Augustin loc. heptateuque 1096

CHAPITRE XXVI.

1096 Gn 26,28. Videntes vidimus quia est Dominus tecum[90].

1097 Gn 26,28 Et disponemus tecum testamennum[91].L'Ecriture se sert volontiers, pour désigner un pacte, du mot testamentum, en grec diatheken. Ce que les versions latines expriment de cette manière : Et disponemus tecum testamentum ne facias nobiscum malum[92], revient à ceci : Ut paciscaris non facere nobiscum malum.

[90] Nous voyons clairement que le Seigneur est avec toi.
[91] Et nous faisons alliance avec toi.
[92] Nous ferons alliance avec toi, et tu t'engageras a ne nous faire aucun mal.


CHAPITRE XXVII.

1098 Gn 27,1. Et vocavit filium suum seniorem Esaü et dixit[93]. Le mot seniorem n'est pas employé ici pour indiquer un âge avancé, mais un âge relativement plus grand.

1099 Gn 27,3. Nunc ergo sume vas tuum pharetramque et arcum[94]. On ne lit pas vasa, mais vas. La signification de ce mot est assez obscure, si l'on n'y reconnaît pas une locution, en vertu de laquelle vas exprimerait déjà pharetram.Ce serait donc pour expliquer le mot vas, qu'Isaac y aurait joint pharetramque et arcum ; et ainsi en disant : sume vas tuum id est pharetram ; et il aurait ajouté et arcum, pour désigner un second objet différent du carquois déjà exprimé par vas. Ou encore le mot vas désigne en même temps le carquois et l'arc, et le singulier est mis pour le pluriel ; c'est ainsi qu'on dit : accipe vestem tuam, prends ton habit, pour signifier plusieurs vêtements ; on dit également miles, le soldat, pour désigner plusieurs soldats. Nous pourrions apporter beaucoup d'autres exemples.

1100 Gn 27,3 Ibid : Exi in campum venare mihi venationem[95].

1101 Gn 27,9. « Cours au troupeau de brebis, et apporte-moi deux des meilleurs chevreaux. » Ces deux espèces d'animaux sont désignés sous la dénomination commune de brebis, parce qu'ils paissaient ensemble.

[93] Il appela Ésaü son fils aîné, et lui dit.
[94] Prends donc tes armes, ton carquois et ton arc.
[95] Va dans les champs, et tue pour moi quelque gibier.


CHAPITRE XXVIII.

1102 Gn 28,4. « Que Dieu t'accorde la bénédiction promise à Abraham ton père. »

Ce sont les paroles d'Isaac à son fils ; mais en réalité Abraham, père d'Isaac, était le grand-père de Jacob.

1103 Gn 28,5. « Et il partit pour la Mésopotamie de Syrie, » comme s'il y avait un autre Mésopotamie que celle qui est en Syrie. Mais ce denier mot ne doit pas venir des Septante, parce que dans cette version il est marqué d'un astérisque.

1104 Gn 28,15. Dieu dit à Jacob : « Je, ne t'abandonnerai pas que je n'aie accompli tout ce que je t'ai promis ; » comme s'il devait l’abandonner une fois les promesses accomplies ; tel n'est pas certainement le sens : c'est donc une locution.

1105 Gn 28,16. Surrexit Jacob de sommo suo et dixit : Quia hoc Dominus in loco hoc, ego autem ignorabam[96].Le sens serait complet sans le mot quia.

1106 Gn 28,16 Ces paroles «le Seigneur est vraiment en ce lieu, » équivalent à celles-ci : « Le Seigneur s'est manifesté ici ; » car le Seigneur ne peut-être contenu dans un lieu.

[96] Jacob, s'étant éveillé, dit : Le Seigneur est vraiment en ce lieu, et je ne le savais pas.


CHAPITRE XXIX.


1107 Gn 29,5. Jacob demande aux bergers : « Connaissez-vous Laban fils de Nachor ? » Il aurait du dire de Bathuel. Mais nous concluons de ces paroles que le nom de Nachor était plus connu, et que c'est par honneur pour sa dignité de chef de famille qu'il le nomme de préférence. C’est une locution très commune d'appeler fils d'un aïeul ou d'un bisaïeul ou de tout autre ascendant plus éloigné, celui qui en descend directement. Voilà pourquoi Isaac a donné à Abraham le nom de père à l'égard de son propre fils, comme nous l'avons remarqué tout-à-l'heure.

