Catéchèses S. J-Paul II 28074

Mercredi 28 juillet 2004: Ps 15

28074 Le psaume (Ps 15) est un psaume à fort caractère spirituel et mystique; il s’ouvre par une profession de foi: «Tu es mon Dieu». Dieu y apparaît comme l’unique bien et le Psalmiste choisit d’adhérer à la communauté de ceux qui sont fidèles au Seigneur, rejetant toute tentation d’idolâtrie. Deux thèmes parcourent le psaume. Tout d’abord il est question d’héritage, parole choisie habituellement pour décrire le don de la terre promise au peuple d’Israël. Ce psaume laisse penser qu’il est un chant proclamé par un prêtre qui affirme sa joie d’être tout entier consacré à Dieu, son héritage. Puis il est question de communion parfaite et continue avec le Seigneur. Le Psalmiste exprime sa ferme espérance d’être préservé de la mort pour demeurer dans l’intimité de Dieu. Il demande alors au Seigneur de lui montrer le chemin du salut. Dans la première communauté chrétienne, que ce soit par saint Pierre dans le discours à la Pentecôte ou par saint Paul à la synagogue d’Antioche de Pisidie, ce psaume a été lu dans la perspective de la résurrection du Christ.

J’accueille avec joie les pèlerins de langue française, en particulier le groupe des jeunes prêtres français qui fêtent leur dixième anniversaire de sacerdoce et les pèlerins du Vietnam. Puissiez-vous trouver dans la fidélité aux engagements pris la joie qui vient du Seigneur et qui donne la force pour la vie quotidienne et pour le témoignage.



Mercredi 4 août 2004: Ph 2 Le Christ serviteur de Dieu

40804 Lecture: (Ph 2,6-11)

1. Dans notre itinéraire à travers les Psaumes et les Cantiques qui constituent la Liturgie des Heures, nous rencontrons le Cantique des Philippiens, (Ph 2,6-11), qui rythme les Premières Vêpres des quatre dimanches autour desquels s'articule la Liturgie.

C'est la deuxième fois que nous le méditons, en continuant d'en pénétrer la richesse théologique. Dans ces versets brille la foi chrétienne des origines, centrée sur la figure de Jésus, reconnu et proclamé comme notre frère en humanité, mais également comme Seigneur de l'univers. Il s'agit donc d'une véritable confession de foi christologique, qui reflète bien la pensée de saint Paul, mais qui peut également faire écho à la voix de la communauté judéo-chrétienne antérieure à l'Apôtre.

2. Le Cantique part de la divinité, propre à Jésus Christ. C'est à lui, en effet, que revient la "nature" et la condition divine, la morphè - comme on le dit en grec - c'est-à-dire la réalité intime et transcendante même de Dieu (cf. Ph Ph 2,6). Toutefois, il ne considère pas son identité suprême et glorieuse comme un privilège orgueilleux à afficher, ni comme un signe de pouvoir et de pure supériorité.

Le mouvement de l'hymne s'oriente clairement vers le bas, c'est-à-dire vers l'humanité. "En se dépouillant" et presque "en se vidant" de cette gloire, pour assumer la morphè, c'est-à-dire la réalité et la condition de serviteur, le Verbe entre de cette façon dans l'horizon de l'histoire humaine. Il devient même semblable aux êtres humains (cf. Ph Ph 2,7) et en vient jusqu'à assumer ce signe de la limite et de la finitude qu'est la mort. Il s'agit d'une humiliation extrême, car la mort acceptée est celle de la croix, considérée comme la plus infâme dans la société d'alors (cf. Ph Ph 2,8).

3. Le Christ choisit de s'abaisser de la gloire à la mort sur la croix: tel est le premier mouvement du Cantique, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir pour en dévoiler d'autres aspects.

Le second mouvement procède dans le sens inverse: on s'élève du bas vers le haut, de l'humiliation vers l'exaltation. A présent, c'est le Père qui glorifie le Fils en l'arrachant à la mort et en l'intronisant comme Seigneur de l'univers (cf. Ph Ph 2,9). Saint Pierre lui aussi, dans le discours de la Pentecôte, déclare que "Dieu l'a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié" (Ac 2,36). La Pâque est, donc, l'épiphanie solennelle de la divinité du Christ, d'abord voilée par sa condition de serviteur et d'homme mortel.

