Catéchèses S. J-Paul II 15094

Mercredi 15 septembre 2004: AP 19 Les noces de l'Agneau

15094 Lecture: cf. (Ap 19,1-7)

1. Le Livre de l'Apocalypse est constellé de Cantiques qui sont élevés à Dieu, Seigneur de l'univers et de l'histoire. Nous venons à présent d'en entendre un que nous retrouvons sans cesse pendant les quatre semaines autour desquelles s'articule la Liturgie des Vêpres.

Cet hymne est rythmé par l'"alleluia", mot d'origine juive qui signifie "louez le Seigneur" et qui curieusement n'apparaît dans le Nouveau Testament, que dans ce passage de l'Apocalypse, où il est répété à cinq reprises. La liturgie ne sélectionne que quelques versets dans le texte du chapitre 19. Dans le cadre narratif de ce passage, ces derniers sont entonnés dans le ciel par une "foule immense": c'est comme un choeur puissant qui s'élève de tous les élus qui célèbrent le Seigneur dans la joie et dans la fête (cf. Ap Ap 19,1).

2. L'Eglise qui est sur la terre harmonise donc son chant de louange avec celui des justes, qui contemplent déjà la gloire de Dieu. Il s'établit ainsi un canal de communication entre l'histoire et l'éternité: celui-ci a son point de départ dans la liturgie terrestre de la communauté ecclésiale et trouve son point d'arrivée dans la liturgie céleste, à laquelle participent déjà nos frères et soeurs qui nous ont précédés sur le chemin de la foi.

Dans cette communion de louange trois thèmes sont, en substance, célébrés. Tout d'abord, les grandes qualités de Dieu, son "salut et gloire et puissance" (Ap 19,1 cf. Ap Ap 19,7), c'est-à-dire la transcendance et la toute-puissance salvifique. La prière est la contemplation de la gloire divine, du mystère ineffable, de l'océan de lumière et d'amour qui est Dieu.

En deuxième lieu, le Cantique exalte le "règne" du Seigneur, c'est-à-dire le projet divin de rédemption à l'égard du genre humain. En reprenant un thème cher à ce que l'on appelle les Psaumes du Royaume de Dieu (cf. Ps Ps 46 Ps 95-98), on proclame ici que "Il [le Seigneur] a pris possession de son règne" (Ap 19,6), en intervenant avec une autorité suprême dans l'histoire. Bien sûr, celle-ci est confiée à la liberté humaine qui engendre le bien et le mal, mais elle a son sceau ultime dans les choix de la providence divine. Le livre de l'Apocalypse célèbre précisément l'objectif vers lequel l'histoire est conduite à travers l'oeuvre efficace de Dieu, malgré les tempêtes, les déchirements, les dévastations accomplies par le mal, par l'homme et par Satan.

Dans une autre page de l'Apocalypse, il est chanté: "Nous te rendons grâce, Seigneur, Dieu Maître-de-tout. Il est et Il était, parce que tu as pris en main ton immense puissance pour établir ton règne" (Ap 11,17).

3. Enfin, le troisième thème de l'hymne est typique du livre de l'Apocalypse et de sa symbolique: "Car voici les noces de l'Agneau, et son épouse s'est faite belle" (Ap 19,7). Comme nous aurons l'occasion de l'approfondir au cours de méditations ultérieures sur ce Cantique, le but définitif auquel le dernier livre de la Bible nous conduit est celui de la rencontre nuptiale entre l'Agneau, qui est le Christ, et l'épouse purifiée et transfigurée, qui est l'humanité rachetée.

L'expression "car voici les noces de l'Agneau" fait référence au moment suprême - comme le dit notre texte "nuptial" - de l'intimité entre créature et Créateur, dans la joie et dans la paix du salut.

