Catéchèses S. J-Paul II 50302

Mercredi des Cendres 5 mars 2003 - Journée de prière et de jeûne pour implorer la paix dans le monde

50302 1. Aujourd'hui, Mercredi des Cendres, la liturgie adresse à tous les fidèles une puissante invitation à la conversion à travers les paroles de l'Apôtre Paul: "Nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu" (2Co 5,20). Le Carême est le temps le plus propice d'un point de vue spirituel pour répondre à cette exhortation, parce qu'il s'agit d'un temps de prière plus intense, de pénitence et d'attention plus grande aux besoins de nos frères.

A travers le rite de l'imposition des cendres d'aujourd'hui, l'on se reconnaît pécheurs, on invoque le pardon de Dieu, en manifestant un désir sincère de conversion. Nous commençons ainsi un chemin d'ascèse austère, qui nous conduira au Triduum pascal, coeur de l'Année liturgique.

2. Selon l'antique tradition de l'Eglise, tous les fidèles sont tenus aujourd'hui à l'abstinence de viande et au jeûne, à la seule exception de ceux qui en sont raisonnablement empêchés pour des raisons de santé ou d'âge. Le jeûne revêt une grande valeur dans la vie des chrétiens, il est une exigence de l'esprit pour mieux s'adresser à Dieu. En effet, les aspects extérieurs du jeûne, même s'ils sont importants, ne recouvrent pas tout le sens de cette pratique. A ceux-ci, il faut unir un désir sincère de purification intérieure, de disponibilité à obéir à la volonté divine et de solidarité attentive envers nos frères, en particulier les plus pauvres.

Il existe par ailleurs un lien étroit entre le jeûne et la prière. Prier c'est se mettre à l'écoute de Dieu et le jeûne favorise cette ouverture du coeur.

3. Tandis que nous entrons dans le temps du Carême, nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de l'actuel contexte international, sur lequel planent de menaçantes tensions de guerre. Il faut de la part de chacun une prise de responsabilité consciente et un effort commun pour éviter à l'humanité un autre conflit dramatique. C'est pourquoi j'ai voulu que le Mercredi des Cendres d'aujourd'hui soit une Journée de prière et de jeûne pour implorer la paix dans le monde. Nous devons demander à Dieu avant tout la conversion de notre coeur dans lequel s'enracine toute forme de mal et toute inclination au péché; nous devons prier et jeûner pour la coexistence pacifique entre les peuples et les nations.

Au début de notre rencontre, nous avons écouté les paroles encourageantes du prophète: "On ne lèvera plus l'épée nation contre nation, on n'apprendra plus à faire la guerre" (Is 2,4). Et encore: "Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes" (ibid.). Au-delà des transformations de l'histoire, il y a la présence souveraine de Dieu, qui juge les choix des hommes. Vers lui, "juge entre les nations" et "arbitre de peuples nombreux" (cf. ibid.), nous tournons notre coeur pour implorer un avenir de justice et de paix pour tous. Cette pensée doit encourager chacun de nous à persévérer dans une prière incessante et dans un engagement concret pour édifier un monde où l'égoïsme cède la place à la solidarité et à l'amour.

4. J'ai voulu reproposer l'invitation pressante à la conversion, à la pénitence et à la solidarité également dans le Message pour le Carême, publié il y a quelques jours et qui a pour thème la belle phrase tirée des Actes des Apôtres: "Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir" (cf. Ac Ac 20,35).

A bien y voir, ce n'est qu'en se convertissant à cette logique que l'on peut édifier un ordre social marqué non pas par un équilibre précaire d'intérêts en conflit, mais par une recherche équitable et solidaire du bien commun. Les chrétiens, comme un ferment, sont appelés à vivre et à diffuser un style de gratuité dans chaque milieu de vie, promouvant ainsi l'authentique développement moral et civil de la société. J'ai écrit à ce propos: "Se priver non seulement du superflu, mais aussi de quelque chose de plus pour le donner à celui qui est dans le besoin, contribue au renoncement sans lequel il n'y a pas de pratique authentique de la vie chrétienne" (Message pour le Carême).