1108 Gn 29,7. Adhuc est dies multa, nondum est hora congregandi pecora[97].

[97] Il fait encore grand jour, et l'heure n'est pas encore venue de ramener les troupeaux.


CHAPITRE XXX.

1109 Gn 30,4. Et dedit illi Balam ancillam suam ipsi uxorem[98] ; le sens eut été complet indépendamment du mot ipsi.

1110 Gn 30,27. Si inveni gratiam antet e, auguratus essem ; benedixitenim me Deus in introitu tuo[99]. Ces paroles du texte ne paraissent pas avoir une raison logique, il fallait dire : Si invenissem gratiam ante te, auguratus essem. Mais puisqu'on s'est exprimé ainsi : si inveni, l'ordre naturel est celui-ci : si inveni gratiam ante te, permute me augurari, comme s'il y avait : O si auguratus essem! dont le sens est : Ad bonum augurium te in domo mea haberem.

1111 Gn 30,33. Et exaudiet me justitia mea in die crastino[100] ; c'est comme s’il y avait exaudiri me faciet.

1112 Gn 30,2. « Jacob remarqua que Laban ne le regardait plus du même oeil que la veille et l'avant-veille. » C'est une locution très familière aux écrivains sacrés, de dire « la veille et l'avant-veille » pour exprimer un temps passé en général.

1113 Gn 30,10. « J'ai vu de mes yeux en songe, » quoique les yeux du corps soient fermés dans le sommeil.

1114 Gn 30,13. Ego sum Deus, qui apparui tibi in loco Dei[101]. On voit ici une locution ; les mots Deus in loco Dei, ne doivent-ils pas être pris dans le même sens que Pluit Dominus a Domino[102], où est indiquée la génération du Fils par le Père ?

1115 Gn 30,31. Respondens autem Jacob dixit ad Laban Dixi enim, ne forte au feras filias tuas à me, et omnia mea[103].

1116 Gn 30,33. « Laban entra dans la maison de Lia, pour y faire des recherches. » On s'étonne qu'il soit question ici de la maison de Lia, puisque c'est au milieu du chemin que la famille de Jacob fut rejointe par Laban. Peut-être est-ce un usage de la langue sacrée, de donner le nom de maison à une chambre ou tente, comme quand il est parlé des maisons des servantes.

1117 Gn 30,37. « Jacob dit à Laban : Tu as examiné avec le plus grand soin toutes les choses qui sont dans ma maison. » Il n'est plus question maintenant que d'une seule maison composée des maisons des femmes et des concubines de Jacob : ce qui prouve que ce nom désigne ici des chambres ou tentes, ou, si l'on veut, des pavillons.

1118 Gn 30,42. « Si le Dieu de mon père Abraham, et le Dieu que craint Isaac ne m'eût assisté. » Jacob donne ainsi à son aïeul le nom de père, suivant en cela l'exemple. qu'il avait reçu de son père Isaac.

[98] Elle lui donna pour femme Bala, une de ses servantes.
[99] Si j'ai trouvé grâce devant toi, que ta présence soit toujours pour moi un gage de prospérité ; car depuis que tu es entré chez moi, Dieu n'a cessé de me bénir.
[100] Mon innocence fera encore à l'avenir réussir ma cause.
[101] Je suis le Dieu qui t'a apparu a Béthel.
[102] Le Seigneur fit pleuvoir de la part du Seigneur, (Gn 19,24.)
[103] Jacob répondit à Laban : J'ai eu peur que tu ne vinsses à me reprendre tes filles, et à m'enlever tout ce que je possède.


CHAPITRE XXXII.

1119 Gn 32,3-5. « Jacob envoya de» vaut lui plusieurs de ses gens vers Esaü son frère, qui habitait la terre de Seïr en Idumée, et leur donna cet ordre : Vous direz ceci à Esaü mon seigneur : Voici ce que ton serviteur Jacob te fait dire : J'ai habité chez Laban, et j'ai resté avec lui jusqu'à présent ; j'ai acquis un bon nombre de boeufs, d'ânes, de brebis, de serviteurs et de servantes ; et j'ai envoyé prévenir Esaü mon seigneur. » Il ne dit pas : « J'ai envoyé te prévenir. »

1120 Gn 32,11 Gn 32,18. Si interrogaverit te Esau dicens : Cujus es ? et quo vadis ? et cujus haec quae antecedunt te et dites : Pueri tui Jacob[104].La phrase serait complète, quand même la conjonction et serait supprimée.

