Catéchèses S. J-Paul II 23102

Mercredi 23 janvier 2002: Si 36 Prière pour le peuple saint de Dieu

23102
  Lecture (Si 36,1-2 Si 36,4 Si 36,5 Si 36,12-13)


1. Au sein de l'Ancien Testament, il n'existe pas seulement le livre officiel de la prière du Peuple de Dieu, c'est-à-dire le psautier. De nombreuses pages bibliques sont parsemées de cantiques, d'hymnes, de psaumes, de supplications, de prières, d'invocations qui s'élèvent vers le Seigneur, comme en réponse à sa parole. La Bible se révèle ainsi un dialogue entre Dieu et l'humanité, une rencontre qui est placée sous le sceau de la parole divine, de la grâce, de l'amour.

Tel est le cas de la prière que nous venons d'adresser au "Dieu de l'univers" (Sir 36,1). Elle est contenue dans le livre du Siracide, un sage qui recueillit ses réflexions, ses conseils, ses chants probablement autour de 190-180 av. J.-C., au seuil de l'épopée de libération vécue par Israël sous la conduite des frères Maccabées. En 138 av. J.-C., un petit fils de ce sage traduisit en grec, comme le rapporte le prologue ajouté au volume, l'oeuvre de son grand-père de façon à offrir ces enseignements à un plus vaste cercle de lecteurs et de disciples.

Le livre du Siracide est appelé "Ecclésiastique" par la tradition chrétienne. N'ayant pas été accueilli par le canon hébraïque, ce livre finit par caractériser, ainsi que d'autres, ce qu'on appelle la "veritas christiana". C'est ainsi que les valeurs proposées par cette oeuvre pleine de sagesse entrèrent dans l'éducation chrétienne de l'ère patristique, en particulier dans le milieu monastique, devenant une sorte de manuel de comportement pratique des disciples du Christ.

2. L'invocation du chapitre 36 du Siracide, utilisée comme prière des Laudes de la Liturgie des Heures sous une forme simplifiée, se développe selon diverses lignes thématiques.

Nous y trouvons tout d'abord l'imploration afin que Dieu intervienne en faveur d'Israël et contre les nations étrangères qui l'oppriment. Par le passé, Dieu a révélé sa sainteté lorsqu'il a châtié les fautes de son peuple, en le livrant aux mains de ses ennemis. A présent, l'orant prie Dieu de révéler sa grandeur en réprimant la tyrannie des oppresseurs et en instaurant une nouvelle ère aux accents messianiques.

La supplication reflète bien évidemment la tradition de prière d'Israël, et elle est en réalité remplie de réminiscences bibliques. Sous certains aspects, elle peut être considérée comme un modèle de prière à utiliser dans les périodes de persécution et d'oppression, comme l'était celle à laquelle l'auteur vivait, sous la domination plutôt rude et sévère des souverains étrangers syro-hellénistiques.


3. La première partie de cette prière s'ouvre par un appel ardent adressé au Seigneur afin qu'il ait pitié et qu'il regarde (cf. Sir 36,1). Mais l'attention se tourne immédiatement vers l'action divine, qui est exaltée à travers une série de verbes très suggestifs: "Aie pitié.... regarde... répands la crainte... lève la main... montre-toi grand... renouvelle les prodiges... fais d'autres miracles... glorifie ta main et ton bras droit...".

Le Dieu de la Bible n'est pas indifférent à l'égard du mal. Et même si ses voies ne sont pas les nôtres, si ses temps et ses projets sont différents des nôtres (cf. Is Is 55,8-9), Il se range cependant du côté des victimes et se présente comme un juge sévère des violents, des oppresseurs, des triomphateurs qui ne connaissent pas la pitié.

Mais son intervention ne tend pas à la destruction. En révélant sa puissance et sa fidélité dans l'amour, Il peut également susciter dans la conscience du mauvais un frémissement qui le conduira à la conversion. "Qu'ils te connaissent, tout comme nous avons connu qu'il n'y a pas d'autre Dieu que toi, Seigneur" (Sir 36,4).