5. Puisse cette Journée de prière et de jeûne pour la paix, par laquelle nous ouvrons le Carême, se traduire en gestes concrets de réconciliation. En famille comme au niveau international, que chacun se sente et devienne co-responsable de la construction de la paix. Et le Dieu de la paix, qui sonde les intentions des coeurs et appelle ses fils les artisans de paix (cf. Mt Mt 5,9), ne fera pas manquer sa récompense (cf. Mt Mt 6,4 Mt Mt 6,6 Mt Mt 6,18).

Nous confions nos voeux à l'intercession de la Vierge Marie, Reine du Rosaire et Mère de la Paix. Qu'Elle nous prenne par la main et nous accompagne au cours des quarante prochains jours, vers la Pâque pour contempler le Seigneur Ressuscité.

Je souhaite à tous un bon et un fécond Carême!

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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les jeunes de Montpellier et la paroisse du Sacré-Coeur, de Jette. Que cette Journée de prière et de jeûne pour la paix se traduise dans vos vies par des gestes concrets de réconciliation et d’amour ! Bonne route vers Pâques!


Mercredi 19 mars 2003 Solennité de la Saint-Joseph, Epoux de Marie

19033
Saint Joseph, patron universel de l'Eglise


1. Nous célébrons aujourd'hui la solennité de la Saint-Joseph, Epoux de Marie (
Mt 1,24 Lc 1,27). La liturgie nous l'indique comme le "père" de Jésus (Lc 2,27 Lc 2,33 Lc 2,41 Lc 2,43 Lc 2,48), prêt à réaliser les desseins divins, même lorsque ceux-ci échappent à la compréhension humaine. A travers lui, "fils de David" (Mt 1,20 Lc 1,27), les Ecritures se sont accomplies et le Verbe Eternel s'est fait homme, par l'oeuvre de l'Esprit Saint, dans le sein de la Vierge Marie. Saint Joseph est défini dans l'Evangile comme un "homme juste" (Mt 1,19), et il est pour tous les croyants un modèle de vie dans la foi.

2. Le mot "juste" évoque sa rectitude morale, son attachement sincère à la pratique de la loi et l'attitude de totale ouverture à la volonté du Père céleste. Même dans les moments difficiles et parfois dramatiques, l'humble charpentier de Nazareth ne s'arroge jamais le droit de mettre en discussion le projet de Dieu. Il attend l'appel d'En-Haut et, en silence, il respecte le mystère, se laissant guider par le Seigneur. Une fois sa tâche reçue, il l'exécute avec une responsabilité docile: il écoute l'ange avec attention lorsqu'il s'agit de prendre la Vierge de Nazareth comme épouse (cf. Mt Mt 1,18-25), lors de la fuite en Egypte (cf. Mt 2,13-15) et du retour en Israël (cf. Ibid. Mt Mt 2,19-23). Les évangélistes le décrivent en quelques lignes, mais de façon significative, comme le gardien plein de sollicitude de Jésus, époux attentif et fidèle, qui exerce l'autorité familiale dans une attitude constante de service. Les Ecritures Saintes ne nous racontent rien d'autre à son propos, mais dans ce silence est contenu le style même de sa mission: une existence vécue dans la grisaille de la vie quotidienne, mais avec une foi assurée dans la Providence.

3. Chaque jour, saint Joseph dut subvenir aux besoins de sa famille par le dur travail manuel. C'est pourquoi l'Eglise l'indique à juste titre comme le patron des travailleurs.

La solennité d'aujourd'hui constitue donc une occasion propice pour réfléchir également sur l'importance du travail dans l'existence de l'homme, dans la famille et dans la communauté.

L'homme est le sujet et le protagoniste du travail et, à la lumière de cette vérité, on peut bien percevoir le lien fondamental existant entre personne, travail et société. L'activité humaine - rappelle le Concile Vatican II - dérive de l'homme et a l'homme pour objectif. Selon le dessein et la volonté de Dieu, elle doit servir au bien véritable de l'humanité et permettre "à l'homme en tant qu'individu ou membre de la société de cultiver et de réaliser sa vocation intégrale" (Gaudium et spes; n. 35).

Pour mener à bien cette tâche, il est nécessaire de cultiver une "spiritualité éprouvée du travail humain" ancrée, par de solides racines, à l'"Evangile du travail" et les croyants sont appelés à proclamer et à témoigner la signification chrétienne du travail dans leurs diverses activités professionnelles (cf. Laborem exercens LE 26).

