Catéchèses S. J-Paul II 7044

Mercredi 7 avril 2004

7044   1. Jésus Christ "s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort et à la mort sur une croix... Aussi Dieu l'a-t-il exalté" (Ph 2,8-9). Nous venons d'écouter ces paroles de l'hymne contenu dans la Lettre aux Philippiens.Celles-ci nous présentent, de façon essentielle et efficace, le mystère de la passion et de la mort de Jésus; dans le même temps, elles nous font entrevoir la gloire de la Pâque de résurrection. Elles constituent donc une méditation d'introduction aux célébrations du Triduum pascal, qui commence demain.

2. Très chers frères et soeurs, nous nous apprêtons à revivre au cours des prochains jours le grand mystère de notre salut. Demain matin, Jeudi saint, dans chaque communauté diocésaine l'Evêque, entouré de son presbyterium, célèbre la Messe Chrismale, au cours de laquelle les huiles sont bénites: l'huile des catéchumènes, celle des malades et le saint Chrême. Au cours de la soirée, on rappelle la mémoire de la Dernière Cène avec l'institution de l'Eucharistie et du sacerdoce. Le "lavement des pieds" rappelle que, à travers ce geste accompli par Jésus au Cénacle, Il a anticipé le Sacrifice suprême du Calvaire, et il nous a laissé comme loi nouvelle "mandatum novum", son amour. Selon une pieuse tradition, après les rites de la Messe in Cena Domini, les fidèles s'arrêtent en adoration devant l'Eucharistie jusqu'à tard dans la nuit. Il s'agit d'une veillée de prière singulière, qui est liée à l'agonie du Christ au Gethsémani.

3. Le Vendredi saint, l'Eglise fait mémoire de la passion et de la mort du Seigneur. L'assemblée chrétienne est invitée à méditer sur le mal et le péché qui oppriment l'humanité et sur le salut opéré par le sacrifice rédempteur du Christ. La Parole de Dieu et plusieurs rites liturgiques suggestifs, comme l'adoration de la Croix, aident à reparcourir les diverses étapes de la Passion. En outre, la tradition chrétienne a donné vie, au cours de ces journées, à diverses manifestations de piété populaire. Parmi celles-ci apparaissent en particulier les processions pénitentielles du Vendredi saint et le pieux exercice de la "Via Crucis", qui permettent de mieux intérioriser le mystère de la Croix.

Un grand silence caractérise le Samedi saint. En effet, aucune liturgie particulière n'est prévue en ce jour d'attente et de prière. Dans les églises tout est silence, alors que les fidèles, imitant Marie, se préparent au grand événement de la Résurrection.

4. Le Samedi saint, à la tombée du jour, commence la Vigile pascale solennelle, la "mère de toutes les veillées". Après la bénédiction du nouveau feu, le cierge pascal est allumé, symbole du Christ qui illumine chaque homme, et la grande annonce de l'Exsultet retentit joyeusement. La communauté ecclésiale, se plaçant à l'écoute de la Parole de Dieu, médite la grande promesse de la libération définitive de l'esclavage du péché et de la mort. Suivent alors les rites du Baptême et de la Confirmation pour les catéchumènes, qui ont parcouru un long itinéraire de préparation.

L'annonce de la résurrection fait irruption dans l'obscurité de la nuit et toute la réalité chrétienne se relève du sommeil de la mort, pour reconnaître le pouvoir du Christ, comme le souligne l'hymne paulinien dont nos réflexions tirent leur origine: "Pour que tout, au nom de Jésus, s'agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, de Jésus Christ qu'il est Seigneur" (Ph 2,10-11).

5. Très chers frères et soeurs, ces journées sont plus que jamais l'occasion de rendre plus vive la conversion de notre coeur à Celui qui, par amour, est mort pour nous.

Laissons Marie, la Vierge fidèle, nous accompagner; avec Elle nous nous arrêtons au Cénacle et nous demeurons aux côtés de Jésus sur le Calvaire, pour le rencontrer enfin ressuscité le jour de Pâques.

Avec ces sentiments et ces souhaits, je forme les voeux les plus cordiaux d'heureuse et sainte Pâques à vous tous ici présents, à vos communautés et à tous vos proches.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier la communauté de l’Arche du Sénevé, le collège Charles de Foucauld, de Lyon, ainsi que les pèlerins d’Abidjan. Demeurez avec Marie au Cénacle; tenez-vous avec elle près de Jésus au Calvaire, pour le reconnaître, ressuscité, le jour de Pâques. Joyeuses Pâques à tous !