4. Devant la figure grandiose du Christ glorifié et intronisé, tous se prosternent en adoration. Non seulement de l'horizon tout entier de l'histoire humaine, mais également des cieux et des enfers (cf. Ph Ph 2,10), s'élève une puissante profession de foi qui proclame "de Jésus Christ qu'il est Seigneur" (Ph 2,11). "Mais celui qui a été abaissé un moment au-dessous des anges, Jésus, nous le voyons couronné de gloire et d'honneur, parce qu'il a souffert la mort: il fallait que, par la grâce de Dieu, au bénéfice de tout homme, il goûtât la mort" (He 2,9).

Nous concluons notre brève analyse du Cantique des Philippiens, sur lequel nous devrons revenir, en laissant la parole à saint Augustin qui, dans son Commentaire à l'Evangile de saint Jean, renvoie à l'hymne de saint Paul pour célébrer le pouvoir vivifiant du Christ qui accomplit notre résurrection, en nous arrachant à notre limite mortelle.

5. Voici les paroles de ce grand Père de l'Eglise: ""Le Christ [...] ayant la nature de Dieu, [...] n'a point cru que ce fût de sa part une usurpation de s'égaler à Dieu". Notre faiblesse nous forçait de ramper à terre: elle nous empêchait de nous élever jusqu'à Dieu; mais nous a-t-il abandonné en cet état de bassesse et d'infirmité? Oh non! car "il s'est anéanti lui-même, en prenant forme d'esclave". Il ne s'est nullement dépouillé de la nature divine. Tout Dieu qu'il était, il s'est fait homme, prenant ce qu'il n'était pas, ne perdant point ce qu'il était: en un mot, il est devenu homme-Dieu. En lui se rencontre ce qui convient à la partie faible de toi-même, comme à la partie plus noble. Que le Christ, en temps qu'homme, te relève du sein de ta faiblesse; qu'il te conduise, en tant que Dieu-homme et que, comme Dieu, il te fasse parvenir jusqu'à lui! La fin, l'unique fin de la prédication évangélique, et de la dispensation des grâces divines par les mérites du Christ, c'est la résurrection des âmes et celle des corps. Le corps et l'âme de l'homme étaient également morts, l'un par suite de sa faiblesse, l'autre par effet du péché. Puisque tous les deux étaient morts, ils doivent donc ressusciter aussi tous les deux. Qu'est-ce à dire: Tous les deux? L'âme et le corps. Mais qu'est-ce qui ramènera l'âme à la vie, si ce n'est le Christ-Dieu? Où le corps retrouvera-t-il le principe de son existence, sinon dans le Christ-homme? [...] Que ton âme sorte donc du tombeau du péché, par cela même que ton sauveur est Dieu; que ton corps s'échappe des étreintes de la corruption, par cela qu'il est homme" (Commentaire à l'Evangile de saint Jn 23, 6, Roma 1968, p. 541).

Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier le groupe de la Communauté de Tibériade. Que le temps des vacances vous permette de redécouvrir l'amour du Seigneur à travers les beautés de sa création et les enseignements de sa Parole!



Mercredi 11 août 2004 "Je porterai dans mon coeur les prières de toute l'Eglise et du monde entier"

11084 Très chers frères et soeurs!

1. Samedi et dimanche prochains, j'accomplirai un pèlerinage apostolique au sanctuaire marial de Lourdes. En ce lieu béni, j'aurai la joie de célébrer la solennité de l'Assomption de la Très Sainte Vierge Marie au Ciel.

Le motif de ce pèlerinage est le cent-cinquantième anniversaire de la définition du dogme de l'Immaculée Conception de Marie, par le bienheureux Pape Pie IX le 8 décembre 1854. Quatre ans plus tard, la Vierge apparut à sainte Bernadette, dans la grotte de Massabielle, se présentant précisément comme "l'Immaculée Conception". Je considère donc comme un don spécial de la Providence la possibilité de retourner à Lourdes sous le signe de cette lumineuse vérité de foi.

Dans un unique acte de louange à Dieu et à la Vierge, j'embrasserai les deux grands mystères mariaux: l'Immaculée Conception et l'Assomption au Ciel de son corps et de son âme. Celles-ci, en effet, constituent le début et la conclusion de la vie terrestre de Marie, réunies dans le présent éternel de Dieu, qui l'a appelée à participer de façon très particulière à l'événement salvifique de la Rédemption accomplie par le Seigneur Jésus Christ.

