Catéchèses S. J-Paul II 40204

Mercredi 4 février 2004: Ps 14 Qui est digne de se présenter devant le Seigneur?

40204 Lecture: (Ps 14,1-4 Ps 14,5)

1. Le Psaume 14, qui est offert à notre réflexion, est souvent classé par les chercheurs dans le domaine biblique en tant que partie d'une "liturgie d'entrée". Comme c'est le cas dans d'autres compositions du Psautier (cf. par exemple les Ps 23 Ps 25 Ps 94), on peut penser à une sorte de procession des fidèles qui se pressent aux portes du temple de Sion, pour accéder au culte. Dans un dialogue idéal entre les fidèles et les lévites se dessinent les conditions indispensables pour être admis à la célébration liturgique et donc dans l'intimité divine.

D'un côté, en effet, est posée la question: "Yahvé, qui logera sous ta tente, habitera sur ta sainte montagne?" (Ps 14,1). De l'autre côté, est présentée la liste des qualités requises pour franchir le seuil qui conduit à la "tente", c'est-à-dire au temple sur la "sainte montagne" de Sion. Les qualités énumérées sont au nombre de onze et constituent une synthèse idéale des engagements moraux fondamentaux présents dans la loi biblique (cf. Ps Ps 14,2-5).

2. Sur les façades des temples égyptiens et babyloniens étaient parfois gravées les conditions requises pour pénétrer dans la salle sacrée. Mais il faut noter une différence significative avec celles suggérées par notre Psaume. Dans de nombreuses cultures religieuses, on demande notamment, pour être admis devant la Divinité, la pureté rituelle extérieure qui comporte des ablutions, des gestes et des vêtements particuliers.

Le Psaume 14, en revanche, exige la purification de la conscience, pour que ses choix soient inspirés par l'amour pour la justice et pour son prochain. Dans ces versets, l'on ressent donc vibrer l'esprit des prophètes qui, à plusieurs reprises, invitent à conjuguer foi et vie, prière et engagement existentiel, adoration et justice sociale (cf. Is Is 1, 10-20; 33, 14-16; Os 6,6 Mi 6,6-8 Jr 6,20).

Ecoutons, par exemple, le réquisitoire véhément du prophète Amos, qui dénonce au nom de Dieu un culte détaché de l'histoire quotidienne: "Je hais, je méprise vos fêtes et je ne puis sentir vos réunions solennelles. Quand vous m'offrez des holocaustes.... vos oblations, je ne les agrée pas, le sacrifice de vos bêtes grasses, je ne le regarde pas... Mais que le droit coule comme de l'eau, et la justice, comme un torrent qui ne tarit pas" (Am 5,21-22 Am 5,24).

3. Venons-en à présent aux onze engagements cités par le Psalmiste, qui pourront constituer la base d'un examen de conscience personnel chaque fois que nous nous préparons à confesser nos fautes pour être admis à la communion avec le Seigneur dans la célébration liturgique.

Les trois premiers engagements sont d'ordre général et expriment une éthique de vie: suivre la voie de l'intégrité morale, de la pratique de la justice et, enfin, de la sincérité parfaite dans les paroles (cf. Ps Ps 14,2).

Trois devoirs suivent, que nous pourrions définir de relation avec le prochain: éliminer la calomnie du langage, éviter toute action qui puisse nuire à notre frère, mettre un frein aux insultes contre ceux qui vivent à nos côtés chaque jour (cf. Ps Ps 14,3). Vient ensuite la demande de prendre une position bien définie dans le domaine social: mépriser le méchant, honorer celui qui craint Dieu. On établit enfin la liste des trois derniers préceptes à partir desquels on doit examiner sa conscience: être fidèles à la parole donnée, au serment prêté, même dans les cas où cela comportera des conséquences néfastes pour nous; ne pas pratiquer l'usure, une plaie qui à notre époque également, constitue une réalité abjecte, capable de détruire la vie de nombreuses personnes, et, pour finir, éviter toute corruption dans la vie publique, un autre engagement qu'il faut savoir pratiquer avec rigueur de nos jours également (cf. Ps Ps 14,5).

4. Suivre cette voie de décisions morales authentiques signifie être prêts à la rencontre avec le Seigneur. Jésus, dans le Discours sur la Montagne, proposera lui aussi une "liturgie d'entrée" essentielle: "Quand donc tu présentes ton offrande à l'autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; puis reviens, et alors présente ton offrande" (Mt 5,23-24).

