour de l'Eglise! A tous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique!



Mercredi 31 mai 2000

31500 Lecture: Ac 2,1-4

1. La Pentecôte chrétienne, célébration de l'effusion de l'Esprit Saint, présente divers aspects dans les écrits néotestamentaires. Nous commencerons par celui dont nous avons à présent entendu la description dans le passage des Actes des Apôtres. Il s'agit du plus immédiat dans l'Esprit de tous, dans l'histoire de l'art et dans la liturgie elle-même.

Luc, dans sa seconde oeuvre, place le don de l'Esprit à l'intérieur d'une théophanie, c'est-à-dire d'une solennelle révélation divine, qui dans ses symboles renvoie à l'expérience d'Israël au Sinaï (cf. Ex Ex 19). Le fracas, le vent impétueux, le feu qui évoque la foudre, exaltent la transcendance divine. En réalité, c'est le Père qui donne l'Esprit à travers l'intervention du Christ glorifié. Pierre le dit dans son discours: "Jésus... exalté par la droite de Dieu, a reçu du Père l'Esprit Saint, objet de la promesse, et l'a répandu. C'est là ce que vous voyez et entendez" (Ac 2,33). A la Pentecôte - comme l'enseigne le Catéchisme de l'Eglise catholique - l'Esprit Saint "est manifesté, donné et communiqué comme Personne divine... En ce jour est pleinement révélée la Trinité Sainte" (CEC 731-732).


2. Toute la Trinité est en effet concernée par l'irruption de l'Esprit Saint, répandu sur la première communauté et sur l'Eglise de tous les temps comme le sceau de la Nouvelle Alliance annoncée par les Prophètes (cf. Jr Jr 31,31-34 Ez 36,24-27), pour soutenir le témoignage et comme source d'unité dans la pluralité. En vertu de l'Esprit Saint les Apôtres annoncent le Ressuscité, et tous les croyants, dans la diversité de leurs langues, donc de leurs cultures et de leur histoire, professent l'unique foi dans le Seigneur, "publiant les merveilles de Dieu" (Ac 2,11).

Il est significatif de noter qu'un commentaire hébraïque de l'Exode, en réévoquant le chapitre 10 de la Genèse dans lequel on dresse une liste des soixante-dix nations qui, l'on pensait, constituaient l'humanité dans sa plénitude, les reconduit au Sinaï pour écouter la Parole de Dieu: "Au Sinaï la voix du Seigneur se divisa en soixante-dix langues, afin que toutes les nations puissent comprendre" (Exode Rabba' 5, 9). De même, dans la Pentecôte de Luc la Parole de Dieu, à travers les Apôtres, est adressée à l'humanité pour annoncer à toutes les nations, dans leur diversité, "les grandes oeuvres de Dieu" (Ac 2,11).


3. Il existe cependant dans le Nouveau Testament un autre récit que nous pourrions appeler la Pentecôte de Jean. Dans le quatrième Evangile, en effet, l'effusion de l'Esprit Saint est située le soir même de Pâques et est intimement liée à la Résurrection. On lit chez Jean: "Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit: "Paix à vous!"; Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Il leur dit alors de nouveau: "Paix à vous! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie". Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit: "Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leurs seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus"" (Jn 20,19-23).

Dans ce récit de Jean également, resplendit la gloire de la Trinité: du Christ Ressuscité qui se montre dans son corps glorieux, du Père qui est à la source de la mission apostolique et de l'Esprit répandu comme don de paix. Ainsi s'accomplit la promesse faite par le Christ, à l'intérieur de ces mêmes murs, lors des discours d'adieu aux disciples: "Mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit" (Jn 14,26). La présence de l'Esprit dans l'Eglise est destinée à la rémission des péchés, au souvenir et à l'accomplissement de l'Evangile dans la vie, à la réalisation toujours plus profonde de l'unité dans l'amour.

L'acte symbolique de souffler veut évoquer l'acte du Créateur qui, après avoir modelé le corps de l'homme avec de la glaise du sol, "insuffla dans ses narines une haleine de vie" (Gn 2,7). Le Christ ressuscité communique un autre souffle de vie, "l'Esprit Saint". La rédemption est une nouvelle création, oeuvre divine à laquelle l'Eglise est appelée à collaborer à travers le ministère de la réconciliation.


4. L'Apôtre Paul ne nous offre pas un récit direct de l'effusion de l'Esprit, mais il parle de ses fruits avec une telle intensité que l'on pourrait parler d'une Pentecôte de Paul, elle aussi présentée sous le signe de la Trinité. Selon deux passages parallèles des Epîtres aux Galates et aux Romains, en effet, l'Esprit est le don du Père, qui nous rend fils adoptifs, en nous faisant participer à la vie de la famille divine elle-même. Paul affirme donc: "Aussi bien n'avez-vous pas reçu un esprit d'esclaves pour retomber dans la crainte; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier: Abba! Père! L'Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers; héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ" (Rm 8,15-17 cf. Gal Ga 4,6-7).

Avec l'Esprit Saint dans le coeur nous pouvons adresser à Dieu l'appellation familière abba', que Jésus lui-même utilisait à l'égard de son Père céleste (cf. Mc Mc 14,36). Comme lui, nous devons marcher selon l'Esprit dans la liberté intérieure profonde: "Mais le fruit de l'Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi" (Ga 5,22).

Nous concluons notre contemplation de la Trinité dans la Pentecôte par une invocation de la liturgie d'Orient: "Venez, peuples, adorons la Divinité en trois personnes: le Père dans le fils avec l'Esprit Saint. Car le Père de toute éternité engendre un fils coéternel et régnant avec Lui, et l'Esprit Saint est dans le Père, glorifié avec le Fils, puissance unique, unique substance, unique divinité... Trinité Sainte, gloire à Toi!" (Vêpres de la Pentecôte).

                                * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 31 mai 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerins du diocèse d'Autun; Collège Sainte-Marie, de Cours-La Ville; Collège Sainte-Thérèse, de Frontignan; groupe de pèlerins de Nice; groupe d'officiers de la Gendarmerie nationale, stagiaires du Collège interarmées de l'Ecole militaire de Paris.

Du Canada: Groupe "Les amis de Saint-Benoît-du-Lac", de Québec.


Chers frères et soeurs,

La Pentecôte célèbre l'effusion de l'Esprit qui "est manifesté, donné et communiqué comme Personne divine" (CEC 731-732). La Trinité est donc tout entière présente dans l'irruption de l'Esprit, qui donne aux Apôtres la force d'annoncer à toutes les nations le Christ ressuscité. L'événement de la Pentecôte fait resplendir la gloire de la Trinité: le Christ se manifeste dans son corps glorieux, le Père est la source du don de l'Esprit réalisant la promesse de l'envoi du Paraclet. En soufflant sur les disciples rassemblés au Cénacle, Jésus fait aussi apparaître que la rédemption est une nouvelle création, une action divine à laquelle l'Eglise est appelée à collaborer à travers le ministère de la réconciliation.

Je suis heureux d'accueillir les francophones présents ce matin, et je salue en particulier les officiers de la Gendarmerie nationale française. Avec Marie dont nous fêtons la Visitation, puissiez-vous reconnaître la présence du Christ dans vos vies, pour magnifier le Seigneur et être ses témoins parmi toutes les nations! Avec ma Bénédiction apostolique!




Catéchèses S. J-Paul II 10500