Catéchèses S. J-Paul II 23043

Mercredi 23 avril 2003

23043
Chers Frères et Soeurs,

L’amour du Seigneur, chanté par le Psaume 135, se révèle pleinement et définitivement dans le Mystère pascal. Désormais, le Christ est vivant pour toujours et la mort n’a plus aucun pouvoir sur lui. Comme aux premiers témoins de sa Résurrection, il nous dit aujourd’hui: «La paix soit avec vous !». Cette paix est le fruit de la vie nouvelle inaugurée par la Résurrection. Elle n’est pas uniquement le résultat d’accords passés entre des personnes et des institutions. Elle est plutôt un don à accueillir avec générosité, à garder avec soin et à faire fructifier de manière responsable. Au cours de cette octave de Pâques, qui se terminera par le dimanche in albis, appelé aussi dimanche de la «Divine Miséricorde», que le Seigneur ouvre le coeur des hommes au pardon reçu et offert, grâce auquel se construit la paix, en famille et dans toutes les situations de la vie !

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Je salue les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes de Reims, de Villeneuve-lès-Avignon, d’Agde et de la Tinée. Que la joie de Pâques demeure en vous ! Que Marie, Reine de la paix, vous accompagne sur la route !



Mercredi 30 avril 2003: Ps 100 Programme d'un roi fidèle à Dieu

30043 Lecture: (Ps 100,1-4 Ps 100,6)

1. Après les deux catéchèses consacrées au sens des Célébrations pascales, nous reprenons notre réflexion sur la Liturgie des Laudes. Pour le mardi de la 4 semaine, celle-ci nous propose le Psaume 100, que nous venons d'entendre.

Il s'agit d'une méditation qui trace le portrait de l'homme politique idéal, dont le modèle de vie devrait être le comportement divin dans le gouvernement du monde: un comportement reposant sur une parfaite intégrité morale et par un engagement énergique contre les injustices. Ce texte est à présent reproposé comme programme de vie pour le fidèle qui commence sa journée de travail et de relation avec son prochain. Il s'agit d'un programme d'"amour et jugement" (cf. Ps Ps 100,1), qui s'articule en deux grandes orientations morales.

2. La première est appelée la "voie des parfaits" et elle est orientée vers l'exaltation des choix personnels de vie, accomplis avec "la perfection du coeur", c'est-à-dire avec une parfaite rectitude de conscience (cf. Ps Ps 100,2).

D'un côté, l'on parle de façon positive des grandes vertus morales qui illuminent la "maison", c'est-à-dire la famille du juste (cf. Ps Ps 100,2): la sagesse qui aide à bien comprendre et à juger; l'innocence qui est la pureté de coeur et de vie; et, enfin, l'intégrité de la conscience, qui ne tolère pas de compromis avec le mal.

De l'autre côté, le Psalmiste introduit un engagement négatif. Il s'agit de la lutte contre toute forme de méchanceté et d'injustice, de façon à tenir éloigné de sa propre maison et de ses propres choix toute perversion de l'ordre moral (cf. Ps Ps 100,3-4).

Comme l'écrit saint Basile, grand Père de l'Eglise d'Orient, dans son oeuvre Le baptême, "même le plaisir d'un instant qui contamine la pensée ne doit pas troubler celui qui est pleuré avec le Christ dans une mort qui ressemble à la sienne" (Oeuvres ascétiques, Turin 1980, p. 548).

3. La deuxième orientation est développée dans la partie finale du Psaume (cf. Ps Ps 100,5-8) et précise l'importance des dons les plus typiquement publics et sociaux. Dans ce cas aussi est dressée la liste des points essentiels d'une vie qui entend rejeter le mal avec rigueur et fermeté.

Tout d'abord la lutte contre la calomnie et la délation secrète, un engagement fondamental dans une société de tradition orale, qui attribuait une importance particulière à la fonction de la parole dans les relations interpersonnelles. Le roi, qui exerce également la fonction de juge, annonce que dans cette lutte il fera preuve de la plus grande sévérité: il fera périr le calomniateur (cf. Ps Ps 100,5). On rejette ensuite toute arrogance et orgueil; on refuse la compagnie et le conseil de celui qui procède toujours en utilisant la tromperie et le mensonge. Enfin, le roi déclare de quelle façon il veut choisir ses "servants" (cf. Ps Ps 100,6), c'est-à-dire ses ministres. Il aura soin de les prendre parmi "les fidèles du pays". Il désire être entouré de personnes intègres er refuse le contact avec "le diseur de mensonge" (cf. Ps Ps 100,7).