4. La seconde partie de l'hymne ouvre une perspective plus positive. En effet, alors que la première partie requiert l'intervention de Dieu contre les ennemis, la deuxième ne parle plus des ennemis, mais elle demande les faveurs de Dieu pour Israël, elle implore sa pitié pour le peuple élu et pour la ville sainte, Jérusalem.

Le rêve d'un retour de tous les exilés, y compris ceux du royaume septentrional, devient l'objet de la prière: "Rassemble toutes les tribus de Jacob, rends-leur leur héritage comme au commencement" (Sir 36,10). Une sorte de renaissance d'Israël tout entier est ainsi demandée, comme aux temps heureux de l'occupation de toute la Terre Promise.

Afin de rendre la prière plus pressante, l'orant insiste sur la relation qui lie Dieu à Israël et à Jérusalem. Israël est désigné comme le "peuple appelé de ton nom", celui "dont tu as fait un premier-né"; Jérusalem est "ta ville sainte", "le lieu de ton repos". Le désir ensuite exprimé est que la relation devienne encore plus étroite et donc plus glorieuse: "Remplis Sion de ta louange et ton sanctuaire de ta gloire" (Sir 36,13). En remplissant de sa gloire le Temple de Jérusalem, qui attirera à lui toutes les nations (cf. Is Is 2,2-4 Is Is 2, Is 4,1-3), le Seigneur remplira son peuple de sa gloire.

5. Dans la Bible, la plainte des personnes qui souffrent ne finit jamais dans le désespoir, mais elle est toujours ouverte à l'espérance. A la base, se trouve la certitude que le Seigneur n'abandonne pas ses enfants, il ne laisse pas tomber de ses mains ceux qu'Il a modelés.

La sélection effectuée par la liturgie a laissé de côté une belle expression de notre prière. Elle demande à Dieu de rendre "témoignage à tes premières créatures (Sir 36,14). De toute éternité, Dieu a un projet d'amour et de salut destiné à toutes les créatures, qui sont appelées à devenir son peuple. Il s'agit d'un dessein que saint Paul reconnaîtra: "révélé maintenant à ses saints apôtres et prophètes, dans l'Esprit... dessein éternel qu'il a conçu dans le Christ Jésus notre Seigneur" (Ep 3,5-11).

                                    * * *


A l'issue de l'Audience générale du 23 janvier 2002, le Saint-Père ajoutait les paroles suivantes:

Comme vous le savez, demain, je me rendrai à Assise, où, avec des Représentants d'Eglises et de Communautés ecclésiales d'autres religions, nous vivrons une journée consacrée à la prière pour la paix dans le monde. Il s'agira d'un pèlerinage d'espérance sur les traces de saint François d'Assise, prophète et témoin de paix. Je suis certain que cette initiative, outre les effets spirituels qui échappent aux paramètres humains, pourra contribuer à orienter les âmes et les décisions vers de sincères et courageuses intentions de justice et de pardon. S'il en est ainsi, nous aurons contribué à consolider les bases d'une paix authentique et durable. J'invite donc les fidèles catholiques à unir leur prière à celle que demain, à Assise, nous élèverons ensemble comme chrétiens, en cultivant dans le même temps dans leur coeur des sentiments de sympathie pour les disciples d'autres religions rassemblés dans la ville de saint François pour prier pour la paix. A tous, personnes et communautés, j'exprime dès à présent ma cordiale reconnaissance.

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 23 janvier 2002, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Ecole catholique Rocroy Saint-Léon, de Paris; Lycée Gregor Mendel, de Paris; Association Philéas Fogg, de Montreuil.

Chers Frères et Soeurs,

Ce Cantique, tiré du livre du Siracide, reflète la tradition de prière d’Israël et peut être considéré comme un modèle de supplication pour des temps de persécution et d’oppression. Le sage, appelé aussi l’Ecclésiastique dans la tradition chrétienne, écrit alors qu’Israël est sous le joug de souverains étrangers, au deuxième siècle avant Jésus Christ. En implorant la pitié du Seigneur, le peuple d’Israël reconnaît la puissance du Maître et Dieu de tout, ainsi que sa fidélité dans l’amour. Dieu n’abandonne pas son peuple. Il se place du côté des victimes, jugeant sévèrement les violents et ceux qui ne connaissent pas la pitié. Comme il a manifesté sa présence dans le Temple de Jérusalem, le Seigneur remplira son peuple de sa gloire pour qu’il témoigne de son projet de salut destiné à toutes les créatures. En Jésus Christ, ce projet de Dieu a été pleinement révélé.