2. Les moments publics du pèlerinage seront au nombre de trois: dans l'après-midi du samedi, la récitation du Rosaire; le soir, la traditionnelle procession aux flambeaux; enfin, dimanche matin, la Célébration eucharistique solennelle. De plus, en arrivant au sanctuaire et avant de le quitter, j'aurai l'occasion de m'arrêter en prière silencieuse devant la Grotte. A chaque moment, je porterai dans mon coeur les actions de grâce et les suppliques de toute l'Eglise, et je dirais même plus, du monde entier, qui en Dieu seul peut trouver paix et salut.

Quel est, en effet, le message que le Seigneur a voulu adresser à l'humanité à travers la Vierge de Lourdes? Celui-ci peut se résumer dans une célèbre expression de l'Ecriture Sainte: Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive (cf. Ez
Ez 33,11). En s'adressant à la jeune Bernadette, Marie voulut rappeler ce message évangélique fondamental: la prière et la pénitence sont le chemin à travers lequel la victoire du Christ peut s'affirmer dans chaque personne et dans la société.

3. Mais pour changer sa propre conduite, il faut écouter la voix de la conscience, là où Dieu a placé le sens du bien et du mal. L'homme moderne, malheureusement, semble parfois avoir d'une certaine façon égaré le sens du péché. Il est nécessaire d'implorer pour lui un réveil intérieur, qui lui permette de redécouvrir pleinement la sainteté de la loi de Dieu et les engagements moraux qui en découlent.

C'est avec ces intentions à l'esprit que je m'apprête à partir pour le sanctuaire de la Vierge Marie à Lourdes. Je demande à tous de m'accompagner spirituellement, afin que le pèlerinage du Successeur de Pierre soit riche de fruits pour tout le Peuple de Dieu.

J'invite tous les pèlerins de langue française à s'unir par la prière à la célébration de la fête de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, que je célébrerai cette année dans la cité mariale de Lourdes, à l'occasion du 150 anniversaire de la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception. Je vous confie tous à Notre-Dame de Lourdes, vous assurant de ma prière à la grotte de Massabielle.



Mercredi 18 août 2004: Ps 109 Le Messie, roi et prêtre

18084 Lecture: (Ps 109,1 Ps 109,3-4)


1. Dans le sillage d'une antique tradition, le Psaume 109, qui vient d'être proclamé, constitue la composante principale des Vêpres du dimanche. Celui-ci est reproposé tout au long des quatre semaines autour desquelles s'articule la Liturgie des Heures. Sa brièveté, encore plus accentuée par l'exclusion, dans la tradition liturgique chrétienne, du verset (Ps 109,6) au ton imprécatoire, ne signifie pas qu'il est privé de difficultés liées à l'exégèse et à l'interprétation. Le texte se présente comme un Psaume royal, lié à la dynastie davidique et renvoie probablement au rite d'intronisation du souverain. Toutefois, la tradition judaïque et chrétienne a vu dans le roi consacré le profil du Consacré par excellence, le Messie, le Christ.

Sous cette lumière, précisément, le Psaume devient un chant lumineux élevé par la Liturgie chrétienne au Ressuscité en ce jour de fête, mémoire de la Pâque du Seigneur.

2. Le Psaume 109 se divise en deux parties, toutes deux caractérisées par la présence d'un oracle divin. Le premier oracle (cf. Ps Ps 109,1-3) est celui adressé au souverain le jour de son intronisation solennelle "à la droite" de Dieu, c'est-à-dire auprès de l'Arche de l'Alliance dans le temple de Jérusalem. Le souvenir de la "génération" divine du roi faisait partie du protocole officiel de son couronnement, et assumait pour Israël une valeur symbolique d'investiture et de protection, le roi étant le lieutenant de Dieu dans la défense de la justice (cf. Ps Ps 109,3).

Naturellement, dans la relecture chrétienne, la "génération" divine devient réelle et présente Jésus Christ comme le véritable Fils de Dieu. C'est ce qui avait eu lieu dans un autre Psaume royal et messianique célèbre, le second du Psautier, où l'on lit cet oracle divin: "Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré" (Ps 2,7).

