2Maccabées (LIT) 6

CHAPITRE 6

6 1 Peu de temps après, le roi envoya Géronte l'Athénien pour contraindre les Juifs à se détourner des lois de leurs pères et à ne plus se gouverner selon les lois de Dieu.
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Ils devaient en outre souiller le temple de Jérusalem en le dédiant à Zeus Olympien, et le temple du Garizim en le dédiant à Zeus Hospitalier, comme le demandaient les habitants de ce lieu.
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Cette invasion du mal fut pénible et difficile à supporter, même pour la population.
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Débauches et parties de plaisir emplissaient le Temple : les païens s'y divertissaient avec des prostituées, avaient commerce avec des femmes sur les parvis sacrés, où ils introduisaient aussi des choses défendues.
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L'autel était recouvert d'offrandes non conformes aux lois et illicites.
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Il n'était possible ni de célébrer le sabbat, ni d'observer les fêtes de nos pères, ni simplement de se déclarer juif.
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Chaque mois, le jour anniversaire de la naissance du roi, on était contraint par une amère nécessité de prendre part à un repas sacrilège. Et lors des fêtes dionysiaques, on était forcé de suivre, couronné de lierre, le cortège en l'honneur de Dionysos.
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Un décret fut promulgué, à l'instigation de Ptolémée, pour que, dans les villes grecques du voisinage, on tienne la même conduite à l'égard des Juifs, on organise des repas sacrilèges,
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et que l'on égorge ceux qui ne choisiraient pas d'adopter les coutumes grecques. Tout ceci laissait entrevoir l'imminence de la détresse.
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Ainsi, deux femmes furent déférées en justice pour avoir fait circoncire leurs enfants. On suspendit leurs nourrissons à leurs seins et on les traîna publiquement à travers la ville, avant de les précipiter du haut des remparts.
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D'autres étaient accourus ensemble dans les cavernes voisines, pour y célébrer en cachette le septième jour. On les dénonça à Philippe, et ils furent tous brûlés, car ils s'étaient gardés de se défendre eux-mêmes, par respect pour la sainteté du jour.
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Je recommande donc à ceux qui liront ce livre de ne pas se laisser décourager par ces événements, mais de penser que ces châtiments ont eu lieu non pour la ruine, mais pour l'éducation de notre race.
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Car c'est le signe d'une grande bonté que de ne pas tolérer longtemps ceux qui commettent l'impiété, mais de leur infliger sans retard des châtiments.
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En effet, à l'égard des autres nations, le Maître attend avec grande patience, pour les châtier, qu'elles aient atteint le comble de leurs péchés. Mais ce n'est pas ainsi qu'il a jugé bon d'agir avec nous,
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afin de ne pas avoir à nous punir plus tard, quand nos péchés seraient arrivés à leur pleine mesure.
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Il est donc vrai que jamais il ne nous retire sa miséricorde : tout en éduquant son peuple par des événements, il ne l'abandonne pas.
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Qu'il nous suffise d'avoir rappelé cela. Après ces quelques mots, il nous faut revenir à notre récit.
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Éléazar était l'un des scribes les plus éminents. C'était un homme très âgé, et de très belle allure. On voulut l'obliger à manger du porc en lui ouvrant la bouche de force.
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Préférant avoir une mort prestigieuse plutôt qu'une vie abjecte, il marchait de son plein gré vers l'instrument du supplice,
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après avoir recraché cette viande, comme on doit le faire quand on a le courage de rejeter ce qu'il n'est pas permis de manger, même par amour de la vie.
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Ceux qui étaient chargés de ce repas sacrilège le connaissaient de longue date. Ils le prirent à part et lui conseillèrent de faire apporter des viandes dont l'usage était permis, et qu'il aurait préparées lui-même. Il n'aurait qu'à faire semblant de manger les chairs de la victime pour obéir au roi ;
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en agissant ainsi, il échapperait à la mort et serait traité avec humanité grâce à la vieille amitié qu'il avait pour eux.
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Mais il fit un beau raisonnement, bien digne de son âge, du rang que lui donnait sa vieillesse, du respect que lui valaient ses cheveux blancs, de sa conduite irréprochable depuis l'enfance, et surtout digne de la législation sainte établie par Dieu. Il s'exprima en conséquence, demandant qu'on l'envoyât sans tarder au séjour des morts :
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« Une telle comédie est indigne de mon âge. Car beaucoup de jeunes gens croiraient qu'Éléazar, à quatre-vingt-dix ans, adopte la manière de vivre des étrangers.