J’accueille avec joie les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes de l’école catholique Rocroy Saint-Léon et du lycée Gregor Mendel, de Paris. Alors que les responsables des grandes religions se réuniront demain à Assise pour invoquer le Seigneur de la paix, puissiez-vous contribuer, par votre prière et par votre témoignage de vie chrétienne, à faire régner la paix dans le monde ! A tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.


             

Mercredi 30 janvier 2002: Ps 18 Hymne au Dieu créateur

30012
  Lecture: (Ps 18,2-7)


1. Le soleil, qui brille progressivement dans le ciel, la splendeur de sa lumière, la chaleur bénéfique de ses rayons, ont conquis l'humanité dès ses origines. Les êtres humains ont manifesté de nombreuses façons leur gratitude pour cette source de vie et de bien-être, avec un enthousiasme qui s'élève souvent jusqu'aux sommets de la véritable poésie. Le splendide Psaume 18, dont la première partie a été proclamée, n'est pas seulement une prière sous forme d'hymne d'une extraordinaire intensité; mais il est également un chant poétique élevé au soleil et à son rayonnement sur la face de la terre. En cela, le Psalmiste rejoint la longue série de poètes de l'antique Proche Orient, qui exaltent l'astre du jour qui brille dans les cieux et qui, dans leurs régions, fait longuement sentir sa chaleur ardente. Il suffit de penser au célèbre hymne d'Aton, composé par le pharaon Akhénaton au XIVème siècle av. J.-C. et consacré au disque solaire considéré comme une divinité.

Mais pour l'homme de la Bible, il y a une différence radicale par rapport à ces hymnes solaires: le soleil n'est pas un dieu, mais une créature au service de l'unique Dieu et créateur. Il suffit de repenser aux paroles de la Genèse: "Dieu dit: "Qu'il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit; qu'ils servent de signes, tant pour les fêtes que pour les jours et les années... Dieu fit les deux luminaires majeurs: le grand luminaire comme puissance du jour et le petit luminaire comme puissance de la nuit... et Dieu vit que cela était bon" (Gn 1,14 Gn 1,16 Gn 1,18).

2. Avant de parcourir les versets du Psaume choisis par la Liturgie, regardons-le dans son ensemble. Le Psaume 18 est semblable à un dyptique. Dans la première partie (Ps 18,2-7) - celle qui est à présent devenue notre prière - nous trouvons une hymne au Créateur, dont la grandeur mystérieuse se manifeste dans le soleil et dans la lune. Dans la deuxième partie du Psaume (Ps 18,8-15), nous rencontrons en revanche une hymne sapientielle à la Torah, c'est-à-dire à la Loi de Dieu.

Les deux parties sont traversées par un fil conducteur commun: Dieu éclaire l'univers par la luminosité du soleil et il illumine l'humanité par la splendeur de sa Parole contenue dans la Révélation biblique. Il s'agit presque d'un double soleil: le premier est une épiphanie cosmique du Créateur, le deuxième est une manifestation historique et gratuite de Dieu Sauveur. Ce n'est pas pour rien que la Torah, la Parole divine, est décrite avec des caractéristiques "solaires": "Le commandement de Yahvé est limpide, lumière des yeux" (Ps 18,9).


3. Mais tournons-nous à présent vers la première partie du Psaume. Celle-ci s'ouvre par une admirable personnification des cieux, qui apparaissent à l'Auteur saint comme des témoins éloquents de l'oeuvre créatrice de Dieu (Ps 18,2-5). En effet, ils "racontent", "annoncent", les merveilles de l'oeuvre divine (cf. Ps Ps 18,2). Le jour et la nuit sont eux aussi représentés comme des messagers qui transmettent la grande nouvelle de la création. Il s'agit d'un témoignage silencieux, qui se fait toutefois entendre avec force, comme une voix qui parcourt tout le cosmos.