4. Le dernier verset du Psaume est particulièrement énergique. Il peut créer de l'embarras chez le lecteur chrétien, car il annonce une extermination: "Au matin, je les fais taire, tous les impies du pays, pour retrancher de la ville de Yahvé tous les malfaisants" (Ps 100,8). Il est cependant important de se rappeler une chose: celui qui parle ainsi n'est pas un individu quelconque, mais le roi, le responsable suprême de la justice dans le pays. Par cette phrase, il exprime de façon hyperbolique son dessein implacable de lutte contre la criminalité, un engagement qui constitue un devoir, partagé par tous ceux qui ont des responsabilités dans la gestion du bien public. Bien sûr, cette tâche de justicier ne revient pas à tous les citoyens! C'est pourquoi, si chaque fidèle désire appliquer à lui-même la phrase du Psaume, il doit le faire dans un sens analogique, c'est-à-dire en décidant d'extirper chaque matin de son coeur et de sa conduite la mauvaise plante de la corruption et de la violence, de la perversion et de la méchanceté, ainsi que toute forme d'égoïsme et d'injustice.

5. Nous concluons notre méditation en reprenant le verset de départ du Psaume : "Je chanterai amour et jugement..." (Ps 100,1). Un antique écrivain chrétien, Eusèbe de Césarée, dans ses Commentaires sur les Psaumes, souligne le primat de l'amour sur la justice, même si celle-ci est nécessaire: "Je chanterai ta miséricorde et ton jugement, en agissant comme tu le fais habituellement: non pas juger d'abord et ensuite avoir miséricorde, mais tout d'abord avoir miséricorde et puis juger, et avec clémence et miséricorde prononcer des sentences.

C'est la raison pour laquelle, en exerçant miséricorde et jugement envers le prochain, j'ose m'approcher de toi pour te chanter et t'adresser des psaumes. Etant donc conscient qu'il faut agir ainsi, je conserve immaculées et innocentes mes voies, persuadé que de cette façon te sera agréable ma façon de t'adresser des psaumes, à travers les bonnes oeuvres" (PG23, 1241).

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Je suis heureux d'accueillir les pèlerins de langue française, notamment les séminaristes de Rennes et de Caen, la Manécanterie de Saint-Brieuc, ainsi que les groupes paroissiaux et les jeunes. Puisse votre séjour affermir votre foi et faire grandir en vous le désir de la sainteté!


Mois de mai, mois de Marie

A l'issue de l'Audience générale, le Saint-Père ajoutait les paroles suivantes:

Demain commence le mois de mai, consacré à la Madone. Il commence par la fête de saint Joseph travailleur. Nous confions en particulier aujourd'hui le monde du travail à la Très Sainte Vierge, et spécialement à son chaste époux Joseph. Que Joseph, qui a connu la fatigue du travail quotidien, soit un exemple et un soutien pour ceux qui, grâce à leur activité, pourvoient aux nécessités de leur famille et de toute la communauté humaine.



Mercredi 7 mai 2003

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  Très chers frères et soeurs,


1. Je désire m'arrêter aujourd'hui sur le voyage apostolique que, samedi et dimanche derniers, j'ai pu accomplir en Espagne et qui a eu pour thème: "Seréis mis testigos - Vous serez mes témoins".

Je rends grâce au Seigneur de m'avoir accordé de visiter, pour la cinquième fois, cette noble et bien-aimée nation, et je renouvelle l'expression de ma reconnaissance cordiale au Cardinal-Archevêque de Madrid, aux pasteurs et à toute l'Eglise qui est en Espagne, à Leurs Majestés le roi et la reine, ainsi qu'au chef du gouvernement et aux autres Autorités, qui m'ont accueilli avec beaucoup d'attention et d'affection.

Des hommes et des femmes d'une riche vie intérieure pour raviver l'âme de l'Europe

Dès mon arrivée, j'ai eu l'occasion d'exprimer l'estime du Successeur de Pierre pour cette portion du Peuple de Dieu qui - depuis presque deux mille ans - est en pèlerinage sur la terre ibérique et qui a joué un rôle important dans l'évangélisation de l'Europe et du monde. Dans le même temps, j'ai souhaité exprimer ma satisfaction pour les progrès sociaux du pays, en invitant à les fonder toujours davantage sur les valeurs authentiques et éternelles qui constituent le patrimoine précieux de tout le continent européen.

2. Les principaux moments de ce pèlerinage ont été au nombre de deux: la grande rencontre avec les jeunes, dans l'après-midi de samedi, et la Messe de canonisation de cinq bienheureux, dimanche matin.