4. Nous concluons par les paroles d'un des sermons de saint Augustin, qui illustre et exalte ainsi le chant de l'Alleluia dans sa signification spirituelle: "Vous savez effectivement que dans notre langue Alleluia signifie "Louez Dieu"; ainsi, en redisant ce mot avec l'accord sur les lèvres et dans le coeur, nous nous excitons mutuellement à louer le Seigneur. Ah! Il est le seul que nous puissions louer avec sécurité, puisqu'il n'y a rien en lui qui puisse nous déplaire. Sans doute à cette époque où s'accomplit notre pèlerinage, nous chantons l'Alleluia pour nous consoler des fatigues de la route; c'est pour nous le chant du voyageur; mais en traversant nos laborieux sentiers, nous cherchons le repos de la patrie, et là, toute autre occupation cessant, nous n'aurons plus qu'à redire l'Alleluia" (n. 255, 1: Sermons, IV/2, Rome 1984, p. 597).
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les groupes venant de France et du Canada. Que toute votre vie soit un Alleluia, un chant de louange à la gloire du Seigneur!



Mercredi 22 septembre 2004: 1P 2 La passion volontaire du Christ, serviteur de Dieu

22094 Lecture: cf. (1P 2,21-24)

1. Aujourd'hui, en écoutant le passage sous forme d'hymne du chapitre 2 de la Première Epître de saint Pierre, est apparu de façon très vive devant nos yeux le visage du Christ souffrant. C'est ce qui arrivait aux lecteurs de cette Epître dans les premiers temps du christianisme et c'est ce qui est arrivé pendant des siècles au cours de la proclamation liturgique de la Parole de Dieu et dans la méditation personnelle.

Inséré à l'intérieur de l'Epître, ce chant présente une tonalité liturgique et semble refléter le souffle de prière de l'Eglise des origines (cf. Col Col 1,15-20 Ph 2, Col 6-11 1Tm 3,16). Il est également marqué par un dialogue idéal entre l'auteur et les lecteurs, rythmé par l'alternance des pronoms personnels "nous" et "vous": "car le Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces... lui qui, sur le bois, a porté lui-même nos fautes dans son corps... afin que, morts à nos fautes, nous vivions pour la justice; lui dont la meurtrissure vous a guéris" (1P 2,21 1P 2,24-25).

2. Mais le pronom qui revient le plus fréquemment se trouve dans l'original grec, hos, qui est presque martelé au début des versets principaux (cf. 1P 1P 2,22 1P 1P 2,23 1P 1P 2,24): c'est "Lui", le Christ patient; Lui qui n'a pas commis de péché; Lui qui, étant outragé, ne réagissait pas en demandant vengeance; Lui qui, sur la Croix, a porté le poids des péchés de l'humanité pour les effacer.

La pensée de Pierre, mais également celle des fidèles qui récitent cet hymne en particulier dans la Liturgie des Vêpres de la période quadragésimale, se tournent vers le Serviteur de Yahvé décrit dans le célèbre quatrième chant du Livre du prophète Isaïe.Il s'agit d'un personnage mystérieux, interprété par le christianisme d'un point de vue messianique et christologique, car il anticipe les détails et la signification de la Passion du Christ: "Or ce sont nos souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé... Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes... Dans ses blessures nous trouvons la guérison... Maltraité, il s'humiliait, il n'ouvrait pas la bouche" (Is 53,4 Is 53,5 Is 53,7).

Le profil de l'humanité pécheresse représentée sous l'image d'un troupeau en perdition, dans un verset qui n'est pas repris dans la Liturgie des Vêpres (cf. 1P 1P 2,25), provient lui aussi de cet antique poème prophétique: "Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin" (Is 53,6).

3. Deux figures se croisent donc dans l'hymne pétrinien. On le trouve tout d'abord Lui, le Christ, qui avance vers la voie difficile de la passion, sans s'opposer à l'injustice et à la violence, sans récriminations ni plaintes, mais en se donnant lui-même, ainsi que son histoire douloureuse "à Celui qui juge avec justice" (1P 2,23). Un acte de confiance pure et absolue qui sera scellée sur la Croix par ses dernières paroles célèbres, clamées à haute voix en s'abandonnant totalement à l'oeuvre du Père: "Père entre tes mains je remets mon esprit" (Lc 23,46 cf. Ps Ps 30,6).

Il ne s'agit donc pas d'une résignation aveugle et passive, mais d'une confiance courageuse, destinée à être un exemple pour tous les disciples qui parcourront la voie obscure de l'épreuve et de la persécution.

4. Le Christ est présenté comme le Sauveur, solidaire avec nous dans son "corps" humain. En naissant de la Vierge Marie, il est devenu notre frère. Il peut donc être à nos côtés, partager notre douleur, porter notre mal, "nos fautes" (1P 2,24). Mais il est également et toujours le Fils de Dieu et sa solidarité avec nous devient radicalement transformatrice, libératrice, expiatrice, salvifique (ibid.).