En utilisant le regard intérieur de l'âme, lorsque l'intuition religieuse n'est pas distraite par la superficialité, l'homme et la femme peuvent découvrir que le monde n'est pas muet, mais parle du Créateur. Comme le dit l'ancien sage, "la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur" (Sg 13,5). Saint Paul rappelle lui aussi aux Romains que "ce qu'il [Dieu] a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence à travers ses oeuvres" (Rm 1,20).

4. L'hymne laisse ensuite la place au soleil. Le globe lumineux est dépeint par le poète inspiré comme un héros guerrier qui sort de la chambre nuptiale où il a passé la nuit, c'est-à-dire qu'il sort du sein des ténèbres et qu'il commence sa course inlassable dans le ciel (Ps 18,6-7). Il est semblable à un athlète qui ne s'arrête pas et qui ne connaît pas la fatigue, alors que toute notre planète est enveloppée par sa chaleur irrésistible.

Le soleil est donc comparé à un époux, à un héros, à un champion qui, par ordre divin, doit accomplir chaque jour un travail, une conquête et une course dans les espaces intersidéraux. Le Psalmiste indique à présent le soleil flamboyant en plein ciel, alors que toute la terre est enveloppée de sa chaleur, l'air est immobile, aucun lieu de l'horizon ne peut échapper à sa lumière.

5. L'image solaire du Psaume est reprise par la liturgie pascale chrétienne pour décrire l'exode triomphant du Christ des ténèbres du sépulcre et son entrée dans la plénitude de la vie nouvelle de la résurrection. La liturgie byzantine chante dans les Matines du Samedi saint: "Comme le soleil se lève après la nuit tout radieux dans sa luminosité retrouvée, Toi aussi, ô Verbe, tu resplendiras d'une nouvelle clarté quand, après la mort, tu quitteras ton lit nuptial". Une Ode (la première) des Matines de Pâques relie la révélation cosmique avec l'événement pascal du Christ: "Que le Ciel se réjouisse et que la terre exulte aussi avec lui, car l'univers tout entier, visible et invisible, prend part à cette fête: le Christ notre joie éternelle est ressuscité". Une autre Ode (la troisième) ajoute: "Aujourd'hui l'univers tout entier, ciel, terre et abîme, est comblé de lumière et toute la création chante désormais la résurrection du Christ notre force et notre allégresse". Une autre (la quatrième), conclut enfin: "Le Christ notre Pâques s'est levé de la tombe comme un soleil de justice en faisant rayonner sur nous tous la splendeur de sa charité".

La liturgie romaine n'est pas explicite comme la liturgie orientale en comparant le Christ au soleil. Toutefois, elle décrit les répercussions cosmiques de sa résurrection, lorsqu’elle ouvre son chant de Laudes au matin de Pâques avec son hymne célèbre: "Aurora lucis rutilat, caelum resultat laudibus, mundus exultans iubilat, gemens infernus ululat" - "L'aurore éblouit de lumière, le ciel exulte de chants, le monde se réjouit en dansant, l'enfer gémit dans les hurlements".

6. L'interprétation chrétienne du Psaume n'efface cependant pas son message de base, qui est une invitation à découvrir la parole divine présente dans la création. Certes, comme on le dira dans la deuxième partie du Psaume, il existe une autre Parole plus élevée, plus précieuse que la lumière elle-même, celle de la Révélation biblique.

Toutefois, pour ceux qui ont des oreilles attentives et dont les yeux ne sont pas voilés, la création constitue comme une première révélation, qui possède un langage éloquent: elle est comme un autre livre sacré dont les lettres sont constituées par la multitude de créatures présentes dans l'univers. Saint Jean Chrysostome affirme: "Le silence des cieux est une voix plus retentissante que celle d'une trompette: cette voix crie à nos yeux et non à nos oreilles la grandeur de celui qui les a faits" (). Et saint Athanase affirme: "Le firmament, à travers sa magnificence, sa beauté, son ordre, est un prédicateur prestigieux de Celui qui l'a fait, et dont l'éloquence remplit l'univers" ().

