Catéchèses S. J-Paul II 60900

Mercredi 6 septembre 2000

60900
Lecture:
Lc 9,57-60


1. La rencontre avec le Christ change radicalement la vie d'une personne, elle la pousse à la metánoia ou conversion profonde de l'esprit et du coeur et établit une communion de vie qui revient à se mettre à la suite du Christ. Dans les Evangiles ce chemin est exprimé par deux attitudes: la première consiste à "prendre la route" avec le Christ (akoloutheîn); la seconde, à "marcher à la suite" du Christ qui sert de guide, en suivant ses traces et sa direction (érchesthai opíso). C'est ainsi que naît la figure du disciple qui se réalise de manières différentes. Il y a ceux qui le suivent de façon anonyme et superficielle, comme la foule (cf. Mc Mc 3,7 Mc 5,24 Mt 8,1 Mt 8,10 Mt 14,13 Mt 19,2 Mt 20,29). Il y a les pécheurs (cf. Mc Mc 2,14-15); de même sont indiquées à plusieurs reprises les femmes qui soutiennent par leur service concret la mission de Jésus (cf. Lc Lc 8,2-3 Mc Mc 15,41). Certains reçoivent un appel spécifique de la part du Christ et, parmi eux, une place particulière est réservée aux Douze.

La typologie des appelés est donc très variée: des personnes qui se consacrent à la pêche et des percepteurs des impôts, des personnes honnêtes et des pécheurs, des personnes mariées et des personnes seules, des pauvres et des riches comme Joseph d'Arimathie (cf. Jn Jn 19,38), des hommes et des femmes. Il y a même le zélote Simon (cf. Lc Lc 6,15), c'est-à-dire un membre de l'opposition révolutionnaire anti-romaine. Il y a également ceux qui refusent l'invitation, comme le jeune riche, qui devant les paroles exigeantes du Christ, s'attriste et s'en va affligé "car il avait de grands biens" (Mc 10,22).


2. Les conditions pour parcourir la même route que Jésus sont peu nombreuses mais fondamentales. Comme nous l'avons entendu dans le passage évangélique qui vient d'être lu, il faut laisser le passé derrière soi, en effectuant une coupure nette, une metánoia au sens profond du terme: un changement d'esprit et de vie. Le chemin que le Christ propose est étroit, il exige sacrifice et don total de soi: "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive" (Mc 8,34). C'est un chemin qui connaît les épines des épreuves et des persécutions: "S'ils m'ont persécuté, vous aussi ils vous persécuteront" (Jn 15,20). C'est un chemin qui rend missionnaires et témoins de la parole du Christ, mais qui exige des apôtres qu'ils ne prennent "ni pain, ni besace, ni menue monnaie pour la ceinture" (Mc 6,8 cf. Mt Mt 10,9-10).


3. Marcher à la suite du Christ n'est donc pas un voyage aisé sur une route plate. On peut également connaître des moments de découragement à tel point que, à un certain moment "beaucoup de ses disciples se retirèrent, et ils n'allaient plus avec lui" (Jn 6,66), c'est-à-dire avec Jésus, qui fut obligé d'interpeller les Douze avec une question décisive: "Voulez-vous partir, vous aussi?" (Jn 6,67). Dans une autre circonstance Pierre lui-même est brusquement repris, lorsqu'il se rebelle à la perspective de la croix, par une parole qui, selon les nuances du texte original, pourrait être une invitation à se placer à nouveau "derrière" Jésus, après avoir tenté de refuser l'objectif de la croix: "Passe derrière moi, Satan! car tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes!" (Mc 8,33).

La tentation de la trahison restera possible pour Pierre qui, à la fin, suivra cependant son Maître et Seigneur dans l'amour le plus généreux. En effet, au bord des rives du lac de Tibériade Pierre fera sa profession d'amour: "Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t'aime". Et Jésus lui annoncera "le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu", ajoutant par deux fois: "Suis-moi!" (Jn 21,17 Jn 21,19 Jn 21,22).

Marcher à la suite du Christ s'exprime de façon particulière chez le disciple bien-aimé, qui entre dans l'intimité du Christ, en reçoit sa Mère en don et le reconnaît ressuscité (cf. Cf. Jn Jn 13,23-26 Jn 18,15-16 Jn 19,26-27 Jn 20,2-8 Jn 21,2 Jn 21,7 Jn 21,20-24).

4. La gloire est le but ultime de la marche à la suite du Christ. Le chemin est celui de l'"imitation du Christ", qui a vécu dans l'amour et qui est mort par amour sur la croix. Le disciple "doit, pour ainsi dire, entrer dans le Christ avec tout son être, il doit "s'approprier" et assimiler toute la réalité de l'Incarnation et de la Rédemption pour se retrouver soi-même" (Redemptor hominis RH 10). Le Christ doit entrer en lui pour le libérer de l'égoïsme et de l'orgueil comme le dit à ce propos saint Ambroise: "Que le Christ entre dans ton âme, que Jésus prenne demeure dans tes pensées Jésus, pour ne laisser aucune place au péché dans la tente sacrée de la vertu" (Commentaire au Psaume CXVIII, lettre "daleth", 26).