Celui qui agit de la façon indiquée par le Psalmiste - conclut-on dans notre prière - "demeure inébranlable" (Ps 14,5). Saint Hilaire de Poitiers, Père et Docteur de l'Eglise du IV siècle, dans son Traité Tractatu super Psalmos, commente ainsi ce final, en le reliant à l'image initiale de la tente du temple de Sion: "En agissant selon ces préceptes, il est possible d'habiter dans la tente, de se reposer sur la montagne. La conservation des préceptes et l'oeuvre des commandements demeure donc un point fixe. Ce Psaume doit trouver son fondement dans notre propre intimité, doit être inscrit dans notre coeur, gravé dans notre mémoire; nous devons nous confronter jour et nuit avec le riche trésor de sa brièveté. Ainsi, ayant acquis cette richesse sur le chemin vers l'éternité et demeurant dans l'Eglise, nous pourrons enfin reposer dans la gloire du corps du Christ" (PL 9, 308).
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Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones présents à cette audience, en particulier les pèlerins du diocèse de Lyon.

Que votre pèlerinage sur les tombes des Apôtres Pierre et Paul vous renouvelle dans le désir de suivre le Christ et d’être ses témoins !



Mercredi 11 février 2004 Journée mondiale du Malade

11024
  "A toi Marie, nous confions les malades, les personnes âgées et les personnes seules"


1. Aujourd'hui, notre pensée se tourne vers le célèbre Sanctuaire marial de Lourdes, situé dans les Pyrénées, qui continue d'attirer des foules de pèlerins du monde entier, dont un grand nombre de personnes malades. C'est là qu'ont lieu chaque année les principales manifestations de la Journée mondiale du Malade, un événement qui, selon une habitude désormais bien établie, coïncide précisément avec la mémoire liturgique de la Bienheureuse Vierge Marie de Lourdes.

Ce Sanctuaire n'a pas seulement été choisi en raison du rapport intense qui le lie au monde de la maladie et des agents de la pastorale de la santé. On a surtout pensé à Lourdes car l'année 2004 marque le cent-cinquantième anniversaire de la proclamation du Dogme de l'Immaculée, qui eut lieu le 8 décembre 1854. C'est à Lourdes en 1858, quatre ans plus tard, que la Vierge Marie apparut à Bernadette Soubirous dans la Grotte de Massabielle, se présentant comme "l'Immaculée Conception".

2. Nous nous rendons à présent en pèlerinage spirituel aux pieds de l'Immaculée de Lourdes, pour participer à la prière du clergé et des fidèles, et en particulier des malades présents, qui se sont rassemblés. La Journée mondiale du Malade constitue un appel puissant à redécouvrir la présence importante des personnes qui souffrent dans la communauté chrétienne, et à valoriser toujours davantage leur précieuse contribution. D'un point de vue humain, la douleur et la maladie peuvent apparaître comme une réalité absurde: cependant, lorsqu'on se laisse illuminer par la lumière de l'Evangile, on réussit à en découvrir la profonde signification salvifique.

"Du paradoxe de la Croix - ai-je souligné dans le Message pour la Journée mondiale du Malade d'aujourd'hui - jaillit la réponse à nos questions les plus angoissantes. Le Christ souffre pour nous: Il a pris sur Lui la souffrance de tous les hommes et Il l'en délivre. Le Christ souffre avec nous, pour nous offrir la possibilité de partager avec Lui nos souffrances. La souffrance humaine, unie à celle du Christ, devient moyen de salut" (n. 4).

3. Je m'adresse à présent à ceux qui éprouvent dans leur corps et dans leur esprit le poids de la souffrance. Je renouvelle à chacun d'eux l'expression de mon affection et de ma proximité spirituelle. Je voudrais, dans le même temps, rappeler que l'existence humaine est toujours un don de Dieu, même lorsqu'elle est marquée par des souffrances physiques de toutes sortes; un "don" qui doit être valorisé par l'Eglise et par le monde.

Bien sûr, celui qui souffre ne doit jamais être abandonné à lui-même. A ce propos, j'ai à coeur d'adresser une sincère parole de satisfaction à ceux qui, avec simplicité et esprit de service, sont présents aux côtés des malades, cherchant à soulager leurs souffrances et, autant que possible, à les libérer des maladies grâce aux progrès de la médecine. Je pense, en particulier, aux agents du monde de la santé, aux médecins, aux infirmiers, aux scientifiques et aux chercheurs, ainsi qu'aux aumôniers des hôpitaux et aux volontaires. C'est un acte de grand amour que de prendre soin de ceux qui souffrent!

4. "Sub tuum praesidium...", ainsi avons-nous prié au début de notre rencontre. "Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions", Vierge Immaculée de Lourdes, qui te présentes à nous comme le modèle parfait de la création selon le dessein originel de Dieu. Nous Te confions les malades, les personnes âgées, les personnes seules: adoucis leur souffrance, essuie leurs larmes et obtiens pour chacun la force nécessaire pour accomplir la volonté divine.