Mercredi 14 avril 2004 Rencontrer le Christ crucifié et ressuscité afin de devenir des artisans de sa miséricorde et de sa paix

14044 1. La Séquence pascale reprend et relance l'annonce d'espérance qui a retenti au cours de la Veillée pascale solennelle: "Le Seigneur de la vie était mort; désormais, vivant, il triomphe". Ces paroles guident la réflexion au cours de notre rencontre, qui prend place dans l'atmosphère lumineuse de l'Octave de Pâques.

Le Christ triomphe du mal et de la mort. Tel est le cri de joie qui, au cours de ces journées, jaillit au coeur de l'Eglise. Vainqueur de la mort, Jésus fait don de la vie qui ne meurt plus à ceux qui l'accueillent et croient en Lui. Sa mort et sa résurrection constituent donc le fondement de la foi de l'Eglise.

2. Les récits évangéliques rapportent, parfois avec une grande richesse de détails, les rencontres du Seigneur ressuscité avec les femmes qui étaient accourues au sépulcre et, ensuite, avec les Apôtres. En tant que témoins oculaires, ce seront précisément eux qui proclameront les premiers l'Evangile de sa mort et de sa résurrection. Après la Pentecôte, sans crainte, ils affirmeront qu'en Jésus de Nazareth se sont accomplies les Ecritures concernant le Messie promis.

L'Eglise, dépositaire de ce mystère universel de salut, le transmet de génération en génération aux hommes et aux femmes de chaque époque et de chaque lieu. A notre époque également, il est nécessaire que, grâce à l'engagement des croyants, retentisse avec vigueur l'annonce du Christ mort, qui, par la force de son Esprit, est à présent vivant et triomphe.

3. Afin que les chrétiens puissent pleinement accomplir ce mandat qui leur est confié, il est indispensable qu'ils rencontrent personnellement le Crucifié ressuscité et qu'ils se laissent transformer par la puissance de son amour. Lorsque cela se produit, la tristesse se transforme en joie, la crainte cède la place à l'ardeur missionnaire.

L'évangéliste Jean nous raconte, par exemple, la rencontre émouvante du Ressuscité avec Marie-Madeleine qui, étant venue de bonne heure, trouve le sépulcre ouvert et vide. Elle craint que le corps du Seigneur n'ait été enlevé, et se met à pleurer sans trouver de réconfort. Mais à l'improviste quelqu'un, qu'elle avait tout d'abord pris pour le "jardinier", l'appelle par son nom: "Marie!".Elle le reconnaît alors comme le Maître - "Rabbouni" - et, ayant rapidement surmonté sa tristesse et son désarroi, elle court immédiatement apporter avec enthousiasme cette annonce aux Onze: "J'ai vu le Seigneur" (cf. Jn
Jn 20,11-18).

4. "Christ, mon espérance, est ressuscité". A travers ces paroles, la Séquence souligne un aspect du mystère pascal, que l'humanité d'aujourd'hui a besoin de comprendre en profondeur. Marqués par des menaces de violence et de mort imminentes, les hommes sont à la recherche de quelqu'un qui leur apporte la sérénité et la sécurité. Mais où trouver la paix si ce n'est dans le Christ, l'innocent, qui a réconcilié les pécheurs avec le Père?

Sur le Calvaire, la miséricorde divine a manifesté son visage d'amour et de pardon pour tous. Dans le Cénacle, après sa résurrection, Jésus a confié aux Apôtres la tâche d'être des ministres de cette miséricorde, source de réconciliation entre les hommes.

Sainte Faustine Kowalska a été choisie dans son humilité pour annoncer ce message de lumière, particulièrement adapté au monde d'aujourd'hui. Il s'agit d'un message d'espérance, qui invite à s'abandonner entre les mains du Seigneur. "Jésus, je m'en remets à Toi!", aimait à répéter la sainte.

Que Marie, Femme de l'Espérance et Mère de miséricorde, nous permette de rencontrer personnellement son Fils mort et ressuscité. Qu'Elle nous transforme en artisans inlassables de sa miséricorde et de sa paix.
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J’accueille avec joie les pèlerins de langue française, en particulier les séminaristes de Lorraine, les jeunes d’Aix-en-Provence, d’Égletons et de Belfort, ainsi que les Béninois. Puissiez-vous trouver dans le mystère de Pâques la force pour une vie quotidienne renouvelée à la suite du Ressuscité ! À tous, j’accorde une affectueuse Bénédiction apostolique.