La rencontre avec les jeunes acteurs de la nouvelle évangélisation, en l'année du Rosaire

Sur la Base aérienne de "Cuatro Vientos", à Madrid, la veillée des jeunes, qui a eu comme toile de fond la prière du Rosaire, m'a donné l'occasion de reproposer de façon synthétique le message de la Lettre apostolique Rosarium Virginis Mariae et de l'Année du Rosaire, que nous célébrons actuellement. J'ai invité les jeunes à être toujours et davantage des hommes et des femmes possédant une riche intériorité, en contemplant assidûment, avec Marie, le Christ et ses mystères. C'est précisément là que se trouve l'antidote le plus efficace aux risques du consumérisme, auxquels l'homme d'aujourd'hui est exposé. A la suggestion des valeurs éphémères du monde visible, qu'un certain type de communication médiatique propose, il est urgent d'opposer les valeurs durables de l'esprit, qui ne peuvent être atteintes qu'en revenant à sa propre intériorité, à travers la contemplation et la prière.

J'ai ensuite constaté avec joie que les jeunes, parmi les camarades de leur âge, savent toujours davantage devenir les acteurs de la nouvelle évangélisation, prêts à dépenser leurs énergies au service du Christ et de son Royaume. J'ai ensuite confié à la Vierge les jeunes de Madrid et de toute l'Espagne, qui constituent l'avenir et l'espérance de l'Eglise et de la société de cette grande nation.

Cinq fils de l'Espagne: cinq exemples pour le monde

3. Le lendemain, s'est déroulée la solennelle célébration eucharistique sur la Plaza de Colón, dans le centre. En présence de la Famille royale, de l'épiscopat et des Autorités du pays, face à une vaste assemblée comprenant des représentants de tous les milieux ecclésiaux, j'ai eu la joie de proclamer saints cinq fils de l'Espagne: Pedro Poveda Castroverde, prêtre et martyr; José María Rubio y Peralta, prêtre; et les religieuses Genoveva Torres Morales, Angela de la Cruz et María Maravillas de Jesús.

Ces authentiques disciples du Christ et témoins de sa résurrection sont un exemple pour les chrétiens du monde entier: en puisant à la prière la force nécessaire, ils ont su mener à bien les tâches qui leur avaient été confiées par Dieu dans la vie contemplative, dans le ministère pastoral, dans le domaine de l'éducation, dans l'apostolat des exercices spirituels, dans la charité envers les pauvres. C'est à eux, en particulier, que doivent s'inspirer les croyants et les communautés ecclésiales d'Espagne, afin qu'à notre époque également cette terre bénie de Dieu continue à produire des fruits abondants de perfection évangélique.

Dans ce but, j'ai exhorté les chrétiens d'Espagne à rester fidèles à l'Evangile, à défendre et à promouvoir l'unité de la famille, à conserver et à renouveler continuellement l'identité catholique qui est l'orgueil du pays. Ce sera en vertu des valeurs éternelles de sa tradition que ce noble pays pourra apporter sa contribution concrète à l'édification de la nouvelle Europe.

4. Ce cinquième voyage apostolique en Espagne a confirmé en moi une profonde conviction: les anciennes nations de l'Europe conservent une âme chrétienne, qui ne fait qu'un avec le "génie" et l'histoire des peuples respectifs. Le sécularisme en menace malheureusement les valeurs fondamentales, mais l'Eglise entend oeuvrer pour conserver toujours vivante cette tradition spirituelle et culturelle.

"Vous serez mes témoins!"

En faisant appel à la grandeur de l'âme espagnole formée sur de solides principes humains et chrétiens, j'ai voulu en particulier adresser aux jeunes les paroles du Christ: "Vous serez mes témoins". Je les répète aujourd'hui, en assurant à l'Eglise et au peuple espagnol, ainsi qu'à vous tous ici présents, ma prière, fortifiée par une Bénédiction apostolique spéciale.
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Je salue les francophones présents ce matin, en particulier les jeunes de l’École d’évangélisation de Paray-le-Monial, ainsi que les pèlerins venus de Belgique, de Suisse, du Canada et de France. Puisse votre séjour à Rome faire grandir en vous l’amour du Christ et de l’Église!



