Catéchèses S. J-Paul II 27022

Mercredi 27 février 2002: Is 38 Angoisse du mourant, joie de la personne guérie

27022
  Lecture: (Is 38,10-14 Is 38,17-20)


1. La Liturgie des Heures, dans les divers Cantiques qui accompagnent les Psaumes, nous présente également une hymne de remerciement qui porte le titre suivant: "Cantique d'Ezéchias, roi de Juda, lors de la maladie dont il fut guéri" (Is 38,9). Il appartient à une partie du livre du prophète Isaïe à caractère historique et narratif (cf. Is Is 36-39), dont les faits reprennent - avec quelques variantes - ceux qui sont proposés par le Deuxième Livre des rois (cf. 2R 2R 18-20).

A présent, dans le sillage de la Liturgie des Laudes, nous avons écouté et transformé en prière deux grandes strophes de ce Cantique, qui décrivent les deux mouvements typiques de la prière de remerciement: d'une part, est évoqué le cauchemar de la souffrance dont le Seigneur a libéré son fidèle et, de l'autre, est chantée avec joie la reconnaissance pour la vie et le salut retrouvés.

Le roi Ezéchias, un souverain juste et ami du prophète Isaïe, a été frappé par une grave maladie, que le prophète Isaïe avait déclarée mortelle (cf. Is Is 38,1). "Ezéchias se tourna vers le mur et fit cette prière à Yahvé: "Ah! Yahvé, souviens-toi, de grâce, que je me suis conduit fidèlement et en toute probité de coeur devant toi, et que j'ai fait ce qui était bien à tes yeux". Et Ezéchias versa d'abondantes larmes. Alors, la parole de Yahvé se fit entendre à Isaïe: "Va dire à Ezéchias: Ainsi parle Yahvé, Dieu de ton ancêtre David. J'ai entendu ta prière, j'ai vu tes larmes. Je vais te guérir; dans trois jours, tu monteras au Temple de Yahvé. J'ajouterai quinze années à ta vie" (Is 38,2-5).

2. C'est à ce point que le cantique de reconnaissance jaillit du coeur du roi. Comme nous l'avons dit, il se tourne tout d'abord vers le passé. Selon l'antique conception d'Israël, la mort introduisait dans un monde souterrain, appelé Shéol en hébreu, où la lumière s'éteignait, l'existence s'amenuisait et devenait presque spectrale, le temps s'arrêtait, l'espérance s'éteignait et, surtout, où l'on n'avait plus la possibilité d'invoquer et de rencontrer Dieu dans le culte.

C'est pourquoi Ezéchias rappelle tout d'abord les paroles pleines d'amertume prononcées lorsque sa vie glissait vers la frontière de la mort: "Je ne verrai pas Yahvé sur la terre des vivants" (v. 11). Le Psalmiste priait lui aussi de cette façon lorsqu’il était malade: "Car, dans la mort, nul souvenir de toi: dans le Shéol, qui te louerait?" (Ps 6,6). En revanche, une fois libéré du risque de mourir, Ezéchias peut répéter avec force et avec joie: "Le vivant, le vivant lui seul te loue, comme moi aujourd'hui" (Is 38,19).

3. Précisément sur ce thème, le cantique d'Ezéchias acquiert un ton nouveau, s'il est lu à la lumière de Pâques. Déjà dans l'Ancien Testament, de grandes éclaircies apparaissaient dans les Psaumes, lorsque l'orant proclamait la certitude que "tu ne peux abandonner mon âme au shéol, tu ne peux laisser ton ami voir la fosse. Tu m'apprendras le chemin de vie, devant ta face, plénitude de joie, en ta droite, délices éternelles" (Ps 15,10-11 cf. Ps Ps 48 et Ps 72). Pour sa part, l'auteur du Livre de la Sagesse n'hésitera plus à affirmer que l'espérance des justes est "pleine d'immortalité" (Sg 3,4), car il est convaincu que l'expérience de communion avec Dieu vécue au cours de l'existence terrestre ne sera pas interrompue. Nous resterons toujours, au-delà de la mort, soutenus et protégés par le Dieu éternel et infini, car "les âmes des justes sont dans la main de Dieu" (Sg 3,1).

