Augustin loc. heptateuque 5045

CHAPITRE XVI.

5045 Dt 16,4. Et non dormiet de carnibus, de quibus immolaveritis vespere die primo usque in mare[578] ; dormiet est mis pour non remanebit ea nocte.

[578] Et il ne restera rien, pour le lendemain matin, de la chair de la victime qui aura été immolée le soir du premier jour.


CHAPITRE XVII.

5046 Dt 17,1. Non offeres Domino Deo tuo vitulum vel ovem, in quo est in ipso vitium[579] ; la forme régulière était in quo est vitium ; mais la locution citée est plus familière à l'Écriture.

5047 Dt 17,5. Et lapidabis eos in lapidibus, et morientur[580] ; les règles de notre langue veulent simplement lapidibus, et non pas in lapidibus.

5048 Dt 17,15. « Vous ne pourrez pas prendre pour votre chef un étranger, qui ne soit pas votre frère. » Ces mots « vous ne pourrez pas » sont mis pour « vous ne devrez pas. »

5049 Dt 17,17. Non multiplicabit sibi equum[581] ; equum est mis pour equos ou equitatum : aussi plusieurs ont-ils traduit par equitatum.

[579] Vous n'immolerez point au Seigneur votre Dieu un veau ni une brebis, qui ait quelque défaut.
[580] Vous les lapiderez, et c'est ainsi qu'ils mourront.
[581] Il ne réunira pas un grand nombre de chevaux.


CHAPITRE XVIII.


5050 Dt 18,16. Secundum omnia quae petiisti a Domino Deo tuo in Choreb, in die eonvocationis dicentes[582]. Après avoir dit d'abord petiisti, on a mis ensuite dicentes, au lieu de dicens.

[582] Selon la demande que vous avez faite en ces termes au Seigneur votre Dieu, auprès de la montagne de Choreb, au jour où le peuple était assemblé.


CHAPITRE XX.

5051 Dt 20,4. Quoniam Dominus Deus vester qui praecedit,vobiscum[583] ; on n'a pas mis vos.

[583] Parce le Seigneur votre Dieu, qui marche devant vous.


CHAPITRE XXII.

5052 Dt 22,6. « Si vous rencontrez devant vous sur votre chemin un nid d'oiseaux. » Ainsi l'Écriture se sert du mot « rencontrer » à l'égard d'une chose qui est sans mouvement.

5053 Dt 22,8. Si autem aedificaveris domum novam, facies coronam solario tuo, et non facies homicidium in domo tua, si cadat qui cecidit ab eo[584] ; c'est comme s'il y avait a solorio cadat qui cecidit ; cette locution est tout-à-fait inusitée.

[584] Si vous bâtissez une neuve maison, vous ferez un appui autour du toit, et de cette manière vous ne serez pas responsable de la mort qu'un homme pourrait trouver dans votre maison, s'il venait à tomber du toit.


CHAPITRE XXIV.

5054 Dt 24,2-3. « Si, étant sortie, elle épouse un autre mari, et que le dernier mari la prenne en aversion. » Il est à remarquer que, de deux hommes, le second est appelé « le dernier. » Cette locution se voit encore dans l'Evangile lorsque, à cette question : « Lequel des deux frères a accompli la volonté de son père, » on répond que c'est le dernier quoiqu'ils ne soient que deux[585].

5055 Dt 24,6. Non pignerabis molam, neque superiorem lapident molce, quia animant iste pignerat[586] ; c'est comme s'il y avait : quia animam pigneras si feceris.Remarquez ensuite le mot animam employé pour désigner cette vie, qui résulte de l'union de l'âme et du corps. La même locution reparaît dans ce passage de l'Evangile : Nonne anima plus est quam esca[587].

5056 Dt 24,7. Si autem deprehendatur homo furans animam ex fratribus suis finis Israël[588].Animam est mis pour hominem. On lit ensuite : Et opprimens eum vendiderit[589] ; c'est là une locution qui mérite aussi d'être signalée : en effet au lieu de mettre eam, ce qui eut été plus logique, puisque ce mot se rapporte à animam, on a mis eum, qui tient la place de hominem représenté par animam.

5057 Dt 24,10. Si debitum fuerit in proximo tuo, debitum quodcumque[590]. La répétition de debitum, est une locution à signaler.

[585] Mt 21,31.
[586] Vous ne recevrez pas pour gage la meule de dessus ou de dessous, parce que celui qui vous l'offre engage sa propre vie.
[587] La vie n'est-elle pas plus que la nourriture ? (Mt 6,36).
[588] Si quelqu'un est convaincu de s'être emparé injustement d'un de ses frères, enfant d'Israël.
[589] Et de l'avoir entraîné par force et vendu.
[590] Si votre prochain vous doit quelque chose.


