Catéchèses S. J-Paul II 27112

Mercredi 27 novembre 2002: Ps 98 Saint est le Seigneur notre Dieu

27112 Lecture: (Ps 98,2-4 Ps 98,9)

1. "Yahvé règne". Cette acclamation, qui ouvre le Psaume 98 que nous venons d'écouter, en révèle le thème fondamental et le genre littéraire caractéristique. Il s'agit d'un chant élevé par le Peuple de Dieu au Seigneur, qui gouverne le monde et l'histoire en tant que souverain transcendant et suprême. Il se rattache à d'autres hymnes semblables - les Psaumes 95-97, qui ont déjà été l'objet de notre réflexion - que la Liturgie des Laudes propose comme prière idéale du matin.

En effet, en commençant sa journée, le fidèle sait qu'il n'est pas abandonné en proie à un destin aveugle et obscur, ni voué à l'incertitude de sa liberté, ni confié aux décisions d'autrui, pas plus que dominé par les événements de l'histoire. Il sait qu'au-dessus de toute réalité terrestre, le Créateur et Sauveur se dresse dans sa grandeur, sa sainteté et sa miséricorde.

2. Diverses hypothèses ont été avancées par les chercheurs sur l'utilisation de ce Psaume dans la liturgie du temple de Sion. Quoi qu'il en soit, il possède le caractère d'une louange contemplative qui s'élève vers le Seigneur, siégeant dans sa gloire céleste devant tous les peuples de la terre (Ps 98,1). Toutefois, Dieu se rend présent dans un lieu et au milieu d'une communauté, c'est-à-dire à Jérusalem (cf. Ps Ps 98,2), révélant qu'il est "Dieu-avec-nous".

Les titres solennels attribués à Dieu par le Psalmiste dès les premiers versets sont au nombre de six: il est roi, grand, redoutable, saint, puissant, juste (cf. Ps Ps 98,1-4). Plus avant, Dieu est également présenté avec la qualité de "patient" (Ps 98,8). L'accent est surtout placé sur la sainteté de Dieu: en effet, on répète à trois reprises - presque sous forme d'antienne - qu'"il est saint" (Ps 98,3 Ps 98,5 Ps 98,9). Le terme indique en particulier, dans le langage biblique, la transcendance divine. Dieu est supérieur à nous, et il se place infiniment au dessus de chacune de ses créatures. Toutefois, cette transcendance ne le transforme pas en souverain impassible et distant: lorsqu'il est invoqué, il répond (cf. Ps Ps 98,6). Dieu est celui qui peut sauver, le seul qui puisse libérer l'humanité du mal et de la mort. En effet, "il aime le jugement" et exerce "jugement et justice en Jacob" (Ps 98,4).

3. Les Pères de l'Eglise ont proposé d'innombrables réflexions sur le thème de la sainteté de Dieu, en célébrant l'inaccessibilité divine. Toutefois, ce Dieu transcendant et saint s'est fait proche de l'homme. Comme le dit saint Irénée, il s'est même "habitué" à l'homme dès l'Ancien Testament, se manifestant par des apparitions et parlant à travers les prophètes, alors que l'homme "s'habituait" à Dieu en apprenant à le suivre et à lui obéir. Saint Ephrem, dans l'un de ses hymnes, souligne même qu'à travers l'incarnation, "le Saint établit sa demeure dans le sein (de Marie) de façon corporelle, / à présent il établit sa demeure dans l'esprit de façon spirituelle" (Hymnes sur la Nativité, 4, 130). En outre, à travers le don de l'Eucharistie, par analogie avec l'Incarnation, "la Médecine de Vie est descendue d'en-haut / pour demeurer en ceux qui en sont dignes. / Après être entré, / il a établi sa demeure parmi nous, / ainsi nous nous sanctifions nous-mêmes en lui " (Hymnes conservés en arménien, 47, 27.30).

4. Ce lien profond entre "sainteté" et proximité de Dieu est également développé dans le Psaume 98. En effet, après avoir contemplé la perfection absolue du Seigneur, le Psalmiste rappelle que Dieu était sans cesse en contact avec son peuple à travers Moïse et Aaron, ses médiateurs, ainsi qu'à travers Samuel, son prophète. Il parlait et était écouté, il punissait les délits mais pardonnait également.

