Catéchèses S. J-Paul II 50901

Mercredi 5 septembre 2001: Ps 46 Le Seigneur, roi de l'Univers

50901
Lecture : Ps 46,2-5 Ps 46,7-8 Ps 46,10


1. "C'est Yahvé, le Très-Haut, le grand Roi sur toute la terre!". Cette acclamation initiale est répétée de différentes manières dans le Psaume 46, que nous venons d'écouter. Il se présente comme un hymne au Seigneur, souverain de l'univers et de l'histoire: "C'est le roi de toute la terre [...] Dieu, il règne sur les païens" (vv. 8-9).

Cet hymne au Seigneur, roi du monde et de l'humanité, comme d'autres compositions semblables présentes dans le Psautier (cf. Ps Ps 92 Ps 95-98), suppose une atmosphère de célébration liturgique. Nous nous trouvons donc dans le coeur spirituel de la louange d'Israël, qui s'élève au ciel en partant du temple, le lieu dans lequel le Dieu infini et éternel se révèle et rencontre son peuple.

2. Nous suivrons ce chant de louange joyeuse dans ses moments fondamentaux, semblables à deux vagues qui avancent vers la plage de la mer. Ils se différencient dans leur façon de considérer la relation entre Israël et les nations. Dans la première partie du Psaume, la relation est une relation de domination: Dieu "tient des peuples sous notre joug et des nations sous nos pieds" (v. 4); dans la seconde partie, en revanche, la relation est une relation d'association: "Les princes des peuples s'unissent: c'est le peuple du Dieu d'Abraham" (v. 10). On remarque donc un progrès notable.

Dans la première partie (cf. Ps 46,2-6), il est dit: "Tous les peuples battez des mains, acclamez Dieu en éclats de joie!" (v. 2). Le centre de cet applaudissement de fête est la figure grandiose du Seigneur suprême, auquel on attribue trois titres glorieux: "le Très-Haut, le redoutable, le grand Roi" (v. 3). Ces derniers exaltent la transcendance divine, le primat absolu dans l'être, la toute-puissance. Le Christ ressuscité s'exclamera lui aussi: "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre" (Mt 28,18).


3. Sous la domination universelle de Dieu sur tous les peuples de la terre (cf. v. 4) l'orant souligne sa présence particulière en Israël, le peuple de l'élection divine, "l'élu", l'héritage le plus précieux et cher au Seigneur (cf. v. 5). Israël se sent donc l'objet d'un amour particulier de Dieu, qui s'est manifesté à travers la victoire remportée sur les nations hostiles. Au cours de la bataille, la présence de l'arche de l'alliance auprès des troupes d'Israël les assurait de l'assistance de Dieu; après la victoire, l'arche remontait sur le mont Sion (cf. Ps Ps 67,19) et tous proclamaient: "Dieu monte parmi l'acclamation, Yahvé aux éclats du cor" (Ps 46,6).

4. La seconde partie du Psaume (cf. Ps 46,7-10) s'ouvre par une autre vague de louanges et de chant de fête: "Sonnez pour notre Dieu, sonnez; sonnez pour notre Roi, sonnez! [...] sonnez pour Dieu" (vv. 7-8). On élève également à présent un hymne au Seigneur siégeant sur son trône dans la plénitude de sa royauté (cf. v. 9). Ce trône royal est qualifié de "saint", car il ne peut pas être approché par l'homme limité et pécheur. Mais l'arche de l'alliance présentée dans l'aire la plus sacrée du temple de Sion est également un trône céleste. De cette façon, le Dieu lointain et transcendant, saint et infini, devient proche de ses créatures, en s'adaptant à l'espace et au temps (cf. 1R 8,27 1R 8,30).