                                     * * *


Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 30 janvier 2002, se trouvait le groupe suivant, auquel le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Institution Saint-Joseph, de Draguignan de Pontcalek.

Chers Frères et Soeurs,

Le Psaume 18, dont nous venons d’entendre la première partie, invite tout croyant à contempler la création pour y découvrir la Parole divine à l’oeuvre. Le monde n’est pas muet; pour qui sait observer avec le regard intérieur de l’âme, il parle du Créateur. Ainsi l’affirmait déjà saint Athanase: «Le firmament, à travers sa magnificence, sa beauté, son ordre, est un prédicateur prestigieux de Celui qui l’a fait, et dont l’éloquence remplit l’univers» (). La force poétique de la contemplation du Psalmiste s’exprime en particulier dans la description de la course infatigable du soleil, qui jaillit des ténèbres pour apporter au monde la vie et le bien-être, et dont personne ne peut échapper à la lumière. La liturgie chrétienne de Pâques reprendra cette image solaire pour décrire l’exode triomphant du Christ passant des ténèbres du sépulcre à la plénitude de la vie nouvelle de la Résurrection.

J’accueille avec joie les pèlerins de langue française. Que votre pèlerinage sur la tombe des Apôtres Pierre et Paul ravive votre foi et vous invite à rendre grâce à Dieu pour sa présence agissante dans la création! A tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.



Mercredi 6 février 2002: Ps 43 BDésir du Temple de Dieu

60202
  Lecture: Ps 43, 1.3-4


1. Dans une précédente Audience générale, en commentant le Psaume qui précède celui qui vient d'être chanté, nous avons dit qu'il s'unissait intimement au Psaume suivant. Les Psaumes 42 et 43 constituent, en effet, un unique chant, rythmé en trois parties par la même antienne: "Qu'as-tu, mon âme, à défaillir et à gémir sur moi? Espère en Dieu; à nouveau je lui rendrai grâce, le salut de ma face et mon Dieu" (
Ps 41,6 Ps 41,12 Ps 42,5).

Ces paroles, semblables à un soliloque, expriment les sentiments profonds du Psalmiste. Il se trouve loin de Sion, point de référence de son existence car siège privilégié de la présence divine et du culte des fidèles. C'est pourquoi il ressent une solitude faite d'incompréhension et même d'agression de la part des impies, aggravée par l'isolement et par le silence de Dieu. Cependant, le Psalmiste réagit à la tristesse par une invitation à la confiance, qu'il s'adresse à lui-même, et par une belle affirmation d'espérance: il compte pouvoir encore louer Dieu, "salut de sa face".

Dans le Psaume 43, au lieu de se parler uniquement à lui-même, comme dans le Psaume précédent, le Psalmiste s'adresse à Dieu et le supplie de le défendre contre ses adversaires. En reprenant presque à la lettre une invocation utilisée dans l'autre Psaume (cf. Ps Ps 42,10), l'orant adresse cette fois son cri de désolation à Dieu: "Pourquoi me rejeter? Pourquoi m'en aller en deuil, accablé par l'ennemi?" (Ps 43,2).


2. Toutefois, il sent désormais que la parenthèse obscure de l'éloignement va bientôt prendre fin et il exprime sa certitude du retour à Sion pour retrouver la demeure divine. La cité sainte n'est plus la patrie perdue, comme cela était le cas dans la lamentation du Psaume précédent (cf. Ps Ps 42,3-4), elle est en revanche l'objectif joyeux, vers lequel il est en marche. Le guide du retour à Sion sera la "vérité" de Dieu et sa "lumière" (cf. Ps Ps 43,3). Le Seigneur lui-même sera le but ultime du voyage. Il est invoqué comme juge et défenseur (cf. Ps Ps 43,1-2). Trois verbes caractérisent son intervention qui est implorée: "Juge-moi", "défends ma cause", "délivre-moi" (Ps 43,1). Ce sont comme trois étoiles d'espérance, qui s'allument dans le ciel ténébreux de l'épreuve et qui annoncent l'imminente aurore du salut.