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À cause de cette comédie, par ma faute, ils se laisseraient égarer eux aussi ; et moi, pour un misérable reste de vie, j'attirerais sur ma vieillesse la honte et le déshonneur.
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Même si j'évite, pour le moment, le châtiment qui vient des hommes, je n'échapperai pas, vivant ou mort, aux mains du Tout-Puissant.
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C'est pourquoi, en quittant aujourd'hui la vie avec courage, je me montrerai digne de ma vieillesse
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et, en choisissant de mourir avec détermination et noblesse pour nos vénérables et saintes lois, j'aurai laissé aux jeunes gens le noble exemple d'une belle mort. » Sur ces mots, il alla tout droit au supplice.
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Pour ceux qui le conduisaient, ces propos étaient de la folie ; c'est pourquoi ils passèrent subitement de la bienveillance à l'hostilité.
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Quant à lui, au moment de mourir sous les coups, il dit en gémissant : « Le Seigneur, dans sa science sainte, le voit bien : alors que je pouvais échapper à la mort, j'endure sous le fouet des douleurs qui font souffrir mon corps ; mais dans mon âme je les supporte avec joie, parce que je crains Dieu. »
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Telle fut la mort de cet homme. Il laissa ainsi, non seulement à la jeunesse mais à l'ensemble de son peuple, un exemple de noblesse et un mémorial de vertu.

CHAPITRE 7

7 1 Sept frères avaient été arrêtés avec leur mère. À coups de fouet et de nerf de bœuf, le roi Antiocos voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite.
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L'un d'eux se fit leur porte-parole et déclara : « Que cherches-tu à savoir de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que de transgresser les lois de nos pères. »
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Fou de rage, le roi ordonna que l'on chauffe des poêles et des chaudrons.
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Dès qu'ils furent brûlants, il ordonna de couper la langue de celui qui s'était fait leur porte-parole, de lui arracher la peau de la tête et de lui couper les mains et les pieds, sous les yeux de ses autres frères et de sa mère.
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Lorsqu'il fut complètement mutilé, le roi ordonna de l'amener près du brasier et de le faire passer à la poêle, alors qu'il respirait encore. Tandis que des vapeurs abondantes se répandaient autour de la poêle, les autres s'exhortaient mutuellement, avec leur mère, à mourir avec noblesse. Ils disaient :
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« Le Seigneur Dieu nous voit et, en vérité, nous apporte le réconfort, comme Moïse l'a clairement affirmé dans son cantique où il témoigne, à la face de tous, que Dieu réconfortera ses serviteurs. »
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Lorsque le premier fut mort de cette manière, on amena le deuxième pour le torturer. On lui arracha la peau de la tête avec les cheveux, puis on lui demanda : « Mangeras-tu, plutôt que d'être châtié dans ton corps, membre par membre ? »
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Mais il répondit, dans la langue de ses pères : « Non ! » C'est pourquoi lui aussi subit aussitôt les mêmes sévices que le premier.
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Au moment de rendre le dernier soupir, il dit : « Tu es un scélérat, toi qui nous arraches à cette vie présente, mais puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. »
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Après cela, le troisième fut mis à la torture. Il tendit la langue aussitôt qu'on le lui ordonna et il présenta les mains avec intrépidité,
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en déclarant avec noblesse : « C'est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise, et c'est par lui que j'espère les retrouver. »
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Le roi et sa suite furent frappés de la grandeur d'âme de ce jeune homme qui comptait pour rien les souffrances.
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Lorsque celui-ci fut mort, le quatrième frère fut soumis aux mêmes sévices.
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Sur le point d'expirer, il parla ainsi : « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie. »
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On amena aussitôt le cinquième pour le tourmenter.
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Fixant les yeux sur le roi, il dit : « Tout mortel que tu es, tu as autorité sur les hommes et tu fais ce que tu veux. Ne t'imagine pas pour autant que notre race soit abandonnée de Dieu.
