Catéchèses S. J-Paul II 22013

Mercredi 22 janvier 2003 Semaine de Prière pour l'unité des chrétiens

22013 1. Le Seigneur a fondé l'Eglise "une" et "unique": c'est ce que nous professons dans le symbole de Nicée-Constantinople: "Je crois en l'Eglise, une, sainte, catholique et apostolique". "Et pourtant - rappelle le Concile Vatican II - plusieurs communions chrétiennes se présentent aux hommes comme le véritable héritage de Jésus-Christ. Tous certes confessent qu'ils sont les disciples du Seigneur, mais ils ont des attitudes différentes. Ils suivent des chemins divers, comme si le Christ lui-même était partagé" (Unitatis redintegratio UR 1).

L'unité est un grand don, un don que nous portons cependant dans de fragiles vases d'argile qui peuvent se briser. La réalité de cette affirmation est révélée par les vicissitudes de la communauté chrétienne au cours des siècles.

En vertu de la foi qui nous rassemble, nous chrétiens sommes cependant tenus, chacun selon sa vocation, à recomposer la pleine communion, "trésor" précieux qui nous a été laissé par le Christ. Avec un coeur pur et sincère, nous devons nous engager sans nous lasser dans cette tâche évangélique. La Semaine de Prière pour l'unité des chrétiens nous rappelle ce devoir fondamental et nous offre l'opportunité de prier en assemblées, chacun dans son Eglise ou sa communauté ecclésiale, ou bien à l'occasion de rencontres communes entre catholiques, orthodoxes et protestants, pour implorer d'une seule voix et d'un seul coeur le don précieux de la pleine unité.

2. "Mais ce trésor, nous le portons en des vases d'argile" (2Co 4,7). C'est ce que saint Paul dit à propos du ministère apostolique, qui consiste à faire resplendir parmi les hommes la splendeur de l'Evangile, et il observe: "Car ce n'est pas nous que nous prêchons, mais le Christ Jésus, Seigneur; nous ne sommes, nous, que vos serviteurs, à cause de Jésus" (Ibid. 2Co 4,5). Il connaît le poids et les difficultés de l'évangélisation, ainsi que la fragilité humaine; il rappelle que le trésor du kerygma chrétien qui nous est confié dans des "vases d'argile" se transmet à travers de fragiles instruments, "pour que cet excès de puissance soit de Dieu et ne vienne pas de nous" (Ibid. 2Co 4,7). Et aucun ennemi ne réussira jamais à supplanter l'annonce de l'Evangile, ni à supprimer la voix de l'Apôtre: "Nous sommes pressés de toute part - reconnaît saint Paul -, mais non pas écrasés" (2Co 4,8). "Nous croyons - ajoute-t-il - c'est pourquoi nous parlons" (cf. 2Co 4,13).

3. Lors de la dernière Cène, Jésus prie pour ses disciples, "afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi" (Jn 17,20-21). L'unité est donc le "trésor" qu'il leur a donné. Un trésor qui présente deux caractéristiques particulières: d'une part, l'unité exprime la fidélité à l'Evangile, de l'autre, comme le Seigneur lui-même l'a indiqué, il s'agit d'une condition afin que tous croient qu'Il est l'envoyé du Père. L'unité de la communauté chrétienne est donc orientée vers l'évangélisation de toutes les nations.

Malgré le caractère sublime et la grandeur de ce don, la faiblesse humaine a eu pour effet qu'il ne soit pas totalement accueilli et valorisé. Par le passé, les relations entre les chrétiens ont parfois été caractérisées par des oppositions et, dans certains cas, également par une haine réciproque. Et tout cela - comme le Concile Vatican II l'a justement rappelé - constitue un "scandale" pour le monde et "fait obstacle" à la prédication de l'Evangile (cf. Unitatis redintegratio UR 1).

4. Oui! Le don de l'unité est contenu dans des "vases d'argile", qui peuvent se briser, c'est pourquoi il faut en prendre le plus grand soin. Il est nécessaire de cultiver entre les chrétiens un amour qui s'engage à surmonter les divergences; il faut s'efforcer de franchir chaque obstacle par la prière incessante, par le dialogue persévérant et par une coopération fraternelle et concrète en faveur des plus pauvres et des indigents.