C'est surtout à travers la mort et la résurrection du Fils de Dieu, Jésus-Christ, qu'une semence d'éternité a été déposée dans notre existence mortelle, où il l'a fait germer; c'est pourquoi nous pouvons répéter les paroles de l'Apôtre, fondées sur l'Ancien Testament: "Quand donc cet être corruptible aura revêtu l'incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l'immortalité, alors s'accomplira la parole qui est écrite: La mort a été engloutie dans la victoire. Où est-elle, ô mort, ta victoire? Où est-il, ô mort, ton aiguillon?" (1Co 15,54-55 cf. Is Is 25,8 Os 13,14).

4. Le chant du roi Ezéchias nous invite cependant à réfléchir sur notre fragilité de créatures. Les images sont suggestives. La vie humaine est évoquée à travers le symbole des nomades de la tente: nous sommes toujours en pèlerinage et des hôtes sur la terre. On a également recours à l'image de la toile, qui est tissée et qui peut rester incomplète lorsque le fil est coupé et que le travail est interrompu (cf. Is Is 38,12). Le Psalmiste ressent lui aussi la même sensation: "Vois, d'un empan tu fis mes jours, ma durée est comme rien devant toi; rien qu'un souffle, tout homme qui se dresse, rien qu'une ombre, l'humain qui va; rien qu'un souffle" (Ps 38,6-7). Il faut retrouver la conscience de notre limite, savoir que "le temps de nos années - comme le déclare encore le Psalmiste -, quelque soixante-dix ans, quatre-vingts si la vigueur y est; mais leur grand nombre n'est que peine et mécompte, car elles passent vite, et nous nous envolons" (Ps 89,10).

5. Lors de la maladie et de la souffrance, il est cependant juste d'élever vers Dieu sa propre plainte, comme nous l'enseigne Ezéchias qui, utilisant des images poétiques, décrit ses pleurs comme le pépiement d'une hirondelle et le gémissement d'une colombe (cf. Is Is 38,14). Et s'il n'hésite pas à confesser qu'il ressent Dieu comme un adversaire, presque un lion qui broie les os (cf. Is Is 38,13), il ne cesse pas de l'invoquer: "Seigneur je suis accablé, viens à mon aide" (Is 38,14).

Le Seigneur ne reste pas indifférent aux larmes de celui qui souffre et, bien que ce ne soit pas toujours par des voies qui coïncident avec celles de nos attentes, il répond, console et sauve. C'est ce qu'Ezéchias confesse à la fin, en invitant chacun à espérer, à prier, à avoir confiance, certain que Dieu n'abandonne pas ses créatures: "Yahvé, viens à mon aide, et nous ferons résonner nos harpes tous les jours de notre vie dans le temple de Yahvé" (Is 38,20).


6. De ce cantique du roi Ezéchias, la tradition latine médiévale conserve un commentaire spirituel de Bernard de Clairvaux, l'un des mystiques les plus représentatifs du monachisme occidental. Il s'agit du troisième des Sermons divers, dans lequel Bernard, appliquant à la vie de chacun le drame vécu par le souverain de Juda et intériorisant son contenu, écrit entre autres: "Je bénirai le Seigneur en tout temps, c'est-à-dire du matin jusqu'au soir, comme j'ai appris à le faire, et non comme ceux qui te louent quand tu leur fais du bien ni comme ceux qui croient pendant un certain temps, mais qui à l'heure de la tentation manquent à leur devoir; comme les saints, je dirai: Si nous avons accueilli le bien de la main de Dieu, pourquoi ne devrions nous pas également accepter le mal?... Ainsi, ces deux moments de la journée seront un temps de service à Dieu, car le soir les pleurs continueront, et le matin viendra la joie. Je me plongerai dans la douleur du soir afin de pouvoir ensuite profiter de la joie du matin" (Scriptorium Claravallense, Sermo III, n. 6, Milan 2000, PP 59-60).

La prière du roi est donc lue par saint Bernard comme une représentation du chant de prière du chrétien, qui doit retentir avec la même constance et sérénité, que ce soit dans les ténèbres de la nuit et de l'épreuve que dans la lumière du jour et de la joie.

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 27 février 2002, se trouvait le groupe suivant, auquel le Saint-Père s'est adressé en français:

Du Canada: Groupe de prêtres de Montréal.