Le signe de cette présence parmi son peuple était "le marchepied", c'est-à-dire le trône de l'arche du temple de Sion (cf. Ps Ps 98,5-8). Le Dieu saint et invisible se rendait donc disponible pour son peuple à travers Moïse le législateur, Aaron le prêtre, Samuel le prophète. Il se révélait à travers des paroles et des actes de salut et de jugement, et il était présent à Sion à travers son culte célébré dans le temple.

5. Nous pourrions alors dire que le Psaume 98 se réalise aujourd'hui dans l'Eglise, siège de la présence de Dieu saint et transcendant. Le Seigneur ne s'est pas retiré dans le lieu inaccessible de son mystère, indifférent à notre histoire et à nos attentes. Il "vient pour juger la terre, il jugera le monde en justice et les peuples en droiture" (Ps 97,9).

Dieu est venu parmi nous en particulier dans son Fils, qui s'est fait l'un de nous pour nous communiquer sa vie et sa sainteté. C'est pourquoi, nous nous approchons à présent de Dieu non pas avec peur mais avec confiance. En effet, dans le Christ se trouve le prêtre souverain et saint, innocent, sans tache. Il "est capable de sauver de façon définitive ceux qui par lui s'avancent vers Dieu, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur" (He 7,25). Notre chant se remplit alors de sérénité et de joie: il exalte le Seigneur roi, qui demeure parmi nous, essuyant toute larme de nos yeux (cf. Ap 21,3-4).

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Je suis heureux d’accueillir les francophones présents ce matin, notamment les pèlerins qui viennent d’Irak. Puisse votre séjour affermir votre foi et faire grandir en vous le désir de la sainteté!





Mercredi 4 décembre 2002: Ps 50 "Aie pitié de moi, ô Seigneur"

41202 Lecture: (Ps 50,3 Ps 50,12-13 Ps 50,15-16)

1. Chaque semaine, la Liturgie des Heures repropose le Psaume 50, le célèbre Miserere. En d'autres occasions, nous en avons déjà médité certaines de ses parties. A présent également, nous nous arrêterons en particulier sur une partie de cette sublime imploration de pardon: les versets (Ps 50,12-16).

Il est tout d'abord significatif de remarquer que, dans l'original hébreu, la parole "esprit" retentit à trois reprises, invoquée par Dieu comme un don et accueilli par la créature repentie de son péché: "Restaure en ma poitrine un esprit ferme... ne m'enlève pas ton esprit de sainteté... assure en moi un esprit magnanime" (Ps 50,12 Ps 50,13 Ps 50,14). Nous pourrions presque parler - en ayant recours à un terme liturgique - d'une "épiclèse", c'est-à-dire d'une triple invocation de l'Esprit qui, alors qu'il planait sur les eaux lors de la création (cf. Gn 1, 2), pénètre à présent dans l'âme du fidèle en lui communiquant une vie nouvelle et en l'élevant du royaume du péché au ciel de la grâce.

2. Les Pères de l'Eglise voient dans l'"esprit" invoqué par le Psalmiste la présence efficace de l'Esprit Saint. Ainsi, saint Ambroise est convaincu qu'il s'agit de l'unique Esprit Saint "qui bouillonna avec ferveur chez les prophètes, fut insufflé [par le Christ] dans les apôtres, fut uni au Père et au Fils dans le sacrement du baptême" (L'Esprit Saint I, 4, 55/SAEMO 16, p. 95). La même conviction est exprimée par d'autres Pères tels que Didyme l'Aveugle d'Alexandrie d'Egypte et Basile de Césarée, dans leurs traités respectifs sur l'Esprit Saint (Didyme l'Aveugle, L'Esprit Saint, Rome, 1990, p. 59; Basile de Césarée, L'Esprit Saint, IX, 22, Rome, 1993, p. 117sq).

Et saint Ambroise, en observant que le Psalmiste parle de la joie dont l'âme est envahie après avoir reçu l'Esprit généreux et puissant de Dieu, commente encore: "Le bonheur et la joie sont les fruits de l'Esprit et c'est surtout sur l'Esprit Souverain que nous nous fondons. Celui qui est revigoré par l'Esprit Souverain n'est donc pas soumis à l'esclavage, il ne connaît pas l'esclavage du péché, il ne connaît pas l'indécision, il n'erre pas ici et là, il n'est pas incertain dans ses choix, mais, planté sur le roc, il se tient solidement sur ses pieds qui ne vacillent pas" (Apologie du prophète David à Théodose Auguste, 15, 72: SAEMO 5, 129).