L'aspiration à l'unité ne doit pas manquer dans la vie quotidienne des Eglises et des Communautés ecclésiales, ainsi que dans la vie de chaque fidèle. Dans cette perspective, il m'a paru utile de proposer une réflexion commune sur le ministère de l'Evêque de Rome, constitué "principe perpétuel et visible et fondement de l'unité" (Lumen gentium LG 23), dans le but de "trouver une forme d'exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l'essentiel de sa mission" (Ut unum sint UUS 95). Que l'Esprit Saint éclaire les pasteurs et les théologiens de nos Eglises dans ce dialogue patient et assurément fructueux.

5. En étendant le regard à l'ensemble de l'horizon oecuménique, je sens de mon devoir de rendre grâce au Seigneur pour le chemin parcouru jusqu'à présent, tant pour la qualité des relations fraternelles tissées entre les diverses communautés, que pour les fruits produits par les dialogues théologiques, bien que différents dans leurs modalités et leurs niveaux. Nous pouvons dire que les chrétiens sont aujourd'hui plus compacts et solidaires, même si la voie vers l'unité reste escarpée et parsemée d'obstacles et de difficultés. En suivant le chemin indiqué par le Seigneur, ils avancent avec confiance, car ils savent qu'ils sont accompagnés, comme les disciples d'Emmaüs, par le Seigneur ressuscité vers l'objectif de la pleine communion ecclésiale, qui conduit ensuite à la "fraction du Pain" en commun.

6. Très chers frères et soeurs! Saint Paul nous invite à la vigilance, à la persévérance, à la confiance, des éléments indispensables à l'engagement oecuménique.

Dans ce but, nous nous adressons unis au Seigneur en cette "Semaine de Prière" en reprenant l'invocation tirée des textes spécialement préparés: "Père Saint, malgré notre faiblesse, tu as fait de nous des témoins de l'espérance, de fidèles disciples de ton Fils. Nous portons ce trésor dans des vases d'argile et nous craignons de ne pas être à la hauteur face aux souffrances et au mal. Parfois, nous doutons même du pouvoir des paroles de Jésus, qui a dit "qu'ils soient un". Redonne-nous la connaissance de cette gloire qui resplendit sur le visage du Christ, afin qu'à travers nos actions, notre engagement et toute notre vie, nous proclamions au monde qu'Il est vivant et qu'il est à l'oeuvre parmi nous". Amen.

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J’accueille avec joie les francophones présents, parmi lesquels les «Artisans de la fête», du diocèse de Metz, et les religieuses participant à la session organisée par l’Union des Supérieures générales. Puisse votre séjour à Rome affermir votre foi et votre désir de travailler à la recherche de l’unité!



Mercredi 29 janvier 2003: Sg 9 "Seigneur, donne-moi la sagesse!"

29013 Lecture: (Sg 9,1-4 Sg 9,10)

1. Le Cantique qui nous est proposé nous présente la plus grande partie d'une longue prière placée sur les lèvres de Salomon qui, dans la tradition biblique, est considéré comme le roi juste et sage par excellence. Il nous est offert par le neuvième chapitre du Livre de la Sagesse, un écrit de l'Ancien Testament composé en grec, peut-être à Alexandrie d'Egypte, au seuil de l'ère chrétienne. On y saisit une expression du judaïsme plein de vie et ouvert de la Diaspora juive dans le monde hellénistique.

Les parcours de pensée théologique que ce Livre nous propose sont essentiellement au nombre de trois: l'immortalité bienheureuse comme objectif final de l'existence du juste (cf. Sg Sg 1-5); la sagesse comme don divin et guide de la vie et des choix du fidèle (cf. Sg Sg 6-9); l'histoire du salut, en particulier l'événement fondamental de l'exode de l'oppression égyptienne, comme signe de la lutte entre le bien et le mal, qui débouche sur un salut et une rédemption complets (cf. Sg Sg 10-19).

2. Salomon vécut une dizaine de siècles avant l'auteur inspiré du Livre de la Sagesse, c'est pourquoi il a été considéré comme le chef de file et l'artisan idéal de toute la réflexion sapientielle postérieure. La prière sous forme d'hymne placée sur ses lèvres est une invocation solennelle adressée au "Dieu des Pères et le Seigneur de miséricorde" (Sg 9,1), afin qu'il accorde le don très précieux de la sagesse.