4. Que saint Joseph, un saint si grand et si humble, soit un exemple auquel les travailleurs chrétiens s'inspirent, en l'invoquant en toute circonstance. Je voudrais aujourd'hui confier au sage gardien de la sainte Famille de Nazareth les jeunes qui se préparent à leur future profession, les chômeurs et ceux qui souffrent du fait des difficultés liées à la crise du chômage, les familles et le monde du travail tout entier avec les attentes et les défis, les problèmes et les perspectives qui le caractérisent.

Que saint Joseph, patron universel de l'Eglise, veille sur toute la communauté ecclésiale et, en tant qu'homme de paix qu'il était, obtienne pour toute l'humanité, en particulier pour les peuples menacées en ces heures par la guerre, le précieux don de la concorde et de la paix.

  Je salue cordialement les pèlerins francophones, notamment les jeunes des centres Madeleine Daniélou de Neuilly et de Rueil. Puisse le temps de Carême être une occasion renouvelée de conversion !


Mercredi 26 mars 2003: Ps 89 La bonté du Seigneur soit avec nous

26033 Lecture: (Ps 89,1-2 Ps 89,12 Ps 89,14)

1. Les versets qui viennent de retentir à nos oreilles et dans nos coeurs constituent une méditation sapientielle, qui possède cependant également le ton d'une supplication. L'orant du Psaume 89 place, en effet, au centre de sa prière l'un des thèmes les plus explorés de la philosophie, les plus chantés de la poésie, les plus ressentis par l'expérience de l'humanité de tous les temps et de toutes les régions de notre planète: la caducité humaine et l'écoulement du temps.

Nous pensons à certaines pages inoubliables du Livre de Job, dans lesquelles notre fragilité est placée au premier plan. En effet, nous sommes comme "des hôtes de ces maisons d'argile, posées elles-mêmes sur la poussière. On les écrase comme une mite; un jour suffit à les pulvériser. A jamais ils disparaissent, car nul ne les ramène" (Jb 4,19-20). Notre vie sur la terre passe "comme une ombre" (cf. Jb Jb 8,9). Job confesse encore: "Mes jours passent, plus rapides qu'un coureur ils s'enfuient sans voir le bonheur. Ils glissent comme des nacelles de jonc, comme un aigle fond sur sa proie" (Jb 9,25-26).

2. Au début de son chant, qui est semblable à une élégie (cf. Ps Ps 89,2-6), le Psalmiste oppose avec insistance l'éternité de Dieu au temps éphémère de l'homme. Voilà la déclaration la plus explicite: "Car mille ans sont à tes yeux comme le jour d'hier qui passe, comme une veille dans la nuit" (Ps 89,4).

En conséquence du péché originel, l'homme, sur un ordre divin, retourne à la poussière dont il a été tiré, comme on l'affirme déjà dans le récit de la Genèse: "Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise" (Gn 3,19 cf. Gn Gn 2,7). Le Créateur, qui modèle dans toute sa beauté et sa complexité la créature humaine, est également celui qui "fait revenir le mortel à la poussière" (Ps 89,3). Et la "poussière" dans le langage biblique est également l'expression symbolique de la mort, des enfers, du silence sépulcral.

3. Dans cette supplication, le sentiment des limites humaines est très fort. Notre existence a la fragilité de l'herbe née à l'aube; elle perçoit immédiatement le sifflement de la faux qui la transforme en un tas de foin. Bien vite, la fraîcheur de la vie laisse place à la sécheresse de la mort (cf. Ps Ps 89,5-6 cf. Is Is 40,6-7 Jb 14,1-2 Ps 102,14-16).

Comme il arrive souvent dans l'Ancien Testament, le Psalmiste associe le péché à cette faiblesse radicale: en nous existe un caractère limité, mais également la faute. C'est pourquoi la colère et le jugement du Seigneur semblent aussi peser sur notre existence: "Par ta colère, nous sommes consumés, par ta fureur, épouvantés. Tu as mis nos torts devant toi [...] Sous ton courroux tous nos jours déclinent" (Ps 89,7-9).