Mercredi 21 avril 2004

21044 Chers Frères et Soeurs,

Notre parcours à travers la liturgie des Vêpres reprend aujourd’hui avec le Psaume 26. La première partie du Psaume, que nous méditons, est marquée d’une grande sérénité, fondée sur la confiance en Dieu dans l’adversité. La vie du croyant est souvent soumise aux tensions et aux contestations, parfois aussi au refus et même à la persécution. Le fidèle est conscient que la cohérence de sa foi peut entraîner l’isolement et le conduire jusqu’au mépris et à l’hostilité, dans une société qui met en avant la promotion personnelle, le succès extérieur, la richesse, la jouissance effrénée. Mais il n’est pas seul et son coeur garde une surprenante paix intérieure. Il sait que le Seigneur lui donne la paix qui le protège du mal. La communion avec Dieu est source de sérénité, de joie et de tranquillité.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les pèlerins du diocèse de Poitiers, accompagnés de leur Évêque, Monseigneur Albert Rouet, le pèlerinage du magazine «le Pèlerin», le groupe des servants d’autel et tous les jeunes présents à cette audience. Puisse votre séjour à Rome être une occasion de grandir dans la foi et la confiance dans le Christ Ressuscité !



Mercredi 28 avril 2004 Ps 26 Confiance en Dieu dans les situations de danger

26044
Lecture: (Ps 26,1 Ps 26,3-4)

1. Notre itinéraire à travers la liturgie des Vêpres reprend aujourd'hui avec le Psaume 26, que la liturgie divise en deux passages différents. Nous suivrons à présent la première partie de ce diptyque poétique et spirituel (cf. Ps Ps 26,1-6) qui a pour toile de fond le temple de Sion, siège du culte d'Israël. En effet, le Psalmiste parle explicitement de "maison de Yahvé", de "sanctuaire" (Ps 26,4), de "refuge, demeure, maison" (cf. Ps Ps 26,5-6). Dans l'original hébreu, ces termes indiquent d'ailleurs plus précisément le "tabernacle" et la "tente", c'est-à-dire le coeur même du temple, où le Seigneur se révèle à travers sa présence et sa parole. On évoque également le "roc" de Sion (cf. Ps Ps 26,5), lieu sûr permettant de se réfugier, et l'on fait allusion à la célébration des sacrifices d'action de grâce (cf. Ps Ps 26,6).

Si la liturgie est donc l'atmosphère spirituelle dans laquelle baigne le Psaume, le fil conducteur de la prière est la confiance en Dieu, que ce soit dans les moments de joie ou dans les moments de peur.

2. La première partie du Psaume, que nous méditons à présent, est marquée par une grande sérénité, fondée sur la confiance en Dieu le jour sombre de l'assaut des méchants. Les images utilisées pour décrire ces adversaires, qui sont le signe du mal qui corrompt l'histoire, sont de deux types. D'une part, il semble qu'il y ait l'image d'une chasse féroce: les méchants sont comme des fauves qui avancent pour saisir leur proie et en arracher la chair, mais ils trébuchent et tombent (cf. Ps Ps 26,2). De l'autre côté, on trouve le symbole militaire d'un assaut accompli par une armée tout entière: c'est une bataille qui éclate de façon impétueuse, semant la terreur et la mort (cf. Ps Ps 26,3).

La vie du croyant est souvent soumise à des tensions et à des contestations, parfois également à un refus, voire la persécution. Le comportement de l'homme juste dérange, parce qu'il retentit comme un avertissement à l'égard des violents et des pervers. Les impies décrits par le Livre de la Sagesse le reconnaissent de façon tout à fait franche: le juste "est devenu un blâme pour nos pensées, sa vue même nous est à charge; car son genre de vie ne ressemble pas aux autres, et ses sentiers sont tout différents" (Sg 2,14-15).