CHAPITRE XXV.

5058 Dt 25,7. Si autem noluerit homo accipere uxorem fratris sui, et ascendet mulier in porta ad senatum, et dicet : Non vult frater viri mei suscitere nomen fratris sui in Israël, noluit frater viri mei[591]. Il est reconnu que l'Écriture aime les répétitions des mots ; celle que nous signalons ici, l'une des moins usitées, exprime avec beaucoup d'art la vivacité de la plainte.

[591] Mais si un homme refuse d'épouser la femme de son frère, celle-ci ira à la porte de la ville, et dira aux anciens : Le frère de mon mari ne veut pas conserver le nom de son frère en Israël.


CHAPITRE XXVII.

5059 Dt 27,21. Maledictus omnis qui dormierit eum omni pecore[592] ; dormierit a le sens de concubuerit Ensuite eum omni pecore est mis pour eum quolibet pecore.

[592] Maudit soit celui qui pèche avec une bête.


CHAPITRE XXVIII.

5060 Dt 28,48. « Vous servirez les ennemis, que le Seigneur votre Dieu suscitera contre vous » Le grec porte latreuseis, qu'on a rendu par « vous servirez : » or dans l'Écriture ce mot s'entend ordinairement du service ou culte qui est dû à Dieu, si bien que l'on donne le nom d'idolâtres à ceux qui rendent ce genre de service aux idoles ; ce terme est donc pris ici dans un sens différent de celui qu'on y attache ordinairement. Cependant, il est possible qu'il ait, même ici, la signification ordinaire : car on prédit aux captifs des maux si grands et si nombreux qu'on peut les supposer violemment contraints de rendre les honneurs divins à des ennemis, dont l'orgueil était porté à son comble.

5061 Dt 28,49. Gentem cujus non audies vocero ejus[593]. Remarquez d'abord que l'on dit en même temps cujus et ejus suivant la coutume de l'Écriture ; et ensuite que la phrase cujus non audies vocero équivaut à celle-ci : cujus linguam non intelliges.

5062 Dt 28,51 Dt 28,53. Mollis in te et tenera valde fascinabit oculo suo fratrem suum et uxorem quae est in sinu ejus, et qui reliqui sunt fillii quicumque relicti fuerint illi, ita ut det uni ex eis a carnibus filiorum suorum de quibuscumque edet, eo quod non derelictum sit ei quidquam in angustia et tribulatione, qua tribulabunt te inimici tui in omnibus civitatibus tuis[594]. Remarquez ici l'emploi de fascinabit dans le sens de invidebit. Une mère sera jalouse de celui qui semble n'avoir survécu, que pour exiger sa part de la chair de ses enfants, horrible nourriture dont les parents seront obligés de se repaître. C'est ainsi qu'au livre des Proverbes, les versions latines ont mis : Non coenabis cum viro invido[595], là où le grec porte andri baskano ; or baskanos a pour synonyme fascinus.

5063 Dt 28,63. Et erit sicut laetatus est Dominus in vobis, benefacere vobis[596].Le grec porte benefacere vos ; et cette locution n'est même pas grecque. On voit que l'accusatif est mis pour le datif : et à cause de cela, les traducteurs latins ont préféré dire vobis, que de mettre l'accusatif vos.

[593] Une nation dont vous n'entendrez pas la langue.
[594] On verra au milieu de vous la femme, habituée à la vie la plus molle et la plus délicate, regarder d'un oeil jaloux son frère et la femme de son frère, et ses propres enfants qui lui sont restés, et ne leur donner qu'à regret de la chair de ses enfants qu'elle sera contrainte de manger, parce qu'il ne lui restera rien autre chose, dans l'état de détresse et de misère, où vos ennemis vous réduiront dans l'enceinte de nos villes.
[595] Ne mangez pas avec l'homme envieux.
[596] Et de même que le Seigneur s'est plu à vous combler de ses faveurs.


CHAPITRE XXIX.

5064 Dt 29,2-3. Vos vidistis omnia quae fecit Dominus Deus vester in terra Aegypto coram vobis Pharaoni et servis ejus omnibus et omni terre illius, tentationes magnas quas viderunt oculi tui[597] ; il faut remarquer le nom de tentationes donné aux plaies d'Egypte.

[597] Vous avez vu tout ce que le Seigneur votre Dieu a fait devant vous en Egypte à Pharaon, à tous ses serviteurs, et à tout son peuple ; vos yeux ont vu les grandes plaies, par lesquelles il les a éprouvés.