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Mais toi, attends : tu verras combien sa puissance est grande et de quelle manière il sévira contre toi-même et ta descendance ! »
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Après celui-là, on amena le sixième, et lorsqu'il fut sur le point de mourir, il dit : « Ne te fais pas de vaine illusion : c'est à cause de nous-mêmes que nous endurons ces souffrances, pour avoir péché contre notre propre Dieu. De là viennent ces malheurs surprenants.
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Mais toi, ne va pas croire que tu resteras impuni, pour avoir entrepris de faire la guerre à Dieu. »
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Leur mère fut particulièrement admirable et digne d'une illustre mémoire : voyant mourir ses sept fils dans l'espace d'un seul jour, elle le supporta vaillamment parce qu'elle avait mis son espérance dans le Seigneur.
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Elle exhortait chacun d'eux dans la langue de ses pères ; cette femme héroïque leur parlait avec un courage viril :
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« Je suis incapable de dire comment vous vous êtes formés dans mes entrailles. Ce n'est pas moi qui vous ai donné l'esprit et la vie, qui ai organisé les éléments dont chacun de vous est composé.
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C'est le Créateur du monde qui façonne l'enfant à l'origine, qui préside à l'origine de toute chose. Et c'est lui qui, dans sa miséricorde, vous rendra l'esprit et la vie, parce que, pour l'amour de ses lois, vous méprisez maintenant votre propre existence. »
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Antiocos s'imagina qu'on le méprisait, et soupçonna que ce discours contenait des insultes. Il se mit à exhorter le plus jeune, le dernier survivant. Bien plus, il lui promettait avec serment de le rendre à la fois riche et très heureux s'il abandonnait les usages de ses pères : il en ferait son ami et lui confierait des fonctions publiques.
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Comme le jeune homme n'écoutait pas, le roi appela la mère, et il l'exhortait à conseiller l'adolescent pour le sauver.
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Au bout de ces longues exhortations, elle consentit à persuader son fils.
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Elle se pencha vers lui, et lui parla dans la langue de ses pères, trompant ainsi le cruel tyran : « Mon fils, aie pitié de moi : je t'ai porté neuf mois dans mon sein, je t'ai allaité pendant trois ans, je t'ai nourri et élevé jusqu'à l'âge où tu es parvenu, j'ai pris soin de toi.
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Je t'en conjure, mon enfant, regarde le ciel et la terre avec tout ce qu'ils contiennent : sache que Dieu a fait tout cela de rien, et que la race des hommes est née de la même manière.
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Ne crains pas ce bourreau, montre-toi digne de tes frères et accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux au jour de la miséricorde. »
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Lorsqu'elle eut fini de parler, le jeune homme déclara : « Qu'attendez-vous ? Je n'obéis pas à l'ordre du roi, mais j'écoute l'ordre de la Loi donnée à nos pères par Moïse.
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Et toi qui as inventé toutes sortes de mauvais traitements contre les Hébreux, tu n'échapperas pas à la main de Dieu.
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Car nous, c'est à cause de nos propres péchés que nous souffrons.
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En effet, notre Seigneur qui est vivant s'est irrité un moment contre nous, en vue de nous réprimander et de nous éduquer, mais de nouveau il se réconciliera avec ses serviteurs.
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Et toi, impie, le plus infâme de tous les hommes, ne t'enfle pas d'orgueil sans raison en te berçant d'espoirs incertains, alors que tu portes la main sur les serviteurs du Ciel,
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car tu n'as pas encore échappé au jugement du Dieu tout-puissant qui voit tout !
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Nos frères, maintenant, ont supporté une épreuve passagère, pour une vie intarissable : ils sont tombés à cause de l'alliance de Dieu. Mais toi, par le jugement de Dieu, tu recevras le juste châtiment de ton arrogance.
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Quant à moi, comme mes frères, je me livre corps et âme pour les lois de nos pères, en suppliant Dieu de se montrer bientôt favorable à la nation et de t'amener, par des épreuves et des fléaux, à confesser que lui seul est Dieu.
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Je prie aussi pour que la colère du Tout-Puissant, justement déchaînée sur l'ensemble de notre race, prenne fin avec ma mort et celle de mes frères. »
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Fou de rage, exaspéré par la moquerie, le roi s'acharna contre ce dernier plus cruellement encore que contre les autres.
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Le jeune homme mourut donc, pur de toute souillure, mettant toute sa confiance dans le Seigneur.