Chers Frères et Soeurs,

Atteint d’une grave maladie contre laquelle il se bat, Ezéchias, roi de Juda et ami du prophète Isaïe, fait jaillir un chant de reconnaissance à Dieu, qui ne reste jamais indifférent aux larmes de celui qui souffre. Bien que les chemins du Seigneur nous déconcertent souvent et que la douleur nous le fait parfois considérer comme un adversaire, Dieu répond à ceux qui s’en remettent à lui. Conscient de sa fragilité de créature, Ezéchias place sa confiance entre les mains de Dieu, qui n’abandonne pas son fidèle à la mort. Dans le mystère pascal du Christ, cette espérance est pleinement réalisée, car le Dieu de la vie a fait germer dans nos existences mortelles une semence d’éternité.

J’adresse une cordiale bienvenue aux pèlerins francophones, en particulier aux prêtres de Montréal venus se ressourcer sur la tombe des Apôtres Pierre et Paul. Que ce temps de Carême vous fasse progresser sur le chemin de la sainteté, dans l’écoute de la Parole de Dieu et dans la pratique quotidienne de la charité ! A tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.




Mercredi 6 mars 2002: Ps 64 Joie des créatures de Dieu pour sa Providence

60302 Lecture: (Ps 64,2-3 Ps 64,9 Ps 64,12-13)

1. Notre voyage dans les Psaumes de la Liturgie des Laudes nous conduit aujourd'hui à un hymne, qui nous conquiert surtout grâce à la description fascinante du printemps dans la dernière partie (cf. Ps Ps 64,10-14), une scène pleine de fraîcheur, émaillée de couleurs, parcourue de cris de joie.

En réalité, le Psaume 64 possède une structure plus vaste, fruit de l'union de deux tonalités différentes: c'est le thème historique du pardon des péchés et de l'accueil auprès de Dieu qui ressort tout d'abord (cf. Ps Ps 64,2-5); ensuite est évoqué le thème cosmique de l'action de Dieu sur les mers et les montagnes (cf. Ps Ps 64,6-9); enfin, est développée la description du printemps (cf. Ps Ps 64,9-14): dans l'horizon ensoleillé et aride du Proche-Orient, la pluie fécondatrice est l'expression de la fidélité du Seigneur envers la création (cf. Ps Ps 103,13-16). Pour la Bible, la création est le siège de l'humanité et le péché est un attentat à l'ordre et à la perfection du monde. La conversion et le pardon redonnent donc son intégrité et son harmonie au cosmos.

2. Dans la première partie du Psaume, nous nous trouvons à l'intérieur du temple de Sion. Là, le peuple se presse, avec son cortège de misères morales, pour invoquer la libération du mal (cf. Ps Ps 64,2-4). Lorsqu'ils ont obtenu l'absolution de leurs fautes, les fidèles se sentent les hôtes de Dieu, proches de Lui, prêts à être admis à sa table et à participer à la fête de l'intimité divine (cf. Ps Ps 64,4-5).

Le Seigneur qui s'élève dans le temple est ensuite représenté sous un profil glorieux et cosmique. Il est dit, en effet, qu'il est l'"espoir des extrémités de la terre et des îles lointaines", qu'il "maintient les montagnes par [sa] force, apaise le fracas des mers, le fracas de leurs flots", et que sont "pris d'effroi, les habitants des bouts du monde", de l'orient à l'occident (Ps 64,6-9).

3. Dans cette célébration de Dieu Créateur, nous trouvons un événement que nous voudrions souligner: le Seigneur réussit à dominer et à faire taire également le tumulte des eaux de la mer, qui dans la Bible, sont le symbole du chaos, opposé à l'ordre de la création (cf. Jb Jb 38,8-11). C'est une façon d'exalter la victoire divine non seulement sur le néant, mais également sur le mal: pour cette raison, au "fracas des mers", au "fracas de leurs flots", on associe également "les peuples en rumeur" (cf. Ps Ps 64,8), c'est-à-dire la rébellion des orgueilleux.

Saint Augustin commente avec pertinence: "La mer est ici la figure de ce monde, amère à cause de la salaison, troublée par les tempêtes, et où les hommes guidés par leurs convoitises coupables et dépravées sont devenus des poissons se dévorant les uns les autres. Voyez cette mer dangereuse, cette onde amère, aux flots meurtriers [...]. Gardons-nous d'agir ainsi, mes frères, car c'est Dieu qui est l'espoir des confins de la terre" (Commentaire sur les Psaumes, II).