C'est ainsi que notre pauvre humanité est arrachée des routes déviantes et perverses du mal et ramenée à la "justice", c'est-à-dire au beau projet de Dieu. La dernière phrase de l'hymne est particulièrement émouvante. Elle dit: "Lui dont la meurtrissure nous a guéris" (1P 2,25). Nous voyons quel prix fort le Christ a dû payer pour nous procurer la guérison!

5. Nous concluons en laissant la parole aux Pères de l'Eglise, c'est-à-dire à la tradition chrétienne qui a médité et prié avec cet hymne de saint Pierre.

En mélangeant une expression de cet hymne avec d'autres références bibliques, saint Irénée de Lyon synthétise ainsi la figure du Christ Sauveur, dans un passage de son traité Contre les hérésies: "Il n'y a qu'un seul et même Jésus Christ, Fils de Dieu, qui, à travers sa passion, nous a réconciliés avec Dieu et est ressuscité d'entre les mort, qui est à la droite du Père et qui est parfait en toutes choses: on le frappait, mais il ne rendait pas les coups, "lui qui, alors qu'il souffrait, ne menaçait pas" et qui, alors qu'il souffrait d'une violence tyrannique, priait le Père de pardonner ceux qui l'avaient crucifié. Il nous a véritablement sauvés, il est le Verbe de Dieu, il est le Fils unique du Père, Jésus Christ notre Seigneur" (III, 16, 9, Milan, 1997, p. 270).
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents ce matin, en particulier le groupe des Soeurs dominicaines de Paris et les pèlerins du Québec. En vous souhaitant un bon pèlerinage à Rome, je vous confie tous au Seigneur Jésus qui nous a aimés du plus grand amour, donnant sa vie pour nous.


Mercredi 29 septembre 2004: Ps 44 Les noces du Roi

29094 Lecture: (Ps 44,2-3 Ps 44,7-8)

1. "Epithalame royal": ces paroles, placées en ouverture du Psaume 44, orientent le lecteur quant au caractère fondamental de cette hymne. Le scribe de cour qui l'a composé nous révèle immédiatement qu'il s'agit d'un poème en l'honneur du souverain hébreu. En parcourant les versets de la composition, on s'aperçoit même que l'on est en présence d'un épithalame, c'est-à-dire d'un chant nuptial.

Les chercheurs se sont efforcés de déterminer les sources historiques du Psaume sur la base de certains indices - tels que le lien de la reine avec la ville phénicienne de Tyr (cf. Ps Ps 44,13) - mais sans réussir à identifier de façon précise le couple royal. Le fait qu'il s'agisse d'un roi israélite est important, car cela a permis à la tradition juive de transformer le texte en chant au roi-Messie, et à la tradition chrétienne de relire le Psaume dans une optique christologique et, en raison de la présence de la reine, également dans une perspective mariologique.

2. La Liturgie des Vêpres nous invite à lire ce Psaume comme une prière, en l'articulant en deux moments. Nous avons à présent écouté la première partie (cf. Ps Ps 44,2-10) qui, après l'introduction déjà évoquée du scribe auteur du texte (cf. Ps Ps 44,2), présente un splendide portrait du souverain qui va célébrer ses noces.

C'est pour cette raison que le judaïsme a reconnu dans le Psaume 44 un chant nuptial, qui exalte la beauté et l'intensité du don d'amour entre les conjoints. La femme peut en particulier répéter avec le Cantique des Cantiques: "Mon bien-aimé est à moi et moi à lui" (Ct 2,16). "Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi" (Ct 6,3).

3. Le profil de l'époux royal est tracé de façon solennelle, avec le recours à l'apparat d'une scène de cour. Il porte les insignes militaires (Ps 44,4-6), auxquels s'ajoutent de somptueux vêtements parfumés, alors qu'en toile de fond brillent les palais dont les salles grandioses sont recouvertes d'ivoire et retentissent de musique (cf. Ps Ps 44,9-10). Au centre, s'élève le trône et le sceptre est mentionné, deux signes du pouvoir et de l'investiture royale (cf. Ps Ps 44,7-8).