5. Le Psaume se termine par une note surprenante en raison de sa portée universelle: "Les princes des peuples s'unissent: c'est le peuple du Dieu d'Abraham" (v. 10). On remonte à Abraham, le patriarche qui est à l'origine non seulement d'Israël mais également d'autres nations. C'est au peuple élu qui descend de lui qu'est confiée la mission de faire converger vers le Seigneur toutes les nations et toutes les cultures, car Il est le Dieu de toute l'humanité. De l'Orient à l'Occident, ils se rassembleront alors à Sion pour rencontrer ce roi de paix et d'amour, d'unité et de fraternité (cf. Mt Mt 8,11). Comme le prophète Isaïe l'espérait, les peuples hostiles entre eux recevront l'invitation à jeter les armes à terre et à vivre ensemble sous l'unique souveraineté divine, sous un gouvernement fondé sur la justice et sur la paix (Is 2,2-5). Les yeux de tous seront fixés sur la nouvelle Jérusalem où le Seigneur "s'élève" pour se révéler dans la gloire de sa divinité. Il y aura "une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue [...] Ils crient d'une voix puissante: "Le salut à notre Dieu qui siège sur le trône, ainsi qu'à l'Agneau"" (Ap 7,9 Ap 7,10).


6. La Lettre aux Ephésiens voit la réalisation de cette prophétie dans le mystère du Christ rédempteur lorsqu'elle affirme, en s'adressant aux chrétiens ne provenant pas du judaïsme: "Rappelez-vous donc qu'autrefois vous les païens - qui étiez tels dans la chair [...] vous étiez sans le Christ, exclus de la cité d'Israël, étrangers aux alliances de la Promesse, n'ayant ni espérance ni Dieu en ce monde! Or voici qu'à présent, dans le Christ Jésus, vous qui jadis étiez loin, vous êtes devenus proches, grâce au sang du Christ. Car c'est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine" (Ep 2,11-14).

Dans le Christ, la royauté de Dieu, chantée par notre Psaume, s'est donc réalisée sur la terre à l'égard de tous les peuples. Une homélie anonyme du VIIIème siècle commente ainsi ce mystère: "Jusqu'à la venue du Messie, espérance des nations, les peuples païens n'ont pas adoré Dieu et n'ont pas su qui Il est. Et tant que le Messie ne les a pas rachetés, Dieu n'a pas régné sur les nations à travers leur obéissance et leur culte. Maintenant Dieu, par sa Parole et par son Esprit, règne sur eux, parce qu'il les a sauvés du mensonge et qu'il s'en est fait des amis" (Palestinien anonyme, Homélie arabo-chrétienne du VIIIème siècle, Rome 1994, p. 100)

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 5 septembre 2001, se trouvaient les groupes suivants auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de pèlerins de Balaruc-les-Bains; de Strasbourg.

Du Sénégal: Groupe de pèlerins conduit par S.Exc. Mgr Théodore-Adrien Sarr.

Chers Frères et Soeurs,

Le psaume quarante-six est une hymne au Seigneur, le Très-Haut, souverain de l'univers et de l'histoire. Ce cantique nous entraîne au coeur de la louange d'Israël qui monte vers le ciel en partant du Temple, ce lieu où Dieu, lointain et transcendant, saint et infini, se révèle et rencontre son peuple dans l'espace et dans le temps.

A ce peuple, objet d'un amour particulier de Dieu, est confiée la mission de faire converger toutes les nations et toutes les cultures vers le Seigneur qui est le Dieu de toute l'humanité. De l'Orient à l'Occident, tous se rassembleront sur la montagne de Sion pour rencontrer ce roi de paix et d'amour, d'unité et de fraternité.

Dans le Christ, la royauté de Dieu, chantée par le psaume, s'est réalisée sur la terre pour tous les peuples. "Maintenant Dieu, par sa Parole et par son Esprit, règne sur eux, parce qu'il les a sauvés du mensonge et qu'il s'en est fait des amis" (Homélie anonyme du huitième siècle).


Je suis heureux d'accueillir les pèlerins de langue française présents à cette audience. Je salue particulièrement les pèlerins venus du Sénégal, accompagnés de Mgr Théodore-Adrien Sarr, Archevêque de Dakar. Que votre séjour à Rome soit l'occasion d'un approfondissement de votre foi dans le Christ et de votre fidélité à son Eglise ! A tous j'accorde de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Mercredi 12 septembre 2001 Un jour sombre dans l'histoire de l'humanité

11901 Je ne peux pas commencer cette Audience sans exprimer ma profonde douleur pour les attaques terroristes qui, au cours de la journée d'hier, ont ensanglanté l'Amérique, provoquant des milliers de victimes et de très nombreux blessés.

Je présente mes plus vives condoléances au Président des Etats-Unis et à tous les citoyens américains. On ne peut être que profondément bouleversé face à des événements d'une horreur aussi inqualifiable.