1121 Gn 32,19. « Il les envoie pour présent à Esaü mon seigneur, et il vient lui-même après nous.» Il fallait dire, pour ne pas s'écarter du langage ordinaire : « A toi, mon seigneur, » ou bien « A toi, son seigneur. »

1122 Gn 32,22. Surrexit autem eadem nocte, et accepit uxores duas et duas ancillas[105] ; il est facile de voir que ces servantes ne sont pas les femmes, que l'Écriture a désignées tout à l'heure sous le nom d'épouses.

1123 Gn 32,23 Et accepit duas ancillas : voilà un exemple du sens particulier que l'Écriture donne assez souvent au mot accepit ; ce n'est pas cette nuit-là, en effet, que Jacob les a épousées, ou qu'il les a reçues de son beau-père.

[104] Si Esaü te demande : Quel est ton maître ? où vas-tu ? à qui appartiennent ces troupeaux qui marchent devant toi ? Tu diras : C'est à Jacob ton serviteur.
[105] La même nuit, Jacob se leva et prit ses deux femmes et leur deux servantes.


CHAPITRE XXXIII.

1124 Gn 33,13. Au lieu de dire comme le texte latin : Et oves et boves foetantur[106], le grec porte ; foetantur super me, « par dessus moi,» pour signifier : par mes soins et mes peines. Nous disons de même que nous avons des affaires par dessus la tête, quand elles nous demandent beaucoup de soins.

[106] Mes brebis et mes vaches ont fait leurs petits.


CHAPITRE XXXIV.

1125 Gn 34,7. «Quand les fils de Jacob revinrent des champs, et qu'ils apprirent ce qui s'était passé, ils en furent vivement affligés, et ils ne pouvaient contenir leur indignation, en voyant l'opprobre infligé à la maison d'Israël par celui qui avait violé la fille de Jacob. Les choses n'en resteront pas là. » On trouverait difficilement dans l'Écriture un autre exemple d'une locution comme celle-ci, où l'écrivain sacré mêle à la trame de son discours les paroles de quelqu'un, sans mettre en scène la personne qui parle ; car il n'a pas mis : « Et ils dirent ; » il s'est contenté de rapporter leurs paroles. A qui, en effet, peut-on attribuer cette menace : « Les choses n'en resteront pas là, » sinon à ceux qui, dans les transports de leur colère, méditaient des projets de vengeance ?

1126 Gn 34,8. Il faut noter l'expression dont se sert Emmor, lorsque, parlant de Dina à Jacob et à ses fils, il dit : « Ta fille » au pluriel, au lieu de dire : ta fille, soeur de ceux-ci.

1127 Gn 34,15-16. In hoc similes erimus vobis, et habitabimus in vobis[107] ; in vobis est mis pour inter vos.

1128 Gn 34,19. Appositus enim erat filiae Jacob[108], est mis pour amabat eam, il l'aimait.

1129 Gn 34,26. Et filium ejus Sichem interfecerunt in ore gladii[109], au lieu de gladio.

1130 Gn 34,28-29. L'écrivain sacré fait ainsi l'énumération des dépouilles que les fils de Jacob emportèrent de Salem, ville des Sichimites après s'en être emparés : Oves eorum, et boves eorum, et asilios eorum, quaecumque erant in civitate, et quaecumque erant in campo tulerunt, et omnia corpora eorum captivaverunt, et diripuerunt quaecumque erant in civitate, et quaecumque erant in domibus[110].Dans cette énumération on ne comprend pas bien ce qui est exprimé par les mots : et corpora eorum ; car on ne peut pas supposer que les fils de Jacob aient emporté les corps de ceux qu'ils avaient tués. Il faut entendre par là les choses qui peuvent être l'objet d'une possession physique ; de sorte que les mots qui suivent : et supellectilem, les meubles, et autres objets, ne sont que le complément de l'énumération ; c'est ainsi qu'on dit, en style de droit, traditio corporum, la tradition des choses. Il est vrai qu'en vertu d'une locution qui leur est très familière, les grecs se servent du mot somatia pour désigner les esclaves ; mais comme c'est le mot somata non pas somatia qui est employé ici, il ne faudrait pas témérairement donner à ces deux mots le même sens ; il peut se faire néanmoins que ce soit le plus vrai.