La relecture que saint Ambroise fait de cette expérience du Psalmiste, en l'appliquant à Jésus qui prie au Gethsémani, est significative: "Je ne veux pas que tu sois surpris si le prophète dit que son âme était émue, du moment que le Seigneur Jésus lui-même dit: A présent mon âme est troublée. En effet, celui qui a pris sur lui nos faiblesses, a également pris notre sensibilité, en raison de laquelle il était triste jusqu'à la mort, mais pas à cause de la mort. Une mort volontaire n'aurait pas pu provoquer la tristesse, car d'elle dépendait le bonheur de tous les hommes... Il fut donc triste jusqu'à sa mort, dans l'attente que la grâce soit conduite à son accomplissement. C'est ce que démontre son témoignage, lorsqu'il dit: Il y a un baptême avec lequel je dois être baptisé: et comme je suis angoissé tant qu'il ne sera pas accompli!" (Les remontrances de Job et de David, VII, 28, Rome 1980, p. 233).


3. A présent, dans la suite du Psaume 43, va se révéler aux yeux du Psalmiste la solution tant attendue: le retour à la source de la vie et de la communion avec Dieu. La "vérité", c'est-à-dire la fidélité pleine d'amour du Seigneur, et la "lumière", c'est-à-dire la révélation de sa bienveillance, sont représentées comme des messagères que Dieu lui même enverra du ciel pour prendre le fidèle par la main et le conduire vers l'objectif souhaité (cf. Ps Ps 42,3).

La séquence des étapes du rapprochement vers Sion et son centre spirituel est très éloquente. Tout d'abord apparaît la "montagne sainte", la colline où se dresse le temple et la citadelle de David. Puis entrent en jeu "les demeures", c'est-à-dire le Sanctuaire de Sion avec tous les lieux et les édifices qui le composent. Il y a ensuite "l'autel de Dieu", le siège des sacrifices et du culte officiel de tout le peuple. Le but ultime et décisif est le Dieu de la joie, l'étreinte, l'intimité retrouvée avec Lui, qui auparavant était loin et silencieux.


4. A ce point, tout devient chant, joie, fête (cf. Ps Ps 43,4). Dans l'original hébreu, on parle du "Dieu qui est joie de mon allégresse". Il s'agit d'une façon de dire sémitique pour exprimer le superlatif: le Psalmiste désire souligner que le Seigneur est la racine de tout bonheur, est la joie suprême, est la plénitude de la paix.

La traduction grecque des Septante a utilisé, semble-t-il, un terme araméen équivalent qui indique la jeunesse et elle a traduit "au Dieu qui réjouit ma jeunesse", en introduisant ainsi l'idée de la fraîcheur et de l'intensité de la joie que donne le Seigneur. Le psautier latin de la Vulgate, qui est une traduction à partir du grec, dit donc: "ad Deum qui laetificat juventutem meam". Dans la liturgie eucharistique précédente, le Psaume était récité sous cette forme au pied de l'autel, comme invocation d'introduction à la rencontre avec le Seigneur.


5. La lamentation du début de l'antienne des Psaumes 42-43 retentit pour la dernière fois à la fin (cf. Ps Ps 43,5). L'orant n'a pas encore rejoint le temple de Dieu, il est encore plongé dans l'obscurité de l'épreuve; mais dans ses yeux brille désormais la lumière de la rencontre future et ses lèvres connaissent déjà la musique du chant de joie. A ce point, l'appel est davantage marqué par l'espérance. En effet, en commentant notre Psaume, saint Augustin observe: "Espère en Dieu, dira à son âme celui qui est troublée par elle... Entre-temps, vis dans l'espérance. L'espérance qui se voit n'est pas espérance; mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas c'est grâce à la patience que nous l'attendons (cf. Rm Rm 8,24-25)" (Exposition sur les Psaumes I, Rome 1982, p. 1019).