Sois le soutien de ceux qui, chaque jour, soulagent les souffrances de leurs frères. Et aide-nous tous à croître dans la connaissance du Christ qui, à travers sa mort et sa résurrection, a vaincu le pouvoir du mal et de la mort.

Notre-Dame de Lourdes, prie pour nous!
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J’accueille avec joie les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes, et notamment le collège «Fénelon - Sainte Marie» de Paris.

Je salue chaleureusement tous les fidèles réunis à Lourdes autour du Cardinal Lozano Barragán à l’occasion de la Journée mondiale du Malade, priant tout spécialement pour ceux d’entre vous qui sont atteints par la maladie. En cette année où nous célébrons le 150e anniversaire du dogme de l’Immaculée Conception, je demande à la Vierge Marie de vous garder tous sous sa protection. Chers malades, et chers frères et soeurs qui les soignez et qui les entourez, je vous confie tous à Notre-Dame de Lourdes, que vous aimez invoquer dans ce sanctuaire. À tous, j’accorde bien volontiers une affectueuse Bénédiction apostolique.




Mercredi 18 février 2004: Ep 1 Dieu Sauveur

18024 Lecture: (Ep 1,3-6)


1. Le splendide hymne de "bénédiction", qui ouvre la Lettre aux Ephésiens, et qui est proclamée chaque lundi dans la liturgie des Vêpres, fera l'objet d'une série de méditations au cours de notre itinéraire. Pour l'instant, nous nous contentons d'un regard d'ensemble sur ce texte solennel et bien structuré, une sorte de construction majestueuse, destinée à exalter l'oeuvre merveilleuse de Dieu, réalisée pour nous dans le Christ.

On part d'un "début" qui anticipe le temps et la création: c'est l'éternité divine dans laquelle prend déjà vie un projet qui nous dépasse, une "prédestination", c'est-à-dire le dessein aimant et gratuit d'un destin de salut et de gloire.

2. Dans ce projet transcendant, qui englobe la création et la rédemption, le cosmos et l'histoire humaine, Dieu avait établi "dans sa bienveillance", de "ramener dans le Christ", c'est-à-dire de reporter à un ordre et à un sens profond toutes les réalités, qu'elles soient célestes ou terrestres (cf. Ep Ep 1,10). Certes, Il est "tête pour l'Eglise, laquelle est son Corps" (Ep 1,22-23), mais il est également le principe vital de référence de l'univers.

La suprématie du Christ s'étend donc aussi bien au cosmos qu'à l'horizon plus spécifique qu'est l'Eglise. Le Christ accomplit une fonction de "plénitude", de sorte que se révèle en Lui le "mystère" (Ep 1,9) caché dans les siècles et que toute la réalité réalise - dans son ordre spécifique et dans sa mesure - le dessein conçu par le Père de toute éternité.

3. Comme nous aurons l'occasion de le voir par la suite, cette sorte de Psaume néotestamentaire fixe l'attention en particulier sur l'histoire du salut qui est l'expression et le signe vivant de la "bienveillance" (Ep 1,9), du "bon plaisir" (Ep 1,6) et de l'amour divin.

Voici alors l'exaltation de la "rédemption à travers le sang" de la croix, la "rémission des péchés", l'effusion abondante "de la richesse de la grâce" (Ep 1,7). Voici la filiation divine du chrétien (cf. Ep Ep 1,5) et la "connaissance du mystère de la volonté" de Dieu (Ep 1,9), à travers laquelle on entre dans la profondeur de la vie trinitaire elle-même.

4. Après ce regard d'ensemble sur l'hymne qui ouvre la Lettre aux Ephésiens, nous écoutons à présent saint Jean Chrysostome, extraordinaire maître et orateur, interprète attentif de l'Ecriture Sainte, qui vécut au IV siècle et qui devint également Evêque de Constantinople, parmi des difficultés de tout genre et soumis même à l'expérience d'un double exil.

Dans sa Première homélie sur la Lettre aux Ephésiens, en commentant ce Cantique, il réfléchit avec reconnaissance sur la "bénédiction" avec laquelle nous avons été bénis "dans le Christ": "Que vous manque-t-il encore? Vous êtes désormais immortel, libre, fils, juste, frère, cohéritier; vous avez pris part à la royauté et aux hommages; tout vous a été octroyé. "Comment, avec lui", est-il écrit, "ne nous donnerait-il pas toute chose?" (Rm 8,32). Vos prémices (cf. 1Co 15,20 1Co 15,23) sont adorées des anges, des chérubins, des séraphins: que vous manque-t-il encore?" ().