5. La croix, signe d'amour et de don total est donc l'emblème du disciple appelé à se configurer au Christ glorieux. Un Père de l'Eglise d'Orient, qui est également un poète inspiré, Romain le Mélode, interpelle ainsi le disciple: "Tu possèdes la croix comme bâton, appuies sur celle-ci ta jeunesse. Porte-la dans ta prière, porte-la à la table commune, porte-la dans ton lit et partout comme ton titre de gloire. Dis à ton époux qui s'est à présent uni à toi: Je me jette à tes pieds. Donne dans ta grande miséricorde la paix à ton univers, aux Eglises ton aide, aux pasteurs la sollicitude, au troupeau la concorde afin que tous, toujours, nous chantions notre résurrection" (Hymne 52 "Aux nouveaux baptisés", strophes 19 et 22).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 6 septembre 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Fraternité de Marie Reine Immaculée, Sainte-Anne d'Auray; pèlerinage du diocèse de Nice; Association "Amis de la consolation", de Draguignan; groupe de pèlerins de Paris, de Vergt, de Teyran.

Du Luxembourg: Groupe de pèlerins de Bascharage.

De Suisse: Pèlerins de Genève.

Du Canada: Groupe de pèlerins.

Du Viêt-nam: Groupe de fidèles vietnamiens de l'archidiocèse de Hôchiminh-Ville.


Chers frères et soeurs,

Pour marcher à la suite du Christ, il est nécessaire d'opérer un profond changement de mentalité et de vie. Le chemin que Jésus propose est étroit et il exige sacrifice et don total de soi. C'est un chemin qui connaît des épreuves et des persécutions. Des disciples il fait des missionnaires et des témoins de la parole du Christ, qui ne doivent rien emporter pour le voyage.

Ce voyage peut connaître des moments difficiles où le disciple est tenté d'abandonner le Maître. Se mettre à la suite du Christ, pour parvenir à la gloire, exige de l'imiter, lui qui a vécu dans l'amour et qui est mort par amour sur la croix. Le disciple "doit pour ainsi dire, entrer dans le Christ avec tout son être, et il doit "s'approprier" et assimiler toute la réalité de l'Incarnation et de la Rédemption pour se retrouver soi-même" (Redemptor hominis RH 10). Le Christ doit entrer en lui pour le libérer de l'égoïsme et de l'orgueil. La croix, signe d'amour et de don total, est donc l'emblème du disciple appelé à se configurer au Christ glorieux.

Je suis heureux d'accueillir les francophones présents ce matin, en particulier les pèlerins vietnamiens et ceux du diocèse de Nice. Je salue cordialement les Soeurs Salésiennes missionnaires de Marie Immaculée, réunies à Rome pour affermir les engagements de leur Congrégation au service de la mission de l'Eglise. Que Dieu élargisse toujours plus votre regard de foi vers des horizons nouveaux pour l'annonce de Jésus-Christ, unique Sauveur des hommes! A tous je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 13 septembre 2000

13900
Lecture: Ga 5,16 Ga 5,22-25


1. Au Cénacle, le dernier soir de sa vie terrestre, Jésus promet cinq fois de suite le don de l'Esprit Saint (cf. Jn Jn 14,16-17 Jn 14,26 Jn 15,26-27 Jn 16,7-11 Jn 16,12-15). Dans le même lieu, le soir de Pâques, le ressuscité se présente devant les apôtres et communique l'Esprit promis, en effectuant le geste symbolique de souffler et en prononçant les paroles: "Recevez l'Esprit Saint!" (Jn 20,22). Cinquante jours après, toujours au Cénacle, l'Esprit Saint fait irruption avec sa puissance, transformant les coeurs et la vie des premiers témoins de l'Evangile.

A partir de ce moment, toute l'histoire de l'Eglise dans ses dynamiques les plus profondes est parcourue par la présence et l'action de l'Esprit, "donné sans mesure" (cf. Jn Jn 3,34) à ceux qui croient dans le Christ. La rencontre avec le Christ comporte le don de l'Esprit Saint qui - comme le disait le grand Père de l'Eglise Basile - "se diffuse en tous sans subir aucune diminution, est présent en chacun de ceux qui sont capables de le recevoir comme s'il n'y avait que lui, et diffuse en tous la grâce suffisante et complète" (De Spiritu Sancto IX, 22).


2. L'Apôtre Paul, dans le passage de la Lettre aux Galates que nous venons d'écouter (cf. Ga Ga 5,16-18 Ga Ga 5,22-25), définit "le fruit de l'Esprit" (Ga 5,22) en énumérant une gamme multiple de vertus qui éclosent dans l'existence du fidèle. L'Esprit Saint se trouve à la racine de l'expérience de foi. En effet, dans le Baptême, nous sommes rendus fils de Dieu précisément à travers l'Esprit: "Et la preuve que vous êtes des fils, c'est que Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son Fils qui crie: Abba Père!" (Ga 4,6). A la source même de l'existence chrétienne, lorsque nous naissons comme des créatures nouvelles, il y a le souffle de l'Esprit qui nous rend fils dans le Fils et qui nous "mène" sur les routes de la justice et du salut (cf. Ga Ga 5,16).