A ce point, nous voudrions souligner deux éléments. Tout d'abord la beauté de l'époux, signe d'une splendeur intérieure et de la bénédiction divine: "Tu es beau, le plus beau des enfants des hommes" (Ps 44,3). C'est précisément sur la base de ce verset que la tradition chrétienne représenta le Christ sous forme d'un homme parfait et fascinant. Dans un monde souvent marqué par la laideur et la vilenie, cette image constitue une invitation à retrouver la "via pulchritudinis" dans la foi, dans la théologie et dans la vie sociale pour atteindre la beauté divine.

4. La beauté n'est cependant pas une fin en soi. La deuxième remarque que nous voudrions formuler concerne précisément la rencontre entre la beauté et la justice. En effet, le souverain "chevauche pour la cause de la vérité, de la piété, de la justice" (Ps 44,5); il "aime la justice; [hait] l'impiété" (Ps 44,8) et il possède un "sceptre de droiture" (Ps 44,7). La beauté doit se conjuguer avec la bonté et la sainteté de vie, de façon à faire resplendir dans le monde le visage lumineux de Dieu bon, admirable et juste.

Dans le verset (Ps 44,7), selon les chercheurs, l'appellation "Dieu", serait adressée au roi lui-même, car il est consacré par le Seigneur et appartient donc d'une certaine manière au monde divin: "Ton trône est de Dieu pour toujours et à jamais". Ou bien, il pourrait s'agir d'une invocation à l'unique roi suprême, le Seigneur, qui se penche sur le roi-Messie. Il est certain que la Lettre aux Hébreux, en appliquant ce Psaume au Christ n'a pas d'hésitation à reconnaître la divinité totale, et non pas seulement symbolique, au Fils de Dieu entré dans sa gloire (cf. He He 1,8-9).

5. Dans le sillage de cette lecture christologique, nous concluons en reprenant la voix des Pères de l'Eglise, qui attribuent à chaque verset des valeurs spirituelles supplémentaires. Ainsi, à propos de la phrase du Psaume dans laquelle il est dit que le roi-Messie est "béni de Dieu à jamais" (cf. Ps Ps 44,3), saint Jean Chrysostome ajoute cette application christologique: "Adam, le premier homme, fut chargé d'imprécations; celui-ci, au contraire, est chargé de bénédictions. Au premier, il fut dit: "Tu es maudit dans tes oeuvres", et ses enfants furent frappés à leur tour de semblables malédictions: "Maudit celui qui fait négligemment les oeuvres du Seigneur; maudit celui qui ne reste pas fidèle à toutes les choses écrites dans ce livre; maudit celui qui est pendu au bois" (Gn 3,17 Jr 48,10 Dt 27,26 Dt 21, Dt 23). Voyez-vous que de malédictions? Le Christ nous en délivra, en les assumant sur sa tête. De même qu'il s'est humilié pour vous relever, qu'il est mort pour vous rendre immortels; de même il a assumé les malédictions afin que vous fussiez comblés de bénédictions. Qu'y a-t-il de comparable à une bénédiction achetée au prix d'une malédiction? Le Christ n'avait pas besoin de bénédictions pour lui-même; c'est pour vous qu'il les a gagnées" (Expositio in Psalmum XLIV, 4: ).
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier le groupe de l’école nationale catholique Blomet et les fidèles de Namur. Puisse votre séjour à Rome être une occasion pour grandir dans la foi et la confiance au Christ.




Mercredi 6 octobre 2004: Ps 44 Le Roi et l'Epouse

61004 Lecture: (Ps 44,11-12 Ps 44,14-15 Ps 44,18)

1. Le doux portrait féminin qui nous a été présenté constitue le second tableau du diptyque qui compose le Psaume 44, un chant nuptial serein et joyeux, que la Liturgie des Vêpres propose à notre lecture. Ainsi, après avoir contemplé le roi qui célèbre ses noces (cf. Ps Ps 44,2-10), nos yeux se tournent à présent vers la figure de la reine, épouse du souverain (cf. Ps Ps 44,11-18). Cette perspective nuptiale nous permet de dédier le Psaume à tous les couples qui vivent avec intensité et fraîcheur intérieure leur mariage, signe d'un "grand mystère", comme le suggère saint Paul, celui de l'amour du Père pour l'humanité et du Christ pour son Eglise (cf. Ep Ep 5,32). Toutefois, le Psaume ouvre de nouveaux horizons.