CHAPITRE XXX.

5065 Dt 30,4. « Quand même vous seriez dispersés d'une extrémité du ciel à l'autre, le Seigneur votre Dieu saura bien vous rassembler. » Il y a tout lieu de croire, que cette expression « d'une extrémité du ciel à l'autre » a le même sens que cette autre formule plus communément employée : d'un bout du monde à l'autre. Ce qui semble justifier cette locution, c'est que l'on donne souvent le nom de ciel à cette atmosphère, qui nous environne et qui touche la terre.

5066 Dt 30,12-13. Non in caelo est, dicens : Quis ascendet in caelum, et accipiet nobis illud, et audientes illud faciemus ? Neque trans mare est, dicens : Quis transfretabit nobis trans mare, et accipiet nobis illud, et audientes illud faciemus[598] ? Dicens est mis pour ut dicas, c'est une locution nouvelle.

[598] Il n'est point dans le ciel, pour que vous puissiez dire : Qui est celui qui montera au ciel et nous l'apportera, afin qu'en l'entendant nous puissions l'accomplir ? Il n'est pas non plus au-delà des mers, pour que vous soyez en droit de dire : Qui est celui qui passera la mer et nous l'apportera, afin qu'en l'entendant nous puissions l'accomplir.


CHAPITRE XXXI.

5067 Dt 31,8. Et Dominus qui comitatur tibi tecum[599].

5068 Dt 31,16. «Et le Seigneur dit à Moïse : Bientôt tu dormiras avec tes pères ; » ces paroles expriment la mort prochaine de Moïse.

5069 Dt 31,27. Amaricantes eratis quae ad Deum[600] ; c'est comme s'il y avait : amaricabatis ea quae Dei sunt.

5070 Dt 31,29. Scio enim quia post obitum meum iniquitate iniquitatem facietis[601].Le grec se sert du seul mot anomesete, pour signifier iniquitatem facietis.

5071 Dt 31,29 Ibid. Et occurrent vobis mala novissimorum dierum[602] ; ainsi porte le grec qui revient à in novissimis diebus, ou bien in novissimo dierum.

[599] Et le Seigneur qui t'accompagne.
[600] Vous ne répondiez que par des murmures à tout ce que le Seigneur faisait pour vous.
[601] Car je sais qu'après ma mort vous vous abandonnerez à tous les désordres.
[602] Et à la fin vous serez en proie à tous les maux.


CHAPITRE XXXII.

5072 Dt 32,6. « N'est-ce pas lui, votre Père, qui vous a possédé, qui vous a fait et vous a créé ? » L'ordre des paroles est à remarquer : il semble qu'on devait dire d'abord «qui vous a créé et qui vous a fait, » et après seulement : « qui vous a possédé. » Le moyen, en effet, de posséder une chose qui n'existe pas encore ?

5073 Dt 32,14. « Avec la graisse des reins du froment. » C'est une métaphore tout à fait inusitée, de dire « les reins du froment, » pour signifier l'intérieur du grain de blé, d'où est tirée la farine comparée à la graisse. Cette comparaison est familière à la langue grecque. Nous en avons la preuve dans ce passage de l'Exode : Elevantes farinam super numeros suos[603], où les Septante ont employé le mot steata, qui signifie graisse.

5074 Dt 32,20. Filii in quibus non est fades in eis[604] ; cette locution est d'un usage commun dans l'Écriture.

5075 Dt 32,36. Quoniam judicabit Dominus populum suum, et in servis suis consolabitur[605] ; c'est comme s'il y avait servos suos consolabitur. A moins qu'on ne prenne,ce verbe dans le sens passif, pour signifier que le Seigneur se consolera des offenses, par lesquelles les méchants provoquent son indignation et sa colère. Mais alors il faut entendre la consolation en Dieu autrement que dans les hommes, comme on le fait pour la colère, la jalousie, et les autres sentiments.

5076 Dt 32,37. Ubi sunt dii eorum, in quibus fidebant in ipsis[606]. Le sens eut été aussi complet sans in ipsis.

5077 Dt 32,40. Et jurabo dexteram meam[607] ; c'est comme s'il y avait per dexteram meam.

5078 Dt 32,42 (Chez les Septante). « Cieux réjouissez-vous avec lui ; et que tous les anges de Dieu l'adorent :» d'autres exemplaires portent « et que tous les enfants de Dieu l'adorent. » On trouverait difficilement dans les Saintes Ecritures des exemples semblables, où le nom d'enfants de Dieu fût donné aux anges qui sont dans le ciel.