3. Toute l'histoire du chrétien devra alors se dérouler sous l'influence de l'Esprit. Lorsqu'Il nous représente la Parole du Christ, la lumière de la vérité resplendit en nous, comme Jésus l'avait promis: "Mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit" (Jn 14,26 cf. Jn 16,12-15). L'Esprit est à nos côtés au moment de l'épreuve, devenant notre défenseur et notre soutien: "Mais lorsqu'on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire: ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n'est pas vous qui parlerez, mais l'Esprit de votre Père qui parlera en vous" (Mt 10,19-20). L'Esprit se trouve à la racine de la liberté chrétienne, qui enlève le joug du péché. L'Apôtre Paul le dit clairement: "La loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus t'a affranchi de la loi du péché et de la mort" (Rm 8,2). La vie morale - comme nous le rappelle saint Paul - précisément parce qu'elle est irradiée par l'Esprit, produit des fruits de "charité, de joie, de paix, de longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi" (Ga 5,22).


4. L'Esprit anime toute la communauté des croyants dans le Christ. C'est encore l'Apôtre qui célèbre à travers l'image du corps la multiplicité et la richesse, mais également l'unité de l'Eglise comme oeuvre de l'Esprit Saint. D'un côté Paul énumère la variété des charismes, c'est-à-dire des dons particuliers offerts aux membres de l'Eglise (cf. 1Co 12,1-10); de l'autre, il affirme que "tout cela, c'est l'unique et même esprit qui l'opère, distribuant ses dons à chacun en particulier comme il l'entend" (1Co 12,11). En effet, "aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit" (1Co 12,13).

Enfin, c'est à l'Esprit que nous devons d'atteindre notre destin de gloire. Saint Paul utilise à ce propos l'image du "sceau" et des "arrhes": "Vous avez été marqués d'un sceau par l'Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s'est acquis, pour la louange de sa gloire" (Ep 1,13-14 cf. 2Co 1,22 2Co 5,5). En résumé, toute la vie du chrétien, des origines à son objectif ultime, est placée sous la bannière et l'oeuvre de l'Esprit Saint.


5. J'ai plaisir à rappeler, au cours de cette année jubilaire, ce que j'affirmais dans l'Encyclique consacrée à l'Esprit Saint: "Le grand Jubilé de l'An 2000 contient donc un message de libération par l'action de l'Esprit: seul celui-ci peut aider les personnes et les communautés à se libérer des déterminisme anciens et nouveaux, en les guidant par la "loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus", en agissant dans la plénitude de la vraie liberté de l'homme ainsi découverte. En effet, comme l'écrit saint Paul , là "où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté"" (Dominum et vivificantem, DEV 60).

Abandonnons-nous donc à l'action libératrice de l'Esprit, en faisant nôtre l'émerveillement de Siméon le Nouveau Théologien, qui s'adresse à la Troisième Personne divine en ces termes: "Je vois la beauté de ta grâce, j'en contemple l'éclat, j'en reflète la lumière; je suis saisi par son indicible splendeur; je suis conduit hors de moi en pensant à moi-même; je vois ce que j'étais et ce que je suis devenu, ô prodige! Je reste attentif, je suis rempli de respect pour moi-même, de révérence et de crainte, comme devant Toi-même; je ne sais que faire, devenu tout timide, où m'asseoir, de quoi m'approcher, où reposer ces membres qui t'appartiennent; à quelle action, à quelle oeuvre les employer, ces merveilles divines" (Hymnes II, 19-27; cf. Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata VC 20).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 13 septembre 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage diocésain d'Angers, avec Mgr Jean-Louis Bruguès; pèlerinage diocésain de Saint-Flour, avec Mgr René Séjourné; groupe de pèlerins des diocèses d'Autun, de Dijon et de Rodez; paroisse du Sacré-Coeur, d'Antibes; Paroisse Saint-Pierre-lès-Aubagne; Paroisses de Canet en Roussillon; groupes de Perpignan, de Villefranche-de-Lonchat; Foyer de la Charité de Poissy.

De Belgique: Groupe de pèlerins de Namèche.

Du Canada: Groupe de pèlerins.

Chers Frères et Soeurs,

Toute l’histoire de l’Eglise est marquée par l’action de l’Esprit Saint, que Jésus avait promis et communiqué aux Apôtres, et que ceux-ci ont reçu en abondance le jour de la Pentecôte. Nous-mêmes, au baptême, nous avons reçu le Saint-Esprit, qui a fait de nous des enfants de Dieu, et toute notre vie devrait se dérouler sous son influence. Saint Paul décrit les nombreux fruits qu’il produit en nous : il fait briller en nous la lumière de la vérité, il inspire nos bonnes actions, il nous rend forts dans la lutte contre le mal, il nous soutient dans les épreuves.