Dieu a fait tout cela pour nous, poursuit saint Jean Chrysostome "selon le dessein de sa volonté". Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que Dieu désire passionnément et aspire ardemment à notre salut. "Pourquoi donc nous aime-t-il à ce point? Quelle est la raison de cette tendresse? C'est sa bonté seule, car la "grâce" procède de la bonté" (ibid., 13).

Précisément pour cela, conclut l'antique Père de l'Eglise, saint Paul affirme que tout fut réalisé "pour la louange de la gloire de sa grâce dont il nous a gratifiés par son bien-aimé". En effet, Dieu "non seulement nous a déchargés de nos péchés, mais nous a rendus aimables... Dieu a embelli notre âme et l'a rendue charmante, séduisante, aimable". Et lorsque Paul déclare que Dieu l'a fait à travers le sang de son Fils, saint Jean Chrysostome s'exclame: "Il n'est rien d'aussi grand que l'effusion du sang de Dieu pour nous; l'adoption et les autres bienfaits n'égalent pas ce sacrifice de son propre fils (cf. Rm Rm 8,32); c'est une grande chose que d'être déchargés de ses péchés; mais que cela s'opère par le sang du Seigneur, voilà ce qui est grand surtout" (ibid. n. 14).

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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les séminaristes du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, les élèves des Maisons d’éducation de la Légion d’Honneur, ainsi que les pèlerins de la province ecclésiastique de Paris, notamment le collège Stanislas. Que votre pèlerinage à Rome vous fasse entrer toujours plus profondément dans le mystère de l’Église, née du coeur de Dieu, pour manifester à toutes les nations son amour et son salut!




Mercredi 10 mars 2004: Ps 19 Prière pour la victoire du Roi Messie

10034 Lecture: (Ps 19,2-5 Ps 19,7 Ps 19,10)

1. L'invocation finale: «Yahvé, sauve le roi, réponds-nous au jour de notre appel» (Ps 19,10), nous révèle l'origine du Psaume 19, que nous venons d'entendre et sur lequel nous méditerons à présent. Nous sommes donc en présence d'un Psaume royal de l'antique Israël, proclamé dans le temple de Sion au cours d'un rite solennel. Dans celui-ci, on invoque la bénédiction divine sur le souverain, en particulier «au jour d'angoisse» (Ps 19,2), c'est-à-dire au moment où la nation tout entière est en proie à une profonde angoisse due au cauchemar d'une guerre. On évoque, en effet, les chars et les chevaux (cf. Ps Ps 19,8) qui semblent avancer à l'horizon; le roi et le peuple leur opposent leur confiance dans le Seigneur, qui se range du côté des faibles, des opprimés, des victimes de l'arrogance des conquérants.

Il est facile de comprendre comment la tradition chrétienne a transformé ce Psaume en un hymne au Christ-Roi, le «consacré» par excellence, «le Messie» (cf. Ps Ps 19,7). Il entre dans le monde sans armées, mais avec la puissance de l'Esprit et lance l'attaque définitive contre le mal et la prévarication, contre la violence et l'orgueil, contre le mensonge et l'égoïsme. A nos oreilles retentissent en arrière-fond les paroles que le Christ prononce en s'adressant à Pilate, emblème du pouvoir impérial terrestre: «Je suis roi. Je ne suis né, et je ne suis venu dans le monde, que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix» (Jn 18,37).

2. En examinant la trame de ce Psaume, nous nous apercevons qu'elle révèle en filigrane une liturgie célébrée dans le temple hiérosolomytain. En effet, sur scène apparaît l'assemblée des fils d'Israël qui prient pour le roi, chef de la nation. En ouverture, on entrevoit même un rite sacrificiel, dans la ligne des divers sacrifices et holocaustes offerts par le souverain au «Dieu de Jacob» (Ps 19,2), qui n'abandonne pas «son consacré» (Ps 19,7), mais le protège et le soutient.

La prière est profondément marquée par la conviction que le Seigneur est la source de la sécurité: il va à la rencontre du désir confiant du roi et de toute la communauté à laquelle il est lié par le lien de l'alliance. Le climat est, certes, celui d'un événement belliqueux, avec toutes les peurs et les risques qu'il suscite. La Parole de Dieu n'apparaît pas alors comme un message abstrait, mais comme une voix qui répond aux petits et aux grands malheurs de l'humanité. C'est pourquoi le Psaume reflète le langage militaire et l'atmosphère qui règne sur Israël en temps de guerre (cf. Ps Ps 19,6), s'adaptant ainsi aux sentiments de l'homme en difficulté.