[107] En cela nous vous ressemblerons, et nous habiterons au milieu de vous.
[108] Il était attaché à la fille de Jacob.
[109] Ils tuèrent par l'épée son fils Sichem.
[110] Ils prirent leurs brebis, leurs boeufs, leurs ânes, tout ce qui était dans la ville et tout ce qui était dans les champs ; ils firent esclaves tous les habitants ; et livrèrent au pillage tout ce qui était dans la ville et tout ce qui était dans les maisons.


CHAPITRE XXXVI

1131 Gn 36,40. Après avoir fait le dénombrement de la race d'Edom, ou des Iduméens, et des rois qui les avaient gouvernés, l'Écriture ajoute : « Voici les noms des princes sortis d'Esaü selon les lieux qu'ils ont habités dans le pays et au milieu de leurs races, » où l'on voit le pluriel employé pour désigner une seule race, à cause du grand nombre des familles qui -la partageaient. On sait qu'Esaü s'appelait aussi Edom ; et ce nom a servi à distinguer la nation dont il était le père.

CHAPITRE XXXVII

1132 Gn 37,21. « Ruben, ayant entendu ce discours, le délivra de leurs mains, et dit : « Gardons-nous d'attenter à sa vie. » Ce n'est pas après l'avoir délivré qu'il prononça ces paroles, mais c'est en parlant ainsi qu'il le délivra. C'est donc par anticipation que l'Écriture commence par dire qu'il le délivra, pour rappeler ensuite en peu de mots la manière dont il s'y prit pour le délivrer.

1133 Gn 37,22. Non feriamus eum in animam[111].Le mot anima s'entend ici de la vie du corps animé c'est la cause mise pour l'effet. On peut donner le même sens à ces paroles adressées au démon, au sujet de la personne de Jacob : Animam ejus ne tangas[112], qui équivalent à celles-ci : ne occidas eum. La signification est toute différente dans ces paroles de Notre-Seigneur, où la nature de l'âme est clairement désignée : Nolite timere eos qui occidunt corpus, animant autem non possunt occidere[113].

1134 Gn 37,27. Ces paroles de Juda : Manus autem nostrae non sint super eum[114], équivalent à la formule latine : Manus ei non inferamus.

1135 Gn 37,27 Ibid. « Car il est notre frère et notre chair.» Il n'y a pas ici deux sens, mais un seul et même sens sous différentes expressions ; « notre chair, » n'est que l'application des mots « nôtre frère ; » et en effet, le sang du même père coulait dans leurs veines.

1136 Gn 37,31. Occiderunt hoedum caprarum[115]. Ce genre de locution revient souvent dans l'Écriture, comme dans ce passage des psaumes : Sicut agni ovium[116] ; comme s'il pouvait y avoir des chevreaux qui ne soient pas les petits des chèvres, ou des agneaux qui ne soient pas les petits des brebis.

[111] Gardons-nous d'attenter à sa vie.
[112] Ne touche pas à sa vie. (.)
[113] Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne sauraient tuer l'âme. (Mt 10,28.)
[114] Ne portons pas la main sur lui.
[115] Ils tuèrent un chevreau.
[116] Comme des agneaux. (Ps 113,4. )


CHAPITRE XXXVIII.

1137 Gn 38,13. Et nuntiatum est nurui ejus Thamar, dicentes[117] ; pour parler correctement, on aurait du mettre : Nuntiaverunt dicentes.

1138 Gn 38,14. Et depositis vestimentis viduitatis suae a se[118] ; le sens eut-il été moins complet, sans les mots a se ?

1139 Gn 38,26. Et non apposuit amplius scire eam[119] ; ces derniers mots ont le sens de misceri ei.

[117] On vint dire à Thamar, l'épouse de son fils.
[118] Et après avoir quitté ses habits de veuve.
[119] Il n'eut plus de commerce avec elle.


CHAPITRE XXXIX.

1140 Gn 39,4. « Joseph trouva grâce aux yeux de son maître» ; il n'est personne qui ignore cette locution particulière à l'Écriture.

1141 Gn 39,6. Et nesciebat quae circum eum erant nihil[120] ; cette locution très familière aux grecs, est contraire aux règles de la langue latine ; nous dirions en latin : nesciebat aliquid.

1142 Gn 39,6 Ibid. «Excepté le pain qu'il mangeait ; » sous le nom de pain il faut sans doute entendre toutes les choses que l'on servait à Putiphar. C'est ainsi que dans l'Oraison Dominicale il n'est parlé que du pain pour désigner en général la nourriture de chaque jour.