Sur la scène apparaît, en effet, le roi hébreu et c'est précisément dans cette perspective que la tradition juive successive y a vu une description du Messie issu de la lignée de David, alors que le christianisme a transformé l'hymne en un chant en l'honneur du Christ.

2. A présent, cependant, notre attention se fixe sur le portrait de la reine que le poète de cour, auteur du Psaume (cf. Ps Ps 44,2), décrit avec une grande délicatesse et beaucoup de sensibilité. L'indication de la ville phénicienne de Tyr (cf. Ps Ps 44,13) laisse supposer qu'il s'agit d'une princesse étrangère. L'appel à oublier le peuple et la maison du père (cf. Ps Ps 44,11), dont la princesse a dû s'éloigner, prend alors une signification particulière.

La vocation nuptiale constitue un tournant dans la vie et transforme l'existence, comme il apparaît déjà dans le livre de la Genèse: "C'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair"" (Gn 2,24). La reine épouse s'avance à présent, accompagnée de son cortège nuptial qui porte les dons, vers le roi qui est fasciné par sa beauté (cf. Ps Ps 44,12-13).

3. L'insistance avec laquelle le Psalmiste exalte la femme est importante: elle est "toute de splendeur" (Ps 44,14) et cette magnificence est exprimée par l'habit nuptial entièrement tissé d'or et enrichi de précieuses broderies (cf. Ps Ps 44,14-15).

La Bible aime la beauté comme reflet de la splendeur de Dieu lui-même; les vêtements peuvent eux aussi devenir le signe d'une lumière intérieure fulgurante, d'une pureté de l'âme.

La pensée avance de façon parallèle, d'une part, aux pages admirables du Cantique des Cantiques (cf. Ct Ct 4 Ct 7) et, de l'autre, à la reprise de l'Apocalypse qui décrit les "noces de l'Agneau", c'est-à-dire du Christ, avec la communauté des rachetés, en soulignant la valeur symbolique des vêtements nuptiaux: "Voici les noces de l'agneau et son épouse s'est faite belle: on lui a donné de se vêtir de lin d'une blancheur éclatante - le lin, c'est en effet les bonnes actions des saints" (Ap 19,7-8).

4. A côté de la beauté, est exaltée la joie qui émane du cortège joyeux des "vierges à sa suite", les demoiselles d'honneur qui accompagnent l'épouse "parmi joie et liesse" (cf. Ps Ps 44,15-16). Le joie authentique est beaucoup plus profonde que la simple allégresse, elle est une expression de l'amour qui participe au bien de la personne aimée dans la sérénité du coeur.

Or, selon les paroles de voeux placées en conclusion, apparaît une autre réalité, profondément enracinée dans le mariage: la fécondité. On parle, en effet, de "fils" et de "générations" (cf. Ps Ps 44,17-18). L'avenir, non seulement de la dynastie mais de l'humanité, se réalise précisément parce que le couple offre au monde de nouvelles créatures.

Il s'agit d'un thème important à notre époque, dans un monde occidental souvent incapable de confier sa propre existence à l'avenir, à travers l'engendrement et la protection de nouvelles créatures, qui poursuivront la civilisation des peuples et qui réaliseront l'histoire du salut.

5. De nombreux Pères de l'Eglise, comme on le sait, ont lu le portrait de la reine en l'appliquant à Marie, à partir de l'appel initial: "Ecoute, ma fille, regarde et tends l'oreille..." (Ps 44,11). C'est ce qui a lieu, par exemple, dans l'Homélie sur la Mère de Dieu de Chrysippe de Jérusalem, un cappadocien qui, en Palestine, fut l'un des moines fondateurs du monastère de saint Euthyme et qui, devenu prêtre, fut gardien de la Sainte Croix dans la Basilique de l'Anastasis à Jérusalem.