Dans notre texte apparaît de façon évidente l'allusion à la scène rapportée dans le Premier Livre des Rois, alors que Salomon, au début de son règne, se rend sur les hauteurs de Gabaôn, où se dressait un sanctuaire, et qu'après avoir célébré un sacrifice grandiose, il fait au cours de la nuit un songe-révélation. A la demande même de Dieu, qui l'invite à lui demander un don, il répond: "Donne à ton serviteur un coeur plein de jugement pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal" (1R 3,9).

3. L'idée offerte par cette invocation de Salomon est développée dans notre Cantique en une série d'appels adressés au Seigneur, afin qu'il accorde le trésor irremplaçable qu'est la sagesse.

Dans le passage tiré de la Liturgie des Laudes, nous trouvons ces deux implorations: "Donne-moi la sagesse... Mande-la des cieux saints, de ton trône de gloire" (Sg 9,4 Sg 9,10). Sans ce don, nous avons conscience d'être sans guide, comme privés d'une étoile polaire qui nous oriente dans les choix moraux de l'existence: "Car je suis... un homme faible et de vie éphémère, peu apte à comprendre la justice et les lois... s'il lui manque la sagesse [à l'homme] qui vient de toi, on le comptera pour rien" (Sg 9,5-6).

Il est facile de comprendre que cette "sagesse" n'est pas la simple intelligence ou habileté pratique, mais plutôt la participation à l'esprit même de Dieu qui "par sa sagesse a formé l'homme" (cf. Sg Sg 9,2). Il s'agit donc de la capacité de pénétrer le sens profond de l'être, de la vie et de l'histoire, en allant au-delà de la surface des choses et des événements pour en découvrir la signification ultime, voulue par le Seigneur.

4. La sagesse est comme une lampe qui illumine nos choix moraux de chaque jour et qui nous conduit sur le droit chemin, pour "savoir ce qui est agréable à ses yeux et ce qui est conforme à ses commandements" (cf. Sg Sg 9,9). C'est pourquoi la Liturgie nous fait prier en utilisant les paroles du Livre de la Sagesse au début de la journée, précisément pour que Dieu soit à nos côtés avec sa sagesse et "nous seconde et peine avec nous" quotidiennement (Sg 9,10), en nous révélant le bien et le mal, le juste et l'injuste.

En marchant main dans la main avec la Sagesse divine, nous avançons dans le monde avec confiance. Nous nous raccrochons à elle, en l'aimant d'un amour sponsal suivant l'exemple de Salomon qui, toujours selon le Livre de la Sagesse, confessait: "C'est elle [la sagesse] que j'ai chérie et recherchée dès ma jeunesse; j'ai cherché à la prendre pour épouse et je suis devenu amoureux de sa beauté" (Sg 8,2).

5. Les Pères de l'Eglise ont reconnu dans le Christ la Sagesse de Dieu, dans le sillage de saint Paul, qui définissait le Christ "puissance de Dieu et sagesse de Dieu" (1Co 1,24).

Nous concluons à présent par une prière de saint Ambroise, qui s'adresse ainsi au Christ: "Enseigne-moi les paroles riches de sagesse, car tu es la Sagesse! Ouvres mon coeur, Toi qui as ouvert le Livre! Ouvres cette porte qui est dans le ciel, car Tu es la Porte! Si nous nous introduisons à travers Toi, nous posséderons le Royaume éternel; si nous entrons à travers Toi, nous ne nous tromperons pas, car celui qui a fait son entrée dans la demeure de la Vérité ne peut pas se tromper" (Commentaire au Psaume 118/1: SAEMO 9, p. 377).

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Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les membres de la Communauté des Béatitudes et le groupe de pèlerins de Nice. Que le Christ, Sagesse de Dieu, rende vos coeurs dociles à sa Parole, afin que vos vies portent des fruits de paix et de charité !



Mercredi 5 février 2003: Ps 116 Une invitation à louer Dieu pour son amour

50203 Lecture: (Ps 116,1-2)


1. En poursuivant notre méditation sur les textes de la Liturgie des Laudes, nous reprenons notre réflexion sur un Psaume déjà proposé auparavant, le plus bref de toutes les compositions du Psautier. Il s'agit du Psaume 116 que nous venons d'entendre, une sorte de petit hymne, semblable à une prière jaculatoire qui se développe en une louange universelle au Seigneur. Ce qui est proclamé est exprimé à travers deux paroles fondamentales: amour et fidélité (cf. Ps Ps 116,2).