L’Esprit anime également la communauté de ceux qui croient au Christ; il assure l’unité de l’Eglise dans la diversité de ses membres, et il conduit chacun de nous vers son destin de gloire. Sachons donc donner à l’Esprit Saint la place qui lui revient dans notre vie!

Je suis heureux de saluer tous les francophones présents ce matin, notamment les pèlerinages jubilaires des diocèses d’Angers et de Saint-Flour, avec leurs Évêques respectifs, Mgr Bruguès et Mgr Séjourné. Je salue aussi le groupe de la paroisse du Sacré-Coeur d’Antibes. Vous souhaitant de recevoir de nombreuses grâces du Jubilé pour affermir votre foi, je vous bénis tous de grand coeur.



Mercredi 20 Septembre 2000

20900
Lecture:
Ga 4,4-7

1. Nous avons commencé cette rencontre sous le sceau trinitaire, défini de façon incisive et lumineuse par les paroles de l'Apôtre Paul dans l'Epître aux Galates (cf. Ga Ga 4,4-7). Le Père, en communiquant l'Esprit Saint dans le coeur des croyants, réalise et révèle l'adoption filiale que le Christ a obtenue pour nous. En effet, l'Esprit "atteste que nous sommes des enfants de Dieu" (cf. Rm Rm 8,16). En nous tournant vers cette vérité, comme vers l'étoile polaire de la foi chrétienne, nous méditerons sur certains aspects existentiels de notre communion avec le Père, à travers le Fils et dans l'Esprit.


2. La façon typiquement chrétienne de considérer Dieu passe toujours à travers le Christ. Il est le Chemin, et personne ne va au Père si ce n'est grâce à Lui (cf. Jn Jn 14,6). A l'Apôtre Philippe qui l'implore: "Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit", Jésus déclare: "Qui m'a vu a vu le Père" (Jn 14,8-9). Le Christ, le Fils bien-aimé (cf. Mt Mt 3,17 Mt 17,5) est par excellence celui qui révèle le Père. Le véritable visage de Dieu ne nous est révélé que par celui "qui est dans le sein du Père". L'expression originale grecque de l'Evangile de Jean (cf. Jn Jn 1,18) indique une relation intime et dynamique d'essence, d'amour, de vie du Fils avec le Père. Cette relation du Verbe éternel, concerne la nature humaine qu'il a assumée dans l'Incarnation. C'est pourquoi, dans l'optique chrétienne l'expérience de Dieu ne peut jamais se réduire à un simple "sens du divin", et l'on ne peut pas considérer comme n'étant pas nécessaire la médiation de l'humanité du Christ, comme l'ont démontré les plus grands mystiques tels que saint Bernard, saint François d'Assise, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse d'Avila, et de nombreux disciples du Christ de notre époque, de Charles de Foucauld à sainte Thérèse Bénédicte de la Croix (Edith Stein).


3. Divers aspects du témoignage de Jésus à l'égard du Père se reflètent dans chaque expérience chrétienne authentique. Il a tout d'abord témoigné que le Père est à l'origine de son enseignement: "Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé" (Jn 7,16). Ce qu'il a fait connaître est exactement ce qu'"il a entendu" du Père (cf. Jn Jn 8,26 Jn 15,15 Jn 17,8 Jn 17,14). L'expérience chrétienne de Dieu ne peut donc se développer qu'en totale cohérence avec l'Evangile.

Le Christ a également témoigné avec efficacité de l'amour du Père. Dans la merveilleuse parabole du fils prodigue, Jésus présente le Père toujours en attente de l'homme pécheur qui revient entre ses bras. Dans l'Evangile de Jean, Il insiste sur le Père qui aime les hommes: "Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique" (Jn 3,16). Et aussi: "Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon père l'aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui" (Jn 14,23). Celui qui fait vraiment l'expérience de l'amour de Dieu, ne peut que répéter avec une émotion toujours nouvelle l'exclamation de la première Lettre de Jean: "Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes!" (1Jn 3,1). Dans cette lumière, nous pouvons nous adresser à Dieu avec l'invocation tendre, spontanée et intime: Abba! Père. Elle se présente constamment sur les lèvres du fidèle qui se sent fils, comme nous le rappelle saint Paul dans le texte qui a ouvert notre rencontre (cf. Ga Ga 4,4-7).


4. Le Christ nous donne la vie même de Dieu, une vie qui franchit le temps et qui nous introduit dans le mystère du Père, dans sa joie et sa lumière infinie. L'évangéliste Jean en témoigne en transmettant les paroles sublimes de Jésus: "Comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d'avoir aussi la vie en lui-même" (Jn 5,26). "Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour [...] De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi" (Jn 6,40 Jn 6,57).