1143 Gn 39,7. « La femme de Putiphar jeta les yeux sur Joseph ; » c'est une locution qui est passée également dans l'usage de la langue latine, pour dire qu'elle l'aima.

1144 Gn 39,7 Ibid. Et ait : Dormi mecum[121] ; cette locution est souvent employée dans le sens de concumbe mecum.

1145 Gn 39,22. Et dedi te arceris custos carcerem per manum Joseph[122] ; ces mots sont mis pour in manus Joseph, ce qui veut dire : en son pouvoir.

[120] Il ne se mettait nullement en peine de connaître par lui-même les affaires de sa maison.
[121] Elle lui dit : Dors avec moi.
[122] Celui qui gardait la prison en confia le soin à Joseph.


CHAPITRE XL.

1146 Gn 40,8. «Ils dirent : Nous avons eu un songe, et nous n'avons personne pour nous en donner l'explication. » Ils ne disent pas : « Nous avons eu des songes », quoique chacun d'eux ait eu le sien.

1147 Gn 40,12. «Les trois provins[123] sont trois jours ; » le texte ne dit pas : « signifient trois jours. » Il est important de remarquer ce genre de locution, où le signe reçoit le nom de la chose signifiée ; c'est ainsi que l'Apôtre a pu dire : « Le rocher était le Christ[124]. » au lieu de : « Le rocher représentait le Christ. »

1148 Gn 40,13. Et dabis calicem Pharaoni in manum ejus[125] ; il n'était pas bien nécessaire d'ajouter in manum ejus.

1149 Gn 40,19. Et auferet Pharao caput tuum abs te[126] ; on aurait pu supprimer abs te.

1150 Gn 40,19 Ibid. Et manducabunt aves coeli carnes tuas abs te[127] ; cette locution est semblable à la précédente.

[123] Synonyme de Sarment de vigne ou rameau couché en terre pour effectuer un marcottage.
[124] 1Co 10,4.
[125] Tu présenteras la coupe à Pharaon.
[126] Pharaon te tranchera la tête.
[127] Les oiseaux du ciel dévoreront ta chair.


CHAPITRE XLI.

1151 Gn 41,1. Et factum est post biennium dierum[128]. Qu'eût-il manqué au sens, si dierum eût été supprimé ?

1152 Gn 41,7. Surrexit autem Pharao, et erat somnium[129] ; c'est ainsi que l'Écriture a coutume de raconter les songes : lorsque le sommeil est passé et que le libre exercice de la raison est revenu avec l'état de veille, on reconnaît l'illusion du songe, au lieu que, pendant qu'il durait, on le prenait pour une réalité.

1153 Gn 41,9-10. « Je reconnais aujourd'hui ma faute. Un jour Pharaon fut irrité contre ses serviteurs, et nous fit jeter en prison. » Il parle à Pharaon lui-même, comme s'il parlait d'un autre.

1154 Gn 41,11. « Lui et moi, nous eûmes tous deux un songe dans la même nuit » Ces mots « lui et moi» sont superflus, si l'on met» tous deux. » Le nombre singulier : «nous avons eu un songe, » est encore employé ici au pluriel « nous avons eu des songes, » comme si tous deux avaient eu le même songe.

1155 Gn 41,13. Factum est autem sicut comparavit nobis, ita et contigi[130].Les mots factum est autem, sont souvent employés de cette manière dans l'Ecriture ; il suffisait de dire : sicut enim comparavit nobis, ita et contigit.

1156 Gn 41,19. Quales nunquam vidi tales in tota terra, Aegypti turpiores[131]. Pour être latine, la phrase aurait pu se construire ainsi : Quibus nunquam vidi turpiores, ou simplement : Quales nunquam vidi, ou bien nunquam vidi tales.

1157 Gn 41,19 Ibid. Exsurgens autem dormivi[132] ; exurgens est mis pour expergiscens.

1158 Gn 41,25. « Dieu a montré à Pharaon les merveilles qu'il accomplira. » Le roi est nommé à la troisième personne, quoique la parole lui soit adressée.