A travers ces termes, le Psalmiste illustre de façon synthétique l'alliance entre Dieu et Israël, en soulignant le rapport profond, loyal et confiant qui existe entre le Seigneur et son peuple. Nous entendons ici l'écho des paroles que Dieu lui-même avait prononcées au Sinaï en se présentant devant Moïse: "Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité" (Ex 34,6).

2. Malgré sa brièveté et sa concision, le Psaume 116 saisit le coeur de la prière, qui consiste dans la rencontre et dans le dialogue vivant et personnel avec Dieu. Dans cet événement, le mystère de la Divinité se révèle comme fidélité et amour.

Le Psalmiste ajoute un aspect particulier de la prière: l'expérience d'oraison doit rayonner dans le monde, en se transformant en témoignage auprès de ceux qui ne partagent pas notre foi. En effet, en ouverture, l'horizon s'élargit à "tous les peuples" et à "tous les pays" (cf. Ps Ps 116,1), afin que face à la beauté et à la joie de la foi, ils soient eux aussi conquis par le désir de connaître, de rencontrer et de louer Dieu.

3. Dans un monde technologique, assombri par une éclipse du sens du sacré, dans une société qui se complaît dans le fait de se suffire à elle-même, le témoignage de l'orant est comme un rayon de lumière dans l'obscurité.

Dans un premier temps, cela peut n'éveiller que la curiosité, mais, ensuite, la personne réflexive peut être poussée à s'interroger sur le sens de la prière et, enfin, cela peut susciter un désir croissant d'en faire l'expérience. C'est pourquoi la prière n'est jamais un événement solitaire, mais elle tend à se diffuser jusqu'à faire participer le monde entier.

4. Nous accompagnons à présent le Psaume 116 par les paroles d'un grand Père de l'Eglise d'Orient, saint Éphrem le Syrien, qui vécut au IV siècle. Dans un de ses Hymnes sur la Foi, le quatorzième, il exprime le désir de ne jamais faire cesser la louange à Dieu, en invitant également "tous ceux qui comprennent la vérité" divine. Voilà son témoignage:

"Comment ma harpe peut-elle, Seigneur, cesser ta louange? / Comment pourrais-je enseigner l'infidélité à ma langue? / Ton amour a accueilli mon embarras, / mais ma volonté est encore ingrate" (Strophe 9).

"Il est juste que l'homme reconnaisse ta divinité, / il est juste que les êtres célestes louent ton humanité; / les êtres célestes s'émerveillaient de voir à quel point tu t'es anéanti, / et ceux de la terre de voir à quel point tu as été exalté" (Str. 10: La Harpe de l'Esprit, Rome, 1999, PP 26-28).

5. Dans un autre hymne (Hymne de Nisibe 50) saint Ephrém confirme son engagement de louange incessante, et en exprime la raison dans l'amour et dans la compassion divine à notre égard, précisément comme le suggère notre Psaume.

"En toi, Seigneur, puisse ma bouche faire sortir la louange du silence. / Que nos bouches ne soient pas pauvres de louange, / que nos lèvres ne soient pas pauvres en confessant; / puisse ta louange vibrer en nous!" (Str. 2).

"Car c'est dans notre Seigneur que la racine de notre foi est greffée; / bien qu'il soit loin, il est toutefois proche dans la fusion de l'amour. / Que les racines de notre amour soient liées à lui, / que la pleine mesure de sa compassion soit répandue sur nous" (Str. 6: ibid. , pp. PP 77 PP 80).
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Je vous salue avec plaisir, chers pèlerins de langue française, particulièrement les jeunes du Collège Saint-Sébastien de Vaugneray, et je vous souhaite de comprendre l'importance de la prière dans votre vie chrétienne.