Je m'unis à ceux qui, au cours de ces heures, ont exprimé leur condamnation et leur indignation, en réaffirmant avec vigueur que les voies de la violence ne conduisent jamais à de véritables solutions pour résoudre les problèmes de l'humanité.

La journée d'hier a été une journée sombre dans l'histoire de l'humanité, un affront terrible à la dignité de l'homme. Dès que j'ai appris la nouvelle, j'ai suivi avec une intense participation la suite des événements, en élevant au Seigneur ma prière pleine de douleur. Comment des épisodes d'une cruauté aussi sauvage peuvent-ils avoir lieu? Le coeur de l'homme est un abîme dont émergent parfois des desseins d'une férocité inouïe, capables de bouleverser en un instant la vie sereine et active d'un peuple. Mais la foi vient à notre secours dans ces moments où tout commentaire nous paraît superflu.

La parole du Christ est la seule qui puisse apporter une réponse aux interrogations qui tourmentent notre âme. Même si les forces des ténèbres semblent prévaloir, le croyant sait que le mal et la mort n'ont pas le dernier mot.

C'est sur cela que repose l'espérance chrétienne; c'est là que se nourrit, en ce moment, notre confiance dans la prière.

Avec une grande affection, je m'adresse au peuple bien-aimé des Etats-Unis en cette heure d'angoisse et d'effroi, où le courage de tant d'hommes et de femmes de bonne volonté est mis à dure épreuve. De manière particulière, j'embrasse les familles des morts et des blessés et je les assure de ma proximité spirituelle. Je confie à la miséricorde du Très-Haut les victimes sans défense de cette tragédie, pour lesquelles j'ai célébré ce matin la Messe, en implorant pour elles le repos éternel. Que Dieu donne du courage aux survivants, qu'il soutienne l'oeuvre pleine de mérite des secouristes et des nombreux volontaires qui, au cours de ces heures, consacrent toutes leurs énergies à faire face à une urgence aussi dramatique. Je vous invite vous aussi, très chers frères et soeurs, à vous unir à ma prière.

Implorons le Seigneur afin que ne prévale pas la spirale de la haine et de la violence. Que la Très Sainte Vierge, Mère de miséricorde, suscite dans le coeur de tous des pensées de sagesse et des intentions de paix.

Le Saint-Père poursuivait en anglais:

Aujourd'hui je participe profondément à la douleur du peuple américain frappé hier par une attaque terroriste inhumaine, au cours de laquelle des milliers d'êtres humains innocents ont perdu la vie et qui a provoqué une douleur inexprimable dans le coeur de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté. Ce qui est arrivé hier a constitué véritablement un jour sombre de notre histoire, une blessure effrayante à la paix, une attaque terrible contre la dignité humaine.

Je vous invite tous à vous joindre à moi pour confier les victimes de cette tragédie à l'amour éternel du Dieu tout-puissant. Implorons son réconfort pour les blessés, les familles touchées et ceux qui font tout leur possible pour secourir les survivants et pour aider les victimes.

Je demande à Dieu d'accorder au peuple américain la force et le courage dont il a besoin en ce moment de douleur et d'épreuve.

  Frères et soeurs, profondément bouleversés face à l'horreur de la violence destructrice, mais forts dans la foi qui a toujours guidé nos pères, nous nous adressons au Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, salut de son peuple, et avec la confiance de fils, nous le supplions de venir à notre aide en ces jours de deuil et de douleur innocente.

Le priant:
Dominum deprecemur: Te rogamus, audi nos.

1. Pour les Eglises d'Orient et d'Occident, et en particulier pour l'Eglise qui vit aux Etats-Unis d'Amérique, bien qu'elle soit prostrée par le désespoir et le deuil, pour qu'en s'inspirant de la Mère du Seigneur, femme forte auprès de la Croix de son Fils, elles nourrissent dans les coeurs des désirs de réconciliation et de paix et qu'elles se prodiguent pour la reconstruction de la civilisation de l'amour.

2. Pour tous ceux qui portent le nom de chrétiens, afin que, face aux tristes événements d'une humanité pleine d'incompréhension et de haine, ils continuent à être des témoins de la présence de Dieu dans l'histoire et de la victoire du Christ sur la mort.