3. Avec cette triple mention de l'"esprit", le Psaume 50, après avoir décrit dans les versets précédents la prison obscure de la faute, s'ouvre sur la région lumineuse de la grâce. Il s'agit d'un profond changement, comparable à une nouvelle création: de même qu'à l'origine, Dieu avait insufflé son esprit dans la matière et avait donné origine à la personne humaine (cf. Gn Gn 2,7), à présent le même Esprit divin re-crée (cf. Ps Ps 50,12), renouvelle, transfigure et transforme le pécheur repenti, l'embrasse à nouveau (cf. Ps Ps 50,13) et le fait participer à la joie du salut (cf. Ps Ps 50,14). Désormais, l'homme, animé par l'Esprit divin, s'achemine sur la route de la justice et de l'amour, comme il est dit dans un autre Psaume: "Enseigne-moi à faire tes volontés, car c'est toi mon Dieu; que ton souffle bon me conduise par une terre unie" (Ps 142,10).

4. Après avoir fait l'expérience de cette renaissance intérieure, l'orant se transforme en témoin; il promet à Dieu: "Aux pécheurs j'enseignerai tes voies" du bien (Ps 50,15), afin que ceux-ci, comme le fils prodigue, puissent revenir à la maison du Père. De même, saint Augustin, après avoir parcouru les routes ténébreuses du péché, avait ensuite ressenti le besoin de témoigner de la liberté et de la joie du salut dans ses Confessions.

Celui qui a fait l'expérience de l'amour miséricordieux de Dieu en devient un témoin ardent, en particulier à l'égard de ceux qui sont encore emprisonnés dans les filets du péché. Nous pensons à la figure de saint Paul qui, foudroyé par le Christ sur la route de Damas, devient un missionnaire inlassable de la grâce divine.

5. L'orant se tourne une dernière fois sur son passé obscur et il clame à Dieu: "Affranchis-moi du sang, Dieu, Dieu de mon salut" (Ps 50,16). Le "sang", dont il fait mention, est interprété de diverses façons dans l'Ecriture. L'allusion, placée dans la bouche du roi David, fait référence à l'assassinat d'Urie, le mari de Bethsabée, la femme qui avait été l'objet de la passion du souverain. De manière plus générale, l'invocation indique le désir de purification du mal, de la violence, de la haine toujours présents dans le coeur humain avec une force ténébreuse et maléfique. A présent, cependant, les lèvres du fidèle, purifiées du péché, élèvent un chant au Seigneur.

Et le passage du Psaume 50, que nous avons aujourd'hui commenté, finit précisément par l'engagement de proclamer la "justice" de Dieu. Le terme "justice", comme c'est souvent le cas dans le langage biblique, ne désigne pas à proprement parler l'action punitive de Dieu à l'égard du mal, mais indique plutôt la réhabilitation du pécheur, car Dieu manifeste sa justice en rendant les pécheurs justes (cf. Rm Rm 3,26). Dieu ne tire pas de plaisir à la mort du méchant, mais il désire qu'il change de conduite et qu'il vive (cf. Ez Ez 18,23).

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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience. Que le temps de l’Avent ouvre vos coeurs à la joie du pardon reçu, pour accueillir en hommes nouveaux Celui qui vient à notre rencontre!



Mercredi 11 décembre 2002: Jr 14 La plainte du peuple en temps de famine et de guerre

11122 Lecture: (Jr 14,17 Jr 14,19 Jr 14,20-21)

1. C'est un chant amer et plein de souffrance que le prophète Jérémie, de son horizon historique, élève jusqu'au ciel (Jr 14,17-21). Nous venons de l'entendre retentir comme une invocation, alors que la Liturgie des Laudes le propose le jour où elle commémore la mort du Seigneur, le vendredi. Le contexte dans lequel naît cette lamentation est représenté par un fléau qui frappe souvent la terre du Proche Orient: la sécheresse. Mais à ce drame naturel, le prophète en ajoute un autre, tout aussi terrifiant, la tragédie de la guerre: "Si je sors dans la campagne, voici des victimes de l'épée, si je rentre dans la ville, voici des torturés par la faim" (Jr 14,18). Cette description est malheureusement tragiquement actuelle dans de nombreuses régions de notre planète.