La conclusion que le Psaume nous suggère est facile: ce Dieu qui supprime le chaos et le mal du monde et de l'histoire, peut vaincre et pardonner la méchanceté et le péché que la personne en prière porte en elle et présente dans le temple, avec la certitude de la purification divine.

4. A ce moment, les autres eaux entrent en scène: celles de la vie et de la fécondité, qui au printemps, irriguent la terre et représentent de façon idéale la vie nouvelle du fidèle pardonné. Les derniers versets du Psaume (cf. Ps Ps 64,10-14), sont, comme on l'a dit, d'une grande beauté et d'une haute signification. Dieu arrose la terre desséchée par l'aridité et le gel de l'hiver en l'abreuvant de pluie. Le Seigneur est semblable à un agriculteur (cf. Jn Jn 15,1), qui fait germer le grain et fait pousser l'herbe par son travail. Il prépare le terrain, irrigue les sillons, retourne les mottes de terre, arrose chaque recoin de son champ.

Le Psalmiste utilise dix verbes pour définir cette action amoureuse du Créateur à l'égard de la terre, qui est transfigurée en une sorte de créature vivante. En effet, "elles acclament, même elles chantent" (Ps 64,14). A cet égard, les trois verbes liés au symbole du vêtement sont également suggestifs: "Les collines sont bordées d'allégresse, les prairies se revêtent de troupeaux, les vallées se drapent de froment" (Ps 64,13-14). L'image est celle d'une prairie parsemée de la blancheur des brebis; les collines sont bordées sans doute de ceintures de vignes, signe d'allégresse à travers leur produit, le vin, qui "réjouit le coeur de l'homme" (Ps 103,15); les vallées se drapent du manteau doré des moissons. Le verset 12 évoque également la couronne qui pourrait faire penser aux guirlandes des banquets de fête placées sur la tête des convives (cf. Is Is 28,1 Is Is 28,5).


5. Toutes ensembles, les créatures, presque comme dans une procession, s'adressent à leur Créateur et Souverain en dansant et en chantant, en louant et en priant. Une fois de plus, la nature devient un signe éloquent de l'action divine; c'est une page ouverte à tous, prête à manifester le message qui y est tracé par le Créateur, car "la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur" (Sg 13,5 cf. Rm Rm 1,20). La contemplation théologique et l'abandon poétique se mêlent dans ce poème lyrique et deviennent adoration et louange.

Mais la rencontre la plus intense, à laquelle vise le Psalmiste à travers tout son cantique, est celle qui unit la création et la rédemption. Comme la terre au printemps renaît sous l'action du Créateur, ainsi, l'homme renaît de son péché sous l'action du Rédempteur. Le créé et l'histoire sont de cette façon placés sous le regard providentiel et salvifique du Seigneur, qui vainc les eaux tumultueuses et destructrices et donne l'eau qui purifie, féconde et désaltère. En effet, le Seigneur "guérit les coeurs brisés, et [...] bande leurs blessures", mais également "drape les cieux de nuées, prépare la pluie à l'herbe, fait germer l'herbe sur les monts" (Ps 146,3 Ps 146,8).

Le Psaume devient ainsi un chant à la grâce divine. C'est encore saint Augustin, en commentant notre psaume, qui rappelle ce don transcendant et unique: "Le Seigneur Dieu dit dans ton coeur: je suis ton trésor. Ne t'arrête pas aux promesses du monde, mais aux promesses du Créateur du monde: considère les promesses que fait le Seigneur, à tes oeuvres de justice, méprise celles que te fait un homme pour te détourner de la justice et t'amener à l'injustice. Ne considère donc point les promesses du monde, mais celles du Créateur du monde" (op. cit.).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 6 mars 2002, se trouvaient les groupes suivants:

De différents pays: Responsables de la pastorale des migrants dans les grandes villes d'Europe.

De France: Collège Saint-Sébastien, de Vaugneray.

Du Canada: Groupe d'élèves des Frères de Saint-Gabriel.