3. Le fidèle est conscient que la cohérence crée un isolement et provoque même le mépris et l'hostilité dans une société qui choisit souvent comme bannière l'intérêt personnel, le succès extérieur, la richesse, la jouissance effrénée. Toutefois, il n'est pas seul et son coeur conserve une paix intérieure surprenante, car - comme le dit la splendide "antienne" d'ouverture du Psaume - "Yahvé est ma lumière et mon salut, il est le rempart de la vie du juste" (cf. Ps Ps 26,1). Il répète sans cesse: "De qui aurais-je crainte?... Devant qui tremblerais-je?... mon coeur est sans crainte... j'ai là ma confiance" (Ps 26,1 Ps 26,3).

Il nous semble presque entendre la voix de saint Paul qui proclame: "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?" (Rm 8,31). Mais le calme intérieur, la force d'âme et la paix sont un don qui s'obtient en se réfugiant dans le temple, c'est-à-dire en ayant recours à la prière personnelle et communautaire.

4. L'orant, en effet, se confie à l'étreinte de Dieu et son rêve est exprimé également dans un autre Psaume (cf. Ps Ps 22,6): "Ma demeure est la maison de Yahvé en la longueur des jours". Là il pourra "savourer la douceur de Yahvé" (Ps 26,4), contempler et admirer le mystère divin, participer à la liturgie sacrificielle et élever ses louanges au Dieu libérateur (cf. Ps Ps 26,6). Le Seigneur crée autour de son fidèle un horizon de paix, qui laisse à l'extérieur le fracas du mal. La communion avec Dieu est source de sérénité, de joie, de tranquillité; comme si l'on entrait dans une oasis de lumière et d'amour.

5. Pour terminer notre réflexion, écoutons à présent les paroles du moine Isaïe, d'origine syrienne, qui vécut dans le désert égyptien et qui mourut à Gaza vers 491. Dans son Asceticon, il applique notre Psaume à la prière qu'il faut prononcer face à la tentation: "Si nous voyons les ennemis nous entourer de leur malice, c'est-à-dire de la paresse, que ce soit parce qu'ils affaiblissent notre âme dans le plaisir, ou parce que nous ne contenons pas notre colère contre notre prochain lorsqu'il agit contre son devoir, ou bien s'ils troublent nos yeux pour les conduire à la concupiscence, ou s'ils veulent nous conduire à goûter les plaisirs de la table, s'ils transforment en venin la parole du prochain, s'ils nous font mépriser la parole d'autrui, s'ils nous poussent à établir des différences entre nos frères en disant: "Celui-ci est bon, celui-là est méchant": si, donc, toutes ces choses nous entourent, ne perdons pas courage, mais exclamons-nous plutôt comme David, d'un coeur ferme: "Yahvé est le rempart de ma vie!" (Ps 26,1)".
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, notamment le groupe de confirmands de Reims, le collège Notre-Dame des Minimes, de Lyon, ainsi que tous les jeunes. Que votre pèlerinage à Rome vous fasse chercher avec persévérance le visage du Seigneur, pour donner un vivant témoignage dans le service de vos frères !



Mercredi 5 mai 2004: COl 1 Le Christ fut engendré avant toute créature il est le premier-né de ceux qui ressuscitent d'entre les morts

50504 Lecture: (Col 1,3 Col 1,12-15 Col 1,17)

1. Nous venons d'entendre l'admirable hymne christologique de la Lettre aux Colossiens. La liturgie des Vêpres le propose pendant les quatre semaines au cours desquelles elle se déroule et l'offre aux fidèles comme un Cantique, en le présentant sous la forme que le texte possédait peut-être dès ses origines. En effet, un grand nombre de chercheurs considèrent que l'hymne pourrait être la citation d'un chant des Eglises de l'Asie mineure, inséré par Paul dans la Lettre adressée à la communauté chrétienne de Colosse, une ville alors florissante et peuplée.

L'Apôtre ne se rendit cependant jamais dans cette grande ville de Phrygie, une région de la Turquie actuelle. L'Eglise locale avait été fondée par l'un de ses disciples, originaire de cette terre, Epaphras. Ce dernier apparaît à la fin de la Lettre avec l'évangéliste Luc, "le cher médecin", comme l'appelle saint Paul (Col 4,14), et avec un autre personnage, Marc, "cousin de Barnabé" (4, 10), peut-être le compagnon homonyme de Barnabé et de Paul (cf. Ac Ac 12,25 Ac 13,5 Ac 13,13), ensuite devenu évangéliste.