4. A l'aube du nouveau jour, la Liturgie des Laudes nous détourne, avec ce Psaume, de nos illusions et de notre orgueil. La vie humaine est limitée - "la vie de nos années, quelque soixante-dix ans, quatre-vingt, si la vigueur y est" - affirme l'orant. En outre, la fuite des heures, des jours et des mois est rythmée par "peines et mécomptes" (cf. Ps Ps 89,10) et ces années elles-mêmes se révèlent semblable à "un soupir" (cf. Ps Ps 89,9).

Voilà alors la grande leçon: le Seigneur nous enseigne à "compter nos jours" car, en les acceptant avec un sain réalisme, "nous viendrons de coeur à la sagesse" (cf. Ps Ps 89,12). Mais l'orant demande quelque chose de plus à Dieu: que sa grâce soutienne et réjouisse nos jours, si peu nombreux et marqués par l'épreuve. Qu'il nous fasse goûter la saveur de l'espérance, même si la vague du temps semble nous emporter au loin. Seule la grâce du Seigneur peut conférer consistance et pérennité à nos actions quotidiennes: "La douceur du Seigneur soit sur nous! Confirme l'ouvrage de nos mains!" (Ps 89,17).

Par la prière, nous demandons à Dieu qu'un reflet de l'éternité pénètre dans notre brève existence et dans notre action. Avec la présence de la grâce divine en nous, une lumière brillera sur la fuite des jours, la misère deviendra gloire, ce qui paraît privé de sens acquerra une signification.

5. Nous concluons notre réflexion sur le Psaume 89 en laissant la parole à l'antique tradition chrétienne, qui commente le Psautier en gardant en arrière-plan la figure glorieuse du Christ. Ainsi, pour l'auteur chrétien Origène, dans son Traité sur les Psaumes, qui nous est parvenu dans la traduction latine de saint Jérôme, c'est la résurrection du Christ qui nous donne la possibilité, entrevue par le Psalmiste, d'"exulter et de nous réjouir tous les jours" (cf. Ps Ps 89,14). Et cela parce que la Pâque du Christ est la source de notre vie après la mort: "Après nous être réjouis de la résurrection de notre Seigneur, à travers laquelle nous croyons désormais avoir été rachetés et pouvoir ressusciter nous aussi un jour, nous passons à présent les jours de notre vie qui nous restent dans la joie, nous exultons de cette confiance et, à travers des hymnes et des cantiques spirituels, nous louons Dieu à travers Jésus-Christ notre Seigneur" (Origène - Jérôme, 74 homélies sur le livre des Psaumes, Milan 1993, p. 652).
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J’accueille avec joie les pèlerins de langue française, en particulier le groupe de prêtres du diocèse de Montréal, ainsi que les jeunes du Centre Madeleine Daniélou de Rueil-Malmaison et de l’école Sainte-Marie de Neuilly. Puisse votre pèlerinage à Rome raviver votre foi et vous préparer aux célébrations pascales!




Mercredi 2 avril 2003: Is 42 Hymne au Seigneur victorieux et sauveur

20403 Lecture: (Is 42, 10, 10.15-16)

1. Dans le livre qui porte le nom du prophète Isaïe, les chercheurs ont identifié la présence de plusieurs voix, toutes placées sous le nom du grand prophète qui vécut au VIII siècle av. J.-C. C'est le cas du puissant hymne de joie et de victoire qui vient d'être proclamé comme une partie de la Liturgie des Laudes de la quatrième semaine. Les exégètes l'attribuent à celui que l'on appelle le Second Isaïe, un prophète qui vécut au VI siècle av. J.-C., au temps du retour des juifs de l'exil de Babylone. L'hymne s'ouvre par un appel à "chanter à Yahvé un chant nouveau" (cf. Is Is 42,10), précisément comme c'est le cas dans d'autres Psaumes (cf. Ps Ps 95,1 et Ps 97,1).

La "nouveauté" du chant auquel invite le prophète fait certainement référence à l'ouverture des horizons de liberté, qui constituent un changement radical dans l'histoire d'un peuple qui a connu l'oppresssion et le séjour en terre étrangère (cf. Ps Ps 136).

2. Dans la Bible, la "nouveauté" a souvent la saveur d'une réalité parfaite et définitive. C'est presque le signe de la naissance d'une ère de plénitude salvifique qui scelle l'histoire tourmentée de l'humanité. Le Cantique d'Isaïe possède ce ton élevé, qui s'adapte bien à la prière chrétienne.