Mercredi 12 février 2003: Ps 117 Chant de joie et de victoire

12023 Lecture: (Ps 117,1-2 Ps 117,19-20 Ps 117,22-23)


1. Dans toutes les festivités les plus significatives et joyeuses de l'antique religion juive - en particulier lors de la célébration de la Pâque - on chantait la séquence des Psaumes qui va du 112 au 117. Cette série d'hymnes de louange et d'action de grâce à Dieu était appelé le "Hallel égyptien", car dans l'un d'eux, le Psaume 113 A, était évoqué de façon poétique et presque visible l'exode d'Israël loin de la terre de l'oppression, l'Egypte des Pharaons, et le merveilleux don de l'alliance divine. Le dernier Psaume qui scelle ce "Hallel égyptien" est précisément le Psaume 117, qui vient d'être proclamé et que nous avons déjà médité dans une réflexion précédente.

2. Ce chant révèle clairement un usage liturgique à l'intérieur du temple de Jérusalem. Dans sa trame, en effet, semble se dérouler une procession, qui commence parmi les "tentes des justes" (Ps 117,15), c'est-à-dire dans les maisons des fidèles. Ces derniers exaltent la protection de la main divine, capable de protéger celui qui est droit et confiant, même lorsque des adversaires cruels font irruption. L'image utilisée par le Psalmiste est expressive: "Ils m'ont entouré comme des guêpes, ils ont flambé comme feu de ronces, au nom de Yahvé je les sabre" (Ps 117,12).

Face à ce danger auquel il a échappé, le Peuple de Dieu lance des "clameurs de joie et de salut" (Ps 117,15) en l'honneur de la "droite de Yahvé [qui] a fait prouesse" (cf Ps 117,16). Il y a donc la conscience de n'être jamais seuls, en proie à la tempête déchaînée des méchants. En réalité, le dernier mot est toujours celui de Dieu qui, s'il permet la mise à l'épreuve de son fidèle, ne le livre cependant pas à la mort (cf. Ps Ps 117,18).

3. A ce point, il semble que la procession atteigne l'objectif évoqué par le Psalmiste à travers l'image des "portes de justice" (Ps 117,19), c'est-à-dire de la porte sainte du temple de Sion. La procession accompagne le héros auquel Dieu a accordé la victoire. Il demande qu'on lui ouvre les portes, afin qu'il "puisse rendre grâce à Yahvé" (cf. Ps Ps 117,19). "Les justes entrent" avec lui (cf. Ps Ps 117,20). Afin d'exprimer la dure épreuve qu'il a surmontée et la glorification qui a suivi, il se compare lui-même à la "pierre qu'ont rejeté les bâtisseurs", qui est ensuite "devenue la tête de l'angle" (Ps 117,22).

Le Christ reprendra précisément cette image et ce verset, au terme de la parabole des vignerons homicides, pour annoncer sa Passion et sa glorification (cf. Mt Mt 21,42).

4. En appliquant le Psaume à lui-même, le Christ ouvre la voie à l'interprétation chrétienne de cet hymne de confiance et de gratitude au Seigneur, pour son hesed, c'est-à-dire pour son amour fidèle, qui retentit dans tout le Psaume (cf. Ps Ps 117,1 Ps Ps 117,2 Ps Ps 117,3 Ps Ps 117,4 Ps Ps 117,29).

Les symboles adoptés par les Pères de l'Eglise sont au nombre de deux. Tout d'abord celui de la "porte de justice", que saint Clément Romain commentait ainsi dans sa Lettre aux Corinthiens: "De nombreuses portes sont ouvertes, mais celle de la justice est en Christ. Bienheureux sont tous ceux qui y entrent et suivent leur chemin dans la sainteté et dans la justice, en accomplissant tout tranquillement" (48, 4: Les Pères apostoliques, Rome 1976, p. 81).

5. L'autre symbole, lié au précédent, est précisément celui de la pierre. Nous nous laisserons alors guider dans notre méditation par saint Ambroise, dans son Commentaire de l'Evangile selon Luc. En commentant la profession de foi de Pierre à Césarée de Philippe, il rappelle que "le Christ est la pierre" et que, "même à son disciple, le Christ ne refusa pas ce beau nom, de façon à ce que lui aussi soit Pierre, afin que de la pierre il ait la fermeté de la persévérance, le caractère inébranlable de la foi".