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Enfin, après tous ses fils, la mère mourut la dernière.
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Nous en resterons là pour le récit des repas sacrilèges et des tourments sans mesure.

CHAPITRE 8

8 1 Or Judas, appelé aussi Maccabée, et ses compagnons s'introduisaient furtivement dans les villages et faisaient appel à leurs frères de race. Réunissant ceux qui demeuraient fidèles au judaïsme, ils en rassemblèrent environ six mille.
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Ils suppliaient le Seigneur de poser son regard sur le peuple que tous opprimaient, d'avoir compassion pour le Temple profané par les impies,
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de prendre en pitié la ville que l'on dévastait, et qu'on allait réduire au ras du sol. Ils le suppliaient d'écouter le sang qui criait jusqu'à lui,
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de se souvenir du massacre criminel des petits enfants innocents, et de déchaîner sa haine du mal, en raison des blasphèmes proférés envers son nom.
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Dès que Judas Maccabée eut une troupe organisée, les païens furent incapables de lui résister, car la colère du Seigneur s'était changée en miséricorde.
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Survenant à l'improviste, il incendiait villes et villages, s'emparait des positions favorables, mettait en fuite un grand nombre d'ennemis,
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choisissant surtout la complicité des nuits pour de telles expéditions. La renommée de sa bravoure se répandait partout.
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Voyant que cet homme progressait peu à peu et remportait des succès toujours plus fréquents, Philippe écrivit à Ptolémée, le gouverneur militaire de Cœlé-Syrie et de Phénicie, de venir au secours des affaires du roi.
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Sans retard, celui-ci désigna Nicanor, fils de Patrocle, du rang des premiers amis du roi, et l'envoya, à la tête d'au moins vingt mille hommes de diverses nations, pour exterminer la race juive tout entière. Il lui adjoignit Gorgias, un général qui avait l'expérience des choses de la guerre.
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Nicanor se proposait d'acquitter pour le roi le tribut de deux mille talents dû aux Romains, au moyen de la vente des Juifs que l'on ferait prisonniers.
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Il s'empressa donc d'envoyer aux villes de la côte l'invitation de venir acheter des esclaves juifs, promettant d'en livrer quatre-vingt-dix pour un talent ; il ne s'attendait pas au jugement qui devait s'ensuivre pour lui, de la part du Tout-Puissant.
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La nouvelle de l'avance de Nicanor parvint à Judas. Quand celui-ci eut averti ses compagnons de l'approche de l'armée ennemie,
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les lâches et ceux qui manquaient de confiance dans le jugement de Dieu s'enfuirent de tous côtés et gagnèrent d'autres lieux.
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D'autres mettaient en vente tout ce qui leur restait, et priaient le Seigneur de les délivrer de l'impie Nicanor, qui les avait vendus avant même que la rencontre eût lieu.
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Ils le suppliaient d'intervenir, sinon à cause d'eux-mêmes, du moins en raison des alliances en faveur de leurs pères et parce que son nom vénérable et plein de majesté avait été invoqué sur eux.
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Judas Maccabée rassembla ceux qui l'entouraient : ils étaient au nombre de six mille. Il les exhortait à ne pas être frappés de crainte devant l'ennemi, à ne pas s'inquiéter du très grand nombre des païens qui marchaient contre eux injustement, mais à combattre noblement.
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Il les encourageait à garder devant les yeux l'outrage criminel commis par ces gens contre le Lieu saint, les tourments infligés à la ville ravagée, et même la ruine des institutions ancestrales.
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« Ceux-là, disait-il, mettent leur confiance à la fois dans leurs armes et dans leurs actions téméraires. Mais nous, nous mettons notre confiance en Dieu tout-puissant, qui peut d'un seul signe de tête renverser aussi bien ceux qui marchent contre nous, que le monde tout entier ».
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Il leur rappela en outre les cas de protection divine qui avaient eu lieu en faveur de leurs ancêtres, notamment sous le règne de Sennakérib, lorsque cent quatre-vingt-cinq mille hommes avaient péri,
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et la bataille livrée en Babylonie contre les Galates. Ce jour-là, les Juifs qui avaient pris part à l'action étaient, en tout, huit mille hommes, aux côtés de quatre mille Macédoniens. Or les Macédoniens se trouvant dans une situation critique, les huit mille avaient fait périr cent vingt mille hommes, grâce au secours qui leur était venu du Ciel. Ils en avaient tiré un avantage important.