3. Le deuxième oracle du Psaume 109 a, en revanche, un contenu sacerdotal (cf. Ps Ps 109,4). Le roi, dans l'antiquité, accomplissait également des fonctions cultuelles, non pas en vertu de la lignée du sacerdoce lévitique, mais d'une autre relation: celle du sacerdoce de Melchisédech; le roi-prêtre de Shalem, la Jérusalem pré-israélite (cf. Gn Gn 14,17-20).

Dans la perspective chrétienne, le Messie devient le modèle d'un sacerdoce parfait et suprême. L'Epitre aux Hébreux exaltera, dans sa partie centrale, ce ministère sacerdotal "à la manière de Melchisédech" (He 5,10), le voyant incarné en plénitude dans la personne du Christ.

4. Le premier oracle est repris plusieurs fois dans le Nouveau testament pour célébrer le caractère messianique de Jésus (cf. Mt Mt 22,44 Mt 26,64 Ac 2,34-35 1Co 15,25-27 He 1,13). Le Christ lui-même, face au souverain prêtre et au Sanhédrin juif, fera une référence explicite à notre Psaume, se proclamant désormais "siégeant à la droite de la Puissance" divine, précisément comme il est dit dans le Psaume (Ps 109,1) (Mc 14,62 cf. Mc Mc 12,36-37).

Nous reviendrons sur ce Psaume dans notre itinéraire à travers les textes de la Liturgie des Heures. Nous voudrions à présent, en conclusion de notre brève présentation de cette hymne messianique, en répéter la lecture christologique.

5. Nous le faisons à travers une synthèse offerte par saint Augustin. Dans le Commentaire sur le Psaume 109, qu'il proposa lors du Carême de l'an 412, il définissait le Psaume comme une véritable prophétie des promesses divines à l'égard du Christ. Le célèbre Père de l'Eglise disait: "Que le Fils unique de Dieu viendrait chez les hommes, qu'il prendrait notre chair, qu'il deviendrait homme par cette chair qu'il aurait prise, qu'il mourrait, qu'il ressusciterait, qu'il monterait au ciel pour s'asseoir à la droite de son Père, accomplissant ainsi ses promesses à l'égard des Gentils, [...] voilà ce qu'il fallait prophétiser, ce qu'il fallait annoncer, l'avènement qu'on devait prêcher, afin qu'il ne causât aux hommes ni frayeur ni surprise, mais qu'il fût attendu avec foi. Parmi ces promesses, il faut compter notre psaume, qui annonce Jésus Christ notre Seigneur d'une manière claire et évidente; en sorte qu'il est indubitable pour nous que ce psaume est une prophétie du Christ" (Commentaires sur les Psaumes, III, Roma 1976, PP 951 PP 953).

6. Nous adressons à présent notre invocation au Père de Jésus Christ, unique roi et prêtre parfait et éternel, afin qu'il fasse de nous un peuple de prêtres et de prophètes de paix et d'amour, un peuple qui chante le Christ roi et prêtre qui s'est immolé pour réconcilier en lui, en un seul corps, toute l'humanité en créant l'homme nouveau (cf. Ep Ep 2,15-16).

À la fin de l'audience le Pape évoque son pèlerinage à Lourdes

Chers Frères et Soeurs,

Je veux ce matin rendre grâce à Dieu qui, dans sa bienveillance, m’a permis de me rendre en pèlerinage à Lourdes. Je remercie la Vierge bénie pour le climat de profond recueillement et d’intense prière de cette rencontre, me souvenant avec émotion de la foule si nombreuse des pèlerins et, au premier rang d’entre eux, des malades, venus chercher auprès de Notre-Dame le réconfort et l’espérance. Puissent aussi tous les jeunes présents garder le souvenir de ce pèlerinage et y puiser la force de devenir des hommes et des femmes libres dans le Christ !

Je remercie Mgr Jacques Perrier, Évêque de Tarbes et Lourdes, pour son accueil chaleureux et, avec lui, tous les Évêques présents, ainsi que toutes les personnes qui ont contribué à la réussite de mon voyage. Ma gratitude s’adresse encore à M. le Président de la République et aux Autorités françaises pour leur accueil et leur disponibilité.

Que la Vierge Marie, l’Immaculée Conception, veille sur chacun de vous, qu’elle accompagne et qu’elle guide votre marche à la rencontre de son Fils !

  

Mercredi 25 août 2004 Célébration de la Parole pour la vénération et la remise de l'Icône de la Mère de Dieu de Kazan'

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Homélie


Très chers frères et soeurs!