1159 Gn 41,30. « La famine épuisera la terre, » c'est-à-dire les hommes qui sont sur la terre.

1160 Gn 41,33. « Maintenant donc choisissez un homme sage et habile, et donnez-lui le commandement sur toute la terre d'Égypte ; et que Pharaon choisisse aussi, et établisse dans toute l'étendue du pays des gouverneurs de provinces, » comme si la personne à qui l'on dit : « Choisissez un homme sage, » n'était pas la même que celle de qui on dit : « Que Pharaon établisse ».

1161 Gn 41,35. « Que l'on amasse de grandes provisions de blé, et qu'on les mette sous la main de Pharaon, » c'est-à-dire sous sa puissance.

1162 Gn 41,40. Tamen thronum praecedam fui ego[133], c'est en ces termes que les paroles de Pharaon à Joseph sont rendues dans le texte grec. La locution praecedam fui est propre à la langue grecque, tandis que le latin demande praecedam te. Quant à la forme praecedam te thronum, le grec même ne l'admet pas, mais il exige : praecedam te throno, c'est-à dire je te serai supérieur par la prééminence du siège, ou je serai au-dessus de toi par la dignité royale. D'ailleurs cette idée est clairement exprimée dans la suite du discours de Pharaon.

1163 Gn 41,44. « Je suis Pharaon ; personne dans toute défendue de l'Égypte, ne lèvera la main que par « ton ordre. » C'est comme s'il y avait: Je suis le roi, mais tu es le prince, le gouverneur de l'Égypte. Car le mot Pharaon n'est pas un nom propre d'homme ; il désigne la puissance royale.

[128] Deux ans après.
[129] Pharaon s'éveilla, et vit que c'était un songe.
[130] Les choses arrivèrent, comme il nous les avait prédites.
[131] Des vaches si prodigieusement laides, que je n'en ai jamais vu de semblables dans toute l’Égypte.
[132] Après m'être éveillé, je me rendormis.
[133] Cependant je serai au-dessus de toi par la dignité royale.


CHAPITRE XLII.

1164 Gn 42,1. « Jacob, voyant que l'on vendait du blé en Égypte, dit à ses fils : « Pourquoi n'êtes vous pas plus empressés ? J'ai appris que l'on vend du blé en Égypte. » Remarquez que là où le saint patriarche dit qu'il a appris, le narrateur dit qu'il a vu.

1165 Gn 42,2. « Achetez-nous quelques provisions, afin que nous puissions vivre, et que nous ne mourions pas ; » il suffisait de dire : « afin que nous puissions vivre, » ou bien « afin que nous ne mourions pas. »

1166 Gn 42,11. « Nous n'avons aucune intention hostile, tes serviteurs ne sont pas des espions. » Au lieu de dire : « Nous ne sommes pas des espions, » ils disent : « Tes serviteurs ne sont pas des espions, » comme s'ils parlaient d'autres personnes. Ils employaient cette forme de langage, pour mieux témoigner leur respect.

1167 Gn 42,13. « Nous sommes douze frères, tes serviteurs, dans la terre de Chanaan, » et plus loin ils disent que l'un d'entre eux n'est plus, ne pouvant croire à l'existence de Joseph qu'ils supposaient avoir péri. La même locution se remarque dans cet autre passage : « Ce sont là les fils qui naquirent à Jacob en Mésopotamie[134], » quoique Benjamin ne fût pas né dans ce pays. Quand ils disent : « Nous sommes dans la terre de Chanaan, nous sommes est mis pour : nous habitons, puisque, au moment où ils parlaient, ils se trouvaient en Égypte ; mais ils étaient venus de la terre de Chanaan avec l'intention d'y retourner, comme dans le lieu ordinaire de leur séjour.

1168 Gn 42,14. Hoc est quod dixi vobis, dicens quod exploratores estis[135].Qu'eût-il manqué au sens, si le mot dicens avait été retranché

1169 Gn 42,19. « Pour vous, retournez dans votre pays, et conduisez le blé que vous avez acheté. » Conduisez est mis pour : emportez ; mais parce que l'on conduit les bêtes de somme qui portent le blé, on dit que le blé lui-même est conduit.

1170 Gn 42,22. « N'avais-je pas raison de vous dire : Gardez-vous de faire du mal à cet enfant ? et vous ne m'avez pas exaucé. » Le verbe exaucer n'a pas, comme on voit, pour unique acception, d'exprimer que Dieu exauce la prière.