3. Pour les responsables des nations, afin qu'ils ne se laissent pas dominer par la haine et par l'esprit de vengeance, qu'ils fassent tout leur possible pour éviter que les armes destructrices sèment à nouveau la mort et la haine et qu'ils s'efforcent d'illuminer les pages sombres de l'histoire humaine par des oeuvres de paix.
4. Pour ceux qui pleurent et qui souffrent à cause de la perte violente de parents et d'amis, pour qu'en cette heure de souffrance ils ne se laissent pas vaincre par la douleur, par le désespoir et l'idée de vengeance, mais qu'ils continuent à avoir foi en la victoire du bien sur le mal, de la vie sur la mort et qu'ils s'engagent à construire un monde meilleur.

5. Pour les blessés et les personnes qui souffrent à la suite des actes terroristes, afin qu'ils retrouvent rapidement une vie normale et la santé, et que face au don de la vie, ils nourrissent dans leur coeur des désirs de construction, de collaboration et de service pour chaque forme de vie, libres de rancoeurs et de sentiments de vengeance et qu'ils deviennent des artisans de justice et des constructeurs de paix.

6. Pour les frères et les soeurs qui ont trouvé la mort dans la folie de la violence, afin qu'ils trouvent dans la paix du Seigneur leur joie sûre et la vie sans fin, et que leur mort ne soit pas vaine, mais constitue un levain pour des temps nouveaux de fraternité et de collaboration entre les peuples.

Le Saint-Père:

O Seigneur Jésus, souviens-toi auprès du Père de nos frères défunts et de nos frères qui souffrent.
Souviens-toi également de nous et permets-nous de prier avec tes paroles: Pater noster...
O Dieu tout-puissant et miséricordieux, ceux qui sèment la discorde ne peuvent pas te comprendre, ceux qui aiment la violence ne peuvent pas t'accueillir: vois notre douloureuse condition humaine éprouvée par d'atroces actes de terreur et de mort, réconforte tes enfants et ouvres nos coeurs à l'espérance, afin que notre époque puisse encore connaître des jours de sérénité et de paix.
Par le Christ, Notre Seigneur,
Amen.



Mercredi 19 septembre 2001: Pa 56 Prière du matin de celui qui souffre

19901 Lecture: Ps 56,2 Ps 56,7-11

1. Il s'agit d'une nuit de ténèbres, au cours de laquelle on perçoit la présence proche de fauves affamés. Le priant attend que l'aube paraisse, pour que la lumière puisse vaincre l'obscurité et les peurs. Tel est le cadre du Psaume 56, qui est aujourd'hui proposé à notre réflexion: un chant nocturne qui prépare le priant à la lumière de l'aurore, attendue avec anxiété, afin de pouvoir louer le Seigneur dans la joie (cf. vv. 9-12). En effet, le Psaume passe de la plainte dramatique adressée à Dieu à l'espérance sereine et au remerciement joyeux, ce dernier exprimé à travers des paroles qui retentiront encore par la suite, dans un autre Psaume (cf. Ps Ps 107,2-6).

En pratique, on assiste au passage de la peur à la joie, du cauchemar à la sérénité, de la prière à la louange. C'est une expérience fréquemment décrite dans le Psautier: "Pour moi tu as changé le deuil en une danse, tu dénouas mon sac et me ceignis d'allégresse; aussi mon coeur te chantera sans plus se taire, Yahvé mon Dieu, je te louerai à jamais" (Ps 29,12-13).


2. Les moments du Psaume 56, sur lequel nous méditons, sont donc au nombre de deux. Le premier concerne l'expérience de la crainte face à l'assaut du mal qui tente de frapper le juste (cf. vv. 2-7). Au centre de la scène se trouvent deux lions en position d'attaque. Cette image se transforme rapidement en symbole de guerre, décrit par des lances, des flèches, des épées. L'orant se sent assailli par une sorte d'escadron de la mort. Autour de lui se trouve un groupe de chasseurs, qui tend des pièges et creuse des fosses pour capturer sa proie. Mais cette atmosphère de tension se dissipe immédiatement. En effet, à l'ouverture (cf. v. 2) apparaît déjà le symbole protecteur des ailes divines, qui rappellent concrètement l'arche de l'alliance avec les chérubins ailés, c'est-à-dire la présence de Dieu aux côtés des fidèles dans le temple saint de Sion.