2. Jérémie entre en scène le visage sillonné de larmes: ses pleurs pour la "fille de son peuple", c'est-à-dire pour Jérusalem, sont incessants. En effet, selon un symbole biblique très connu, la ville est représentée par une image féminine, "la fille de Sion". Le prophète participe intensément à la "calamité" et à la "plaie très grave" de son peuple (Jr 14,17). Ses paroles sont souvent marquées par la douleur et par les larmes, car Israël ne se laisse pas atteindre par le message mystérieux que la souffrance porte en elle. Dans une autre page, Jérémie s'exclame: "Si vous n'écoutez pas cet avertissement, je pleurerai en secret pour votre orgueil; mes yeux laisseront couler des larmes, ils verseront des larmes, car le troupeau de Yahvé part en captivité" (Jr 13,17).

3. Le motif de l'invocation déchirante du prophète doit être recherché, comme on le disait, dans deux événements tragiques: l'épée et la faim, c'est-à-dire la guerre et la famine (cf. Jr Jr 14,18). Nous nous trouvons donc dans une situation historique tourmentée et la description du prophète et du prêtre, les gardiens de la Parole du Seigneur, qui "sillonnent le pays et ne comprennent plus" (cf. Ibid.), est significative.

La deuxième partie du Cantique (cf. Jr Jr 14,19-21) n'est plus une lamentation individuelle, à la première personne du singulier, mais une supplication collective adressée à Dieu: "Pourquoi nous avoir frappés sans aucune guérison?" (Jr 14,19). En effet, outre l'épée et la faim, il existe une tragédie encore plus grande, celle du silence de Dieu, qui ne se révèle plus et semble être retiré dans son ciel, comme dégoûté de la façon d'agir de l'humanité. Les questions qui lui sont posées deviennent donc plus tendues et explicites, dans un sens typiquement religieux: "As-tu pour de bon rejeté Juda? Ou es-tu dégoûté de Sion?" (Jr 14,19). On se sent désormais seuls et abandonnés, privés de la paix, du salut, de l'espérance. Le peuple, laissé à lui-même, se sent égaré et envahi par la terreur.

N'est-ce pas cette solitude existentielle la source de tant d'insatisfaction, que nous ressentons également de nos jours? Tant d'insécurité et de réactions inconsidérées trouvent leur origine dans le fait d'avoir abandonné Dieu, rocher de salut.

4. Arrivés à ce point, voici le tournant: le peuple revient à Dieu et lui adresse une intense prière. Il reconnaît tout d'abord son propre péché par une confession brève, mais sincère, de sa faute: "Nous connaissons, Yahvé, notre impiété... nous avons péché contre toi" (Jr 14,20). Le silence de Dieu était donc provoqué par le refus de l'homme. Si le peuple se convertit et revient au Seigneur, Dieu lui aussi se montrera disponible pour aller à sa rencontre et l'embrasser.

A la fin, le prophète utilise deux paroles fondamentales: le "souvenir" et l'"alliance" (Jr 14,21). Dieu est invité par son peuple à "se rappeler", c'est-à-dire à retrouver son attitude de bienveillance généreuse, manifestée tant de fois par le passé, à travers des interventions décisives pour sauver Israël. Dieu est invité à se rappeler qu'il s'est lié à son peuple à travers une alliance de fidélité et d'amour. Précisément en raison de cette alliance, le peuple peut être certain que le Seigneur interviendra pour le libérer et le sauver. L'engagement qu'il a pris, l'honneur de son "nom", le fait de sa présence dans le temple, "le trône de sa gloire", poussent Dieu - après son jugement pour le péché et le silence - à être à nouveau proche de son peuple pour lui redonner la vie, la paix et la joie.

En même temps que les Israélites, nous pouvons donc nous aussi être certains que le Seigneur ne nous abandonne pas pour toujours mais que, après chaque épreuve purificatrice, il revient pour faire "rayonner pour nous son visage et nous faire grâce... et nous apporter la paix", comme il est dit dans la bénédiction sacerdotale rapportée dans le livre des Nombres (cf. Nb Nb 6,25-26).