Cette participation à la vie du Christ, qui fait de nous des "fils dans le Fils" est rendue possible par le don de l'Esprit. En effet, l'Apôtre nous présente le fait d'être fils de Dieu en étroite liaison avec l'Esprit Saint: "En effet, tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu" (Rm 8,14). L'Esprit nous met en relation avec le Christ et avec le Père. "Dans cet Esprit, qui est le Don éternel, le Dieu un et trine s'ouvre à l'homme, à l'esprit humain. Le souffle caché de l'Esprit divin fait que l'Esprit humain s'ouvre à son tour en face de Dieu qui s'ouvre à lui pour le sauver et le sanctifier [...] Dans la communion de grâce avec la Trinité s'élargit "l'espace vital" de l'homme, élevé au niveau surnaturel de la vie divine. L'homme vit en Dieu et de Dieu: il vit "selon l'Esprit" et "désire ce qui est spirituel"" (Dominum et vivificantem DEV 58).


5. Au chrétien illuminé par la grâce de l'Esprit, Dieu apparaît véritablement avec son visage paternel. Il peut s'adresser à Lui avec la confiance dont sainte Thérèse de Lisieux témoigne dans ce passage autobiographique intense: "Le petit oiseau voudrait voler vers ce brillant soleil qui charme ses yeux, il voudrait imiter les aigles ses frères qu'il voit s'élever jusqu'au foyer Divin de la Trinité Sainte [...] Hélas tout ce qu'il peut faire, c'est de soulever ses petites ailes, mais s'envoler, cela n'est pas en son petit pouvoir [...] Avec un audacieux abandon, il veut rester à fixer son Divin soleil; rien ne saurait l'effrayer, ni le vent, ni la pluie" (Manuscrits autobiographiques, Paris 1957, p. 231).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 20 septembre 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage des diocèses de Lille, avec Mgr Defois; d'Arras, avec Mgr Jaeger; d'Agen, avec Mgr Descubes; paroisse de Mulhouse; pèlerinage de Paray-le-Monial.

De Belgique: Groupe de pèlerins.

De l'Ile Maurice: Groupe de pèlerins.

Du Canada: Groupe de pèlerins.



Chers Frères et Soeurs,

L'expérience chrétienne de Dieu ne peut jamais se réduire à un simple "sens du divin". Elle doit se développer en totale cohérence avec l'Evangile.

Jésus nous présente le Père en attente de l'homme pécheur qui revient dans ses bras. Nous pouvons donc nous adresser à Dieu avec l'invocation spontanée et intime des enfants bien-aimés : Abba !Père.

Le Christ nous donne la vie divine, une vie qui nous introduit dans le mystère du Père, dans sa joie et dans sa lumière infinie. Par le don de l'Esprit Saint, nous devenons "fils dans le Fils". Au chrétien, illuminé par la grâce de cet Esprit, Dieu apparaît avec son visage paternel. Le fidèle peut alors se tourner vers lui avec la confiance audacieuse qui animait sainte Thérèse de Lisieux, comme tant d'autres mystiques chrétiens.  

J'accueille cordialement les personnes de langue française présentes ce matin. Je salue particulièrement les pèlerins des diocèses de Lille, d'Arras et d'Agen, accompagnés de leurs Evêques; les membres de l'Institut supérieur des sciences économiques et sociales de l'Institut catholique de Paris, ainsi que les pèlerins de Paray-le-Monial et de l'Ile Maurice. Que votre démarche jubilaire vous aide à rendre toujours plus intime votre rencontre avec le Christ pour en témoigner généreusement parmi vos frères. A tous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.





Mercredi 27 Septembre 2000

27900  

Lecture:
Jn 17,1-3

1. Selon les orientations proposées par Tertio millennio adveniente, cette année jubilaire, célébration solennelle de l'Incarnation, doit être une année "intensément eucharistique" (TMA,  n. 55). C'est pourquoi, après avoir tourné le regard vers la gloire de la Trinité qui resplendit sur le chemin de l'homme, nous commençons une catéchèse sur cette grande, et dans le même temps humble célébration de la gloire divine qui est l'Eucharistie. Grande parce qu'elle est l'expression principale de la présence du Christ parmi nous "pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20); humble parce qu'elle est confiée aux signes simples et quotidiens du pain et du vin, nourriture et boisson ordinaires de la terre de Jésus et de nombreuses autres régions. Dans cet aspect quotidien des aliments, l'Eucharistie introduit non seulement la promesse, mais le "gage" de la gloire future: "futurae gloriae nobis pignus datur" (Saint Thomas d'Aquin, Officium de festo corporis Christi). Pour saisir la grandeur du mystère eucharistique, nous voulons aujourd'hui considérer le thème de la gloire divine et de l'action de Dieu dans le monde, parfois manifestée par de grands événements de salut, parfois cachée sous d'humbles signes, que seul l'oeil de la foi peut percevoir.


2. Dans l'Ancien Testament, on indique par le vocable hébraïque kabód la révélation de la gloire divine et la présence de Dieu dans l'histoire et dans la création. La gloire du Seigneur resplendit au sommet du Sinaï, lieu de révélation de la Parole divine (cf. Ex Ex 24,16). Elle est présente sur la tente sainte et dans la liturgie du Peuple de Dieu pèlerin dans le désert (cf. Lv Lv 9,23). Elle domine dans le temple, la demeure - comme le dit le Psalmiste - "ou habite ta gloire" (Ps 26,8). Elle enveloppe comme un manteau de lumière (cf. Is Is 60,1) tout le peuple élu: Paul lui-même est conscient qu'aux "Israélites appartiennent l'adoption filiale, la gloire, les alliances..." (cf. Rm Rm 9,4).