Chers Frères et Soeurs,

Le Psaume 64 nous fait contempler la grâce divine à l’oeuvre dans l’harmonie de la création et dans le coeur réconcilié du croyant. Sous l’action amoureuse du Créateur, toute la terre, comme transfigurée en une sorte de créature vivante, exulte et crie de joie. De même qu’il ôte le mal du monde et de l’histoire, Dieu peut vaincre la méchanceté des hommes et pardonner le péché des fidèles qui se présentent dans le Temple, sûrs de la purification accordée par le Seigneur. Ainsi, comme la terre au printemps reprend vie sous l’action du Créateur, l’homme est invité à renaître de son péché par l’action du Rédempteur.

Le Saint Père adresse une cordiale bienvenue aux pèlerins francophones, en particulier aux responsables européens de la Pastorale des Migrants. Que le Christ, vainqueur du mal et du péché, ouvre vos coeurs à la richesse de la miséricorde divine, afin que vos existences portent des fruits abondants de sainteté et de solidarité !

A l'issue de l'Audience générale du 6 mars, à laquelle Jean-Paul II n'a pu assister pour des raisons de santé, mais dont le texte a été lu par ses collaborateurs de la Secrétairerie d'Etat, le Saint-Père a salué les pèlerins réunis sur la place Saint-Pierre de la fenêtre de son bureau et leur a adressé les paroles suivantes:

Très chers frères et soeurs,

Merci de votre visite et des prières que vous avez élevées pour ma guérison. Nous avons médité ensemble sur la Parole de Dieu tiré du Psaume 64. Celui-ci nous invite à ne pas nous arrêter à ce que le monde nous promet, mais à considérer plutôt ce que promet le Créateur du monde. Avec ces sentiments, je vous exhorte à avoir toujours confiance dans la Providence divine, source de paix et de sérénité.

Continuons à parcourir l'itinéraire quadragésimal, le regard tourné vers le Christ, que nous pouvons rencontrer dans l'intimité de la prière. A chacun de vous, j'adresse mon salut affectueux, avec une pensée particulière pour les jeunes, les malades et les jeunes mariés. 



Mercredi 13 mars 2002: Ps 76 Dieu renouvelle les prodiges de son amour

13032   Lecture: (Ps 76,2-3 Ps 76,6-7 Ps 76,14-15)

1. En plaçant dans les louanges d'un matin le Psaume 76 que nous venons de proclamer, la liturgie veut nous rappeler que le début de la journée n'est pas toujours lumineux. De même que se lèvent des jours ténébreux, au cours desquels le ciel est couvert de nuages et menacé par la tempête, ainsi, notre vie connaît des journées emplies de larmes et de peurs. C'est pourquoi, dès l'aube, la prière devient une lamentation, une supplication, une demande d'aide.

Notre Psaume est précisément une imploration qui s'élève vers Dieu avec insistance, profondément animée par la confiance, et même par la certitude de l'intervention divine. Pour le Psalmiste, le Seigneur n'est pas un empereur impassible, relégué dans ses cieux lumineux, indifférent à notre existence. Cette impression, qui tenaille parfois notre coeur, fait naître des interrogations si amères qu'elles mettent notre foi à l'épreuve: "Dieu nie-t-il son amour et son élection? A-t-il oublié le passé, lorsqu’il nous soutenait et nous rendait heureux?". Comme nous le verrons, ces questions seront balayées par une confiance renouvelée en Dieu, rédempteur et sauveur.


2. Suivons alors le développement de cette prière qui commence sur un ton dramatique, dans l'angoisse, et qui, peu à peu, s'ouvre à la sérénité et à l'espérance. Voici tout d'abord devant nous la plainte sur le présent triste et sur le silence de Dieu (cf. Ps Ps 76,2-11). Un cri au secours est lancé à un ciel apparemment sourd, les mains s'élèvent en une supplication, le coeur défaillit de peine. Dans la nuit sans sommeil, emplie de larmes et de prières, un chant "murmure en mon coeur", comme le dit le verset (Ps 76,7), un refrain désespéré résonne continuellement au plus profond de l'âme.
Lorsque la douleur atteint son sommet et que l'on voudrait que la coupe de la souffrance passe loin de soi (cf. Mt Mt 26,39), les paroles explosent et deviennent une interrogation déchirante, comme on l'a déjà vu (cf. Ps Ps 76,8-11). Ce cri interpelle le mystère de Dieu et de son silence.