Ambroise introduit alors l'exhortation suivante: "Efforce-toi d'être une pierre toi aussi. Mais pour cela ne cherche pas en dehors de toi, mais cherche la pierre qui est en toi. Ta pierre sont tes actions, ta pierre est ta pensée. Sur cette pierre est édifiée ta maison, afin qu'elle ne soit menacée par aucune tempête des esprits du mal. Si tu es une pierre, tu seras dans l'Eglise, car l'Eglise se trouve sur la pierre. Si tu es dans l'Eglise, les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre toi" (VI, 97-99: Oeuvre exégétiques IX/II, Milan-Rome 1978= SAEMO 12, p. 85).

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Je suis heureux d’accueillir les francophones présents ce matin, notamment les jeunes pèlerins pour la paix qui viennent du diocèse d’Évry, ainsi que les collégiens et lycéens de Stanislas et de Notre-Dame des Missions et le groupe de missionnaires. Puisse votre séjour affermir votre foi et faire grandir en vous le désir de la sainteté!



Mercredi 19 février 2003: Da 3 Chaque créature loue le Seigneur

19023 Lecture: (Da 3,52-57)

1. "Alors tous trois, d'une seule voix, se mirent à chanter, glorifiant et bénissant Dieu dans la fournaise" (Da 3,51). Cette phrase introduit le célèbre Cantique dont nous venons d'entendre un passage fondamental. Il se trouve à l'intérieur du Livre de Daniel, dans la partie qui ne nous est parvenue qu'en langue grecque, et il est entonné par des témoins courageux de la foi, qui n'ont pas voulu se plier à l'adoration de la statue du roi et qui ont préféré affronter une mort tragique, le martyre dans la fournaise ardente.

Il s'agit de trois jeunes Hébreux, placés par l'auteur saint dans le contexte historique du règne de Nabuchodonosor, le terrible souverain babylonien qui anéantit la ville sainte de Jérusalem en 586 av. J.-C. et qui déporta les Israélites "au bord des fleuves de Babylone" (cf. Ps Ps 136). Même face au danger le plus extrême, lorsque les flammes lèchent désormais leurs corps, ils trouvent la force de "chanter, glorifier et bénir Dieu", certains que le Seigneur de l'univers et de l'histoire ne les abandonnera pas à la mort et au néant.

2. L'auteur biblique, qui écrivait quelques siècles plus tard, évoque cet événement héroïque pour inciter ses contemporains à porter haut l'étendard de la foi au cours des persécutions des rois syro-hellénistiques du deuxième siècle av. J.-C. C'est précisément alors que l'on enregistre la réaction courageuse des Maccabées, qui combattent pour la liberté de la foi et de la tradition juive.

Le cantique, traditionnellement appelé "des trois enfants", est semblable à un flambeau qui dissipe les ténèbres du temps de l'oppression et de la persécution, une époque qui s'est souvent répétée au cours de l'histoire d'Israël et au cours même de l'histoire du christianisme. Et nous savons que le persécuteur n'assume pas toujours le visage violent et macabre de l'oppresseur, mais qu'il se complaît souvent à isoler le juste, au moyen de la dérision et de l'ironie, en lui demandant avec sarcasme: "Où est-il, ton Dieu?" (Ps 41,4 Ps 41,11).

3. Dans la bénédiction que les trois enfants élèvent au Seigneur Tout-Puissant du creuset de leur épreuve, apparaissent toutes les créatures. Ils tissent une sorte de tapisserie multicolore où les astres brillent, les saisons se succèdent, les animaux s'animent, les anges se montrent et où, surtout, chantent les "serviteurs du Seigneur", les "saints" et les "humbles de coeur" (cf. Dn Da 3,85 Dn Da 3,87).

Le passage qui a été tout d'abord proclamé précède cette magnifique évocation de toutes les créatures. Il constitue la première partie du Cantique, qui évoque en revanche la présence glorieuse du Seigneur, transcendant et pourtant proche. Oui, car Dieu est dans les cieux, où "il sonde les abîmes" (cf. Da Da 3,55), mais il est également "dans le temple de sa sainte gloire" de Sion (cf. Da Da 3,53). Il est assis "sur le trône de son Royaume" éternel et infini (cf. Da Da 3,54), mais est également celui qui "siège sur les chérubins" (cf. Da Da 3,55), dans l'arche de l'alliance placée dans le Saint des Saints du temple de Jérusalem.