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Après avoir ainsi galvanisé ses compagnons, et les avoir rendus prêts à mourir pour les lois et la patrie, Judas divisa l'armée en quatre corps.
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À la tête de chaque unité, il plaça ses frères Simon, Joseph et Jonathan, chacun ayant quinze cents hommes sous ses ordres,
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et en outre Éléazar. Il fit la lecture du Livre saint, puis donna pour mot d'ordre : « Secours de Dieu ! » ; il prit personnellement la tête du premier détachement et engagea le combat avec Nicanor.
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Le Tout-Puissant s'étant fait leur allié, ils égorgèrent plus de neuf mille ennemis, blessèrent et mutilèrent la plus grande partie des soldats de Nicanor et les mirent tous en fuite.
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Ils prirent aussi l'argent de ceux qui étaient venus pour les acheter. Après les avoir poursuivis assez loin, ils revinrent sur leurs pas, pressés par l'heure,
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car c'était la veille du sabbat, motif pour lequel ils ne s'attardèrent pas à courir derrière eux.
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Quand ils eurent ramassé les armes et enlevé le butin des ennemis, ils célébrèrent le sabbat : ils multiplièrent les bénédictions et les louanges au Seigneur qui les avait sauvés, qui avait fixé à ce jour la première manifestation de sa miséricorde à leur égard.
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Après le sabbat, ils distribuèrent une part du butin aux victimes de la persécution, aux veuves et aux orphelins ; ils partagèrent le reste entre eux et leurs enfants.
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Après avoir accompli cela, ils adressèrent au Seigneur miséricordieux une supplication commune, pour le prier de se réconcilier définitivement avec ses serviteurs.
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Se mesurant avec les soldats de Timothée et de Bacchidès, ils en tuèrent plus de vingt mille et se rendirent totalement maîtres de hautes forteresses. À nouveau, ils se partagèrent leurs importantes prises de guerre en deux parts égales, l'une pour eux-mêmes et l'autre pour les victimes de la persécution, les orphelins et les veuves, sans oublier les vieillards.
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Ayant ramassé les armes des ennemis, ils prirent soin de les rassembler toutes dans les endroits favorables ; le reste du butin, ils le portèrent à Jérusalem.
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Ils tuèrent le commandant des soldats de Timothée, un homme des plus pervers, qui avait plongé les Juifs dans une grande affliction.
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Lorsqu'ils célébrèrent, dans leur patrie, les fêtes de la victoire, ils brûlèrent ceux qui avaient incendié les portails sacrés, et qui s'étaient réfugiés avec Callisthène dans une même petite maison ; ces hommes reçurent ainsi le digne salaire de leur impiété.
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Nicanor, ce triple scélérat qui avait fait venir les mille marchands pour la vente des Juifs,
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se trouva humilié, grâce à l'intervention du Seigneur, par ceux-là mêmes qu'il considérait comme ce qu'il y avait de plus bas. Il ôta son habit d'apparat et, s'isolant de tous les autres, il traversa l'intérieur des terres à la manière d'un fugitif. Par une chance extraordinaire, il arriva ainsi à Antioche, alors que son armée avait été détruite.
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Lui qui s'était engagé à régler le tribut que l'on devait aux Romains, avec le produit de la vente des prisonniers de guerre de Jérusalem, il proclama que les Juifs avaient un défenseur, et qu'ils étaient invulnérables par le fait même qu'ils suivaient les lois édictées par ce défenseur.

CHAPITRE 9

9 1 À cette époque, Antiocos était piteusement revenu des régions de Perse.
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Il s'était en effet rendu dans la ville de Persépolis ; il y avait entrepris de piller le temple et d'opprimer la ville. Mais la foule s'était soulevée, en ayant recours aux armes, si bien qu'Antiocos fut mis en déroute par les habitants du pays, et contraint d'opérer une retraite honteuse.
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Comme il se trouvait près d'Ecbatane, il apprit ce qui était arrivé à Nicanor et aux gens de Timothée.