3. Cette gloire divine qui se manifeste de façon particulière à Israël est présente dans tout l'univers, comme le prophète Isaïe l'a entendu proclamer par les séraphins au moment de sa vocation: "Saint, saint, saint est Yahvé Sabaot, sa gloire emplit toute la terre" (Is 6,3). Le Seigneur révèle même sa gloire à tous les peuples, comme on le lit dans le Livre du Psalmiste: "Tous les peuples voient sa gloire" (Ps 97,6). L'embrasement de la lumière de la gloire est donc universel, c'est pourquoi toute l'humanité peut découvrir la présence divine dans le cosmos.

C'est surtout dans le Christ que s'accomplit cette révélation car il est "resplendissement de la gloire" divine (He 1,3). Il l'est également à travers ses oeuvres, comme en témoigne l'évangéliste Jean face au signe de Cana: le Christ "manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui" (Jn 2,11). Il irradie la gloire divine également à travers sa parole qui est parole divine: "Je leur ai donné ta parole", dit Jésus au Père, "je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée" (Jn 17,14 Jn 17,22). Plus radicalement le Christ manifeste la gloire divine à travers son humanité, assumée dans l'incarnation: "Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité" (Jn 1,14).


4. La révélation terrestre de la gloire divine atteint son sommet dans la Pâque qui, en particulier dans les écrits johanniques et pauliniens, est décrite comme une glorification du Christ à la droite du Père (cf. Jn Jn 12,23 Jn 13,31 Jn 17,1 Ph 2,6-11 Col 3,1 Tm Col 3,16). A présent, le mystère pascal, expression de la "parfaite glorification de Dieu" (SC 7), se perpétue dans le sacrifice eucharistique, mémorial de la mort et de la résurrection confié par le Christ à l'Eglise son épouse bien-aimée (cf. SC SC 47). Par le commandement "Faites cela en mémoire de moi" (Lc 22,19) Jésus assure la présence de la gloire pascale à travers toutes les célébrations eucharistiques qui rythmeront le cours de l'histoire. "A travers la sainte Eucharistie l'événement de la Pâque du Christ se répand dans toute l'Eglise [...] A travers la communion au corps et au sang du Christ, les fidèles croissent dans la divinisation mystérieuse qui, grâce à l'Esprit Saint, les fait habiter dans le Fils en tant que fils du Père" (Jean-Paul II et Moran Mar Ignatius Zakka I Iwas, Déclaration commune 23.6.1984, n. 6: EV 9,74).


5. Il ne fait aucun doute que la célébration la plus élevée de la gloire divine se trouve aujourd'hui dans la liturgie: "Parce que la mort du Christ en croix et sa résurrection constituent le contenu de la vie quotidienne de l'Eglise et le gage de sa Pâque éternelle, la liturgie a pour première tâche de nous ramener inlassablement sur le chemin pascal ouvert par le Christ, où l'on consent à mourir pour entrer dans la vie" (Lettre apostolique Vicesimus quintus annus, n. 6). A présent, cette tâche s'exerce tout d'abord au moyen de la célébration eucharistique, qui rend présente la Pâque du Christ et en communique le dynamisme aux fidèles. Ainsi, le culte chrétien est l'expression la plus vive de la rencontre entre la gloire divine et la glorification qui s'élève des lèvres et du coeur de l'homme. A la "gloire de Yahvé qui emplit la demeure" (cf. Ex Ex 40,34) doit correspondre notre "glorification du Seigneur avec générosité" (Si 35,7).


6. Comme nous le rappelle saint Paul, nous devons également glorifier Dieu dans notre corps, c'est-à-dire dans l'existence tout entière, parce que notre corps est le temple de l'Esprit qui est en nous (cf. 1Co 6,19 1Co 6,20). Dans cette optique, on peut également parler d'une célébration cosmique de la gloire divine. Le monde créé "souvent déformé par l'égoïsme et l'avidité", possède en soi "une potentialité eucharistique": "celui-ci est destiné à être assumé dans l'Eucharistie du Seigneur, dans sa Pâque présente dans le sacrifice de l'autel" (Orientale lumen, n. 11)

A la présence de la gloire du Seigneur qui est "plus haute que tous les cieux" (Ps 113,4) et qui rayonne sur l'univers répondra alors, en contre-point harmonique, la louange du choeur de la création afin "qu'en tout Dieu soit glorifié par Jésus-Christ, à qui sont la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen!" (1P 4,11).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 27 septembre 2000, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage de l'archidiocèse de Toulouse, avec Mgr Emile Marcus; pèlerinage du diocèse de Blois, avec Mgr Maurice Le Bègue; de Germiny; pèlerinages des diocèses de Beauvais, Dijon, Besançon, Autun; séminaristes de Metz, avec Mgr Pierre Raffin; Communauté du séminaire universitaire Pie XI, de Toulouse; groupes de pèlerins de Saint-Etienne; de Ruffec; de Blois.