C'est le monde dans son ensemble, incluant la terre, la mer, les îles, les déserts et les villes (cf. Is Is 42,10-12), qui est invité à élever au Seigneur un "chant nouveau". Tout l'espace y participe, dans ses limites horizontales les plus extrêmes, qui comprennent également l'inconnu, et dans sa dimension verticale, qui part de la plaine désertique, où se trouvent les tribus nomades de Qédar (cf. Is Is 21,16-17), et qui s'élève jusqu'aux montagnes. Sur ces hauteurs, on peut placer la ville de Sela, que beaucoup identifient avec Petra, sur le territoire des Edomites, une ville située entre des pics rocheux.

Tous les habitants de la terre sont invités à former comme un immense choeur pour acclamer le Seigneur avec exultation et lui rendre gloire.

3. Après l'invitation solennelle au chant (cf. Is Is 42,10-12), le prophète fait entrer le Seigneur en scène, représenté comme le Dieu de l'Exode, qui a libéré son peuple de l'esclavage égyptien: "Yahvé, comme un héros, s'avance" (Is 42,13). Il sème la terreur parmi ses adversaires, qui oppriment les autres et qui commettent des injustices.

Le cantique de Moïse dépeint lui aussi le Seigneur au cours de la traversée de la Mer Rouge comme un "guerrier" prêt à étendre sa droite puissante et à tailler en pièce l'ennemi (cf. Ex Ex 15,3-8). Avec le retour des juifs de la déportation de Babylone va s'accomplir un nouvel exode et les fidèles doivent être sûrs que l'histoire ne se trouve pas entre les mains du hasard, du chaos, ou des puissances de l'oppression: la dernière parole revient au Dieu juste et fort. Le Psalmiste chantait déjà: "Porte-nous secours dans l'oppression: néant, le salut de l'homme!" (Ps 59,13).

4. Une fois entré en scène, le Seigneur parle et ses paroles véhémentes (cf. Is Is 42,14-16) mêlent jugement et salut. Il commence par rappeler que "longtemps il s'est tu", c'est-à-dire qu'il n'est pas intervenu. Le silence divin est souvent un motif de perplexité pour le juste et même de scandale, comme l'atteste le long cri de Job (cf. Jb Jb 3,1-26). Toutefois, il ne s'agit pas d'un silence qui indique une absence, comme si l'histoire était abandonnée aux mains des pervers et que le Seigneur restait indifférent et impassible. En réalité, ce silence débouche sur une réaction semblable au travail de la femme qui enfante, qui s'essouffle, soupire et hurle. C'est le jugement divin sur le mal, représenté par des images de sécheresse, de destruction, de désert (cf. Is Is 42,15), qui a pour objectif un résultat vivant et fécond.

En effet, le Seigneur fait naître un monde nouveau, une ère de liberté et de salut. A celui qui était aveugle les yeux sont ouverts, afin qu'il puisse jouir de la lumière qui resplendit. Le chemin se fait aisé et l'espérance fleurit (cf. Is Is 42,16), permettant de continuer à avoir confiance en Dieu et dans son avenir de paix et de bonheur.

5. Chaque jour, le croyant doit savoir distinguer les signes de l'action divine, même lorsque celle-ci est cachée par l'écoulement, apparemment monotone et sans but, du temps. Comme l'écrivait un auteur chrétien moderne estimé, "la terre est envahie par une extase cosmique: il y a en elle une réalité et une présence éternelle qui, cependant, dort normalement sous le voile de l'habitude. La réalité éternelle doit à présent se révéler, comme une épiphanie de Dieu, à travers tout ce qui existe" (R. Guardini, Sagesse des Psaumes, Brescia 1976, p. 52).

Découvrir, avec les yeux de la foi, cette présence divine dans l'espace et dans le temps, mais également en nous-mêmes, est une source d'espérance et de confiance, même lorsque notre coeur est troublé et agité "comme les arbres de la forêt sous le vent" (Is 7,2). En effet, le Seigneur entre en scène pour diriger et juger "le monde en justice et les peuples en sa vérité" (Ps 95,13).

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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience. Que le Seigneur éclaire votre chemin et qu’il vous conduise à la joie de Pâques !