1171 Gn 42,23. « Mais ils ne savaient pas que Joseph les entendit. » Entendre ici a le même sens que comprendre : car quand même on ne comprendrait pas une langue, le son des paroles n'en arrive pas moins à l'oreille. Cette locution reparaît quand les enfants de Jacob racontent à leur père ce qui leur est arrivé en Égypte et ce qu'ils ont dit à Joseph.

1172 Gn 42,32. Duodecim sumus fratres filii patris nostri unus non est ; pusillus autem cum patre nostro hodie in terra Chanaan[136]. Il y a, dans ces quelques paroles, plusieurs locutions d'espèces différentes. Et d'abord celle-ci, que nous avons remarquée tout à l’heure : « nous sommes douze, » bien qu'ils disent : « l'un n'est plus. » Ensuite filii sumus patris nostri, nous sommes les enfants de notre père, comme s'ils pouvaient être les enfants d'un homme, qui ne fût pas leur père. Dans cette autre : pusillus autem cum patre nostro hodie in terra Chanaan, le verbe est n'est pas exprimé, ni aucun autre mot équivalent. C'est ici le lieu de faire une remarque d'une extrême importance à cause de l'application qu'on peut en faire à certains récits des évangélistes., Il arrive souvent qu'en rapportant ce qui a été dit, on ne le répète pas absolument de la même manière ; seulement on a soin que la différence des termes n'altère en rien la substance des choses. Ainsi nous ne voyons pas que Joseph ait dit ces paroles que les fils de Jacob lui attribuent : « Vous trafiquez dans ce pays. » Mais, à son langage, ils ont pu comprendre que telle était sa pensée, et le lui faire dire sans mensonge. Les mots, en effet, ne sont que des signes destinés à manifester, et à porter, autant que possible, à la connaissance de ceux qui nous écoutent, les choses que nous avons dans l'esprit.

1173 Gn 42,35. Et erat uniuscujusque alligatura argenti in sacco eorum[137], on n'a pas mis in sacco ejus, ou bien in saccis eorum, mais in sacco eorum, comme s'il n'y avait qu'un sac pour tous.

1174 Gn 42,36. Super me facta sunt omnia haec[138], c'est comme s'il y avait me miseria onerant.

[134] Gn 35,16.
[135] Voilà bien la preuve de ce que j'avançais tout à l'heure, que vous êtes des espions.
[136] Nous sommes douze frères, tous enfants du même père ; l'un n'est plus, et le plus jeune est aujourd'hui avec notre père au pays de Chanaan.
[137] L'argent de chacun était lié dans leur sac.
[138] Tous ces maux retombent sur moi.


CHAPITRE XLIII.


1175 Gn 43,3. Ait autem illi Judas, dicens[139], le sens eut été aussi complet sans le mot dicens.

1176 Gn 43,3 Ibid. Interrogans interrogavit nos homo[140]. On rencontre souvent dans l'Écriture des locutions comme celle-ci : interrogans interrogavit nos homo, ou bien interrogando interrogavit, ou toute autre construction équivalente.

1177 Gn 43,16. « Ces hommes mangeront, le pain avec moi à midi. » Est-il croyable qu'on n'ait servi que du pain ? C'est donc une locution qui comprend, sous le nom du premier des aliments, toute autre nourriture. Mecum enim manducabunt homine panes meridie : l'expression meridie indique le dîner, ou le repas que l'on prend au milieu du jour.

1178 Gn 43,18. Ut accipias nos in servos et asinos nostros[141]. Il est clair que le mot servos n'est pas sous entendu dans le second membre de phrase ; car ce que le texte latin rend par servos, le grec l'exprime par paidas qui ne peut nullement s'appliquer à des ânes. Il n'y a donc que le verbe accipias de sous-entendu devant asinos nostros.

1179 Gn 43,21. Aperuimus saccos nostros, et hoc argentum uniuscujusque in sacco suo[142].Aucun verbe n'est exprimé, ni inventum est, ni apparuit, ni erat, ni aucun mot équivalent.

1180 Gn 43,23. Propitius vobis, nolite timere[143]. Dans le premier membre de la phrase propitius vobis, il y a deux mots sous-entendus : sit et Deus. Car la proposition entière qu'on trouve très fréquemment dans les Septante, est celle-ci : Propitius sit vobis Deus.

1181 Gn 43,28. Salvus est puer tuus pater noster, adhuc vivit.[144] Ce passage fait voir clairement que le mot puer est pris souvent dans le sens de serviteur ; car, appliqué à un vieillard comme Jacob, il ne peut exprimer le nombre des années.