De Suisse: Groupe de pèlerins de Genève, Lausanne et Bulle.

Du Canada: Groupe du diocèse de Mont-Laurier.

Chers Frères et Soeurs,

Après avoir contemplé la gloire de la Trinité qui illumine notre route, il nous faut voir comment l’Eucharistie, principale expression de la présence du Christ parmi nous, célèbre la gloire divine.

Si, dans la Bible, la gloire divine se révèle au peuple d’Israël, c’est dans l’humanité du Christ, assumée dans l’Incarnation, qu’elle se manifeste le plus radicalement. Et cette révélation terrestre de la gloire divine atteint elle-même son sommet dans la célébration du mystère pascal, expression par excellence de la glorification de Dieu. Dans l’Eucharistie, se rencontrent la gloire divine et l’hymne de louange qui monte du coeur de l’homme comme de toute la création, appelée elle aussi à rendre gloire à Dieu.


J’accueille cordialement les personnes de langue française présentes ce matin. Je salue particulièrement les pèlerins des diocèses de Blois et de Toulouse accompagnés de leurs évêques; la communauté du séminaire universitaire Pie XI, de Toulouse; un groupe du séminaire de Metz, conduit par son évêque. Que votre pèlerinage à la suite des Apôtres Pierre et Paul vous stimule dans votre foi et dans votre témoignage auprès de vos frères! À tous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.




Mercredi 4 octobre 2000

41000
Lecture: 1Co 11,23-26


1. Parmi les multiples aspects de l'Eucharistie se détache celui du "mémorial", qui est en relation avec un thème biblique de première importance. Nous lisons, par exemple, dans le livre de l'Exode: "Dieu se souvint de son Alliance avec Abraham, Isaac et Jacob" (Ex 2,24). En revanche, dans le Deutéronome, nous lisons: "Souviens-toi de Yahvé ton Dieu" (8, 18). "Rappelle-toi donc de ce que Yahvé ton Dieu a fait..." (7, 18). Dans la Bible, le souvenir de Dieu et le souvenir de l'homme se mêlent et constituent une composante fondamentale de la vie du Peuple de Dieu. Il ne s'agit cependant pas de la pure commémoration d'un passé désormais éteint, mais bien d'un zikkarôn, c'est-à-dire un "mémorial". Celui-ci "n'est pas seulement le souvenir des événements du passé, mais la proclamation des merveilles que Dieu a accomplies pour les hommes. Dans la célébration liturgique de ces événements, ils deviennent d'une certaine façon présents et actuels" (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1363). Le mémorial rappelle un lien d'alliance qui est toujours présent: "Yahvé se souvient de nous, il bénira la maison d'Israël" (Ps 115,12).

La foi biblique implique donc le souvenir efficace des oeuvres merveilleuses de salut. Celles-ci sont professées dans le "Grand Hallel", le Psaume 136, qui - après avoir proclamé la création et le salut offert à Israël dans l'Exode - conclut: "Il se souvint de nous dans notre abaissement, car éternel est son amour! [...] A toute chair, il donne le pain, car éternel est son amour" (Ps 136,23-25). Nous trouverons des paroles semblables sur les lèvres de Marie et de Zacharie dans l'Evangile: "Il est venu en aide à Israël, son serviteur, se souvenant de sa miséricorde [...] Ainsi se souvient-il de son alliance sainte" (Lc 1,54-72).


2. Dans l'Ancien Testament, le "mémorial" par excellence des oeuvres de Dieu dans l'histoire, était la liturgie pascale de l'Exode: chaque fois que le peuple d'Israël célébrait la Pâque, Dieu lui offrait de façon efficace le don de la liberté et du salut. Dans le rite pascal se retrouvaient donc deux souvenirs, divin et humain, c'est-à-dire la grâce salvifique et la foi reconnaissante: "Ce jour-là vous en ferez mémoire et vous le fêterez comme une fête pour Yahvé [...] Ce sera pour toi un signe sur ta main, un mémorial sur ton front, afin que la loi de Yahvé soit toujours dans ta bouche, car c'est à main forte que Yahvé t'a fait sortir d'Egypte" (Ex 12,14 Ex 13,9). En vertu de cet événement, comme l'affirmait un philosophe juif, Israël sera toujours "une communauté fondée sur le souvenir" (M. Buber).