2. Puisque nous aurons l'occasion de revenir à plusieurs reprises par la suite sur ce Cantique, nous nous contentons à présent d'en offrir une vue d'ensemble et d'évoquer un commentaire spirituel, élaboré par un célèbre Père de l'Eglise, saint Jean Chrysostome (IV siècle ap. J.C.), célèbre orateur et Evêque de Constantinople. Dans l'hymne apparaît la figure grandiose du Christ, Seigneur du cosmos. Comme la divine Sagesse créatrice, exaltée par l'Ancien Testament (cf. par exemple Pr 8,22-31), "il est avant toute chose et tout subsiste en lui"; ou encore, "c'est en lui qu'ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre" (Col 1,16-17).

Dans l'univers se réalise donc un dessein transcendant que Dieu accomplit à travers l'oeuvre de son Fils. C'est également ce que proclame le Prologue de l'Evangile de Jean, lorsqu'il affirme que "tout fut par lui, et sans lui rien de ne fut" (Jn 1,3). La matière, avec son énergie, la vie et la lumière portent aussi l'empreinte du Verbe de Dieu, "son Fils bien-aimé" (Col 1,13). La révélation du Nouveau Testament jette une lumière nouvelle sur les paroles du sage de l'Ancien Testament, qui déclarait que "la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur auteur" (Sg 13,5).

3. Le Cantique de la Lettre aux Colossiens présente une autre fonction du Christ: Il est également le Seigneur de l'histoire du salut, qui se manifeste dans l'Eglise (cf. Col Col 1,18) et qui s'accomplit dans le "sang de sa croix" (Col 1,20), source de paix et d'harmonie pour toute l'histoire humaine.

Ce n'est donc pas seulement le monde qui nous entoure qui est marqué par la présence agissante du Christ, mais également la réalité plus spécifique de la créature humaine, c'est-à-dire l'histoire. Celle-ci n'est pas en proie à des forces aveugles et irrationnelles mais, malgré le péché et le mal, elle est soutenue et orientée - par l'action du Christ - vers la plénitude. C'est ainsi qu'au moyen de la Croix du Christ, toute la réalité est "réconciliée" avec le Père (cf. Col Col 1,20).

L'hymne trace ainsi une merveilleuse fresque de l'univers et de l'histoire, en nous invitant à la confiance. Nous ne sommes pas des grains de poussière inutiles, dispersés dans un espace et un temps qui n'a pas de sens, mais nous sommes partie prenante d'un projet sage, jailli de l'amour du Père.

4. Comme nous l'avons annoncé, nous donnons à présent la parole à saint Jean Chrysostome, afin qu'il couronne cette réflexion. Dans son Commentaire à la Lettre aux Colossiens, il s'arrête longuement sur ce Cantique. Au début, il souligne la gratuité du don de Dieu "qui nous a mis en mesure de partager le sort des saints dans la lumière" (Col 1,12). "Pourquoi l'appelle-t-il "sort"?", se demande saint Jean Chrysostome, et il répond: "Pour montrer que personne ne peut obtenir le Royaume par ses propres oeuvres. Ici aussi, comme dans la plupart des cas, le "sort" a le sens de "chance". Personne n'a un comportement qui lui permet de mériter le Royaume, mais tout est don du Seigneur. C'est pourquoi il dit: "Lorsque vous avez accompli toutes choses, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles. Nous avons fait ce que nous devions faire"" ().

Cette gratuité bienveillante et puissante réapparaît plus loin, lorsque nous lisons qu'à travers le Christ ont été créées toutes choses (cf. Col Col 1,16). "De Lui dépend la substance de toute les choses - explique l'Evêque. Non seulement il les fit passer du non-être à l'être, mais c'est aussi lui qui les soutient, si bien que si elles étaient soustraites à sa providence, elles périraient et se dissoudraient... Elles dépendent de lui: en effet, le seul fait de pencher vers lui est suffisant à les soutenir et à les renforcer" ().

Ce que le Christ accomplit pour l'Eglise, dont il est la Tête, est à plus forte raison un signe d'amour gratuit. A ce point (cf. Col Col 1,18), explique saint Jean Chrysostome, "après avoir parlé de la dignité du Christ, l'Apôtre parle également de son amour pour les hommes: "Il est la tête du corps, la tête de l'Eglise", pour montrer son intime communion avec nous. En effet, Celui qui est aussi élevé et au-dessus de tous, s'est uni à ceux qui sont en bas" ().
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents ce matin, en particulier le groupe du Secours catholique du diocèse d’Ajaccio. Que le Christ ressuscité soit votre joie et votre paix, qu’il fasse de vous chaque jour les témoins de l’amour gratuit de Dieu pour tout homme !