3. Dans le texte du Psaume, le verset (Ps 19,7) marque un changement radical. Alors que les versets précédents expriment implicitement des requêtes adressées à Dieu (cf. Ps Ps 19,2-5), le verset 7 affirme la certitude d'avoir été exaucé: «Maintenant, je connais que Yahvé donne le salut à son messie, des cieux de sainteté il lui répondra». Il n'est pas précisé dans le Psaume à partir de quel signe on est parvenu à le savoir.

Il exprime cependant nettement un contraste entre la position des ennemis, qui comptent sur la force matérielle de leurs chars et de leurs chevaux, et la position des Israélites, qui placent leur confiance en Dieu et qui sont donc victorieux. La pensée se tourne vers la célèbre scène de David et de Goliath: le jeune juif oppose aux armes et à la violence du guerrier philistin l'invocation du nom du Seigneur, qui protège les faibles et ceux qui sont sans défense. David dit en effet à Goliath: «Tu marches contre moi avec épée, lance et cimeterre, mais moi, je marche contre toi au nom de Yahvé Sabaot... ce n'est pas par l'épée ni par la lance que Yahvé donne la victoire, car Yahvé est maître du combat» (1S 17,45 1S 17,47).

4. Le Psaume, malgré son caractère historique concret profondément lié à la logique de la guerre, peut devenir une invitation à ne jamais se laisser fasciner par l'attraction de la violence.

Isaïe s'exclamait lui aussi: «Malheur à ceux qui... comptent sur les chevaux, mettent leur confiance dans les chars, car ils sont nombreux, et dans les cavaliers, car ils sont très forts. Ils ne se sont pas tournés vers le Saint d'Israël, ils n'ont pas consulté Yahvé» (Is 31,1).

A chaque forme de méchanceté, le juste oppose la foi, la bienveillance, le pardon, l'offre de paix. L'Apôtre Paul demandera aux chrétiens de vivre: «sans rendre à personne le mal pour le mal, ayant à coeur ce qui est bien devant tous les hommes» (Rm 12,17). Et l'historien de l'Eglise des premiers siècles, Eusèbe de Césarée (III-IV siècle), en commentant notre Psaume, tournera également son regard vers le mal de la mort que le chrétien sait pouvoir vaincre par l'oeuvre du Christ: «Toutes les puissances adverses et les ennemis de Dieu cachés et invisibles, mis en fuite par le Sauveur lui-même, tomberont. Mais tous ceux qui auront reçu le salut, renaîtront de leur antique ruine. C'est pourquoi Syméon disait: “Il est ici pour la chute et le relèvement d'un grand nombre”, c'est-à-dire pour la ruine de ses adversaires et de ses ennemis et pour la résurrection de ceux qui étaient autrefois tombés, mais qu'il a à présent ressuscités» ().
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier le groupe de prêtres de Montréal, et les jeunes de Vaugneray. Puisse votre séjour à Rome être une occasion de grandir dans la foi, la confiance et l’espérance dans le Christ.



Mercredi 17 mars 2004: Ps 20 Action de grâce pour la victoire du Roi Messie

17034 Lecture: (Ps 20,2-5 Ps 20,8 Ps 20,14)

1. Dans le Psaume 20, la liturgie des Vêpres a isolé le passage que nous venons d'entendre, en omettant une autre partie qui consiste en une imprécation (c. Ps 20,9-13). La partie conservée parle, au passé et au présent, des faveurs accordées par Dieu au roi, alors que la partie omise parle, au futur, de la victoire du roi sur ses ennemis.

Le texte qui est l'objet de notre méditation (cf. Ps Ps 20,2-8 Ps Ps 20,14) appartient au genre des Psaumes royaux. Au centre se trouve donc l'oeuvre de Dieu au profit du souverain juif, représenté peut-être ici le jour solennel de son intronisation. Au début (cf. Ps Ps 20,2) et à la fin (cf. Ps Ps 20,14) semble comme retentir une acclamation de toute l'assemblée, alors que le coeur de l'hymne possède le ton d'un chant de gratitude, que le Psalmiste adresse à Dieu pour les faveurs accordées au roi: "bénédictions de choix" (Ps 20,4), "longueur de jours" (Ps 20,5), "gloire" (Ps 20,6) et "bonheur" (Ps 20,7).

Il est facile de comprendre que l'on donna à ce chant - comme cela s'est produit pour les autres Psaumes royaux du Psautier - une nouvelle interprétation lorsque la monarchie disparut en Israël. Dans le judaïsme, il devint déjà un hymne en l'honneur du Roi Messie: c'est ainsi que s'ouvrait la voie à l'interprétation christologique, qui est précisément celle adoptée par la liturgie.