3. Le lien entre le souvenir de Dieu et celui de l'homme se trouve également au centre de l'Eucharistie qui est le "mémorial" par excellence de la Pâque chrétienne. L'"anamnèse", c'est-à-dire l'action de se rappeler, est en effet le coeur de la célébration: le sacrifice du Christ, événement unique, accompli ef'hapax, c'est-à-dire "une fois pour toutes" (He 7,27 He 9,12 He 9,26 He 10,12), diffuse sa présence salvifique dans le temps et dans l'espace de l'histoire humaine. Cela est exprimé dans l'impératif final que Luc et Paul rapportent dans le récit de la Dernière Cène: "Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi [...] Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang; chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi" (1Co 11,24-25 cf. Lc Lc 22,19). Le passé du "corps donné pour nous" sur la Croix se présente vivant dans l'aujourd'hui et, comme le déclare Paul, s'ouvre à l'avenir de la rédemption finale: "Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne" (1Co 11,26). L'Eucharistie est donc le mémorial de la mort du Christ, mais est également présence de son sacrifice et anticipation de sa venue glorieuse. Elle est le sacrement de la proximité salvifique permanente du Seigneur ressuscité dans l'histoire. On comprend donc l'exhortation de Paul à Timothée: "Souviens-toi de Jésus- Christ, ressuscité d'entre les morts, issu de la race de David" (2Tm 2,8). Ce souvenir vit et agit de façon spéciale dans l'Eucharistie.


4. L'évangéliste Jean nous explique le sens profond du "souvenir" des paroles et des événements du Christ. Face au geste de Jésus qui purifie le temple des marchands et annonce qu'il sera détruit et reconstruit en trois jours, il note: "Quand il ressuscita d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela, et ils crurent à l'Ecriture et à la parole qu'il avait dite" (Jn 2,22). Cette mémoire qui engendre et alimente la foi est opérée par l'Esprit Saint que "le Père enverra au nom" du Christ: "Lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit" (Jn 14,26). Il y a donc un souvenir efficace: le souvenir intérieur qui conduit à la compréhension de la Parole de Dieu et le souvenir sacramentel qui se réalise dans l'Eucharistie. Ce sont les deux réalités de salut que Luc a unies dans le splendide récit des disciples d'Emmaüs, rythmé par l'explication des Ecritures et par la "fraction du pain" (cf. Lc Lc 24,13-35).


5. "Faire mémoire" signifie donc "ramener dans le coeur" dans la mémoire et dans l'affection, mais c'est également célébrer une présence. "L'Eucharistie, véritable mémorial du mystère pascal du Christ, peut faire que ce souvenir de son amour vive en nous. C'est pour cela que l'Eglise reste en état de veille; sinon, si l'efficacité divine de ces stimulations, continuelles et très douces, ne la touchait pas, si elle ne ressentait pas la force vive des yeux de son Epoux fixés sur elle, elle serait très facilement oublieuse, tiède, infidèle" (Lettre apostolique Patres Ecclesiae, III: Ench. Vat., 7, 33). Cet appel à la vigilance rend nos liturgies eucharistiques ouvertes à la pleine venue du Seigneur, à l'apparition de la Jérusalem céleste. Dans l'Eucharistie, le chrétien affermit l'espérance de sa rencontre définitive avec son Seigneur.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 4 octobre 2000, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage du diocèse de Bayonne, avec Mgr Pierre Molères; pèlerins des diocèses d'Autun; Belley-Ars; Brive; paroisse de Sarrebourg; paroisse de Messigny; Société Saint-Vincent-de-Paul, de Colmar; groupe Notre-Dame de Salut; groupe de Saint-Brieuc; de Saint-Etienne; de Le Fenouillet-Besse-sur-Issole; de Mende; Lycée Saint-Bonnet, de Saint-Bonnet-de-Galaure.

De Suisse: Groupe de la "Swissair"; groupe de pèlerins de Fahy.

Du Canada: Groupe de pèlerins.

Chers Frères et Soeurs,

L'Eucharistie que célèbre l'Eglise est le mémorial de la mort du Christ, elle rend présent son sacrifice et anticipe sa venue glorieuse. Elle est le sacrement de l'action salvatrice du Seigneur ressuscité dans l'histoire.

Faire mémoire des paroles et des événements de la vie du Christ est l'oeuve de l'Esprit Saint, qui provoque et nourrit la foi. C'est un souvenir efficace: il conduit intérieurement à la compréhension de la Parole de Dieu et il se réalise sacramentellement dans l'Eucharistie. Dans le récit de la rencontre avec les disciples d'Emmaüs, saint Luc a uni ces deux aspects du mémorial en montrant Jésus qui explique les Ecritures et qui rompt le pain. "Faire mémoire" du Seigneur c'est aussi célébrer sa présence jusqu'à ce qu'il vienne dans la gloire.

Dans l'Eucharistie, le chrétien affermit l'espérance de sa rencontre définitive avec son Seigneur.

J'accueille avec plaisir les personnes de langue française présentes ce matin. Je salue particulièrement les pèlerins du diocèse de Bayonne, conduits par leur Evêque, Mgr Pierre Molères, les jeunes de Saint-Bonnet de Galaure, ainsi que le pèlerinage des lecteurs du journal La Croix. Que votre venue auprès du tombeau des Apôtres fasse grandir votre foi au Christ dans la fidélité à l'Église qu'il a établie pour annoncer aux hommes son message de salut. A tous je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.





Catéchèses S. J-Paul II 60900