Mercredi 12 mai 2004: Ps 29 Action de grâce pour la libération de la mort

12054 Lecture: (Ps 29,2-3 Ps 29,9 Ps 29,11-13)

1. Une intense et douce action de grâce s'élève vers Dieu du coeur de l'orant, une fois dissipé en lui le cauchemar de la mort. Tel est le sentiment qui ressort avec force du Psaume 29, qui vient de retentir non seulement à nos oreilles, mais sans aucun doute également dans nos coeurs.

Cet hymne de gratitude possède une grande finesse littéraire et repose sur une série de contrastes qui expriment de façon symbolique la libération obtenue du Seigneur. Ainsi, à la phrase "tu as tiré mon âme du shéol" s'oppose "me ranimant d'entre ceux qui descendent à la fosse" (Ps 29,4); la "colère d'un instant", manifestée par Dieu, est suivie de "sa faveur pour la vie" (Ps 29,6); aux "pleurs" du soir suit la "joie" du matin (ibid.); la "danse" succède au "deuil", le vêtement d'"allégresse" au "sac" revêtu en signe de deuil (Ps 29,12).

Une fois passée la nuit de la mort, naît donc l'aube d'un jour nouveau. C'est pourquoi la tradition chrétienne a lu ce Psaume comme un chant pascal. C'est ce qu'atteste la citation d'ouverture, que l'édition du texte liturgique des Vêpres reprend d'un grand auteur monastique du IV siècle, Jean Cassien: "Le Christ rend grâce au Père pour sa résurrection glorieuse".

2. L'orant s'adresse à plusieurs reprises au "Seigneur" - pas moins de huit fois -, que ce soit pour annoncer qu'il le louera (cf. Ps Ps 29,2 Ps 29,13), ou pour rappeler le cri lancé vers Lui au moment de l'épreuve (cf. Ps Ps 29,3 et Ps 29,9) et son intervention libératrice (cf. Ps Ps 29,2 Ps Ps 29,3 Ps Ps 29,4 Ps Ps 29,8 Ps Ps 29,12), ou encore pour invoquer à nouveau sa miséricorde (cf. Ps Ps 29,11). Dans un autre passage, l'orant invite les fidèles à chanter des hymnes au Seigneur pour Lui rendre grâce (cf. Ps Ps 29,5).

Les sensations oscillent constamment entre le souvenir terrible du cauchemar traversé et la joie de la libération. Certes, le danger auquel il a échappé est grave et réussit encore à faire frissonner; le souvenir de la souffrance passée est encore net et vif; les larmes n'ont été séchées des yeux que depuis peu. Mais désormais pointe l'aube d'un jour nouveau; la mort a laissé place à la perspective de la vie qui continue.

3. Le Psaume démontre ainsi que nous ne devons jamais nous laisser entraîner dans l'enchevêtrement obscur du désespoir, lorsqu'il semble que tout est désormais perdu. Bien sûr, il ne faut pas non plus tomber dans l'illusion que l'on peut se sauver tout seul, par ses propres moyens. En effet, le Psalmiste est tenté par l'orgueil et l'idée de se suffire à lui-même: "Moi, j'ai dit dans mon bonheur: Rien à jamais ne m'ébranlera!" (Ps 29,7).

Les Pères de l'Eglise se sont eux aussi arrêtés sur cette tentation qui s'insinue dans les moments de bien-être, et ils ont vu dans l'épreuve un rappel divin à l'humilité. C'est par exemple le cas de Fulgence, Evêque de Ruspe (467-532), dans son Epistola 3, adressée à la religieuse Proba, où il commente le passage du Psaume par ces mots: "Le Psalmiste confessait que parfois il s'enorgueillissait d'être sain, comme s'il s'agissait d'une de ses vertus, et qu'en cela il avait compris que se trouvait le danger d'une très grave maladie. Il dit en effet: ..."Moi, j'ai dit dans mon bonheur: Rien à jamais ne m'ébranlera!". Mais puisqu'en disant cela, il avait été abandonné par le soutien de la grâce divine et, troublé, était tombé dans la maladie, il poursuit en disant: "Yahvé, ta faveur m'a fixé sur de fortes montagnes; tu caches ta face, je suis bouleversé". En outre, pour montrer que l'aide de la grâce divine, bien qu'on la possède déjà, doit toutefois être invoquée humblement sans interruption, il ajoute encore: "Vers toi, Yahvé, j'appelle, à mon Dieu je demande pitié". Par ailleurs, personne n'élève sa prière et n'avance des requêtes sans reconnaître avoir commis des fautes, et personne ne considère pouvoir conserver ce qu'il possède en ne comptant que sur sa propre vertu" (Fulgence de Ruspe, Les lettres, Rome 1999, p. 113).