1. Comme je l'ai annoncé dimanche dernier, notre traditionnelle rencontre hebdomadaire revêt aujourd'hui un aspect particulier. Nous sommes en effet recueillis en prière autour de l'Icône vénérée de la Mère de Dieu de Kazan', qui est sur le point d'entreprendre son voyage de retour vers la Russie, d'où elle est partie un jour lointain.

Après avoir traversé divers pays et s'être arrêtée pendant longtemps dans le Sanctuaire de Fatima, au Portugal, elle est arrivée de façon providentielle il y a plus de dix ans dans la maison du Pape. Depuis lors, elle a trouvé une place auprès de moi et a accompagné de son regard maternel mon service quotidien à l'Eglise.

Combien de fois, depuis ce jour, ai-je invoqué la Mère de Dieu de Kazan', lui demandant de protéger et de guider le peuple russe qui nourrit une dévotion particulière pour elle, et de hâter le moment où tous les disciples de son Fils, se reconnaissant frères, sauront recomposer en plénitude l'unité compromise.

2. Dès le début, j'ai voulu que cette sainte Icône retourne sur le sol de la Russie, où - selon des témoignages historiques fiables - elle a été pendant de très longues années l'objet d'une profonde vénération de la part de générations entières de fidèles. Autour de l'Icône de la Mère de Dieu de Kazan' s'est développée l'histoire de ce grand peuple.

La Russie est une nation chrétienne depuis tant de siècles, elle est la Sainte Rus'. Même lorsque des forces adverses s'acharnèrent contre l'Eglise et tentèrent d'effacer de la vie des hommes le saint nom de Dieu, ce peuple demeura profondément chrétien, témoignant dans de nombreux cas avec son sang de sa fidélité à l'Evangile et aux valeurs qu'il inspire.

C'est donc avec une émotion particulière que je rends grâce avec vous à la Divine Providence, qui me permet aujourd'hui d'envoyer au vénérable Patriarche de Moscou et de toutes les Russies le don de cette sainte Icône.

3. Que cette antique image de la Mère du Seigneur exprime à Sa Sainteté Alexis II et au vénéré Synode de l'Eglise orthodoxe russe l'affection du Successeur de Pierre pour eux et pour tous les fidèles qui leur sont confiés. Qu'elle exprime son estime pour la grande tradition spirituelle dont la Sainte Eglise russe est la gardienne. Qu'elle exprime le désir et la ferme intention du Pape de Rome de progresser ensemble avec eux sur le chemin de la connaissance et de la réconciliation réciproques, pour hâter le jour de la pleine unité des croyants pour laquelle le Seigneur Jésus a ardemment prié (cf. Jn
Jn 17,20-22).

Très chers frères et soeurs, unissez-vous à moi pour invoquer l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, tandis que je remets son Icône à la délégation qui l'apportera, en mon nom, à Moscou.

Prière du Saint-Père


Glorieuse Mère de Jésus, qui "marches devant le Peuple de Dieu sur le chemin de la foi, de l'amour et de l'union avec le Christ" (cf. Lumen gentium LG 63), bénie sois-tu! Toutes les générations te proclament bienheureuse car "le Tout-Puissant a fait pour toi de grandes choses et Saint est son nom" (cf. Lc Lc 1,48-49).

Bénie et honorée sois-tu, ô Mère, en ton Icône de Kazan', où, depuis des siècles, tu es entourée de la vénération et de l'amour des fidèles orthodoxes, étant devenue protectrice et témoin des oeuvres particulières de Dieu dans l'histoire du peuple russe, qui nous est très cher.

La Providence Divine, qui a le pouvoir de vaincre le mal et d'extraire le bien même des mauvaises actions des hommes, a fait que ta sainte Icône, disparue en des temps reculés, est réapparue dans le sanctuaire de Fatima, au Portugal. Par la suite, selon la volonté de personnes ayant une dévotion particulière pour Toi, elle a été accueillie dans la maison du Successeur de Pierre.

Mère du peuple orthodoxe, la présence à Rome de ta sainte Image de Kazan' nous parle d'une unité profonde entre l'Orient et l'Occident, qui dure dans le temps en dépit des divisions historiques et des erreurs des hommes. Nous élevons à présent vers Toi, avec une intensité particulière, notre prière, ô Vierge, tandis que nous prenons congé de ton image suggestive. Nous t'accompagnerons avec notre coeur le long du chemin qui te reconduira vers la sainte Russie. Accueille la louange et l'honneur que te rend le Peuple de Dieu qui est à Rome.