1182 Gn 43,32. « Les Égyptiens ne pouvaient manger le pain avec les Hébreux ; c'eût été pour les Égyptiens comme une souillure. » On rencontre souvent cette locution, qui consiste à désigner, sous le nom de pain, toute espèce de nourriture.

1183 Gn 43,34. Magnificata facta est autem pars Benjamin parce partibus omnium quintupliciter ad illorum[145].Après avoir dit : prae partibus omnium, on pourrait se dispenser de mettre ad illorum.

[139] Mais Juda lui répondit.
[140] Cet homme nous interrogea.
[141] C'est pour nous réduire en servitude, et t'emparer de nos ânes.
[142] Nous avons ouvert nos sacs, et chacun a retrouvé son argent dans le sien.
[143] Dieu vous soit propice, n'ayez aucune crainte.
[144] Notre père, ton serviteur, vit encore, et il se porte bien.
[145] On fit la part de Benjamin cinq fois plus grande que celle des autres.



CHAPITRE XLIV.

1184 Gn 44,6. Inveniens autem eos, dixit secundum verba haec[146] ; on pouvait mettre Dixit eis verba haec. Mais n'y aurait-il pas ici l'expression d'une pensée particulière, et non une simple locution ? Autre chose est, en effet, de répéter textuellement les paroles, et autre chose de n'en donner que le sens, secundum ipso verba, sans s'attacher rigoureusement aux mots qui ont été prononcés. Comme, dans leur réponse, les enfants de Jacob se servent des mêmes termes : Ut quid loquitur dominus secundum verba haec[147] ? quand il n'y avait pas lieu évidemment de changer la forme ordinaire : Ut quid loquitur dominus verba haec ? nous devons en conclure que cette manière de parler est une locution.

1185 Gn 44,7. Absit a pueris tuis facere secundum verbum hoc[148] ; ils pouvaient dire : Absit a nobis ; mais c'est une marque de respect, très fréquente dans l'Écriture, de parler de soi à la troisième personne. Quant à pueris, il est mis pour servis.

1186 Gn 44,9. Et nos autem erimus servi Domino nostro[149]. Ici le texte grec emploie le mot paides, en latin pueri : cette expression est si généralement employée par l'Écriture dans le sens de serviteur, que très rarement on la voit se servir d'un autre mot.

1187 Gn 44,34. Quomodo autem adscendam ad patrem, cum puer non sit nobiscum, ut non videam mala qua invenient patrem meum[150] ? Les règles ordinaires du langage demandaient que la phrase fût construite ainsi : Ut videam mala quae invenient patrem meum ;» c'est-à-dire : Quomodo adscendam ut videam ? La forme inusitée employée ici équivaut à une proposition négative, que l'on pourrait construire régulièrement de la manière suivante : Non adscendam ad patrem, cum puer non sit nobiscum, ut non videam mala quae invenient patrem meum.

[146] Lorsqu'il les eut rejoints, il leur dit ces paroles.
[147] Pourquoi notre maître nous parle-t-il ainsi ?
[148] A Dieu ne plaise que tes serviteurs se permettent un si grand crime.
[149] Pour nous, nous serons les esclaves de notre seigneur.
[150] Comment pourrai-je retourner vers mon père, sans ramener l'enfant avec nous, et être ainsi témoin de l'affliction extrême dans laquelle va être plongé notre père ?


CHAPITRE XLV.

1188 Gn 45,2-3. Après avoir dit que Joseph fondit en larmes, en se faisant connaître à ses frères, l'Écriture ajoute : « Tous les Égyptiens l'apprirent, et la cour de Pharaon en fut instruite ; » et alors seulement elle cite les paroles de Joseph « Et Joseph dit à ses frères. » Ainsi l'Écriture raconte en premier lieu ce qui n'est arrivé que postérieurement, car c'est grâce à la renommée, que cette scène est venue à la connaissance de tous les Égyptiens ; elle continue ensuite la narration interrompue, et résume brièvement les paroles qui avaient été prononcées.

1189 Gn 45,16 . Et divulgata est vox in domo Pharaonis, dicentes : Venerunt fratres Joseph[151].Dicentes est mis pour dicentium ; c'est comme s'il y avait : vox dicentium divulgata est : « Venerunt fratres Joseph. »

[151] Le bruit se répandit dans toute la cour de Pharaon, que les frères de Joseph étaient venus.



Augustin loc. heptateuque 1096