Mercredi 14 mai 2003: Da 3 Cantique d'Azarias dans la fournaise

14053 Lecture: (Da 3,26-27 Da 3,29 Da 3,39 Da 3,41)

1. Le Cantique qui vient d'être proclamé appartient au texte grec du Livre de Daniel et il se présente comme une supplication élevée au Seigneur avec ardeur et sincérité. C'est la voix d'Israël qui est en train de vivre la dure épreuve de l'exil et de la diaspora parmi les peuples. En effet, celui qui entonne le cantique est un juif, Azarias, inséré dans le contexte babylonien au temps de l'exil d'Israël, après la destruction de Jérusalem voulue par le roi Nabuchodonosor.

Azarias, avec deux autres fidèles juifs, se trouve "au milieu du feu" (Da 3,25), comme un martyr prêt à affronter la mort pour ne pas trahir sa conscience et sa foi. Il a été condamné à mort pour avoir refusé d'adorer la statue impériale.

2. La persécution est considérée par ce Cantique comme une juste peine avec laquelle Dieu purifie le peuple pécheur: "Car c'est dans la vérité et dans le droit que tu nous as traités - confesse Azarias - à cause de nos péchés" (Da 3,28). Nous nous trouvons ainsi en présence d'une prière pénitentielle qui ne débouche pas sur le découragement ou la peur, mais sur l'espérance.

Bien sûr, le point de départ est amer, la désolation est grave, l'épreuve est difficile, le jugement divin sur le péché du peuple est sévère: "Il n'est plus, en ce temps, chef, prophète ni prince, holocauste, sacrifice, oblation ni encens, lieu où te faire des offrandes et trouver grâce auprès de toi" (Da 3,38). Le temple de Sion est détruit et le Seigneur ne semble plus demeurer au milieu de son peuple.

3. Face à la tragique situation présente, l'espérance recherche sa racine dans le passé, c'est-à-dire dans les promesses faites aux pères. On remonte donc à Abraham, à Isaac et à Jacob (cf. Dn Da 3,35), auxquels Dieu avait assuré bénédiction et fécondité, terre et grandeur, vie et paix. Dieu est fidèle et ne démentira pas ses promesses. Même si la justice exige qu'Israël soit puni de ses fautes, la certitude demeure que le dernier mot sera celui de la miséricorde et du pardon. Le prophète Ezéchiel rapportait déjà ces paroles du Seigneur: "Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant et non pas plutôt à le voir renoncer à sa conduite et vivre?... Je ne prends pas plaisir à la mort de qui que ce soit" (Ez 18,23 Ez 18,32). Certes, l'heure de l'humiliation est maintenant venue: "Seigneur, nous voici plus petits que toutes les nations, nous voici humiliés par toute la terre, aujourd'hui, à cause de nos péchés" (Da 3,37). Pourtant ce n'est pas l'attente de la mort, mais d'une nouvelle vie, après la purification.

4. L'orant s'approche du Seigneur en lui offrant le sacrifice le plus précieux et favorablement accueilli: "le coeur contrit" et l'"esprit humilié" (Da 3,39 cf. Ps Ps 50,19). C'est précisément le centre de l'existence, le moi renouvelé par l'épreuve qui est offert à Dieu, afin qu'il l'accueille en signe de conversion et de consécration au bien.

Avec cette disposition intérieure, la peur cesse, la confusion et la honte disparaissent (cf. Dn Da 3,40), et l'esprit s'ouvre avec confiance à un avenir meilleur, lorsque s'accompliront les promesses faites aux pères.

La phrase finale de la supplication d'Azarias, telle qu'elle est proposée par la liturgie, possède une grande force émotive et une profonde intensité spirituelle: "Et maintenant nous mettons tout notre coeur à te suivre, à te craindre et à rechercher ta face" (Da 3,41). Il s'agit de l'écho d'un autre Psaume: "De toi mon coeur a dit: "Cherche sa face", c'est ta face, Yahvé, que je cherche" (Ps 26,8).

Le moment est désormais venu où nous nous détournons des chemins, des routes perverses du mal, des sentiers tortueux et des voies traverses (cf. Pr Pr 2,15). Nous nous acheminons à la suite du Seigneur, soutenus par le désir de rencontrer sa face. Et son visage n'est pas courroucé, mais empli d'amour, tel qu'il s'est révélé dans le père miséricordieux à l'égard du fils prodigue (cf. Lc Lc 15,11-32).

5. Nous concluons notre réflexion sur le Cantique d'Azarias par la prière écrite par saint Maxime le Confesseur dans son Discours ascétique (37-39), là où il s'inspire précisément du texte du prophète Daniel. "Oh! ne nous abandonne pas pour toujours, à cause de ton nom, ne répudie pas ton alliance, ne nous retire pas ta grâce (cf. Dn Da 3,34-35) en raison de ta miséricorde, ô Père qui es dans les cieux, en raison de la compassion de ton Fils unique et de la miséricorde de ton Saint Esprit... N'ignore pas notre supplication, ô Seigneur, et ne nous abandonne pas pour toujours.