3. Le priant demande instamment que Dieu envoie ses messagers du ciel, auxquels il attribue les noms emblématiques d'"Amour" et "Vérité" (v. 4), des qualités propres à l'amour salvifique de Dieu. C'est pourquoi, même s'il frissonne en raison du rugissement terrible des fauves et de la perfidie des persécuteurs, le fidèle demeure intérieurement serein et confiant, comme Daniel dans la fosse aux lions (cf Da 6,17 Da 6,25).

La présence du Seigneur ne tarde pas à révéler son efficacité, à travers la punition des adversaires par eux-mêmes: ces derniers tombent dans la fosse qu'ils avaient creusée pour le juste (cf. v. 7). Cette confiance dans la justice divine, toujours vive dans le Psautier, empêche le découragement et la soumission aux forces du mal. Tôt au tard Dieu se range aux côtés du fidèle, qui bouleverse les manoeuvres des impies en les faisant buter dans leur propres projets malfaisants.


4. Nous parvenons ainsi à la seconde partie du Psaume, celle du remerciement (cf. vv. 8-12). Un passage brille par son intensité et sa beauté: "Mon coeur est prêt, ô Dieu, mon coeur est prêt; je veux chanter, je veux jouer pour toi! éveille-toi ma gloire; éveille-toi, harpe, cithare, que j'éveille l'aurore!" (vv. 8-9). Désormais, les ténèbres se sont dissipées: l'aube du salut est rendue proche par le chant de l'orant.

En appliquant cette image à sa propre personne, le Psalmiste traduit peut-être dans les termes de la religiosité biblique, rigoureusement monothéiste, l'usage des prêtres égyptiens ou phéniciens qui étaient chargés de "réveiller l'aurore", c'est-à-dire de faire réapparaître le soleil, considéré comme une divinité bénéfique. Il fait également allusion à l'usage de pendre et de voiler les instruments de musique en temps de deuil et d'épreuve (cf. Ps Ps 136,2), et de les "réveiller" au son de la fête, à l'époque de la libération et de la joie. La liturgie fait donc éclore l'espérance: elle s'adresse à Dieu en l'invitant à s'approcher à nouveau de son peuple et à écouter sa prière. Dans le Psautier l'aube est souvent le moment où Dieu exauce un voeu, après une nuit de prière.


5. Le Psaume se termine ainsi, avec un chant de louange adressé au Seigneur, qui agit à travers ses deux grandes qualités salvifiques, déjà apparues sous des termes différents dans la première partie de la supplication (cf. v. 4). A présent entrent en scène, presque personnifiées, la Bonté et la Fidélité divines. Elles inondent les cieux de leur présence et sont comme la lumière qui brille dans l'obscurité des épreuves et des persécutions (cf. v. 11). C'est pour cette raison que le Psaume 56 s'est transformé, dans la tradition chrétienne, en chant du réveil à la lumière et à la joie pascale, qui rayonne chez le fidèle en effaçant la peur de la mort et en ouvrant l'horizon de la gloire céleste.

6. Grégoire de Nysse découvre dans les paroles de ce Psaume une sorte de description typique de ce qui se produit dans chaque expérience humaine ouverte à la reconnaissance de la sagesse de Dieu. "Il me sauva, en effet, - s'exclame-t-il - en m'ayant fait de l'ombre avec la nuée de l'Esprit, et ceux qui m'avaient foulé aux pieds ont été humiliés" (Sur les titres des Psaumes, Rome 1994, p. 183).

En se référant ensuite aux expressions qui concluent le Psaume, où il est dit: "Ô Dieu élève-toi sur les cieux. Sur toute la terre ta gloire", il conclut: "Dans la mesure où la gloire de Dieu s'étend sur la terre, accrue par la foi de ceux qui sont sauvés, les puissances célestes, exultant pour notre salut, élèvent un hymne à Dieu" (Ibid., p. 184).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 19 septembre 2001, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de pèlerins des diocèses de Paris, de Saint-Etienne, d'Arras, de Lille, de Saint-Brieuc, de Luçon; groupe de pèlerins de Savoie.

De Belgique: Groupe de pèlerins de Perk.