2. Mais jetons tout d'abord un regard sur le texte dans son sens originel. On respire une atmosphère joyeuse, remplie de chants, en raison du caractère solennel de l'événement: "En ta force, Yahvé, le roi se réjouit; combien ton salut le comble d'allégresse!... Nous chanterons, nous jouerons pour ta vaillance" (Ps 20,2 Ps 20,14). Les dons de Dieu au souverain sont ensuite énumérés: Dieu a exaucé ses prières (cf. v. 3), il lui place une couronne d'or sur la tête (cf. Ps Ps 20,4). La splendeur du roi est liée à la lumière divine qui l'enveloppe comme un manteau protecteur: "Tu as mis sur lui le faste et l'éclat" (Ps 20,6).

Au Proche-Orient, dans l'antiquité, on pensait que le roi était entouré d'un halo lumineux, qui prouvait sa participation à l'essence même de la divinité. Pour la Bible, naturellement, le souverain est bien le "fils" de Dieu (cf. Ps Ps 2,7), mais seulement au sens métaphorique et d'adoption. Il doit alors être le lieutenant du Seigneur dans la sauvegarde de la justice. C'est précisément pour cette mission que Dieu l'entoure de sa lumière bénéfique et de sa bénédiction.

3. La bénédiction est un thème important de ce bref hymne: "Car tu l'as prévenu de bénédictions de choix... tu l'établis en bénédiction pour toujours" (Ps 20,4 Ps 20,7). La bénédiction est un signe de la présence divine qui agit chez le roi, qui devient ainsi un reflet de la lumière de Dieu au milieu de l'humanité.

La bénédiction, dans la tradition biblique, comprend également le don de la vie qui est précisément répandu sur le consacré: "Tu lui as accordé la vie qu'il demandait, longueur de jours, encore et à jamais" (Ps 20,5). Le prophète Nathan avait lui aussi assuré à David cette bénédiction, source de stabilité, de subsistance et de sécurité, et David avait prié ainsi: "Consens donc à bénir la maison de ton serviteur, pour qu'elle demeure toujours en ta présence. Car c'est toi, Seigneur Yahvé, qui as parlé, et par ta bénédiction la maison de ton serviteur sera bénie à jamais!" (2S 7,29).

4. En récitant ce Psaume, nous voyons se profiler derrière le portrait du roi juif le visage du Christ, roi messianique. Il est le "reflet resplendissant de la gloire" du Père (He 1,3). Il est le Fils au sens plein et, donc, la présence parfaite de Dieu au milieu de l'humanité. Il est lumière et vie, comme le proclame saint Jean dans le prologue de son Evangile: "Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes" (Jn 1,4).

Dans cette esprit, saint Irénée, Evêque de Lyon, commentant le Psaume, appliquera le thème de la vie (cf. Ps Ps 20,5) à la résurrection du Christ: "Pour quel motif le Psalmiste dit-il: "Il t'a demandé la vie", alors que le Christ allait mourir? Le Psalmiste annonce donc sa résurrection d'entre les morts et que, du fait de sa résurrection d'entre les morts, il est immortel. En effet, il a pris vie pour ressusciter, et une longue période de temps dans l'éternité pour être incorruptible" (Commentaire de la prédication apostolique, 72, Milan 1979, p. 519).

Sur la base de cette certitude, le chrétien cultive également en lui l'espérance dans le don de la vie éternelle.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier l’école Sainte-Marie, de Neuilly. Que le Christ Sauveur, qui est la lumière et la vie, vous donne de poursuivre avec courage votre marche vers Pâques, maintenant vive en vos coeurs l’espérance de la vie éternelle que vous avez reçue au Baptême !



Mercredi 24 mars 2004

24034
1. Nous célébrerons demain la solennité de l'Annonciation, qui nous fait contempler l'Incarnation du Verbe éternel fait homme dans le sein de Marie. Le "oui" de la Vierge a ouvert les portes à la réalisation du dessein salvifique du Père céleste, un dessein de Rédemption pour tous les hommes.

Cette fête qui, cette année, tombe au coeur du Carême, nous ramène, d'une part, aux débuts du salut, et, de l'autre, nous invite à tourner le regard vers le Mystère pascal. Regardons le Christ crucifié qui a racheté l'humanité en accomplissant jusqu'au bout la volonté du Père. Sur le Calvaire, aux derniers instants de sa vie, Jésus nous a confié Marie comme mère et il nous a remis à Elle comme ses enfants.