4
Transporté de fureur, il résolut de faire payer aux Juifs l'injure infligée par ceux qui avaient causé sa fuite. Pour ce motif, il ordonna au conducteur de lancer le char en avant, et de continuer sans répit jusqu'à la fin du voyage. En réalité, la sentence du Ciel était déjà sur lui. Il avait dit, en effet, dans son arrogance : « Arrivé à Jérusalem, je ferai de cette ville la fosse commune des Juifs. »
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Mais le Seigneur qui voit tout, le Dieu d'Israël, le frappa d'un mal incurable et mystérieux. À peine avait-il prononcé ces mots qu'il fut saisi d'une implacable douleur aux entrailles et de terribles souffrances internes.
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Ce n'était que justice pour cet homme qui avait lui-même torturé les entrailles d'autres hommes par des supplices nombreux et inouïs.
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Pourtant, il ne se départit nullement de son attitude provocante. Toujours rempli d'arrogance, il exhalait contre les Juifs le feu de sa colère et commandait d'accélérer la marche. C'est alors que, soudain, il tomba du char qui roulait avec fracas : tous les membres de son corps, entraînés dans une chute malheureuse, furent désarticulés.
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Cet homme qui, l'instant d'avant, dans sa prétention surhumaine, croyait pouvoir donner des ordres aux flots de la mer, lui qui s'imaginait pouvoir peser dans une balance les hauteurs des montagnes, gisait à terre. Il fut transporté sur une civière, manifestant à tous la puissance de Dieu.
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C'était au point que des vers sortaient en grouillant des yeux de l'impie et qu'au milieu d'atroces douleurs, sa chair se décomposait, alors qu'il vivait encore. La puanteur de cette pourriture accablait toute l'armée.
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Celui qui peu auparavant croyait toucher aux astres du ciel, personne maintenant ne pouvait l'escorter à cause de son intolérable puanteur !
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C'est alors que, broyé, il commença à se départir de cet excès d'arrogance ; sous le fléau divin, tiraillé à chaque instant par de vives douleurs, il prit conscience de sa situation.
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Ne pouvant supporter sa propre puanteur, il déclara : « Il est juste de se soumettre à Dieu et, quand on est mortel, de ne pas se croire l'égal de la divinité. »
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Mais les prières de cet homme infâme allaient vers un maître qui ne devait plus avoir pitié de lui.
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La Ville sainte, vers laquelle il s'était hâté pour la réduire au ras du sol et la transformer en fosse commune, il promettait maintenant de la rendre libre.
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Les Juifs, auxquels il avait résolu de ne pas même accorder une sépulture, et qu'il avait décidé de jeter avec leurs petits enfants aux bêtes sauvages et en pâture aux oiseaux de proie, il disait maintenant vouloir les rendre tous égaux aux Athéniens.
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Le Temple saint, qu'autrefois il avait pillé, il l'ornerait des présents les plus beaux ; il lui restituerait en bien plus grand nombre tous les objets sacrés et pourvoirait de ses propres revenus à toutes les dépenses nécessaires aux sacrifices.
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En plus de tout cela, il promettait de devenir lui-même juif et de parcourir tout lieu habité en proclamant la souveraineté de Dieu.
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Mais ses souffrances ne s'atténuaient en rien, car le juste jugement de Dieu était sur lui. Alors, désespérant de son état, il écrivit aux Juifs la lettre ci-dessous, véritable supplique, qui disait :
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« Aux excellents Juifs, ses concitoyens, salut, santé et bonheur parfaits de la part d'Antiocos, roi et général en chef.
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Si vous vous portez bien, ainsi que vos enfants, et si vos affaires marchent à souhait, nous en rendons vivement grâce à Dieu, car nous plaçons notre espérance dans le Ciel.
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Quant à moi, je suis alité, sans force, mais je garde un affectueux souvenir de votre respect et de votre bienveillance. À mon retour des régions de Perse, je suis tombé gravement malade, et j'ai donc estimé nécessaire de veiller à la sécurité de tous.
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Je n'ai pas d'illusion sur mon état, et cependant j'ai le ferme espoir d'échapper à cette maladie.
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Mais j'observe que mon père aussi, à l'époque où il fit campagne dans le Haut Pays, désigna son successeur,
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afin que les habitants du pays sachent à qui les affaires avaient été confiées, et ne soient donc pas troublés en cas d'événement inattendu ou de mauvaise nouvelle.