O, bénie entre toutes les femmes, en vénérant ton Icône en cette ville marquée par le sang des Apôtres Pierre et Paul, l'Evêque de Rome s'unit spirituellement à son Frère dans le ministère épiscopal, qui préside, en tant que Patriarche, à l'Eglise orthodoxe russe. Et il Te demande, Sainte Mère, d'intercéder afin que se hâte le temps de la pleine unité entre l'Orient et l'Occident, de la pleine communion entre tous les chrétiens.

O Vierge glorieuse et bénie, Notre-Dame, notre Avocate et notre soutien, réconcilie-nous avec ton Fils, recommande-nous à ton Fils, présente-nous à ton Fils! Amen.




Mercredi 1er septembre 2004: Ps 113 Louange au vrai Dieu

10904 Lecture: (Ps 113,1 Ps 113,3 Ps 113,9 Ps 113,11-13)

1. Le Dieu vivant et l'idole sans vie s'affrontent dans le Psaume 113B que nous venons d'entendre et qui appartient à la série des Psaumes des Vêpres. L'antique traduction grecque de la Bible, appelée des Septante, suivie de la version latine de l'antique Liturgie chrétienne, a uni ce Psaume en l'honneur du vrai Seigneur au Psaume précédent. Il en résulte une unique composition qui est cependant nettement partagée en deux textes distincts (cf. Ps 113A et 113B).

Après une parole initiale adressée au Seigneur pour en attester la gloire, le peuple élu présente son Dieu comme le créateur tout-puissant: "Notre Dieu, il est dans les cieux, tout ce qui lui plaît, il le fait" (Ps 113,3). "Fidélité et grâce" sont les vertus typiques du Dieu de l'alliance dans sa relation avec le peuple qu'Il a choisi, Israël (cf. Ps Ps 113,1). Ainsi, le cosmos et l'histoire se trouvent sous sa souveraineté, qui est puissance d'amour et de salut.

2. Le Dieu véritable adoré par Israël, est immédiatement opposé aux "idoles" des païens (Ps 113,4). L'idolâtrie est une tentation de toute l'humanité dans tous les pays et à toutes les époques. L'idole est une chose inanimée, née des mains de l'homme, une froide statue privée de vie. Le Psalmiste la décrit ironiquement avec ses sept attributs complétement inutiles: la bouche muette, les yeux aveugles, les oreilles sourdes, les narines insensibles aux odeurs, les mains inertes, les pieds paralysés, la gorge qui n'émet aucun son (cf. Ps Ps 113,5-7).

Après cette critique impitoyable des idoles, le Psalmiste exprime un souhait sarcastique: "Comme elles, seront ceux qui les firent, quiconque met en elles sa foi" (Ps 113,8). Il s'agit d'un souhait exprimé sous une forme efficace pour produire un effet de dissuasion radicale à l'égard de l'idolâtrie. Celui qui adore les idoles de la richesse, du pouvoir, du succès perd sa dignité de personne humaine. Le prophète Isaïe disait: "Néant, tous ceux qui modèlent des idoles, leurs meilleures oeuvres ne servent à rien! Elles sont leurs témoins, qui ne voient ni ne savent rien, en sorte qu'ils seront couverts de honte" (Is 44,9).


3. En revanche, les fidèles du Seigneur savent qu'ils ont dans le Dieu vivant "leur secours" et "leur bouclier" (cf. Ps 113B, 9-13). Ces derniers sont présentés selon une triple catégorie. Il y a tout d'abord "la Maison d'Israël", c'est-à-dire tout le peuple, la communauté qui se réunit dans le temple pour prier. Il y a également la "Maison d'Aaron" qui se réfère aux prêtres, gardiens et annonciateurs de la Parole divine, appelés à présider le culte. Puis on évoque pour finir ceux qui craignent le Seigneur, c'est-à-dire les fidèles authentiques et constants qui, dans le judaïsme successif à l'exil babylonien et plus tard, dénotent également les païens qui s'approchaient de la communauté et de la foi d'Israël avec un coeur sincère et en effectuant une recherche authentique. Ce sera, par exemple, le cas du centurion romain Cornelius (cf. Ac 10, 1-2.22), ensuite converti par saint Pierre au christianisme.