Chers Frères et Soeurs,

Le Psaume 56 nous fait entendre la prière d’un homme aux prises avec les forces de la mort. Au coeur de la nuit, il espère la lumière de l’aurore pour être délivré de ses peurs et pour pouvoir louer le Seigneur. Assailli par le mal, il perçoit cependant que Dieu est proche, lui donnant de rester serein et confiant dans l’épreuve. L’aube peut alors se lever. Signe lumineux que Dieu exauce la prière du juste, elle lui permet de ne pas se laisser dominer par la nuit du découragement ou par les ténèbres du mal. Le Psalmiste entonne alors un chant d’action de grâce, louant le Seigneur qui fait briller son Amour et sa Vérité dans l’obscurité des épreuves et des persécutions. Ainsi, la tradition chrétienne a associé ce Psaume à la lumière et à la joie pascales, qui illuminent le coeur du fidèle, faisant disparaître en lui la peur de la mort et l’ouvrant à l’horizon de la gloire céleste.

J’accueille avec joie les pèlerins de langue française. Que le Christ vous manifeste sa présence, en particulier lorsque vous êtes dans le doute ou dans l’épreuve ! Que sa lumière vous apporte paix et consolation ! A tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.



Mercredi 3 octobre 2001

31001 Très chers frères et soeurs!

1. Je remercie le Seigneur qui m'a permis d'accomplir avec joie, au cours des jours derniers, un voyage apostolique au Kazakhstan et en Arménie. Ce fut une expérience qui a laissé dans mon coeur des impressions et des émotions extrêmement vives.

Une visite à double caractère

Il s'est agi d'une visite à double caractère. Au Kazakhstan, cela a été une visite pastorale à la communauté catholique, qui vit dans un pays où la population est en majorité musulmane, et qui s'est libéré il y a dix ans du régime soviétique dur et opprimant. Je me suis rendu en Arménie, en tant que pèlerin pour rendre hommage à une Eglise d'origine très antique: en effet, le peuple arménien célèbre le 1700ème anniversaire du moment où il est devenu officiellement chrétien. Et c'est au prix du martyre qu'il a conservé cette identité jusqu'à aujourd'hui.

Je renouvelle l'expression de ma gratitude aux Présidents des Républiques du Kazakhstan et d'Arménie, qui à travers leur invitation m'ont ouvert les portes de leurs nobles pays. Je leur suis reconnaissant de la courtoisie et de la chaleur avec lesquelles ils m'ont accueilli.

J'adresse une pensée reconnaissante et affectueuse aux Evêques et aux Administrateurs apostoliques, aux prêtres et aux Communautés catholiques. Mon remerciement le plus sincère s'adresse à tous ceux qui ont collaboré à la bonne réussite de ce pèlerinage apostolique, que j'ai tant attendu et longtemps préparé dans la prière.


KAZAKHSTAN

La volonté de surmonter un dur passé

2. Au Kazakhstan, le thème de la visite pastorale a été le commandement du Christ: "Aimez-vous les uns les autres". Il a été particulièrement significatif d'apporter ce message dans ce pays, dans lequel coexistent plus de cent ethnies différentes, qui collaborent entre elles pour édifier un avenir meilleur. La ville d'Astanà elle-même, où s'est déroulée ma visite, est devenue la capitale depuis moins de quatre ans, et représente le symbole de la reconstruction du pays.

J'ai clairement saisi, au cours de mes rencontres avec les Autorités et avec la population, la volonté de surmonter un dur passé, marqué par l'oppression de la dignité et des droits de la personne humaine. En effet, qui pourra oublier que des centaines de milliers de personnes furent déportées au Kazakhstan? Qui pourra oublier que ses steppes ont été utilisées pour expérimenter des armes nucléaires? C'est pourquoi, dès mon arrivée, j'ai voulu visiter le Monument aux Victimes du régime totalitaire, comme pour souligner l'orientation à partir de laquelle il faut regarder en avant. Le Kazakhstan, société multi-ethnique, a refusé l'armement atomique et entend s'engager pour édifier une société solidaire et pacifique. Le grand monument à la "Mère Patrie", qui a servi de cadre à la Messe du dimanche 23 septembre, rappelle symboliquement cette exigence.