Nous ne nous reposons pas sur nos oeuvres de justice, mais sur ta grâce, à travers laquelle tu conserves notre lignée... Ne déteste pas notre indignité, mais sois rempli de compassion pour nous en vertu de ta grande pitié, et en vertu de la plénitude de ta miséricorde efface nos péchés, afin que sans condamnation, nous nous approchions de ta sainte gloire et soyons considérés dignes de la protection de ton Fils unique".

Saint Maxime conclut: "Oui, ô Seigneur patron tout-puissant, exauce notre supplication, car nous ne reconnaissons personne d'autre en dehors de toi" (Humanité et divinité du Christ, Rome 1979, PP 51-52).
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier le Lycée privé des Filles, de Châteauneuf-de-Galaure, ainsi que le groupe du Mouvement chrétien des Retraités, de l’archidiocèse de Rennes. Que votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres Pierre et Paul ravive votre foi en Jésus Christ, et qu’il renouvelle en vous le désir de chercher toujours plus le visage de Dieu.



Mercredi 21 mai 2003: Ps 143 Prière du roi pour la victoire et pour la paix

21053 Lecture: (Ps 143,1-4 Ps 143,9-10)

1. Nous venons à présent d'entendre la première partie du Psaume 143. Il possède les caractéristiques d'un hymne royal, comprenant des références à d'autres textes bibliques, donnant ainsi vie à une nouvelle composition de prière (cf. Ps Ps 8,5 Ps 17,8-15 Ps 32,2-3 Ps 38,6-7). Celui qui parle à la première personne est le roi David lui-même, qui reconnaît l'origine divine de ses succès.

Le Seigneur est représenté à travers des images martiales, selon l'antique usage symbolique: en effet, il est vu comme un instructeur militaire (cf. Ps Ps 143,1), une forteresse inexpugnable, un bouclier protecteur, un libérateur (cf. Ps Ps 143,2). On désire, de cette façon, exalter la personnalité de Dieu, qui s'engage contre le mal dans l'histoire: il n'est pas une puissance obscure ou une sorte de destin, ni un souverain impassible et indifférent à l'égard de l'histoire humaine. Les citations et le ton de cette célébration divine portent la trace de l'hymne de David conservé dans le Psaume 17 et dans le chapitre 22 du Second Livre de Samuel.

2. Face à la puissance divine, le roi hébreu reconnaît sa fragilité et sa faiblesse qui sont celles de toutes les créatures humaines. Pour exprimer cette sensation, l'orant royal a recours à deux phrases déjà présentes dans les Psaumes 8 et 38, et il les insère en leur conférant un nouveau poids, plus intense: "Yahvé, qu'est donc l'homme, que tu le connaisses, l'être humain que tu penses à lui? L'homme est semblable à un souffle, ses jours sont comme l'ombre qui passe" (Ps 143,3-4). Ici apparaît la ferme conviction que nous sommes inconsistants, semblables à un souffle de vent, si le Créateur ne nous garde pas en vie, Lui qui - comme le dit Job - "tient en son pouvoir l'âme de tout vivant et le souffle de toute chair d'homme" (Jb 12,10).

Ce n'est qu'avec le soutien divin que nous pouvons surmonter les dangers et les difficultés qui parsèment chaque jour notre vie. Ce n'est qu'en comptant sur l'aide du Ciel que nous pourrons nous engager, comme l'antique roi d'Israël, à marcher vers la liberté en échappant à toute oppression.

3. L'intervention divine est décrite à travers les traditionnelles images cosmiques et historiques, dans le but d'illustrer la puissance divine sur l'univers et sur les événements humains. Voilà alors des montagnes d'où s'élève de la fumée, lors d'éruptions volcaniques soudaines (cf. Ps Ps 143,5). Voilà les éclairs qui semblent des flèches lancées par le Seigneur et prêtes à anéantir le mal (cf. Ps Ps 143,6). Voilà, enfin, les "grandes eaux" qui, dans le langage biblique, sont le symbole du chaos, du mal et du néant, en un mot, des présences négatives au sein de l'histoire (cf. Ps Ps 143,7). A ces images cosmiques en sont associées d'autres à caractère historique: ce sont "les ennemis" (cf. Ps Ps 143,6), les "étrangers" (cf. Ps Ps 143,7), les menteurs et les parjures, c'est-à-dire les idolâtres (cf. Ps Ps 143,8).