"C'est à toi qu'est adressé mon discours - dit-il en s'adressant à Marie -, à toi qui dois devenir l'épouse du grand souverain; c'est à toi que va mon discours, à toi qui vas concevoir le Verbe de Dieu, de la façon qu'Il connaît... "Ecoute, ma fille, regarde et tends l'oreille"; en effet l'heureuse annonce de la rédemption du monde est en train de s'accomplir. Tends ton oreille et ce que tu entendras réjouira ton coeur... "Oublie ton peuple et la maison de ton père": ne prête pas attention à ta parenté terrestre, car tu seras transformée en une reine céleste. Et vois - dit-il - combien t'aime celui qui est le Créateur et Seigneur de toutes les choses. "En effet le roi - dit-il - désire ta beauté": le Père lui-même te prendra comme son épouse; l'Esprit disposera toutes les conditions qui sont nécessaires pour ces noces... Ne crois pas que tu enfanteras un enfant humain, "car il est ton Seigneur et tu te prosterneras devant lui". Ton Créateur est devenu ton enfant; tu le concevras et, avec les autres, tu l'adoreras comme ton Seigneur" (Testi mariani del primo millennio, I, Rome 1988, PP 605-606).
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les pèlerins du diocèse d’Aire et Dax, accompagnés par leur évêque, Monseigneur Philippe Breton, ainsi que tous les servants d’autel de Suisse. Que le Seigneur ressuscité vous donne sa joie, source de fécondité pour votre vie chrétienne !



Mercredi 13 octobre 2004: Ep 1 Dieu Sauveur

13104 Lecture: (Ep 1,3 Ep 1,7-8)

1. Nous nous trouvons face à l'hymne solennel de bénédiction qui ouvre la Lettre aux Ephésiens, une page de grande portée théologique et spirituelle, admirable expression de la foi et peut-être de la liturgie de l'Eglise des temps apostoliques.

A quatre reprises, lors de chaque semaine autour desquelles s'articule la Liturgie des Vêpres, l'hymne est reproposé, afin que le fidèle puisse contempler et goûter cette grandiose icône du Christ, coeur de la spiritualité et du culte chrétien, mais également principe d'unité et de sens de l'univers et de toute l'histoire. La bénédiction s'élève de l'humanité vers le Père qui est aux cieux (cf. Ep Ep 1,3), en partant de l'oeuvre salvifique du Fils.

2. Celle-ci commence à partir du projet divin éternel, que le Christ est appelé à accomplir. Dans ce dessein brille en premier lieu notre appel à être "saints et immaculés", non tant au niveau rituel - comme sembleraient le suggérer les adjectifs utilisés dans l'Ancien Testament pour le culte sacrificiel - mais plutôt "dans l'amour" (cf. Ep Ep 1,4). Il s'agit donc d'une sainteté et d'une pureté morale, existentielle, intérieure.

Toutefois, le Père a pour nous à l'esprit un autre objectif: à travers le Christ il nous destine à accueillir le don de la dignité filiale, devenant fils dans le Fils et frères de Jésus (cf. Rm Rm 8,15 Rm Rm 8,23 Rm 9,4 Ga 4,5). Ce don de la grâce se diffuse à travers "le Fils bien-aimé", le Fils unique par excellence (cf. Ep Ep 1,5-6).

3. En empruntant cette voie le Père opère en nous une transformation radicale: une totale libération du mal, "la rédemption par le sang" du Christ, "la rémission des fautes" à travers "la richesse de sa grâce" (cf. Ep Ep 1,7). L'immolation du Christ sur la croix, acte suprême d'amour et de solidarité, diffuse sur nous une vague surabondante de lumière, de "sagesse et d'intelligence" (cf. Ep Ep 1,8). Nous sommes des créatures transfigurées: une fois notre faute effacée, nous connaissons le Seigneur en plénitude. Et la connaissance étant, dans le langage biblique, une expression d'amour, elle nous introduit plus profondément dans le "mystère" de la volonté divine (cf. Ep Ep 1,9).

4. Un "mystère", c'est-à-dire dire un projet transcendant et parfait, qui a pour contenu un admirable plan salvifique: "Ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres terrestres comme les célestes" (Ep 1,10). Le texte grec suggère que le Christ est devenu le kefalaion, c'est-à-dire qu'il est le point cardinal, l'axe central vers lequel l'être créé converge et acquiert tout son sens. Ce même vocable grec renvoie à un autre terme, cher à l'Epître aux Ephésiens et aux Colossiens: kefale, "chef", qui indique la fonction accomplie par le Christ dans le corps de l'Eglise.