5. Pour conclure, nous pouvons rapprocher de la supplication de Jérémie une exhortation émouvante, adressée aux chrétiens de Carthage par saint Cyprien, Evêque de cette ville au III siècle. A une époque de persécution, saint Cyprien exhorte ses fidèles à implorer le Seigneur. Cette imploration n'est pas identique à la supplication du prophète, car elle ne contient pas une confession des péchés, la persécution n'étant pas un châtiment pour les péchés, mais une participation à la passion du Christ. Il ne s'agit pas moins d'une imploration tout aussi pressante que celle de Jérémie. "Nous implorons le Seigneur, dit saint Cyprien, sincères et unanimes, sans jamais cesser de demander et avec la confiance d'obtenir. Nous l'implorons en gémissant et en pleurant, comme il est juste qu'implorent ceux qui se trouvent parmi des malheureux qui pleurent et d'autres qui craignent les épreuves, parmi les nombreuses personnes prostrées par les massacres et celles, peu nombreuses, qui restent debout. Nous demandons que la paix nous soit bientôt restituée, que l'on nous aide dans nos refuges et face aux dangers, que s'accomplisse ce que le Seigneur daigne montrer à ses serviteurs: la restauration de son Eglise, la certitude de notre salut éternel, le beau temps après la pluie, la lumière après les ténèbres, le calme après la tempête et les bourrasques, l'aide charitable de son amour de père, les grandeurs de la majesté divine que nous connaissons" (Epistula 11, 8, in S. Pricoco - M. Simonetti, La prière des chrétiens, Milan 2000, PP 138-139).

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Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones présents à cette audience, notamment les pèlerins canadiens, me souvenant de mon récent voyage à Toronto. Que ce temps de l’Avent suscite en vous le désir de veiller dans la prière et de préparer vos coeurs à accueillir le Prince de la Paix!



Mercredi 18 décembre 2002

18122 1. En ce temps de l'Avent, l'invitation du prophète Isaïe nous accompagne:  "Dites aux coeurs  défaillants: "Soyez forts, ne craignez pas; voici votre Dieu. C'est lui qui vient vous sauver"" (Is 35,4). Elle devient plus puissante à l'approche de Noël, s'enrichissant de l'exhortation à préparer son coeur à l'accueil du Messie. Celui qui est attendu par les nations viendra de façon certaine et son salut sera pour tous les hommes.

Au cours de la Nuit Sainte nous évoquerons à nouveau sa naissance à Bethléem, nous revivrons, d'une certaine manière, les émotions des pasteurs, leur joie et leur émerveillement. Nous contemplerons avec Marie et Joseph la gloire du Verbe qui s'est fait chair pour notre rédemption. Nous prierons pour que tous les hommes accueillent la vie nouvelle que le fils de Dieu a apportée dans le monde en assumant notre nature humaine.

2. La liturgie de l'Avent, imprégnée de rappels constants à l'attente joyeuse du Messie, nous aide à saisir dans sa plénitude la valeur et la signification du mystère de Noël. Il ne s'agit pas seulement de commémorer l'événement historique, qui se déroula il y a deux mille ans dans un petit village de Judée. Il est plutôt nécessaire de comprendre que toute notre vie doit être un "avent", une attente vigilante de la venue définitive du Christ. Afin de prédisposer notre âme à accueillir le Seigneur qui, comme nous le disons dans le Credo, viendra un jour juger les vivants et les morts, nous devons apprendre à reconnaître sa présence dans les événements de l'existence quotidienne. L'Avent est alors, pour ainsi dire, un entraînement intense qui nous oriente de façon décidée vers Celui qui est déjà venu, qui viendra et qui vient sans cesse.

3. Avec ces sentiments, l'Eglise se prépare à contempler de façon émerveillée, dans une semaine, le mystère de l'Incarnation.L'Evangile raconte la conception et la naissance de Jésus, et rapporte les nombreuses circonstances providentielles qui ont précédé et entouré un événement aussi prodigieux: l'annonce de l'Ange à Marie, la naissance du Baptiste, le choeur des anges à Bethléem, la venue des Roi Mages de l'orient, les visions de saint Joseph. Ce sont autant de signes et de témoignages qui soulignent la divinité de cet Enfant. A Bethléem naît l'Emmanuel, le Dieu-avec-nous.

Dans la liturgie de ces jours, l'Eglise nous offre trois "guides" singuliers, qui nous indiquent les attitudes à adopter pour aller à la rencontre de cet "hôte" divin de l'humanité.

4. Tout d'abord Isaïe, le prophète de la consolation et de l'espérance. Il proclame un véritable Evangile pour le peuple d'Israël en esclavage à Babylone, et il exhorte à demeurer vigilants dans la prière, afin de reconnaître "les signes" de la venue du Messie.

Il y a ensuite Jean le Baptiste, précurseur du Messie, qui se présente comme une "voix qui crie dans le désert", en prêchant "un baptême de repentir pour la rémission des péchés" (cf. Mc Mc 1,4). Telle est la seule condition pour reconnaître le Messie désormais présent dans le monde.