4. Après avoir confessé la tentation de l'orgueil qu'il a éprouvée au temps de sa prospérité, le Psalmiste rappelle l'épreuve qui a suivi, en disant au Seigneur: "Tu caches ta face, je suis bouleversé" (Ps 29,8).

L'orant rappelle alors de quelle manière il a imploré le Seigneur (cf. Ps Ps 29,9-11): il a crié, demandé de l'aide, supplié d'être préservé de la mort, en donnant comme raison que la mort n'apporte aucun avantage à Dieu, car les morts ne sont plus en mesure de louer Dieu et n'ont plus aucun motif de proclamer la fidélité à Dieu, ayant été abandonnés par lui.

Nous retrouvons la même argumentation dans le Psaume 87, dans lequel l'orant, proche de la mort, demande à Dieu: "Parle-t-on de ton amour dans la tombe, de ta vérité au lieu de perdition?" (Ps 87,12). De même, le roi Ezéchias, gravement malade puis guéri, disait à Dieu: "Ce n'est pas le shéol qui te loue, ni la mort qui te célèbre... Le vivant, le vivant lui seul te loue" (Is 38,18-19).

C'est ainsi que l'Ancien Testament exprimait l'intense désir humain d'une victoire de Dieu sur la mort et rapportait de nombreux cas dans lesquels cette victoire avait été obtenue: des personnes menacées de mourir de faim dans le désert, des prisonniers ayant échappé à la peine de mort, des malades guéris, des marins sauvés du naufrage (cf. Ps Ps 106,4-32). Il s'agissait cependant de victoires qui n'étaient pas définitives. Tôt ou tard, la mort réussissait toujours à l'emporter.

Malgré tout, l'aspiration à la victoire a toujours été conservée et est devenue, à la fin, une espérance de résurrection. La satisfaction de cette puissante aspiration a été pleinement assurée à travers la résurrection du Christ, pour laquelle nous n'aurons jamais fini de rendre grâce à Dieu.
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J’accueille avec joie les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes, notamment les collégiens de Bayonne, ainsi que les fidèles de La Réunion. Que votre séjour à Rome vous permette d’affermir votre foi dans le mystère pascal ! Avec ma Bénédiction apostolique.



Mercredi 19 mai 2004: Ps 31 Action de grâce pour le pardon des péchés

19054 Lecture: (Ps 31,1-2 Ps 31,5 Ps 31,10-11)

1. "Heureux qui est absous de son péché, acquitté de sa faute!". Cette béatitude, qui ouvre le Psaume 31 qui vient d'être proclamé, nous fait immédiatement comprendre pourquoi il a été accueilli par la tradition chrétienne dans la série des sept Psaumes de pénitence. Après la double béatitude initiale (cf. Ps Ps 31,1-2), nous ne trouvons pas une réflexion générique sur le péché et le pardon, mais le témoignage personnel d'un converti.

La composition du Psaume est assez complexe: le témoignage personnel (cf. Ps Ps 31,3-5) est suivi de deux versets qui parlent de danger, de prière et de salut (cf. Ps Ps 31,6-7), puis d'une promesse divine de conseil (cf. Ps Ps 31,8) et d'un avertissement (cf. Ps Ps 31,9) et enfin, d'un dicton sapientiel antithétique (cf. Ps Ps 31,10) et d'une invitation à se réjouir dans le Seigneur (cf. Ps Ps 31,11).

2. Reprenons à présent quelques éléments de cette composition. L'orant décrit tout d'abord sa situation de conscience très délicate lorsqu'"il se taisait" (cf. Ps Ps 31,3): ayant commis des fautes graves, il n'avait pas le courage de confesser à Dieu ses péchés. Il s'agissait d'un tourment intérieur terrible, décrit par des images impressionnantes. Ses os brûlaient comme sous l'effet d'une fièvre desséchante, la chaleur dévorante étouffait sa vigueur en la consumant, son gémissement était ininterrompu. Le pécheur sentait peser sur lui la main de Dieu, conscient que Dieu n'est pas indifférent au mal perpétré par sa créature, car Il est le gardien de la justice et de la vérité.