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Par ailleurs, je me rends compte que les souverains proches de nous et les voisins du royaume épient les occasions et guettent la suite des événements. C'est pourquoi j'ai désigné comme roi mon fils Antiocos, que j'avais souvent confié et recommandé à la plupart d'entre vous, lorsque je me hâtais vers les provinces du Haut Pays. Je lui ai d'ailleurs écrit la lettre transcrite ci-dessous.
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Je vous prie donc et vous conjure, en souvenir des bienfaits que je vous ai accordés en général et en particulier, de conserver chacun la bienveillance que vous avez pour moi et pour mon fils.
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En effet, j'en ai la conviction, il poursuivra ma politique, et se conduira envers vous avec modération et humanité ».
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Ainsi, ce meurtrier, ce blasphémateur connut le sort lamentable de terminer sa vie en terre étrangère, dans les montagnes, en proie aux pires souffrances, comme celles qu'il avait infligées aux autres.
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Philippe, son ami d'enfance, ramena son corps, mais ensuite il se retira en Égypte, auprès de Ptolémée Philométor, car il craignait le fils d'Antiocos.

CHAPITRE 10

10 1 Sous la conduite du Seigneur, Judas Maccabée et ses compagnons reconquirent le Temple et la ville de Jérusalem.
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Ils détruisirent les autels païens édifiés sur la place publique par les étrangers, ainsi que leurs lieux de culte.
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Après avoir purifié le Temple, ils bâtirent un nouvel autel. Après deux ans d'interruption, ils offrirent des sacrifices, en prenant le feu obtenu par le moyen de pierres à feu. Ils brûlèrent de l'encens, allumèrent les lampes et placèrent les pains de l'offrande.
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Cela fait, ils se jetèrent à plat ventre et supplièrent le Seigneur de ne plus les faire tomber dans de tels malheurs, mais de les corriger lui-même avec modération s'il leur arrivait encore de pécher, et de ne pas les livrer aux païens blasphémateurs et barbares.
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Or, c'est au jour anniversaire de la profanation du Temple par les étrangers, qu'eut lieu la purification du Temple, le même jour, à savoir le vingt-cinq du même mois, le mois de Kisléou.
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Ils célébrèrent cette fête dans l'allégresse, durant huit jours, à la manière de la fête des Tentes, se souvenant comment, peu de temps auparavant, lors de la fête des Tentes, ils campaient dans les montagnes et les cavernes à la manière des bêtes sauvages.
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C'est pourquoi, portant des thyrses, des rameaux verdoyants et des palmes, ils faisaient monter des hymnes vers Celui qui avait mené à bien la purification de son propre Lieu saint.
8
Puis ils décrétèrent par un édit public et un vote que toute la nation des Juifs célébrerait ces jours-là chaque année.
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Telles furent les circonstances de la mort d'Antiocos surnommé Épiphane.
10
Nous allons maintenant exposer les événements survenus sous Antiocos Eupator, le fils de cet homme impie, en résumant les malheurs liés aux guerres.
11
Dès son accès au trône, ce prince mit à la tête des affaires du royaume un certain Lysias, gouverneur militaire en chef de Cœlé-Syrie et de Phénicie.
12
En effet, Ptolémée, appelé Macrone, avait pris l'initiative d'agir avec justice à l'égard des Juifs, à cause des torts qu'on leur avait infligés. Il s'efforçait d'administrer leurs affaires dans la paix,
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mais il fut accusé pour cela par les amis du roi, auprès d'Eupator. En toute occasion, il s'entendait appeler traître pour avoir abandonné Chypre que lui avait confiée Philométor, et s'être retiré auprès d'Antiocos Épiphane. Comme il ne pouvait faire honneur à la dignité de sa charge, il mit fin à ses jours en prenant du poison.
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Gorgias devint gouverneur militaire de la région. Il entretenait des troupes mercenaires et alimentait en toute occasion la guerre contre les Juifs.
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En même temps, les Iduméens, qui s'étaient rendus maîtres de forteresses stratégiques, harcelaient les Juifs ; en attirant ceux qui étaient bannis de Jérusalem, ils s'employaient à alimenter la guerre.
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Judas Maccabée et ceux qui l'entouraient, après avoir imploré et prié Dieu de se montrer leur allié, s'élancèrent contre les forteresses des Iduméens.