Et enfin, Marie, qui, au cours de cette neuvaine de préparation à Noël, nous guide vers Bethléem. Marie est la Femme du "oui" qui, à la différence d'Eve, fait sien, sans réserve, le projet de Dieu. Elle devient de cette façon une lumière éclatante pour nos pas et le modèle le plus élevé dont nous inspirer.

Très chers frères et soeurs, laissons-nous accompagner par la Vierge vers le Seigneur qui vient, en restant "vigilants dans la prière et exultant dans la louange".

Je souhaite à tous une bonne préparation aux prochaines fêtes de Noël.

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Je salue cordialement les pèlerins francophones, notamment les jeunes de Charenton et de Toulon. Puissiez-vous faire de votre pèlerinage un temps de préparation à la fête de Noël !



Mercredi 8 janvier 2003: Ps 99 La joie de ceux qui entrent dans le temple

8013 Lecture: (Ps 99,2 Ps 99,4-5)

1. Dans le climat de joie et de fête qui se prolonge en cette dernière semaine du temps de Noël, nous désirons reprendre notre méditation sur la Liturgie des Laudes.Nous nous arrêtons aujourd'hui sur le Psaume 99, qui vient d'être proclamé, et qui constitue une joyeuse invitation à louer le Seigneur, pasteur de son peuple.

Sept impératifs rythment toute la composition et incitent la communauté fidèle à célébrer, dans le culte, le Dieu de l'amour et de l'alliance: Acclamez, servez, présentez-vous, reconnaissez, franchissez les portes, louez-le, bénissez. On peut penser à une procession liturgique, qui s'apprête à entrer dans le temple de Sion pour accomplir un rite en l'honneur du Seigneur (cf. Ps Ps 14 Ps 23 Ps 94).

Dans le Psaume se mêlent plusieurs paroles caractéristiques pour exalter le lien d'alliance qui existe entre Dieu et Israël. L'affirmation d'une pleine appartenance à Dieu apparaît tout d'abord: "Nous sommes à Lui, son peuple" (Ps 99,3), une affirmation parcourue de fierté et, en même temps, d'humilité, car Israël se présente comme "le troupeau de son bercail" (ibid.). Dans d'autres textes, nous trouvons l'expression de la relation correspondante: "Le Seigneur est notre Dieu" (cf. Ps Ps 94,7). Nous trouvons ensuite le lexique de la relation d'amour, la "miséricorde" et la "fidélité", unies à la "bonté" (cf. Ps Ps 99,5), qui dans l'original hébreu sont formulées précisément à travers des termes caractéristiques du pacte qui lie Israël à son Dieu.

2. Les coordonnées du temps et de l'espace sont également précisées. D'un côté, en effet, toute la terre se présente à nous, ses habitants participant à la louange de Dieu (cf. Ps Ps 99,2); puis, l'horizon se rétrécit à l'aire sacrée du temple de Jérusalem avec ses portiques et ses parvis (cf. Ps Ps 99,4), où est rassemblée la communauté en prière. De l'autre côté, il est fait référence au temps dans ses trois dimensions fondamentales: le passé de la création ("il nous a faits" , Ps Ps 99,3), le présent de l'alliance et du culte ("nous sommes à lui, son peuple et le troupeau de son bercail", ibid.)et, enfin, l'avenir vers lequel la fidélité miséricordieuse du Seigneur s'étend "d'âge en âge", se révélant "éternelle" (Ps 99,5).

3. Nous nous arrêtons à présent sur les sept impératifs qui constituent la longue invitation à louer Dieu et qui occupent presque tout le Psaume (cf. Ps Ps 99,2-4) avant de trouver, dans le dernier verset, leur motivation dans l'exaltation de Dieu, contemplé dans son identité intime et profonde.

Le premier appel consiste en une acclamation de fête qui fait participer toute la terre au chant de louange élevé au Créateur. Quand nous prions, nous devons nous sentir en harmonie avec tous les orants qui, dans des langues et sous des formes différentes, exaltent l'unique Seigneur. "Mais - comme le dit le prophète Malachie -, du levant au couchant, mon Nom est grand chez les nations, et en tout lieu un sacrifice d'encens est présenté à mon Nom ainsi qu'une offrande pure. Car grand est mon Nom chez les nations! dit Yahvé Sabaot" (Ml 1,11).

4. Il y a ensuite plusieurs appels à caractère liturgique et rituel: "servir", "se présenter" et "franchir les portes" du temple. Ce sont des verbes qui, en faisant référence également aux audiences royales, décrivent les divers gestes que les fidèles accomplissent quand ils entrent dans le sanctuaire de Sion pour participer à la prière communautaire. Après le chant cosmique, le Peuple de Dieu célèbre la liturgie, le "troupeau de son bercail", son "bien propre parmi tous les peuples" (Ex 19,5).