4. Un Dieu situé au-dessus de nous, capable de nous sauver par sa puissance; mais également un Dieu proche de son peuple, parmi lequel il a voulu habiter dans le "temple de sa sainte gloire", manifestant ainsi son amour. Un amour qu'Il révélera en plénitude en faisant "demeurer parmi nous", son Fils Jésus-Christ "plein de grâce et de vérité" (cf. Jn Jn 1,14). Il révélera pleinement son amour en envoyant son Fils parmi nous pour partager en tout, hormis le péché, notre condition marquée par les épreuves, l'oppression, la solitude et la mort.

La louange des trois jeunes gens au Dieu Sauveur se poursuit de diverses façons dans l'Eglise. Par exemple, saint Clément Romain, au terme de son Epître aux Corinthiens, insère une longue prière de louange et de confiance, entièrement remplie de réminiscences bibliques et qui est peut-être l'écho de l'antique liturgie romaine. Il s'agit d'une prière de gratitude au Seigneur qui, malgré le triomphe apparent du mal, guide l'histoire à bon port.

5. En voici un passage:

"Tu ouvris les yeux de notre coeur (cf. Ep Ep 1,18)
afin que nous ne connaissions que toi (cf. Jn Jn 17,3)
très haut au plus haut des cieux
le Saint qui repose parmi les saints
qui met fin à l'arrogance des superbes (cf. Is Is 13,11)
qui empêche les pensées des peuples (cf. Ps Ps 32,10)
qui relève les humbles
et abaisse les superbes (cf. Jb Jb 5,11).
Toi qui enrichis et appauvris
qui fais mourir et qui fais vivre (cf. Dt Dt 32,39)
le seul bienfaiteur des esprits
et Dieu de toute chair
qui sonde les abîmes (cf. Dn Da 3,55)
qui observe les oeuvres humaines
qui secours les opprimés
et qui sauve les désespérés (cf. Jdt Jdt 9,11)
créateur et gardien de tout esprit
qui multiplies les peuples sur la terre
et qui entre tous a choisi ceux qui t'aiment
au moyen de Jésus-Christ
ton Fils bien-aimé
à travers lequel tu nous a éduqués,
tu nous a sanctifiés et tu nous as honorés"
(Clément Romain, Epître aux Corinthiens, 59, 3:
Les Pères apostoliques, Rome 1976, pp. 88-89).
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Je suis heureux de saluer les pèlerins de langue française, spécialement les jeunes venus nombreux : de Lille, d’Orléans, d’Alençon, de Paris, de Dijon, d’Autun et de Genève. Que votre séjour à Rome vous aide à grandir dans l’amour du Seigneur et dans l’amour fraternel!



Mercredi 26 février 2003: Ps 150 Que chaque être vivant loue le Seigneur!

26203 Lecture: (Ps 150,1-5)

1. Pour la deuxième fois retentit dans la Liturgie des Laudes le Psaume 150, que nous venons de proclamer: un hymne de fête, un alléluia rythmé par de la musique. Il est le sceau idéal de tout le Psautier, le livre de la louange, du chant, de la liturgie d'Israël.

Le texte est d'une admirable simplicité et transparence. Nous devons seulement nous laisser attirer par l'appel insistant à louer le Seigneur: "Louez Dieu... louez-le... louez-le!". Dieu est présenté, en ouverture, sous deux aspects fondamentaux de son mystère. Il est sans aucun doute transcendant, mystérieux, distinct de notre horizon: sa demeure royale est le "sanctuaire" céleste, le "firmament de sa puissance", semblable à une forteresse inaccessible à l'homme. Et pourtant il est proche de nous: il est présent dans le "sanctuaire" de Sion et agit dans l'histoire à travers ses "prodiges" qui révèlent et rendent tangible "toute sa grandeur" (cf. Ps Ps 150,1-2).

2. Entre le ciel et la terre s'établit donc comme un canal de communication, dans lequel se rencontrent l'action du Seigneur et le chant de louange des fidèles. La liturgie unit les deux sanctuaires, le temple éternel et le ciel infini, Dieu et l'homme, le temps et l'éternité.