Mercredi 9 avril 2003: Ps 134 Louez le Seigneur qui fait des merveilles

9043 Lecture: (Ps 134,1-6)



1. La Liturgie des Laudes, que nous suivons dans son déroulement à travers nos catéchèses, nous propose la première partie du Psaume 134, qui vient de retentir dans le chant des choristes. Le texte révèle une nombreuse série d'allusions à d'autres passages bibliques et l'atmosphère qui l'entoure semble être une atmosphère pascale. Ce n'est pas un hasard si la tradition hébraïque a uni ce Psaume au suivant, le 135, en considérant l'ensemble comme "le grand Hallel", c'est-à-dire la louange solennelle et joyeuse qui doit être élevée au Seigneur à l'occasion de la Pâque.

En effet, le Psaume accorde une grande importance à l'Exode, en mentionnant les "plaies" d'Egypte et en évoquant l'entrée dans la terre promise. Mais suivons à présent les étapes successives, que le Psaume 134 révèle dans le déroulement de ses douze premiers versets: il s'agit d'une réflexion que nous voulons transformer en prière.



2. En ouverture, nous rencontrons l'invitation caractéristique à la louange, un élément typique des hymnes adressés au Seigneur dans le Psautier. L'appel à chanter l'alléluia est adressé aux "serviteurs de Yahvé" (cf. Ps Ps 134,1), qui dans l'original hébreu, sont présentés "debout" dans l'enceinte sacrée du temple (cf. Ps 134,2), c'est-à-dire dans l'attitude rituelle de la prière (cf. Ps Ps 133,1-2).

Ce sont tout d'abord les ministres du culte, prêtres et lévites, qui vivent et qui officient "dans les parvis de la maison de notre Dieu" (cf. Ps Ps 134,2), qui sont concernés par la louange. Toutefois, tous les fidèles sont associés en esprit à ces "serviteurs du Seigneur". En effet, immédiatement après, il est fait mention de l'élection de tout le peuple d'Israël pour être l'allié et le témoin de l'amour du Seigneur: "C'est Jacob que Yahvé s'est choisi, Israël dont il fit son apanage" (Ps 134,4). Dans cette perspective, deux qualités fondamentales de Dieu sont célébrées: il est "bon", il est "doux" (cf. Ps Ps 134,3). Le lien qui existe entre nous et le Seigneur est marqué par l'amour, par l'intimité, par une joyeuse adhésion.

3. Après l'invitation à la louange, le Psalmiste poursuit par une solennelle profession de foi, qui s'ouvre par l'expression typique "Moi je sais", c'est-à-dire je reconnais, je crois (cf. Ps Ps 134,5). Deux articles de foi sont proclamés par un soliste au nom de tout le peuple, réuni en assemblée liturgique. On exalte tout d'abord l'action de Dieu dans tout l'univers: Il est par excellence le Seigneur du cosmos: "Tout ce qui plaît à Yahvé, il le fait, au ciel et sur la terre" (Ps 134,6). Il domine même les mers et les abysses qui sont l'emblème du chaos, des énergies négatives, de la limite et du néant.

C'est encore le Seigneur qui forme les nuages, les éclairs, la pluie et les vents, en ayant recours à ses "trésors" (cf. Ps Ps 134,7). L'homme de l'antiquité du Proche Orient imaginait, en effet, que les agents climatiques étaient conservés dans des réservoirs spéciaux, semblables à des écrins célestes, dans lesquels Dieu puisait pour les répandre ensuite sur toute la terre.

4. L'autre composante de la profession de foi concerne l'histoire du salut. Dieu créateur est à présent reconnu comme le Seigneur rédempteur, en évoquant les événements fondamentaux de la libération d'Israël de l'esclavage égyptien. Le Psalmiste cite tout d'abord la "plaie" des premiers-nés (cf. Ex Ex 12,29-30), qui résume tous les "signes et prodiges" opérés par le Dieu libérateur au cours de l'épopée de l'Exode (cf. Ps Ps 134,8-9). Immédiatement après est évoqué le souvenir des victoires éclatantes qui ont permis à Israël de surmonter les difficultés et les obstacles rencontrés sur son chemin (cf. Ps Ps 134,10-11). Enfin, on voit se profiler à l'horizon la terre promise, qu'Israël reçoit "en héritage" du Seigneur (cf. Ps Ps 134,12).