3. Le Psalmiste se demande pourquoi le Seigneur le repousse, pourquoi il a changé de visage et d'attitude, oubliant l'amour, la promesse de salut et la tendresse miséricordieuse. "La droite du Très-Haut", qui avait accompli les prodiges salvifiques de l'Exode, semble désormais paralysée (cf. Ps Ps 76,11). Il s'agit d'un véritable "tourment" qui met à l'épreuve la foi de la personne en prière.
S'il en était ainsi, Dieu serait méconnaissable, il deviendrait un être cruel ou une présence semblable à celle des idoles, qui ne savent pas sauver parce qu'ils en sont incapables, qu'ils sont indifférents et impuissants. Dans ces versets de la première partie du Psaume 76 est contenu tout le drame de la foi dans le temps de l'épreuve et du silence de Dieu.


4. Mais il existe des motifs d'espérance. C'est ce qui ressort de la deuxième partie de la supplication (cf. Ps Ps 76,12-21), semblable à un hymne destiné à reproposer la confirmation courageuse de sa foi également lors des jours ténébreux de la douleur. On chante le passé de salut, qui a connu son épiphanie de lumière dans la création et dans la libération de l'esclavage d'Egypte. Le présent amer est illuminé par l'expérience salvifique passée, qui est une semence déposée dans l'histoire: celle-ci n'est pas morte, mais seulement enterrée, pour ensuite germer (cf. Jn Jn 12,24).

Le Psalmiste a ensuite recours à un concept biblique important, celui du "mémorial" qui n'est pas seulement une vague mémoire réconfortante, mais la certitude d'une action divine qui ne manquera pas: "Je me souviens des hauts faits de Yahvé, oui, je me souviens d'autrefois, de tes merveilles" (Ps 76,12). Professer la foi dans les oeuvres de salut du passé conduit à la foi dans ce que le Seigneur est constamment et donc également dans le temps présent. "O Dieu, saintes sont tes voies! [...] Toi, le Dieu qui fait merveille" (Ps 76,14-15). Ainsi, le présent, qui semblait sans issue et sans lumière, est illuminé par la foi en Dieu et ouvert à l'espérance.

5. Pour soutenir cette foi, le Psalmiste cite un hymne probablement plus ancien, sans doute chanté dans la liturgie du temple de Sion (cf. Ps Ps 76,17-20). Il s'agit d'une éclatante théophanie dans laquelle le Seigneur entre en scène dans l'histoire, bouleversant la nature et en particulier les eaux, symbole du chaos, du mal et de la souffrance. L'image de la marche de Dieu sur les eaux est très belle, signe de son triomphe sur les forces négatives: "Sur la mer fut ton chemin, ton sentier sur les eaux innombrables, et tes traces, nul ne les connut" (Ps 76,20). La pensée s'envole vers le Christ, qui marche sur les eaux, symbole éloquent de sa victoire sur le mal (cf. Jn Jn 6,16-20).

En rappelant, à la fin, que Dieu guida "comme un troupeau" son peuple "par la main de Moïse et d'Aaron" (Ps 76,21), le Psaume conduit implicitement à une certitude: Dieu conduira à nouveau vers le salut. Sa main puissante et invisible sera avec nous à travers la main visible des pasteurs et des guides qu'il a constitués. Le Psaume, qui s'est ouvert sur un cri de douleur, suscite à la fin des sentiments de foi et d'espérance dans le grand pasteur de nos âmes (cf. He He 13,20 1P 2,25).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 13 mars 2002, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De différents pays: Groupe de Frères de l'Instruction chrétienne.

De France: Centre Madeleine Daniélou, de Rueil-Malmaison; Collège Saint-François-de-Sales, de Dijon; Collège Saint-Joseph, de Loquidy.

Chers frères et soeurs,

Le Psaume 76 illustre le drame du fidèle qui, au plus fort d’un moment d’épreuve et d’angoisse, semble être abandonné du Seigneur. Sa douleur est si vive que sa prière devient alors un cri déchirant adressé à Dieu, dont l’apparent silence met à l’épreuve sa foi. Mais, persévérant avec confiance dans sa supplication, il fait l’expérience que, peu à peu, s’estompe la peur pour faire place à la paix et à la sérénité. Faisant mémoire de l’action divine, une certitude grandit dans son coeur: les merveilles que le Seigneur a fait jadis pour son peuple, il les accomplira aujourd’hui encore pour ceux qui l’aiment. Ainsi le temps présent est illuminé par la foi et ouvert à l’espérance.