A présent, le regard a une portée plus vaste et cosmique, tout en incluant la dimension ecclésiale plus spécifique de l'oeuvre du Christ. Il s'est réconcilié toutes choses "faisant la paix par le sang de sa croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel" (Col 1,20).

5. Nous concluons notre réflexion par une prière de louange et de gratitude pour la rédemption du Christ opérée en nous. Nous le faisons en reprenant les paroles d'un texte conservé sur un antique papyrus du IV siècle.

"Nous t'invoquons, Seigneur Dieu. Tu connais chaque chose, rien ne t'échappe, Maître de vérité. Tu as créé l'univers et tu veilles sur chaque être. Tu guides sur le chemin de la vérité ceux qui étaient dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. Tu veux sauver tous les hommes et leur faire connaître la vérité. Tous ensemble nous t'offrons des louanges et des hymnes d'action de grâce". L'orant poursuit: "Tu nous as rachetés, avec le sang précieux et immaculé de ton Fils unique, de tout égarement et de l'esclavage. Tu nous as libérés du démon et tu nous as accordé la gloire et la liberté. Nous étions morts et tu nous as fait renaître, corps et âme, dans l'Esprit. Nous étions souillés et tu nous as rendus purs. Nous te prions donc, Père des miséricordes et Dieu de toute consolation: confirme-nous dans notre vocation, dans l'adoration et dans la fidélité". La prière se conclut par l'invocation suivante: "Fortifie-nous, ô Seigneur bienveillant, avec ta force. Illumine notre âme de ton réconfort... Accorde-nous de regarder, de chercher et de contempler les biens du ciel et non ceux de la terre. Ainsi, par la force de ta grâce sera rendu gloire au pouvoir tout-puissant, très saint et digne de toute louange, dans le Christ Jésus, le Fils bien-aimé, avec l'Esprit Saint dans les siècles des siècles. Amen". (A. Hamman, Prières des premiers chrétiens, Milan 1955, PP 92-94).
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier le groupe de «Radio chrétienne de France». Que votre pèlerinage vous aide à accueillir généreusement le don que Dieu vous fait de son amour de Père.



Mercredi 20 octobre 2004: Ps 48 Vanité des richesses

20104 Lecture: (Ps 48,2-3 Ps 48,6-8 Ps 48,13)

1. Notre méditation sur le Psaume 48 sera divisée en deux étapes, précisément comme le fait la Liturgie des Vêpres, qui nous le propose en deux temps. Nous en commenterons à présent de façon essentielle la première partie, dans laquelle la réflexion se développe à partir d'une situation de difficulté, comme dans le Psaume 72. Le juste doit affronter des "jours tristes", car "la malice [des pervers] me talonne et me cerne", eux "qui se prévalent du surcroît de leur richesse" (cf. Ps Ps 48,6-7).

La conclusion à laquelle le juste parvient est formulée comme une sorte de proverbe, que l'on retrouvera également dans le final de l'ensemble du Psaume. Elle résume de façon claire le message dominant de la composition poétique: "L'homme dans son luxe ne comprend pas, il ressemble au bétail muet" (Ps 48,13). En d'autres termes, "le surcroît de richesse" n'est pas un avantage, au contraire! Il vaut mieux être pauvre et uni à Dieu.

2. Dans le proverbe semble retentir la voix austère d'un antique sage de la Bible, l'Ecclésiaste ou Qohélet, lorsqu'il décrit le destin apparemment semblable de toute créature vivante, celui de la mort, qui rend complètement vaine la tentative de s'agripper de façon frénétique aux choses terrestres: "Comme il était sorti du sein de sa mère tout nu, il s'en retournera, comme il était venu. De son travail il n'a rien retiré qui lui reste en main... Car le sort de l'homme et le sort de la bête sont un sort identique: comme meurt l'un, ainsi meurt l'autre... Tout s'en va vers un même lieu" (Qo 5,14 Qo 3,19 Qo 3,20).

3. Un profond aveuglement s'empare de l'homme lorsqu'il pense pouvoir éviter la mort en se donnant du mal pour accumuler des biens matériels: ce n'est pas pour rien que le Psalmiste parle d'un "manque de compréhension" au caractère presque animal.