3. Ne pouvant plus résister, le pécheur a décidé de confesser sa faute en effectuant une déclaration courageuse, qui semble anticiper celle du fils prodigue de la parabole de Jésus (cf. Lc Lc 15,18). Il a dit, en effet, d'un coeur sincère: "J'irai à Yahvé confesser mon péché". Ce ne sont que quelques mots, mais qui naissent de la conscience; Dieu y répond immédiatement par un pardon généreux (cf. Ps Ps 31,5).

Le prophète Jérémie rapportait cet appel de Dieu: "Reviens, rebelle Israël, oracle de Yahvé. Je n'aurai plus pour vous un visage sévère, car je suis miséricordieux - oracle de Yahvé - je ne garde pas toujours ma rancune. Reconnais seulement ta faute: tu t'es révoltée contre Yahvé ton Dieu" (Jr 3,12-13).

C'est ainsi que s'ouvre à "chaque fidèle" repenti et pardonné un horizon de sécurité, de confiance, de paix, malgré les épreuves de la vie (cf. Ps Ps 31,6-7). Le temps de l'angoisse peut encore venir, mais la marée montante de la peur ne l'emportera pas, car le Seigneur conduira son fidèle dans un lieu sûr: "Tu es pour moi un refuge, de l'angoisse tu me gardes, de chants de délivrance tu m'entoures" (Ps 31,7).

4. A ce point, le Seigneur prend la parole pour promettre de guider désormais le pécheur converti. Il ne suffit pas, en effet, d'avoir été purifiés; il faut ensuite marcher sur la voie juste. C'est pourquoi, comme dans le Livre d'Isaïe (cf. Is Is 30,21), le Seigneur promet: "Telle est la voie, suivez-la" (Ps 31,8) et il invite à la docilité. L'appel se fait attentif, teinté d'une touche d'ironie dans la comparaison pleine de vivacité de la mule et du cheval, symboles d'obstination (cf. Ps Ps 31,9). En effet, la véritable sagesse pousse à la conversion, et à laisser derrière soi le vice et son obscur pouvoir d'attraction. Mais elle conduit surtout à la jouissance de cette paix qui naît du fait d'avoir été libérés et pardonnés.

Saint Paul, dans la Lettre aux Romains, se réfère de façon explicite au début de notre Psaume pour célébrer la grâce libératrice du Christ (cf. Rm Rm 4,6-8). Nous pourrions l'appliquer au sacrement de la Réconciliation. Dans celui-ci, à la lumière du Psaume, on fait l'expérience de la conscience du péché, qui est souvent obscurcie de nos jours, et en même temps de la joie du pardon. On remplace le binôme "délit-châtiment" par le binôme "délit-pardon", car le Seigneur est un Dieu "qui pardonne faute, transgression et péché" (cf. Ex Ex 34,7).

5. Saint Cyrille de Jérusalem (IV siècle) utilisera le Psaume 31 pour enseigner aux catéchumènes le profond renouvellement du Baptême, purification radicale de tout péché (Procatéchèse, n. 15). Il exaltera lui aussi, à travers les paroles du Psalmiste, la miséricorde divine. Nous concluons notre catéchèse en reprenant ses paroles: "Dieu est miséricordieux et n'épargne pas son pardon... L'accumulation de tes péchés ne dépassera pas la grandeur de la miséricorde de Dieu: la gravité de tes blessures ne dépassera pas l'habileté du Médecin suprême, du moment que tu t'abandonnes à lui avec confiance. Manifeste ton mal au Médecin, et parle-lui en reprenant les mots que David prononça: "Voilà, je confesserai au Seigneur l'iniquité qui se trouve toujours devant moi". Ainsi, tu obtiendras que les autres paroles se réalisent: "Tu as racheté les actes d'impiété de mon coeur"" (Les catéchèses, Rome 1993, PP 52-53).
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les Séminaristes de Paray-le-Monial et les jeunes, accompagnés de leurs professeurs. Puisse votre séjour à Rome être une occasion pour grandir dans la foi et la confiance au Christ Ressuscité.




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