L'invitation à "venir aux portiques en rendant grâce" et "en chantant louange" nous rappelle un passage des Mystères de saint Ambroise, où sont décrits les baptisés qui s'approchent de l'autel: "Le peuple purifié s'approche des autels du Christ en disant: "Et j'irai vers l'autel de Dieu, jusqu'au Dieu de ma joie" (Ps 43,4). Ayant en effet déposé les restes de son erreur invétérée, le peuple, renouvelé dans sa jeunesse, comme un aigle, se hâte de participer à ce banquet céleste. Il vient donc et, en voyant le sacro-saint autel préparé comme il se doit, il s'exclame: "Yahvé est mon berger, rien ne me manque. Sur des prés d'herbe fraîche il me parque. Vers les eaux du repos il me mène" (Ps 22,1-2)" (Oeuvres dogmatiques III, SAEMO 17, PP 158-159).

5. Les autres impératifs, qui constellent le Psaume, reproposent des attitudes religieuses fondamentales de l'orant: reconnaître, louer, bénir. Le verbe reconnaître exprime le contenu de la profession de foi en l'unique Dieu. Nous devons en effet proclamer que seul "Yahvé est Dieu" (Ps 99,3), en combattant toute idolâtrie et tout orgueil et puissance humaine qui s'oppose à Lui.

Le sujet des autres verbes, c'est-à-dire louer et bénir, est également "le nom" du Seigneur (Ps 99,4), c'est-à-dire sa personne, sa présence efficace et salvatrice.

Sous cette lumière, le Psaume parvient dans son final à une exaltation solennelle de Dieu, qui est une sorte de profession de foi: le Seigneur est bon et sa fidélité ne nous abandonne jamais, car Il est toujours prêt à nous soutenir par son amour miséricordieux. Imprégné de cette confiance, l'orant s'abandonne à l'étreinte de son Dieu: "Goûtez et voyez comme Yahvé est bon - dit ailleurs le Psalmiste -; heureux qui s'abrite en Lui" (Ps 33,9 cf. 1P 2,3).

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Je suis heureux d’accueillir les francophones présents ce matin, notamment les jeunes du lycée Notre-Dame des Dunes, de Dunkerque, et les pèlerins luxembourgeois d’Alzingen. Puisse votre séjour affermir votre foi et faire de vous des témoins du Christ, le Verbe fait chair!



Mercredi 15 janvier 2003: Ps 118 La promesse d'observer la Loi de Dieu

15013 Lecture: (Ps 118,145-152)

1. Sur notre itinéraire, désormais long, à la lumière des Psaumes que propose la Liturgie des Laudes, nous parvenons à une strophe - pour la précision, la dix-neuvième - de la plus longue prière du Psautier, le Psaume 118. Il s'agit d'une partie de l'immense cantique alphabétique: à travers un jeu stylistique, le Psalmiste divise son oeuvre en vingt-deux strophes, qui correspondent à la succession des vingt-deux lettres de l'alphabet hébreu. Chaque strophe possède huit versets, dont les débuts sont marqués par des paroles en hébreu qui commencent toutes par la même lettre de l'alphabet.

La strophe que nous venons d'écouter est une strophe rythmée par la lettre hébraïque qôf, et elle décrit l'orant qui présente à Dieu son intense vie de foi et de prière (cf. Ps Ps 118,145-152).

2. L'invocation au Seigneur ne connaît pas de trêve car elle est une réponse incessante à la proposition permanente de la Parole de Dieu. D'un côté, en effet, les verbes de la prière se multiplient: Je t'invoque, je t'appelle, je crie à l'aide, écoute ma voix. De l'autre, on exalte la parole du Seigneur qui propose les décrets, les enseignements, la parole, les promesses, le jugement, la loi, les préceptes et les témoignages de Dieu. Ensemble, ils forment une constellation qui est comme l'étoile polaire de la foi et de la confiance du Psalmiste. La prière se révèle donc comme un dialogue, qui commence déjà lorsqu'il fait nuit et que l'aube n'a pas encore pointé (cf. Ps Ps 118,147) et qui se poursuit tout au long de la journée, en particulier face aux difficultés de l'existence. En effet, l'horizon est parfois sombre et tourmenté: "Ils s'approchent de l'infamie, mes persécuteurs, ils s'éloignent de ta loi" (Ps 118,150). Mais l'orant a une certitude inébranlable, la proximité de Dieu à travers sa parole et sa grâce: "Tu es proche, toi, Yahvé" (Ps 118,151). Dieu n'abandonne pas le juste entre les mains des persécuteurs.