Au cours de la prière nous accomplissons une sorte d'ascension vers la lumière divine et, en même temps, nous faisons l'expérience d'une descente de Dieu qui s'adapte à nos limites pour nous écouter et nous parler, pour nous rencontrer et nous sauver. Le Psalmiste nous pousse instantanément à utiliser un accessoire lors de cette rencontre de prière: le recours aux instruments musicaux de l'orchestre du temple de Jérusalem, tels que le cor, la harpe, la cithare, les tambours, les flûtes, les cymbales. Le fait d'avancer en cortège faisait également partie du rituel hiérosolymitain (cf. Ps Ps 117,27). Le même appel retentit dans le Psaume (Ps 46,8): "Chantez des hymnes avec art!".

3. Il est donc nécessaire de découvrir et de vivre constamment la beauté de la prière et de la liturgie. Il faut prier Dieu non seulement avec des formules théologiquement exactes, mais également d'une façon belle et digne.

A ce propos, la communauté chrétienne doit faire un examen de conscience afin que revienne toujours plus dans la liturgie la beauté de la musique et du chant. Il faut purifier le culte d'erreurs de style, de formes d'expression médiocres, de musiques et de textes plats, peu adaptés à la grandeur de l'acte que l'on célèbre.

L'appel qui est fait à ce sujet dans la Lettre aux Ephésiens à éviter l'intempérance et les vulgarités pour laisser place à la pureté de l'hymne liturgique est significatif: "Ne vous enivrez pas de vin: on n'y trouve que libertinage; mais cherchez dans l'Esprit votre plénitude. Récitez entre vous des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés; chantez et célébrez le Seigneur de tout votre coeur. En tout temps et à tout propos, rendez grâces à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ" (Ep 5,18-20).

4. Le Psalmiste termine en invitant à la louange "tout vivant" (cf. Ps Ps 150,5), littéralement "tout souffle", "toute haleine", une expression qui en hébreu signifie "tout être qui respire", en particulier "chaque homme vivant" (cf. Dt Dt 20,16 Jos 10,40 Jos 11,11 Jos 11,14). C'est donc la créature humaine avec sa voix et son coeur qui participe tout d'abord à la louange divine. En même temps qu'elles sont convoqués de façon idéale tous les êtres vivants, toutes les créatures chez lesquelles se trouve un souffle de vie (cf. Gn Gn 7,22), afin qu'elles élèvent leur hymne de gratitude au Créateur pour le don de l'existence.

Saint François prendra place dans le sillage de cette invitation universelle avec son suggestif "Cantique de Frère Soleil", dans lequel il invite à louer et à bénir le Seigneur pour toutes les créatures, reflet de sa beauté et de sa bonté (cf. Sources franciscaines, 263).

5. Tous les fidèles doivent participer de façon particulière à ce chant, comme le suggère la Lettre aux Colossiens: "Que la Parole du Christ réside chez vous en abondance: instruisez-vous en toute sagesse par des admonitions réciproques. Chantez à Dieu de tout votre coeur avec reconnaissance, par des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés" (Col 3,16).

A ce propos, dans ses Discours sur les Psaumes, saint Augustin voit les saints qui louent Dieu symbolisés dans les instruments musicaux: "Vous, les saints, vous êtes le cor, la psaltérion, la cithare, le tambour, le choeur, les cordes et l'orgue, et les cymbales du jubilé qui émettent de beaux sons, c'est-à-dire qui jouent harmonieusement. Vous êtes toutes ces choses. Que l'on ne pense pas, en écoutant le Psaume, à des choses de peu de valeur, à des choses transitoires, ni à des instruments de théâtre". En réalité, la voix qui chante Dieu est "tout esprit qui loue le Seigneur". (Discours sur les Psaumes, IV, Rome 1977, pp. 934-935).

La musique la plus élevée est donc celle qui monte de nos coeurs. Et c'est précisément cette harmonie que Dieu attend d'entendre dans nos liturgies.
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier le Grand Séminaire de Nantes, l’École de la Foi de Fribourg, ainsi que tous les jeunes présents, spécialement les enfants de la Fondation d’Auteuil, de Marseille. Que votre séjour à Rome, sur les pas des Apôtres, ouvre vos coeurs aux appels du Seigneur, afin d’y répondre généreusement par une vie toujours plus sainte et plus fraternelle !




Catéchèses S. J-Paul II 22013