Le Psaume devient alors la prière de celui qui est en pèlerinage sur terre et qui se trouve encore en contact avec le mal et la souffrance; mais il a la certitude que le point d'arrivée de l'histoire n'est pas un abîme de mort, mais la rencontre salvifique avec Dieu. Cette certitude est encore plus forte pour les chrétiens, à qui la Lettre aux Hébreux proclame: "Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, et de myriades d'anges, réunion de fête, et de l'assemblée de premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux, d'un Dieu Juge universel, et des esprits des justes qui ont été rendus parfaits, de Jésus médiateur d'une alliance nouvelle, et d'un sang purificateur plus éloquent que celui d'Abel" (He 12,22-24).

                                   * * *


Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 6 février 2002, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de jeunes des diocèses de Bourges, d'Autun, Châlon, Mâcon, Cambrai; paroisse de Marignane-Côte-Bleue; paroisse Saint-Walburge, de Strasbourg; collège "Joliot-Curie", de Carqueiranne; collège "Saint-François-de-Sales", de Dijon; Collège "Saint-Joseph", de Draguignan de Pontcalek; Collège "Saint-Just", d'Arbois; groupe de pèlerins d'Autun.

Le Psaume 42 débute par le cri du Psalmiste suppliant Dieu de venir à son secours, afin qu’il le libère de ses oppresseurs et le ramène à Jérusalem. Le Psalmiste est en exil, loin de Sion, siège du temple de Dieu. Son expérience, marquée par l’incompréhension et l’hostilité des impies, est rendue plus douloureuse encore par l’apparent silence de Dieu. Mais il pressent que cette parenthèse douloureuse touche à sa fin et qu’approche le temps du retour.

Avec confiance, il supplie le Seigneur de lui faire don de la «vérité» et de la «lumière», car il sait que, ainsi guidé et accompagné, il parviendra à la Cité sainte. Il anticipe déjà l’exultation que sera pour lui l’arrivée au temple de Sion et la joie de l’intimité retrouvée avec Dieu, source de tout vrai bonheur et plénitude de la paix.

Comme chrétiens, nous pouvons facilement faire nôtre la prière de ce psaume. Pèlerins ici-bas, aux prises avec le mal et la souffrance, nous avons la certitude que le terme de l’histoire n’est pas le néant de la mort, mais la rencontre joyeuse et salvifique avec Dieu : «Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, [...] de Jésus, médiateur d’une alliance nouvelle» (He 12,22 He 12,24).

J’accueille avec joie les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes venus de différents diocèses de France. Puisse votre séjour affermir votre foi et faire de vous des témoins du Seigneur Ressuscité ! Avec la Bénédiction apostolique.



Mercredi 13 février 2002 Mercredi des Cendres

13022 1. L'Audience générale d'aujourd'hui, Mercredi des Cendres, est particulièrement marquée par un esprit de prière, de réflexion et de pénitence. Avec toute l'Eglise, nous commençons un chemin de quarante jours en préparation à Pâques, sous le signe austère de l'imposition des cendres, accompagné de l'exhortation du Christ: "Convertissez-vous et croyez à l'Evangile" (cf. Mc Mc 1,15). A chaque être humain est ainsi rappelée sa condition de pécheur, de même que le besoin de pénitence et de conversion. La foi chrétienne nous rappelle que cette invitation pressante à rejeter le mal et à accomplir le bien est un don de Dieu, de qui provient chaque réalité positive pour la vie de l'homme. Tout trouve son origine dans l'initiative gratuite de Dieu, qui nous a créés pour le bonheur et qui oriente chaque chose vers le bien véritable. Il prévient, par sa grâce, notre désir même de conversion et accompagne nos efforts vers la pleine adhésion à sa volonté salvifique.