Il s'agit d'une façon très concrète et orientale de représenter la méchanceté, les perversions, l'oppression et l'injustice: des réalités terribles dont le Seigneur nous libère, alors que nous nous acheminons dans le monde.

4. Le Psaume 143, que la Liturgie des Laudes nous propose, finit par un bref hymne d'action de grâce (cf. Ps Ps 143,9-10). Il naît de la certitude que Dieu ne nous abandonnera pas dans la lutte contre le mal. C'est pourquoi l'orant entonne une mélodie en l'accompagnant de sa harpe à dix cordes, étant certain que le Seigneur "donne aux rois la victoire, et sauve David son serviteur" (cf. Ps Ps 143,9-10).

La parole "roi" se dit "messia" en hébreu: nous sommes donc en présence d'un Psaume royal qui se transforme, déjà dans l'usage liturgique de l'antique Israël, en un chant messianique. Nous chrétiens, nous le répétons en gardant le regard tourné vers le Christ, qui nous libère de tout mal et qui nous soutient dans la bataille contre les pouvoirs cachés pervers. Celle-ci, en effet, ne se déroule pas "contre des adversaires de sang et de chair, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes" (Ep 6,12).

5. Nous concluons alors par une considération qui nous est suggérée par saint Jean Cassien, moine du IV-V siècle, qui vécut en Gaule. Dans son oeuvre L'Incarnation du Seigneur, s'inspirant du verset 5 de notre Psaume, - "Yahvé, incline tes cieux et descends", - il voit dans ces mots l'attente de la venue du Christ dans le monde.

Et il poursuit ainsi: "Le Psalmiste suppliait que... le Seigneur se manifestât dans la chair, apparaisse de façon visible dans le monde, soit assumé visiblement dans la gloire (cf. 1Tm 3,16) et que finalement les saints puissent voir, avec les yeux du corps, tout ce qui avait été spirituellement prévu par eux" (L'Incarnation du Seigneur, V, 13, Rome 1991, PP 208-209). C'est précisément de cela que tout baptisé est témoin dans la joie de la foi.

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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience. Que le Seigneur vous donne confiance et paix pour témoigner de l’Évangile de Pâques à travers les événements de chaque jour. Bon pèlerinage à tous !

  

Mercredi 28 mai 2003: Ps 107 Louange à Dieu et invocation d'aide

28053 Lecture: (Ps 107,2-7)

1. Le Psaume 107 qui vient de nous être proposé appartient à la séquence des Psaumes de la Liturgie des Laudes, objet de nos catéchèses. Il présente une caractéristique, à première vue surprenante. La composition n'est autre que la fusion de deux fragments de psaumes préexistants, l'un tiré du Psaume 56 (Ps 107,8-12) et l'autre du Psaume 59 (Ps 107,7-14). Le premier fragment possède le ton d'une hymne, le deuxième possède un caractère suppliant, mais il comprend un oracle divin qui donne à l'orant sérénité et confiance.

Cette combinaison donne naissance à une nouvelle prière, et ce fait devient pour nous exemplaire. En réalité, la liturgie chrétienne fait elle aussi souvent fusionner ensemble des passages bibliques différents, afin de les transformer en un nouveau texte, destiné à éclairer des situations inédites. Toutefois, le lien avec la base originelle demeure. En pratique, le Psaume 107 (mais ce n'est pas le seul; il suffit de se reporter, si l'on désire évoquer un autre exemple, au Ps 143) montre comment Israël, dans l'Ancien Testament, réutilisait et actualisait déjà la Parole de Dieu révélée.

2. Le Psaume résultant de cette combinaison est, donc, quelque chose de plus que la simple somme ou juxtaposition des deux passages préexistants. Au lieu de commencer par une humble supplication comme le Psaume 56, "Pitié pour moi, ô Dieu" (Ps 56,2), le nouveau Psaume commence par une annonce résolue de louange à Dieu: "Mon coeur est prêt, ô Dieu... je veux chanter..." (Ps 107,2). Cette louange prend la place de la lamentation qui formait le début de l'autre Psaume (cf. Ps Ps 59,1-6), et devient ainsi la base de l'oracle divin suivant (Ps 59,8-10 = Ps 107,8-10) et de la supplique au sein de laquelle il prend place (Ps 59,7 Ps 59,11-14 Ps 107,7 Ps 107,11-1).