Sur ces trois catégories de véritables croyants descend la bénédiction divine (cf. Ps Ps 113,12-15). Celle-ci, selon la conception biblique, est une source de fécondité: "Que Yahvé vous fasse croître, vous et vos enfants" (Ps 113,14). Puis les fidèles, joyeux en raison du don de la vie qu'ils ont reçu du Dieu vivant et créateur, entonnent un bref hymne de louange, répondant à la bénédiction efficace de Dieu par leur bénédiction reconnaissante et confiante (cf. Ps Ps 113,16-18).

4. De façon très vivante et suggestive, un Père de l'Eglise d'Orient, saint Grégoire de Nysse (IV siècle), dans sa cinquième Homélie sur le Cantique des cantiques reprend notre Psaume pour décrire le passage de l'humanité du "gel de l'idolâtrie" au printemps du salut. En effet, rappelle saint Grégoire, la nature humaine s'était elle-même transformée "dans les êtres immobiles" et sans vie "qui furent faits objets de culte", comme il est précisément écrit: "Comme eux seront ceux qui les firent, quiconque met en eux sa foi". "Et il était logique qu'il en aille ainsi. En effet, de même que ceux qui se tournent vers le vrai Dieu reçoivent en eux les caractéristiques de la vie divine, celui qui s'adressa à la vanité des idoles se transforma et se fit conforme à ce qu'il regardait et devint pierre, alors qu'il était homme. La nature humaine étant donc devenue de pierre à cause de l'idolâtrie, elle resta immobile à l'égard du bien, bloquée dans le gel du culte des idoles, c'est pourquoi naît sur ce terrible hiver le Soleil de la justice, qui fait venir le printemps avec la brise du milieu du jour, qui fait fondre ce gel, et réchauffe, avec l'apparition des rayons de ce soleil, tout ce qui se trouve au-dessous. Ainsi l'homme, qui avait été transformé en pierre par la glace, réchauffé par l'Esprit et par les rayons du Logos, redevint de l'eau qui jaillissait pour la vie éternelle" (Homélie sur le Cantique des cantiques, Rome 1988, PP 133-134).
***


Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents ce matin, en particulier le groupe des jeunes libanais, accompagnés des religieux Servites du Coeur Immaculé de Marie. Que votre pèlerinage à Rome vous aide à découvrir toujours plus l’amour du Christ et à en témoigner auprès de vos frères !

Appels du Pape afin que cesse le recours à la violence

A l'issue de l'Audience générale le Pape Jean-Paul II lançait l'appel suivant:

C'est avec une grande douleur et une grande préoccupation que j'ai appris les récentes nouvelles graves concernant les attentats terroristes en Israël et en Russie, où de nombreuses personnes, victimes sans défense et innocentes, ont trouvé la mort.

Dans la nation irakienne tourmentée également, la chaîne de violence aveugle qui empêche un retour rapide à la coexistence civile ne cesse pas. A la ferme condamnation pour l'exécution barbare de douze citoyens népalais se joint l'inquiétude pour le sort des deux journalistes français encore retenus en otage par leurs ravisseurs.

Je lance un appel pressant afin que cesse partout le recours à la violence, toujours indigne de toute bonne cause, et afin que les deux journalistes français soient traités avec humanité et rendus indemnes au plus tôt à leurs proches.

C'est aujourd'hui, 1septembre, l'anniversaire de l'invasion de la Pologne et du début de la Deuxième Guerre mondiale, qui sema le deuil en Europe et sur les autres continents. En repensant à ces jours, en ce moment de graves et multiples tensions, invoquons de Dieu, Père de tous les hommes, le don précieux de la paix.



Mercredi 8 septembre 2004 Un profond cri de douleur s'élève de l'enfance blessée dans sa dignité

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1. La liturgie fait aujourd'hui mémoire de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie. Cette fête, particulièrement vivante dans la piété populaire, nous conduit à admirer en Marie Enfant l'aurore très pure de la Rédemption. Nous contemplons une petite fille comme toutes les autres, et dans le même temps l'unique, celle qui est "bénie entre les femmes" (
Lc 1,42). Marie est l'immaculée "fille de Sion", destinée à devenir la Mère du Messie.