Un hommage aux évangélisateurs des populations locales

L'Eglise, grâce à Dieu, est en train de renaître soutenue également par une organisation territoriale renouvelée. J'ai voulu être proche de cette communauté et de ses pasteurs, engagés dans une généreuse et difficile oeuvre missionnaire. C'est avec une vive émotion que j'ai rendu hommage avec eux à la mémoire de ceux qui ont donné leur vie, parmi les privations et les persécutions, pour apporter le Christ au sein des populations locales.

Dans la cathédrale d'Astanà, avec les Ordinaires des pays de l'Asie centrale, avec les prêtres, les religieux, les séminaristes et les fidèles venus également des Etats voisins, j'ai confié le Kazakhstan à la Très Sainte Vierge Marie, Reine de la Paix, titre par lequel elle est vénérée dans le Sanctuaire national.

La religion ne doit jamais être utilisée comme motif de conflit

3. "Aimez-vous les uns les autres!" Ces paroles du Christ interpellent tout d'abord les chrétiens. Je les ai adressées en premier lieu aux catholiques, en les exhortant à la communion entre eux et avec leurs frères orthodoxes, plus nombreux. Je les ai, en outre, encouragés à collaborer avec les musulmans pour favoriser le progrès authentique de la société. De ce pays, dans lequel coexistent pacifiquement des fidèles de diverses religions, j'ai réaffirmé avec force que la religion ne doit jamais être utilisée comme un motif de conflit. Les chrétiens et les musulmans, avec les croyants de chaque religion, sont appelés à rejeter fermement la violence, pour construire une humanité aimant la vie, qui se développe dans la justice et dans la solidarité.

Un message d'espérance pour les jeunes

Aux jeunes du Kazakhstan j'ai adressé un message d'espérance, en leur rappelant que Dieu les aime personnellement. J'ai ressenti avec une grande joie l'écho puissant et vibrant de cette vérité fondamentale dans leurs coeurs. La rencontre avec eux s'est déroulée à l'Université, un milieu qui m'est toujours cher, au sein duquel se développe la culture d'un peuple. C'est précisément avec les représentants du monde de la culture, de l'art et de la science que j'ai eu l'occasion de rappeler le fondement religieux de la liberté humaine et la réciprocité entre foi et raison, les exhortant à sauvegarder les valeurs spirituelles du Kazakhstan.


ARMENIE

Pour la première fois, un Evêque de Rome foule la terre arménienne

4. Après avoir quitté ce grand pays d'Asie centrale, je suis arrivé en tant que pèlerin en Arménie, dans le Caucase, pour rendre hommage à un peuple qui, depuis dix-sept siècles a lié son histoire au christianisme. Pour la première fois un Evêque de Rome a marché sur cette terre bien-aimée, évangélisée, selon la tradition, par les apôtres Barthélemy et Thaddée, et devenue officiellement chrétienne en 301, grâce à l'oeuvre de saint Grégoire l'Illuminateur.

L'accueil chaleureux de Sa Sainteté Karékine II

C'est à 303 que remonte la Cathédrale d'Etchmiadzine, Siège apostolique de l'Eglise arménienne. Je m'y suis rendu à mon arrivée et avant de repartir, selon l'habitude des pèlerins. En ce lieu, je me suis arrêté en prière auprès des tombes des Catholicos de tous les Arméniens, parmi lesquels Vazken I et Karékine I, artisans des relations cordiales actuelles entre l'Eglise arménienne et l'Eglise catholique. Au nom de cette amitié fraternelle, Sa Sainteté Karékine II, avec une extrême courtoisie, a voulu m'accueillir dans sa résidence et m'a accompagné à chaque étape de mon pèlerinage.

Une intense prière pour les morts et pour la paix dans le monde

5. Au cours de sa longue histoire, le peuple arménien a payé au prix fort la fidélité à sa propre identité. Il suffit de penser à la terrible extermination de masse subie au début du XXème siècle. En souvenir éternel des victimes - environ un million et demi en trois ans - un Mémorial solennel se dresse dans la capitale Yerevan, où, avec le Catholicos de tous les Arméniens, nous avons élevé une intense prière pour tous les morts et pour la paix dans le monde.