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Ils les attaquèrent avec vigueur et se rendirent maîtres de ces positions ; ils repoussèrent tous ceux qui combattaient sur le rempart, égorgèrent ceux qui leur tombaient entre les mains ; ils n'en tuèrent pas moins de vingt mille.
18
Mais neuf mille hommes au moins s'étaient réfugiés dans deux tours particulièrement fortes, contenant tout ce qu'il fallait pour soutenir un siège.
19
Aussi, Judas Maccabée y laissa Simon et Joseph, ainsi que Zachée et ses compagnons, en nombre suffisant pour les assiéger ; lui-même partit pour des endroits où il y avait urgence.
20
Mais les hommes de l'entourage de Simon, par amour de l'argent, se laissèrent acheter par quelques-uns de ceux qui étaient dans les tours et, pour soixante-dix mille pièces d'argent, permirent à un certain nombre de s'échapper.
21
Informé de ce qui était arrivé, Judas Maccabée réunit les chefs du peuple et accusa les coupables d'avoir vendu leurs frères à prix d'argent, en relâchant contre eux leurs ennemis.
22
Il fit donc mettre à mort ces hommes convaincus de trahison et, aussitôt après, il s'empara des deux tours.
23
Menant tout à bien par la force des armes, il tua plus de vingt mille hommes dans ces deux forteresses.
24
Timothée, précédemment vaincu par les Juifs, réunit des troupes mercenaires très nombreuses et rassembla un nombre considérable de chevaux venus d'Asie ; puis il parut en Judée dans l'intention de s'en emparer à la pointe de la lance.
25
À son approche, Judas Maccabée et ceux qui l'entouraient se répandirent en supplications devant Dieu, la tête couverte de poussière et les reins ceints de toile à sac.
26
Prosternés contre le soubassement antérieur de l'autel, ils demandaient à Dieu de leur être favorable et de se montrer l'ennemi de leurs ennemis, l'adversaire de leurs adversaires, comme l'affirme clairement la Loi.
27
Au sortir de cette prière, ils prirent les armes et s'avancèrent hors de la ville, à bonne distance. Quand ils furent près de l'ennemi, ils s'arrêtèrent.
28
Aux premières lueurs de l'aurore, on engagea la lutte de part et d'autre. Les uns avaient pour gage de succès et de victoire, en plus de leur valeur, le recours au Seigneur ; les autres prenaient leur fureur pour guide des combats.
29
Au plus fort de la bataille, les adversaires virent apparaître, sortant du ciel sur des chevaux harnachés d'or, cinq hommes magnifiques qui se mirent à la tête des Juifs.
30
Plaçant Judas Maccabée au milieu d'eux et le protégeant de leur armement, ils le rendaient invulnérable. Mais sur les adversaires, ils lançaient des flèches et des éclairs, si bien que ceux-ci, bouleversés et aveuglés, se dispersaient en pleine panique.
31
Vingt mille cinq cents furent égorgés, en plus de six cents cavaliers.
32
Timothée lui-même se réfugia dans une forteresse appelée Gazara, importante citadelle que commandait Chéréas.
33
Pendant quatre jours, Judas Maccabée et ceux qui l'entouraient assiégèrent la citadelle avec beaucoup d'entrain.
34
Confiants dans la solidité de la place, ceux qui se trouvaient à l'intérieur proféraient d'énormes blasphèmes et lançaient des paroles que la Loi interdit.
35
Mais lorsque le cinquième jour se mit à poindre, une vingtaine de jeunes gens de l'entourage de Judas Maccabée, enflammés de fureur par ces blasphèmes, s'élancèrent avec bravoure sur le rempart et abattirent sauvagement ceux qui leur tombaient entre les mains.
36
D'autres montèrent pareillement contre les assiégés, à la faveur de cette diversion. Ils incendièrent les tours, allumèrent des bûchers et brûlèrent vifs les blasphémateurs. Les premiers défoncèrent les portes, pour laisser entrer le reste de l'armée, et s'emparèrent de la ville.
37
Timothée, qui s'était caché dans une citerne, ils l'égorgèrent, de même que son frère Chéréas et Apollophane.
38
Après avoir accompli ces exploits, ils entonnèrent des hymnes et des louanges pour bénir le Seigneur, qui accordait à Israël de si grands bienfaits et lui donnait la victoire.

CHAPITRE 11


2Maccabées (LIT) 6