L'espérance et le cauchemar se fondent ensemble et deviennent la substance de la nouvelle prière, qui cherche tout entière à communiquer la confiance, même au moment de l'épreuve vécue par toute la communauté.

3. Le Psaume s'ouvre donc par une hymne joyeuse de louange. Il s'agit d'un chant du matin accompagné par la harpe et par la cithare (cf. Ps Ps 107,3). Le message est clair et possède en son centre la "bonté" et la "vérité" divine (cf. Ps 107,5): en hébreu, hésed et 'emèt, sont les termes typiques pour définir la fidélité pleine d'amour du Seigneur à l'égard de l'alliance avec son peuple. Sur la base de cette fidélité, le peuple est certain qu'il ne sera jamais abandonné par Dieu dans l'abîme du néant et du désespoir.

La relecture chrétienne interprète ce Psaume de façon particulièrement suggestive. Dans le verset (Ps 107,6), le Psalmiste célèbre la gloire transcendante de Dieu: "O Dieu, élève-toi [c'est-à-dire "sois exalté"] sur les cieux". En commentant ce Psaume, Origène, le célèbre écrivain chrétien du troisième siècle, renvoie à la phrase de Jésus: "Et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi" (Jn 12,32), qui se réfère à la crucifixion. Celle-ci a pour résultat ce que le verset suivant affirme: "Pour que soient délivrés tes bien-aimés" (Ps 107,7). Origène conclut alors: "Quelle signification merveilleuse! Le motif pour lequel le Seigneur est crucifié et exalté est que ses bien-aimés soient délivrés... Ce que nous avons demandé s'est réalisé: il a été exalté et nous avons été libérés" (Origène-Jérôme, 74 homélies sur le livre des Psaumes, Milan 1993, p. 367).

4. Passons à présent à la deuxième partie du Psaume 107, citation partielle du Psaume 59, comme on l'a dit. Face à l'angoisse d'Israël, qui sent Dieu comme absent et distant ("...Dieu, toi qui nous as rejetés": Ps 107,12), s'élève la voix de l'oracle du Seigneur qui retentit dans le temple (cf. Ps Ps 107,8-10). Dans cette révélation, Dieu se présente comme arbitre et seigneur de toute la terre sainte, de la ville de Sichem à la vallée transjordanienne de Sukkot, des régions orientales de Galaad et Manassé à celles centre-méridionales d'Ephraïm et Juda, pour parvenir également aux territoires soumis mais étrangers de Moab, Edom et de la Philistie.

Par des images colorées, à caractère militaire ou juridique, la domination divine sur la terre promise est proclamée. Si le Seigneur règne, on ne doit rien craindre: nous ne sommes pas ballottés çà et là par les forces obscures du destin ou du chaos. Un projet supérieur, même dans les moments sombres, sous-tend toujours l'histoire.

5. Cette foi allume la flamme de l'espérance. Dieu indiquera quoi qu'il en soit une issue, c'est-à-dire une "ville fortifiée" située dans la région de l'Idumée. Cela signifie que, malgré l'épreuve et le silence, Dieu reviendra pour se révéler, soutenir et guider son peuple. Ce n'est que de Lui que peut provenir l'aide décisive, et non pas des alliances militaires extérieures, c'est-à-dire de la force des armes (cf. Ps Ps 107,13). Avec Lui seul l'on obtiendra la liberté et l'on accomplira "des prouesses" (cf. Ps Ps 107,14).

Avec saint Jérôme, nous rappelons la dernière leçon du Psalmiste, interprétée dans une optique chrétienne: "Personne ne doit se désespérer pour cette vie. Tu as le Christ et tu as peur? Ce sera Lui notre force, Lui notre pain, Lui notre guide" (Breviarium in Psalmos, Ps. CVII: PL 26, 1224).

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Je suis heureux d’accueillir les francophones présents ce matin, notamment les membres de la communauté des Petits frères de l’Agneau et le Choeur d’hommes de Bretagne. Puisse votre pèlerinage à Rome vous préparer à accueillir l’Esprit Saint et faire grandir en vous le désir de la sainteté!



Mercredi 4 juin 2003

40603 Très chers frères et soeurs!

1. Il y a juste quarante ans mourait le bien-aimé et vénéré Pape Jean XXIII, que j'ai eu la joie de proclamer Bienheureux, en même temps que Pie IX, le 3 septembre de l'An 2000.