3. Arrivés à ce point, une fois exposé le message simple mais incisif de la strophe du Psaume 118 - un message adapté au début d'une journée - nous nous en remettrons pour notre méditation, à un grand Père de l'Eglise, saint Ambroise qui, dans son Commentaire au Psaume 118, consacre bien 44 paragraphes pour expliquer précisément la strophe que nous avons écoutée.

En reprenant l'invitation en esprit à chanter la louange divine dès les premières heures du matin, il s'arrête en particulier sur les versets (Ps 118,147-148): "Je devance l'aurore et j'implore... Mes yeux devancent les veilles". Dans cette déclaration du Psalmiste, Ambroise a l'intuition de se trouver face à l'idée d'une prière constante qui embrasse chaque moment: "Que celui qui prie le Seigneur fasse comme s'il ne connaissait pas l'existence d'un moment particulier à consacrer aux supplications du Seigneur, mais qu'il reste au contraire toujours dans cette attitude de supplication. Que nous mangions ou que nous buvions, annonçons le Christ, prions le Christ, pensons au Christ, parlons du Christ! Que le Christ soit toujours dans notre coeur, toujours sur nos lèvres!" (Commentaire au Psaume 118/2: SAEMO 10, p. 297).

Appliquant ensuite les versets au moment spécifique du matin et faisant également allusion à l'expression du livre de la Sagesse qui prescrit de "devancer le soleil pour rendre grâce" à Dieu (Sg 16,28), Ambroise commente: "Il serait en effet grave que les rayons du soleil naissant te surprennent à paresser au lit avec une impudence effrontée et qu'une lumière plus forte blesse tes yeux endormis, encore plongés dans la torpeur. Cela constitue une faute pour nous que de passer un moment aussi long sans la moindre pratique de piété et sans l'offrande d'un sacrifice spirituel, au cours d'une nuit désoeuvrée" (Ibid., op. cit., p. 303).

4. Ensuite, saint Ambroise, en contemplant le soleil qui se lève - comme il l'avait fait dans un autre de ses célèbres hymnes "au chant du coq", l'Aeterne rerum conditor, entré dans la Liturgie des Heures -, nous interpelle ainsi: "Ne sais-tu pas, ô homme, que chaque jour tu es débiteur à Dieu des prémisses de ton coeur et de ta voix? La moisson mûrit chaque jour; chaque jour son fruit mûrit. Cours donc à la rencontre du soleil qui se lève... Le soleil de la justice désire être anticipé et n'attend rien d'autre... Si tu anticipes le lever de ce soleil, tu recevras le Christ comme lumière. Le Christ sera la première lumière à briller dans le secret de ton coeur. C'est Lui qui... fera resplendir pour toi la lumière du matin dans les heures de la nuit, si tu médites les paroles de Dieu. Alors que tu réfléchis, le jour se lève... De bon matin, dépêche-toi d'aller à l'église et portes-y en hommage les prémisses de ta dévotion. Ensuite, si les engagements du monde t'appellent, rien ne t'empêchera de dire: "Mes yeux devancent les veillées de la nuit pour méditer sur tes promesses", et tu pourras te rendre à tes affaires avec bonne conscience. Comme il est beau de commencer par les hymnes et par les chants, par les béatitudes que tu lis dans l'Evangile! Comme il est bénéfique que descende sur toi, pour te bénir, le discours du Seigneur; alors que tu répètes en chantant les bénédictions du Seigneur, puisses-tu décider de t'engager pour réaliser quelque action vertueuse, si tu veux reconnaître également en toi quelque chose qui te fasse sentir digne de cette bénédiction divine!" (Ibid., op. cit. , pp. PP 303 PP 309 PP 311 PP 313).

Accueillons nous aussi l'appel de saint Ambroise et, chaque matin, ouvrons les yeux sur la vie quotidienne, avec ses joies et ses difficultés, en invoquant Dieu afin qu'il soit proche de nous et qu'il nous guide par sa parole, qui transmet sérénité et grâce.
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier les jeunes de l’École Rocroy Saint Léon, de Paris. Que votre pèlerinage soit source féconde de paix et de confiance!




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