Associée au Mystère de l'Incarnation, la Madone est coparticipante au Mystère de la Rédemption. Son "Fiat", que nous rappellerons demain, est l'écho de celui du Verbe incarné. En harmonie intime avec le Fiat du Christ et de la Vierge, chacun de nous est appelé à unir son propre "oui" aux desseins mystérieux de la Providence. En effet, ce n'est que de la pleine adhésion aux volontés divines que naissent cette joie et cette paix véritable que nous souhaitons tous ardemment pour notre époque également.

2. A la veille de cette fête, à la fois christologique et mariale, ma pensée se tourne vers certains moments significatifs du début de mon Pontificat: le 8 décembre 1978, à Sainte-Marie-Majeure, lorsque j'ai confié l'Eglise et le monde à la Madone; le 4 juin de l'année suivante, lorsque j'ai renouvelé cet acte de consécration au Sanctuaire de Jasna Gorá. Je pense en particulier au 25 mars 1984, Année Sainte de la Rédemption. Vingt années se sont écoulées depuis ce jour, lorsque sur la Place Saint-Pierre, en union spirituelle avec tous les Evêques du monde, précédemment "convoqués", j'ai voulu confier l'humanité tout entière au Coeur Immaculé de Marie, répondant à ce que Notre-Dame avait demandé à Fatima.

3. L'humanité vivait alors des moments difficiles, de grande préoccupations et d'incertitude. A vingt ans de distance, le monde reste encore marqué de façon effrayante par la haine, la violence, le terrorisme et la guerre. Parmi les nombreuses victimes que l'actualité de chaque jour enregistre, il y a de nombreuses personnes sans défense, frappées alors qu'elles accomplissent leur devoir. Aujourd'hui, Journée consacrée au souvenir et à la prière pour les "Missionnaires martyrs", nous nous devons de rappeler la mémoire des prêtres, des personnes consacrées et des fidèles laïcs décédés en terre de mission au cours de l'année 2003. Tant de sang continue à être versé dans de nombreuses régions du monde. Il est urgent que les hommes ouvrent leur coeur à un effort courageux de compréhension réciproque. L'attente de justice et de paix dans toutes les parties de la terre devient toujours plus grande. Comment répondre à cette soif d'espérance et d'amour si ce n'est en ayant recours au Christ, à travers Marie? Je répète aujourd'hui la supplique à la Sainte Vierge que je lui ai adressée à l'époque:

"Nous t'invoquons, Ô Vierge Sainte, pour que se révèle, une fois encore, dans l'histoire du monde l'infinie puissance salvifique de la Rédemption: la puissance de l'Amour miséricordieux! Que la Miséricorde de Dieu arrête le mal et transforme les consciences. Que dans ton Coeur immaculé se dévoile pour tous la lumière de l'espérance!".
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents ce matin, en particulier les jeunes des écoles Madeleine Daniélou de Neuilly et de Rueil-Malmaison, les séminaristes du Séminaire Saint Jean-Marie Vianney, d’Ars, accompagnés de leur évêque, Mgr Guy Bagnard, ainsi que les pèlerins du diocèse de Sion, en Suisse. Que votre pèlerinage à Rome soutienne votre chemin de conversion, pour accueillir avec un coeur renouvelé la joie de la Résurrection !



Mercredi 31 mars 2004: AP 4-5 L'Hymne des rachetés

31034 Lecture: (Ap 4,11 Ap 5,9 Ap 5,10 Ap 5,12)

1. Le Cantique que nous venons d'écouter et sur lequel nous méditerons à présent, appartient à la Liturgie des Vêpres, dont nous commentons progressivement les Psaumes au cours de nos catéchèses hebdomadaires. Comme cela se produit souvent dans la pratique liturgique, certaines compositions de prière naissent du rapprochement synthétique de fragments bibliques appartenant à de plus vastes pages.

Dans notre cas ont été utilisés plusieurs versets des chapitres 4 et 5 de l'Apocalyspe, dans lesquels se dessine une scène céleste glorieuse et grandiose. En son centre s'élève un trône sur lequel est assis Dieu lui-même, dont le nom n'est pas prononcé par révérence (cf. Ap Ap 4,2). Sur ce trône s'assoit ensuite un Agneau, symbole du Christ ressuscité: on parle, en effet, d'un "Agneau comme égorgé", mais "debout", vivant et glorieux (Ap 5,6).

Autour de ces deux figures divines s'étend le choeur de la cour céleste, représentée par "quatre vivants" (Ap 4,6), qui évoquent peut-être les anges de la présence divine aux points cardinaux de l'univers, et par "vingt-quatre vieillards" (Ap 4,4), en grec presbyteroi, c'est-à-dire les chefs de la communauté chrétienne, dont le nombre rappelle les douze tribus d'Israël et les douze apôtres, c'est-à-dire la synthèse de la première et de la nouvelle alliance.