La pensée revient spontanément à l'après-midi du lundi 3 juin 1963, lorsque les fidèles de Rome et les pèlerins accoururent par milliers sur la Place Saint-Pierre, afin de se serrer le plus possible autour du bien-aimé Père et Pasteur, qui, après une longue et douloureuse maladie, quittait ce monde.

A 19h00, sur le parvis de la Basilique vaticane, le Pro-Vicaire de Rome, le Cardinal Luigi Traglia, commençait à célébrer la Messe, alors que le Pape, de son lit devenu autel, consommait son sacrifice spirituel, le sacrifice de toute sa vie.

De la Place Saint-Pierre, où la foule se pressait, la prière de l'Eglise s'élevait de façon unanime vers le ciel. Il me semble revivre ces moments d'intense émotion: les regards de l'humanité tout entière étaient tournés vers la fenêtre du troisième étage du Palais apostolique. La fin de cette Messe coïncida avec la mort du bon Pape.

2. "Ce lit est un autel; l'autel demande une victime: me voici, je suis prêt. J'offre ma vie pour l'Eglise, pour la poursuite du Concile oecuménique, pour la paix dans le monde, pour l'unité des chrétiens" (Discours, Messages, Entretiens du Saint-Père Jean XXIII, V, p. 618).

Ecce adsum! Me voici, je suis prêt! La pensée sereine de la mort avait accompagné pendant toute sa vie le Pape Jean, qui, à l'heure de l'adieu, tournait son regard vers l'avenir et les attentes du Peuple de Dieu et du monde. D'un ton ému, il affirmait que le secret de son sacerdoce se trouvait dans le Crucifix, toujours jalousement gardé face à son lit. "Dans les longues et fréquentes conversations nocturnes - observait-il - la pensée de la rédemption du monde m'est apparue plus urgente que jamais". "Ces bras étendus - ajoutait-il - nous disent qu'Il est mort pour tous; nul n'est exclu de son amour, de son pardon" (ibid., p. 618).

Il n'est pas difficile de saisir dans ces brèves paroles le sens de son ministère sacerdotal entièrement consacré à faire connaître et aimer "ce qui vaut le plus dans la vie: Jésus Christ béni: sa sainte Eglise, son Evangile" (ibid., p. 612). Cette aspiration fut vivante en lui jusqu'à la fin. "Ma journée terrestre - concluait le bienheureux Jean XXIII - se termine, mais le Christ vit et l'Eglise continue sa tâche; les âmes, les âmes: ut unum sint; ut unum sint..." (ibid., p. 619).

3. Moins de deux mois auparavant, le 11 avril, Jean XXIII avait publié le document le plus célèbre de son magistère: l'Encyclique Pacem in terris, que j'ai eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises cette année. Toute la vie de l'inoubliable Souverain Pontife fut un témoignage de paix. Son pontificat se révéla une haute prophétie de paix, qui trouva en Pacem in terris sa parfaite manifestation, une sorte de testament universel public.

"Chaque croyant, dans notre monde, - écrivait-il - doit être une étincelle de lumière, un centre d'amour, un ferment vivifiant dans la masse: et plus il le sera, plus il vivra, dans sa propre intimité, en communion avec Dieu. En effet, la paix ne peut pas régner entre les hommes si elle ne se trouve pas en chacun d'eux" (V Partie: AAS, LV [1963], p. 302).

Pour être une étincelle de lumière, il faut vivre en contact permanent avec Dieu. Mon vénéré Prédécesseur, qui a laissé une trace dans l'histoire, rappelle également aux hommes du troisième millénaire que le secret de la paix et de la joie se trouve dans la communion profonde et constante avec Dieu. Le Coeur du Rédempteur est la source de l'amour et de la paix, de l'espérance et de la joie.

Notre souvenir du bien-aimé Pape Jean se transforme ainsi en prière: qu'il veuille intercéder du Paradis afin que nous aussi, comme lui, puissions confesser, au terme de notre existence, de n'avoir rien cherché d'autre que le Christ et son Evangile.

Que Marie - qu'il aimait invoquer dans la belle prière jaculatoire Mater mea, fiducia mea! - nous aide à persévérer à travers la parole et l'exemple dans l'engagement de témoigner de la paix pour contribuer à l'édification de la civilisation de l'amour.

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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les membres de l’Institut européen des Hautes Études internationales, ainsi que les pèlerins de l’Île de la Réunion. Puisse l’Esprit de Pentecôte, que l’Église attend dans la foi avec Marie et les Apôtres, vous rendre audacieux pour aller à la rencontre de vos frères et pour leur annoncer par toute votre vie la joie du salut!




Catéchèses S. J-Paul II 23043