J’accueille avec joie les pèlerins de langue française, en particulier le groupe de Frères de l’Instruction Chrétienne, ainsi que les jeunes des collèges de Rueil-Malmaison et de Loquidy. Puisse votre pèlerinage à Rome raviver votre foi et renouveler votre vie chrétienne ! Avec la Bénédiction apostolique.

Au terme de l'Audience générale du 13 mars 2002, en saluant le groupe des représentants des responsables religieux des trois religions monothéistes présents en Terre Sainte, le Pape Jean-Paul II a lancé un appel afin que soit mis un terme au conflit en cours au Moyen-Orient:

Je souhaite une cordiale bienvenue au groupe représentant les responsables religieux des trois religions monothéistes présentes en Terre Sainte, qui se sont rassemblés récemment à Alexandrie et ont publié la Première Déclaration d'Alexandrie des Responsables religieux de Terre Sainte.

Nous sommes tous attristés par les manifestations quotidiennes de violence et de mort en Israël et dans les Territoires palestiniens. Notre mission d'hommes et de femmes de religion nous pousse à prier pour la paix, à proclamer la paix et à faire tout ce qui est en notre pouvoir afin de contribuer à mettre un terme à l'effusion de sang.

Je réitère la ferme détermination de l'Eglise catholique à oeuvrer en vue d'une paix juste. Puisse Dieu tout-puissant bénir vos efforts visant à promouvoir la réconciliation et la confiance entre tous les peuples bien-aimés de Terre Sainte.

   

Mercredi 20 mars 2002: 1S 2 En Dieu résident la joie et l'espérance des humbles

20032 Lecture: (1S 2,1-10)

1. Une voix de femme nous guide aujourd'hui dans la prière de louange au Seigneur de la vie. En effet, dans le récit du Premier Livre de Samuel, Anne est celle qui entonne l'hymne qui vient d'être proclamée, après avoir offert au Seigneur son enfant, le petit Samuel. Celui-ci deviendra prophète en Israël et marquera par son action le passage du peuple juif à une nouvelle forme de gouvernement, le gouvernement monarchique, qui aura comme acteurs le malheureux roi Saül et le glorieux roi David. Anne portait sur ses épaules une histoire de souffrances car, comme le dit le récit, Yahvé "l'avait rendue stérile" (1S 1,5).

Dans l'antique Israël, la femme stérile était considérée comme une branche sèche, une présence morte, également parce qu'elle empêchait son mari d'avoir une continuité dans le souvenir des générations successives, une donnée importante dans une vision encore incertaine et voilée de l'au-delà.


2. Anne avait cependant placé sa confiance dans le Dieu de la vie et elle avait prié ainsi: "O Yahvé Sabaot! Si tu voulais considérer la misère de ta servante, te souvenir de moi, ne pas oublier ta servante et lui donner un petit d'homme, alors je le donnerai à Yahvé pour toute sa vie" (1S 2,11). Et Dieu accueillit le cri de cette femme humiliée, en lui donnant précisément Samuel: le tronc sec produisit un bourgeon vivant (cf. Is Is 11,1); ce qui était impossible à des yeux humains était devenu une réalité vibrante en cet enfant qui devait être consacré au Seigneur.

Le chant d'action de grâce, qui fleurit sur les lèvres de cette mère, sera repris et réélaboré par une autre mère, Marie qui, en restant vierge, engendrera par l'oeuvre de l'Esprit Saint. En effet, le Magnificat de la Mère de Jésus laisse entrevoir en filigrane le cantique d'Anne qui, précisément pour cette raison, est appelé "le Magnificat de l'Ancien Testament".

3. En réalité, les chercheurs font remarquer que l'auteur saint a placé dans la bouche d'Anne une sorte de Psaume royal, rempli de citations ou d'allusions à d'autres Psaumes.

Au premier plan apparaît l'image du roi juif, assailli par des adversaires plus puissants, mais qui est finalement sauvé et qui triomphe car, à ses côtés, le Seigneur brise l'arc des forts (cf; 1S 2,4). La fin du chant est significative, lorsque, dans une solennelle épiphanie, le Seigneur entre en scène: "Yahvé, ses ennemis sont brisés, le Très Haut tonne dans les cieux. Yahvé juge les confins de la terre, il donne la force à son Roi, il exalte la vigueur de son Oint" (1S 2,10). En hébreu, la dernière parole est précisément "messie", c'est-à-dire "consacré", ce qui permet de transformer cette prière royale en chant d'espérance messianique.