Tous ces signes de l'alliance qui seront plus amplement professés dans le Psaume suivant, le 135, attestent la vérité fondamentale, proclamée dans le premier commandement du Décalogue. Dieu est unique et il est une personne qui agit et qui parle, qui aime et qui sauve: "Moi je sais qu'il est grand, Yahvé, que notre Seigneur surpasse tous les dieux" (Ps 134,5 cf. Ex Ex 20,2-3 Ps 94, Ex 3).

5. Dans le sillage de cette profession de foi, nous élevons nous aussi notre louange à Dieu. Le Pape saint Clément I, dans sa Lettre aux Corinthiens, nous adresse cette invitation: "Tournons-nous vers le Père et le Créateur de tout l'univers. Recueillons les dons et les bienfaits de la paix, magnifiques et sublimes. Contemplons-le en pensée et regardons avec les yeux de l'âme sa grande volonté! Considérons à quel point il est juste envers chaque créature. Les cieux dont il ordonne le mouvement, lui obéissent en harmonie. Le jour et la nuit suivent le cours qu'Il a établi et ne se font pas obstacle mutuellement. Le soleil et la lune, et les choeurs des étoiles, évoluent harmonieusement selon sa direction, sans dévier des orbites qu'il leur a assignées. La terre, féconde par sa volonté, produit une nourriture abondante pour les hommes, pour les fauves et pour tous les animaux qui y vivent, sans réticence et sans rien changer de son ordonnancement" (19, 2-20, 4: Les Pères apostoliques, Rome 1984, PP 62-63). Clément I conclut en observant: "Le Créateur Seigneur de l'univers décida que toutes ces choses existeraient dans la paix et la concorde, bienveillant envers tous et en particulier à notre égard, nous qui avons recours à sa miséricorde à travers notre Seigneur Jésus-Christ. A Lui, gloire et majesté dans les siècles des siècles. Amen" (20, 11-12: ibidem, p. 63).
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier l’Aumônerie de l’Enseignement public de Seine-et-Marne, ainsi que la Maintenance des Confréries des Pénitents, accompagnée par Monseigneur André Lacrampe, évêque d’Ajaccio. Que le Christ, qui marche vers sa Pâque, vous entraîne à sa suite sur le chemin du don total, pour que vous soyez chaque jour des témoins de l’amour plus fort que la mort !

APPEL DU PAPE À L'ISSUE DE L'AUDIENCE


"Que cessent les violences et les injustices en Afrique"

Alors qu'à Bagdad et dans d'autres villes de l'Irak les affrontements se poursuivent entraînant des destructions et des morts, des nouvelles tout aussi préoccupantes nous parviennent du continent africain, d'où, ces derniers jours, sont arrivées des informations concernant des massacres et des exécutions sommaires. Le théâtre de ces crimes a été la région tourmentée des Grands Lacs, et en particulier une zone de la République démocratique du Congo.

En élevant à Dieu une fervente prière d'intention pour les victimes, j'adresse un appel pressant aux responsables politiques, ainsi qu'à tous les hommes de bonne volonté, afin qu'ils s'engagent à faire cesser la violence et les injustices, en mettant de côté leurs égoïsmes personnels et les intérêts de groupe, avec la collaboration effective de la Communauté internationale.

A cette fin, il faut encourager chaque effort de réconciliation entre les populations congolaises, ougandaises et rwandaises, ainsi que les efforts semblables qui sont en cours au Burundi et au Soudan, en espérant que ceux-ci déboucheront très vite sur la paix tant désirée.



Mercredi 16 avril 2003 La victoire définitive du Christ sur la violence, la haine, la mort et le sang

16043 1. C'est demain après-midi, lors de la Messe in Cena Domini, que commence le Triduum pascal, centre de toute l'année liturgique.

L'Eglise se recueille en silence
Au cours de ces journées, l'Eglise se recueille en silence, prie et médite le mystère de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur.

En participant aux rites du Jeudi Saint, du Vendredi Saint et de la Veillée pascale, nous reparcourrons les dernières heures de la vie terrestre de Jésus, au terme de laquelle resplendit la lumière de la Résurrection.