Quoi qu'il en soit, ce thème sera abordé par toutes les cultures et par toutes les spiritualités et il sera exprimé en substance de façon définitive par Jésus qui déclare: "Attention! Gardez-vous de toute cupidité, car, au sein même de l'abondance, la vie d'un homme n'est pas assurée par ses biens" (Lc 12,15). Il raconte ensuite la célèbre parabole du riche insensé, qui accumule des biens à n'en plus finir sans imaginer le piège que la mort lui tend déjà (cf. Lc Lc 12,16-21).

4. La première partie du Psaume est entièrement centrée précisément sur cette illusion qui envahit le coeur de l'homme riche. Celui-ci est convaincu de réussir à "acheter" également la mort, tentant en quelque sorte de la corrompre, un peu comme il a fait pour obtenir toutes les autres choses, c'est-à-dire le succès, le triomphe sur les autres dans le domaine social et politique, la prévarication impunie, la satiété, le confort, les plaisirs.

Mais le Psalmiste n'hésite pas à qualifier cette prétention de sottise. Il utilise un terme qui possède une valeur également financière, "rachat": "Mais l'homme ne peut acheter son rachat ni payer à Dieu sa rançon: il est coûteux le rachat de son âme, et il manquera toujours pour que l'homme survive et jamais ne voit la fosse" (Ps 48,8-10).

5. Le riche, qui s'agrippe à son immense fortune, est convaincu qu'il réussira à dominer également la mort, de la même façon qu'il a dominé tout et chacun grâce à l'argent. Mais quelle que soit l'importance de la somme qu'il est prêt à offrir, son destin ultime sera inexorable. En effet, comme tous les hommes et les femmes, riches ou pauvres, sages ou sots, il devra aller dans la tombe, comme cela est également arrivé aux puissants, et il devra laisser sur terre l'or qu'il a tant aimé, ces biens matériels qu'il a tant idolâtrés (cf. Ps Ps 48,11-12).

Jésus insinuera cette question inquiétante dans l'esprit de ses auditeurs: "Que pourra donner l'homme en échange de sa propre vie?" (Mt 16,26). Aucun échange n'est possible, car la vie est un don de Dieu, qui "tient en son pouvoir l'âme de tout vivant et le souffle de toute chair d'homme" (Jb 12,10).

6. Parmi les Pères qui ont commenté le Psaume 48, une attention particulière doit être consacrée à saint Ambroise, qui en élargit le sens dans une plus ample vision, précisément à partir de l'invitation initiale du Psalmiste: "Ecoutez ceci, tous les peuples, prêtez l'oreille, tous les habitants du monde".

L'ancien Evêque de Milan commente: "Nous reconnaissons ici, précisément au début, la voix du Seigneur sauveur qui appelle les peuples à l'Eglise, afin qu'ils renoncent au péché, qu'il deviennent des disciples de la vérité et qu'ils reconnaissent le bénéfice de la foi". Du reste, "tous les coeurs des diverses générations humaines étaient souillés par le venin du serpent et la conscience humaine, esclave du péché, n'était pas en mesure de s'en détacher". C'est pourquoi le Seigneur, "de sa propre initiative, promet le pardon dans la générosité de sa miséricorde, afin que le coupable n'ait plus peur, mais, pleinement conscient, se réjouisse de devoir à présent devenir le serviteur du Seigneur bon, qui a su pardonner les péchés et récompenser les vertus" (Commento a dodici Salmi, n. 1: SAEMO, Milan-Rome 1980, p. 253).

7. Dans ces paroles du Psaume, l'on entend retentir l'invitation évangélique: "Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug" (Mt 11,28). Ambroise poursuit: "Comme une personne qui viendra visiter les malades, comme un médecin qui viendra soigner les plaies, c'est ainsi qu'il nous présente le remède, afin que les hommes perçoivent sa bonté et accourent avec un empressement confiant pour recevoir le remède de la guérison... Il appelle tous les peuples à la source de la sagesse et de la connaissance, il promet à tous la rédemption, afin que personne ne vive dans l'angoisse, que personne ne vive dans le désespoir" (n. 2: ibid ., pp. PP 253 PP 255).
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J’accueille avec joie les pèlerins de langue française. Je salue le groupe de l’Institut de Droit canonique de Strasbourg et les servants de Messe de Suisse. Que votre séjour renforce votre foi dans le Christ et votre fidélité à son Église !




Catéchèses S. J-Paul II 15094