4. Nous voudrions souligner deux thèmes de cette hymne d'action de grâce qui exprime les sentiments d'Anne. Le premier dominera également dans le Magnificat de Marie, il s'agit du renversement des situations opéré par Dieu. Les forts sont humiliés, les faibles "revêtus de vigueur", les rassasiés recherchent désespérément de la nourriture et les affamés participent à un banquet somptueux; le pauvre est retiré de la poussière et reçoit "un siège d'honneur" (cf. 1S 1S 2,4-8).

Il est facile de reconnaître dans cette antique prière le fil conducteur des sept actions que Marie voit accomplies par Dieu Sauveur dans l'histoire: "Il a déployé la force de son bras, il a dispersé les hommes au coeur superbe. [...] Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles; Il a comblé de bien les affamés et renvoyé les riches les mains vides. Il est venu en aide à Israël son serviteur" (Lc 1,51-54).

Il s'agit d'une profession de foi prononcée par ces deux mères à l'égard du Seigneur de l'histoire, qui se range aux côtés des derniers, des pauvres et des malheureux, des opprimés et des humiliés pour les défendre.


5. L'autre thème que nous voulons souligner est encore davantage lié à la figure d'Anne: "La femme stérile enfante sept fois, mais la mère de nombreux enfants se flétrit" (1S 2,5). Le Seigneur qui renverse les destins est également celui qui est à la racine de la vie et de la mort. Le sein stérile d'Anne était semblable à une tombe; et pourtant Dieu a pu y faire germer la vie, car "Il tient en son pouvoir l'âme de tout vivant et le souffle de toute chair d'homme" (Jb 12,10). Dans cette ligne, on chante immédiatement après: "C'est Yahvé qui fait mourir et vivre, qui fait descendre au shéol et en remonter" (1S 2,6).

Désormais, l'espérance ne concerne pas seulement la vie de l'enfant qui naît, mais également celle que Dieu peut faire fleurir après la mort. C'est ainsi que s'ouvre l'horizon presque "pascal" de la résurrection. Isaïe chantera: "Tes morts revivront, tes cadavres ressusciteront. Réveillez-vous et chantez, vous qui habitez la poussière, car ta rosée est une rosée lumineuse, et le pays va enfanter des ombres" (Is 26,19).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 20 mars 2002, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:

De France: Groupe de pèlerins du diocèse de Toulouse; Ecole Sainte-Marie, de Neuilly; Centre Madeleine Daniélou, de Rueil-Malmaison; Collège Victor Demange, de Boulay; Collège Bergpfad, d'Ham-sous-Varsberg, Spicheren; Etoile Notre-Dame, de Mayenne; Lycée Saint-Joseph, de Carpentras.

De Belgique: Groupe de pèlerins.

Chers Frères et Soeurs,

C’est une voix de femme qui guide aujourd’hui notre prière, celle d’Anne, la femme stérile, devenue par la grâce de Dieu la mère du prophète Samuel. Son cantique d’action de grâce sera repris par Marie, c’est pourquoi on l’appelle aussi le «Magnificat de l’Ancien Testament». Il chante d’abord les renversements opérés par Dieu : «L’arc des forts sera brisé, mais le faible se revêt de vigueur ; les plus comblés s’embauchent pour du pain et les affamés se reposent». Il rejoint ensuite la figure d’Anne elle-même : «Quand la stérile enfante sept fois, la femme aux fils nombreux dépérit». L’espérance qu’il exprime s’ouvre alors sur un horizon presque «pascal», un horizon de résurrection : «Le Seigneur fait mourir et fait vivre, il fait descendre à l’abîme et en ramène».

Je suis heureux de saluer les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes du Centre Madeleine Daniélou, de Rueil-Malmaison, de l’Ecole Sainte-Marie, de Neuilly, et les autres groupes de jeunes venus de France. Que votre pèlerinage vous confirme dans la joie d’être chrétiens ! Avec ma Bénédiction apostolique.




Catéchèses S. J-Paul II 27022