Dans le cantique que nous venons de proclamer, nous avons entendu que le Christ s'est fait "obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix! Aussi Dieu l'a-t-il exalté" (
Ph 2,8-9). Ces paroles résument le dessein mystérieux de Dieu, que nous revivrons les jours prochains, un mystère qui donne un sens et un accomplissement à l'histoire humaine.

Jeudi Saint: La Lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia

2. Alors que la Messe chrismale, qui est normalement célébrée le matin du Jeudi Saint, met particulièrement en évidence le Sacerdoce ministériel, les rites de la Messe in Cena Domini constituent une invitation pressante à contempler l'Eucharistie, mystère central de la foi et de la vie chrétienne. C'est précisément pour souligner l'importance de ce Sacrement, que j'ai voulu écrire la Lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia, que j'aurai la joie de signer au cours de la Messe in Cena Domini. Dans ce texte, j'entends remettre à chaque croyant une réflexion organique sur le Sacrifice eucharistique, qui contient tout le bien spirituel de l'Eglise.

Dans le Cénacle, en même temps que l'Eucharistie, le Seigneur a institué le Sacerdoce ministériel, afin que soit toujours rendu présent au cours des siècles son unique Sacrifice: "Faites cela en mémoire de moi" (Lc 22,19). Il nous a ensuite laissé le commandement nouveau de l'amour fraternel. A travers le lavement des pieds, il a enseigné aux disciples que l'amour doit se traduire en service humble et désintéressé envers le prochain.

Vendredi Saint: de la Croix naît une vie nouvelle

3. Le Vendredi Saint, journée de pénitence et de jeûne, nous ferons mémoire de la passion et de la mort de Jésus, en demeurant prosternés dans l'adoration de la Croix. "Ecce lignum Crucis, in quo salus mundi pependit - voici le bois de la Croix, sur lequel fut accroché Celui qui est le salut du monde". Le Fils de Dieu, sur le Calvaire, a pris sur lui le poids de nos péchés, s'offrant au Père en victime expiatoire. De la Croix, source de notre salut, naît la vie nouvelle des fils de Dieu.

Samedi Saint: un silence chargé d'attente et d'espérance

Au drame du Vendredi succède le silence du Samedi Saint, une journée chargée d'attente et d'espérance.Avec Marie, la Communauté chrétienne veille en prière à côté du sépulcre, en attendant que s'accomplisse l'événement glorieux de la Résurrection.

Au cours de la Nuit Sainte de Pâques tout se renouvelle dans le Christ ressuscité. De chaque lieu de la terre s'élèvera vers le ciel le chant du Gloria et de l'Alleluia, alors que la lumière brisera les ténèbres de la nuit. Le Dimanche de Pâques, nous nous réjouirons avec le Ressuscité en accueillant son voeu de paix.

La Passion du Christ se poursuit dans les événements dramatiques de notre existence

4. Très chers frères et soeurs, préparons-nous à célébrer dignement ces jours saints, et à contempler l'oeuvre merveilleuse accomplie par Dieu dans l'humiliation et dans l'exaltation du Christ (cf. Ph Ph 2,6-11).

Faire mémoire de ce mystère central de la foi comporte également l'engagement de le rendre présent dans la réalité concrète de notre existence. Cela signifie reconnaître que la passion du Christ se poursuit dans les événements dramatiques qui, malheureusement, à notre époque également frappent tant d'hommes et de femmes dans toutes les parties du monde.

Le mystère de la Croix et de la résurrection nous assure cependant que la haine, la violence, le sang et la mort n'ont pas le dernier mot dans l'existence humaine. La victoire définitive est celle du Christ et c'est de Lui que nous devons repartir, si nous voulons construire pour tous un avenir de paix authentique, de justice et de solidarité.

Que la Vierge, qui participe intimement au dessein salvifique, nous accompagne sur le chemin de la passion et de la croix jusqu'au sépulcre vide, pour rencontrer son Fils Divin ressuscité. En nous laissant guider par Elle, entrons dans l'atmosphère spirituelle du Saint Triduum.

Avec ces sentiments, je souhaite de tout coeur à tous une sereine et sainte Pâque.
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Je salue les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier les jeunes. À tous, je souhaite de joyeuses et saintes fêtes de Pâques !




Catéchèses S. J-Paul II 50302