Le lien de charité qui unit les Eglises

Dans la nouvelle Cathédrale apostolique de Yerevan, dédiée à saint Grégoire l'Illuminateur et qui vient d'être consacrée, s'est déroulée la solennelle célébration oecuménique, avec la vénération de la Relique du saint, que j'ai offerte à Karékine II l'année dernière, à l'occasion de sa visite à Rome. Ce rite sacré, ainsi que la Déclaration commune, a scellé de façon significative le lien de charité qui unit les Eglises catholique et arménienne. Dans un monde déchiré par les conflits et les violences, il est plus que jamais nécessaire que les chrétiens soient des témoins d'unité et des artisans de réconciliation et de paix.

Une Messe célébrée "à deux poumons"

La Messe au nouveau "Grand Autel" à ciel ouvert, dans le jardin du Siège apostolique d'Etchmiadzine, tout en suivant le rite latin, a été célébrée "à deux poumons", avec des lectures, des prières et des chants en langue arménienne et en présence du Catholicos de tous les Arméniens. Il n'y a pas de paroles pour exprimer la joie intime de ces moments, où l'on ressentait la présence spirituelle de nombreux martyrs et confesseurs de la foi qui, à travers leur vie, ont rendu témoignage à l'Evangile. Leur mémoire doit être honorée jusqu'au bout: nous devons obéir au Christ, qui demande à ses disciples d'être une seule chose, avec une docilité totale.

Une lumière qui brille depuis dix-sept siècles

La dernière étape de mon voyage apostolique a été le Monastère de Khor Virap, qui signifie "puits profond". En effet, c'est là que, selon la tradition, se trouve le puits de 40 mètres dans lequel le roi Tiridate III garda prisonnier saint Grégoire l'Illuminateur, en raison de sa foi dans le Christ, jusqu'à ce que le saint obtienne pour lui, par ses prières, une guérison miraculeuse, et que le roi se convertisse et se fasse baptiser avec sa famille et tout le peuple. C'est là que m'a été remise, comme symbole de la foi avec laquelle Grégoire illumina les Arméniens, une lampe, que j'ai placée solennellement dans la nouvelle chapelle inaugurée dans la salle du Synode des Evêques. Cette lumière brûle depuis dix-sept siècles! Elle brûle dans le monde depuis deux mille ans! Très chers frères et soeurs, il nous est demandé, à nous chrétiens, de ne pas la cacher, mais de l'alimenter, afin qu'elle oriente le chemin de l'humanité sur les voies de la vérité, de l'amour et de la paix!

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 3 octobre 2001, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Ecole normale catholique de la rue Blomet, de Paris; groupe d'officiers de l'armée de l'Air de la Base aérienne de Taverny.

Chers frères et soeurs,

Je rends grâce au Seigneur pour le voyage apostolique au Kazakhstan et en Arménie qu'il m'a donné d'accomplir récemment.

Ma visite pastorale au Kazakhstan, pays majoritairement musulman, avait pour thème: "Aimez-vous les uns les autres". Ces paroles du Christ sont un message pour toutes les communautés du pays. Je les ai adressées à mon tour aux fidèles catholiques, les invitant à la communion entre eux et avec leurs frères orthodoxes, les encourageant à collaborer aussi avec les musulmans, pour favoriser le progrès de la société. J'ai voulu redire à tous que jamais la religion ne peut être utilisée comme prétexte à un conflit.

Venu en Arménie comme pèlerin et accueilli de manière fraternelle par Sa Sainteté Karékine II, j'ai rendu hommage au peuple arménien qui, au cours de sa longue histoire, a payé un lourd tribut pour demeurer fidèle à son identité chrétienne. La célébration chrétienne à Yerevan, la Messe dans le jardin du Siège apostolique d'Etchmiadzine, la visite au monastère de Khor Virap, furent source d'une joie spirituelle intense, nous rappelant plus que jamais l'importance de l'unité entre les chrétiens. Puissions-nous tous travailler à être des artisans de réconciliation et de paix, pour conduire l'humanité sur les chemins de la vérité et de l'amour!


Je salue cordialement les francophones présents, en particulier les jeunes de l'école normale catholique de la rue Blomet, de Paris, ainsi qu'un groupe d'officiers de l'Armée de l'air de la Base aérienne de Taverny. A tous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique.





Catéchèses S. J-Paul II 50901