2. En regardant Marie Enfant, comment ne pas penser aux nombreux petits enfants sans défense de Beslan, en Ossétie, victimes d'une prise d'otage barbare et tragiquement assassinés? Ils se trouvaient à l'intérieur d'une école, un lieu dans lequel on apprend les valeurs qui donnent son sens à l'histoire, à la culture et à la civilisation des peuples: le respect réciproque, la solidarité, la justice et la paix. Entre ces murs, ils ont en revanche fait l'expérience de la violence, de la haine et de la mort, conséquences néfastes d'un fanatisme cruel et d'un mépris insensé de la personne humaine.

En cet instant, le regard s'étend à tous les enfants innocents qui, dans toutes les parties du monde, sont victimes de la violence des adultes. Des enfants contraints à prendre les armes et éduqués à haïr et à tuer; des enfants poussés à mendier dans les rues, exploités pour obtenir des gains faciles; des enfants maltraités et humiliés par la domination et les injustices des grands; des enfants abandonnés à eux-mêmes, privés de la chaleur de leur famille et d'une perspective d'avenir; des enfants qui meurent de faim, des enfants tués dans les nombreux conflits dans diverses régions du monde.

3. C'est un profond cri de douleur de l'enfance blessée dans sa dignité. Il ne peut ni ne doit laisser personne indifférent. Très chers frères et soeurs, devant le berceau de Marie Enfant, nous prenons une conscience renouvelée du devoir que nous avons tous de protéger et de défendre ces fragiles créatures et de construire pour elles un avenir de paix. Prions ensemble afin que soient créées pour elles les conditions d'une existence sereine et sûre.



PRIÈRE POUR LA JUSTICE, POUR LA PAIX ET LA SOLIDARITÉ DANS LE MONDE

Chers frères et soeurs, accueillant l'invitation du Saint-Père, nous élevons à Dieu notre prière.
Ensemble nous disons: Ecoute-nous ô Seigneur!

1. Pour les enfants de Beslan, arrachés à la vie avec une violence inouïe alors qu'ils s'apprêtaient à commencer l'année scolaire, pour leurs parents, leurs proches et leurs amis qui ont été tués avec eux: afin que Dieu, dans sa miséricorde, leur ouvre toutes grandes les portes de sa maison, prions.
Ecoute-nous, ô Seigneur!

2. Pour les blessés, pour les familles des victimes et pour tous les membres de la communauté de Beslan qui, le coeur déchiré, pleurent la mort de leurs proches: afin que, soutenus par la lumière de la foi et réconfortés par la solidarité de tant de personnes dans le monde, ils sachent pardonner ceux qui leur ont fait du mal, prions.
Ecoute-nous, ô Seigneur!

3. Pour tous les enfants qui, dans de nombreuses parties de la terre, souffrent et meurent à cause de la violence et des abus des adultes: afin que le Seigneur leur fasse ressentir le réconfort de son amour et infléchisse la dureté de coeur de ceux qui sont la cause de leurs souffrances, prions.
Ecoute-nous, ô Seigneur!

4. Pour les nombreuses personnes prises en otage dans la terre tourmentée de l'Irak et, en particulier, pour les deux jeunes volontaires italiennes enlevées hier à Bagdad: afin qu'elles soient toutes traitées avec respect et rendues au plus tôt indemnes à l'affection de leurs proches, prions.
Ecoute-nous, ô Seigneur!

5. Pour la justice et la paix dans le monde: afin que le Seigneur illumine les esprits de ceux qui sont subjugués par la sombre attraction de la violence et ouvre le coeur de chacun au dialogue et à la réconciliation, pour construire un avenir d'espérance et de paix, prions.
Ecoute-nous, ô Seigneur!

[Saint-Père]
Dieu, notre Père, Tu as créé les hommes afin qu'ils vivent en communion entre eux. Fais-nous comprendre que chaque enfant est une richesse de l'humanité, et que la violence sur les autres et une voie sans issue qui ne conduit pas à l'avenir. Nous te le demandons par l'intercession de la Vierge, Mère de Jésus Christ Notre Seigneur, qui vit et règne pour les siècles des siècles.

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les pèlerins de Dijon et de Nice. Puisse votre séjour à Rome affermir votre foi et faire de vous des témoins de l’Évangile ! Je vous confie tous à la Bienheureuse Vierge Marie.




Catéchèses S. J-Paul II 28074