2. Cette assemblée du Peuple de Dieu entonne un hymne au Seigneur en en exaltant l'"honneur, la gloire et la puissance", qui se sont manifestés dans l'acte de la création de l'univers (cf. Ap Ap 4,11). C'est alors qu'est introduit un symbole d'une importance particulière, en grec un biblíon, c'est-à-dire un "livre", qui est cependant complétement inaccessible: en effet, Sept sceaux en empêchent la lecture (cf. Ap Ap 5,1).

Il s'agit donc d'une prophétie cachée. Ce livre contient toute la série des décrets divins qui doivent être réalisés dans l'histoire humaine pour y faire régner la justice parfaite. Si le livre demeure scellé, ces décrets ne peuvent être ni connus, ni réalisés, et la méchanceté continuera à sa propager et à opprimer les croyants. Voilà, alors, la nécessité d'une intervention faisant autorité: l'artisan en sera précisément l'Agneau immolé et ressuscité. Il pourra "prendre le livre et en ouvrir les sceaux" (cf. Ap Ap 5,9).

C'est le Christ qui est le grand interprète et le seigneur de l'histoire, le révélateur du fil secret de l'action divine qui se déroule à travers celle-ci.

3. L'hymne poursuit en indiquant quelle est la base du pouvoir du Christ sur l'histoire. Cette base n'est autre que son mystère pascal (cf. Ap Ap 5,9-10): le Christ a été "immolé" et, par son sang, il a "racheté" toute l'humanité du pouvoir du mal. Le verbe "racheter" renvoie à l'Exode, à la libération d'Israël de l'esclavage égyptien. Pour la législation antique, le devoir de rachat incombait au parent le plus proche. Dans le cas du peuple, il s'agissait de Dieu lui-même qui appelait Israël, son "premier-né" (Ex 4,22).

Le Christ accomplit ensuite cette oeuvre pour toute l'humanité. La rédemption qu'il a opérée n'a pas seulement la fonction de nous racheter de notre passé de mal, de guérir les blessures et de soulager nos misères. Le Christ nous donne un nouvel être intérieur, il nous rend prêtres et rois, nous faisant participer à sa propre dignité.

Faisant allusion aux paroles que Dieu avait prononcées sur le Sinaï (cf. Ex Ex 19,6 Ap 1,6), l'hymne répète que le Peuple de Dieu racheté est constitué de rois et de prêtres qui doivent guider et sanctifier la création tout entière. Il s'agit d'une consécration qui trouve ses racines dans la Pâque du Christ et qui se réalise dans le baptême (cf. 1P 1P 2,9). Il en découle un appel à l'Eglise, afin qu'elle prenne conscience de sa dignité et de sa mission.

4. La tradition chrétienne a constamment appliqué au Christ l'image de l'Agneau pascal. Ecoutons les paroles d'un Evêque du II siècle, Méliton de Sardes, une ville d'Asie mineure, qui s'exprime ainsi dans son Homélie pascale: "Le Christ vint des cieux sur la terre par amour pour l'humanité souffrante, il se revêtit de notre humanité dans le sein de la Vierge et naquit comme homme... C'est lui qui fut emporté comme un agneau et égorgé comme un agneau, et nous racheta ainsi de l'esclavage du monde... C'est lui qui nous mena de l'esclavage à la liberté, des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de l'oppression à une royauté éternelle; et qui fit de nous un sacerdoce nouveau et un peuple élu pour toujours... C'est lui l'agneau muet, l'agneau égorgé, le fils de Marie, agnelle sans tache. Il fut emporté du troupeau, conduit à mort, immolé vers le soir, enseveli dans la nuit" (nn. 66-71: SC 123, pp. 96-100).

A la fin, le Christ lui-même, l'Agneau immolé, adresse son appel à tous les peuples: "Venez donc, vous, toutes les races des hommes qui êtes sous l'emprise du péché, et recevez la rémission des péchés. En effet, c'est moi qui suis la rémission de vos péchés, moi la Pâque de salut, moi l'agneau immolé pour vous, moi votre rachat, moi votre voie, moi votre résurrection, moi votre lumière, moi votre salut, moi votre roi. C'est moi qui vous conduis dans les hauteurs des cieux, moi qui vous montrerai le Père qui existe de toute éternité, moi qui vous ressusciterai avec ma droite" (n. 103: ibid., p. 122).
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents ce matin, en particulier les jeunes du Séminaire Collège Sainte Marie de Fort-de-France, les élèves de l’Institution Jeanne d’Arc de Colombes, et du Centre Madeleine Daniélou de Rueil. Puisse votre séjour à Rome faire grandir en vous l’amour du Christ et de l’Église!




Catéchèses S. J-Paul II 40204