2. Dans le Message pour le Carême de cette année, publié il y a quelques jours, j'ai voulu présenter à tous les catholiques le thème de la gratuité de l'initiative de Dieu dans notre vie, élément essentiel qui traverse toute la révélation biblique. Le Carême est une "occasion providentielle de conversion" précisément parce qu'il "nous aide à contempler cet étonnant mystère d'amour", à la lumière duquel Jésus nous exhorte: "Vous avez reçu gratuitement: donnez gratuitement" (Mt 10,8). L'itinéraire quadragésimal se révèle ainsi dans sa réalité la plus profonde, comme "un retour aux sources de la foi car, en méditant sur le don de grâce incommensurable qu'est la rédemption, nous ne pouvons pas ne pas réaliser que tout nous est donné par l'initiative de l'amour de Dieu" (Message pour le Carême, n. 1; cf. ORLF n. 7, du 12 février 2002). L'Apôtre Paul exprime à travers des paroles incisives et actuelles la gratuité de la grâce de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par amour. Il rappelle qu'"à peine en effet voudrait-on mourir pour un homme juste; pour un homme de bien, oui, peut-être oserait-on mourir; mais la preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous" (Rm 5,7-8). Ce Dieu qui dans son immense amour nous a créés, et qui également par amour nous a destinés à la pleine communion avec lui, attend de nous une réponse tout aussi généreuse, libre et consciente.


3. Le chemin de conversion, que nous entreprenons aujourd'hui avec confiance, s'inscrit pleinement dans ce contexte originel d'amour et de gratuité. L'aumône et les gestes de charité, que nous sommes invités à accomplir de façon particulière en cette période pénitentielle, ne constituent-ils pas une réponse à la gratuité de la grâce divine? Si nous avons reçu gratuitement, nous devons donner gratuitement (cf. Mt Mt 10,8). La société actuelle a un profond besoin de redécouvrir la valeur de la gratuité, en particulier parce que dans notre monde semble souvent triompher une logique fondée exclusivement sur la recherche du profit et du gain à tout prix. Face à la sensation diffuse que chaque choix et chaque geste sont dominés par la logique d'une économie de marché et que triomphe la loi du plus grand profit possible, la foi chrétienne repropose l'idéal de la gratuité, fondé sur la liberté consciente des personnes, animées par un amour authentique. Nous confions ces quarante jours d'intense prière et de pénitence à la Vierge Marie, la "Mère du bel Amour". Que ce soit Elle qui nous accompagne et qui nous guide pour célébrer dignement le grand mystère de la Pâque du Christ, révélation suprême de l'amour gratuit et miséricordieux du Père céleste. Bon Carême à tous!

                                    * * *


Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 13 février 2002, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Pèlerinage des catéchistes du diocèse de Luçon, guidés par l'Evêque, Mgr Michel Santier; groupe de jeunes du Calvados de l'Association "Culture et Partage", de Caen; groupe d'Orange; Collège "Victor de Laprade", de Montbrison; Collège "Saint-Exupéry", de Montbrison; aumônerie des collèges et lycées du Centre d'Orléans; Aumônerie de Montpellier et de Marseille.

De Suisse: Groupe de l'"Ecole de la Foi", de Fribourg.

De Belgique: Groupe de pèlerins.

L’audience d’aujourd’hui est particulièrement marquée par un esprit de prière, de réflexion et de pénitence. Par le signe austère de l’imposition des cendres et l’exhortation du Christ : «Convertissez-vous et croyez à l’Evangile!», nous commençons, avec toute l’Eglise, un chemin de quarante jours pour nous préparer à Pâques.

Comme je l’ai rappelé dans le Message de Carême, ce temps est «une occasion providentielle de conversion» qui nous aide à contempler l’étonnant mystère d’amour qui fait dire à Jésus : «Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement». Le chemin du Carême révèle ainsi sa réalité la plus profonde : il constitue «un retour aux sources de la foi car, en méditant sur le don de grâce incommensurable qu’est la Rédemption, nous ne pouvons pas ne pas réaliser que tout nous est donné par l’initiative de l’amour de Dieu». Bon Carême à tous !


Je salue avec joie tous les pèlerins de langue française, en particulier les catéchistes du diocèse de Luçon et leur évêque, Mgr Michel Santier, les jeunes du groupe «Culture et Partage» de Caen, et le groupe de l’Ecole de la Foi de Fribourg. A tous, je donne volontiers la Bénédiction apostolique.




Catéchèses S. J-Paul II 23102