[603] Mettant la farine sur leurs épaules. (Ex 12,34.)
[604] Ce sont des enfants infidèles.
[605] Car le Seigneur jugera son peuple, et il consolera ses serviteurs.
[606] Où sont les dieux, en qui ils mettaient leur confiance ?
[607] Je lèverai la main, et je ferai serment.


LIVRE SIXIÈME. LOCUTIONS TIRÉES DU LIVRE DE JOSUÉ.



CHAPITRE I.

6001 Jos 1,14. Vos autem transibitis expeditiores fratribus vestris, omnis fortis[608] ; c'est comme s'il y avait omnis quicumque in vobis fortis est.

[608] Pour vous tous, tant que vous êtes de vaillants hommes, débarrassés de votre bagage, vous passerez à la tête de vos frères.


CHAPITRE III.

6002 Jos 3,4. Ut sciatis viam, quam ibitis eam[609] ; le sens eut été complet indépendamment de eam.

[609] Afin que vous sachiez le chemin par où vous devez aller.


CHAPITRE V.

6003 Jos 5,13. « Et quand Josué fut dans Jericho. » On voit ici une locution. En effet les Israëlites n'étaient pas encore dans les murs de cette ville dont les portes avaient été fermées à leur approche. Ils ne purent y entrer qu'après la chute des murailles quand l'arche du Seigneur en eut fait plusieurs fois le tour. Cette expression « dans Jéricho » signifie donc : dans le territoire qui environnait Jéricho.

CHAPITRE VI.

6004 Jos 6,1. En parlant de la ville de. Jéricho, qui avait fermé ses portes, on dit : Nec quisquam ex illa prodibat, neque introibat[610]. Il faut évidemment sous-entendre in illam et non pas ex illa ; cette figure est appelé en grec Zeugma kat elleipsin, une ellipse.

6005 Jos 6,2. Le Seigneur dit à Josué : Ecce ego trado tibi subjugatum Jericho et regem ejus qui est in eu, potences fortitudine[611]. Il est étonnant que la conjonction et ne se trouve pas devant potentes fortitudine. L'Écriture en est pourtant si prodigue qu'elle l'emploie même dans des passages, où elle ne sert qu'a rendre inintelligibles les locutions les plus usitées. Potentes fortitudine se rapporterait-il par hasard à Jericho et regem ejus ?

6006 Jos 6,25. « Josué sauva Rahab la courtisane et la maison de son père, et elle a demeuré jusqu'aujourd'hui parmi le peuple d'Israël. » Il faut remarquer le sens de ces mots « jusqu'aujourd'hui, » car ils reviennent souvent dans l'Écriture. Ainsi, en parlant des douze pierres, placées à l'endroit où se fit la séparation des eaux du Jourdain dont la partie inférieure acheva de s'écouler, tandis que la partie supérieure resta immobile, afin de livrer passage à l'arche et au peuple, on dit qu'elles y sont restées « jusqu'aujourd'hui[612]. » Cette expression donne à entendre que le fait dont il s'agit, n'a été rapporté dans l'Écriture que longtemps après, et que cette histoire n'a pas été écrite à l'époque où la mémoire du fait était encore récente. Mais si l'on admet cette interprétation, que penser de la courtisane Rahab ? A-t-elle donc vécu plus longtemps que les autres hommes, elle dont on affirme qu'elle a demeuré « jusqu'aujourd'hui ? » Reconnaissons plutôt que cette expression s'emploie pour indiquer une situation qui ne doit pas être changée par le fait de celui qui l'a créée. Ainsi dire de quelqu'un qu'il est condamné à un exil perpétuel, c'est dire qu'il est soumis à cette peine pour un temps indéfini, et non qu'il restera perpétuellement en exil, puis que personne ne peut vivre perpétuellement. Si donc l'historien sacré dit de la courtisane de Jéricho quelle est restée « jusqu'aujourd'hui, » c'est qu'on ne lui avait fixé aucun temps après lequel elle dût sortir du milieu des Israëlites.

[610] Personne n'en sortait, et personne n'y entrait.
[611] Je vais livrer entre tes mains Jéricho vaincue, et le roi qui y règne, et sa vaillante armée.
[612] Jos 4,9.


CHAPITRE VII.

6007 Jos 7,11. Le Seigneur dit à Josué ; Peccavit populus, et trangressus est testamentum meum quod disposui ad eos[613]. Remarquez le nom de testamentum donné à la sentence, par laquelle l'anathème a été prononcé contre Jéricho, et qui interdisait aux Israëlites de s'approprier la moindre chose des dépouilles de cette ville,

[613] Le peuple a péché en violant la défense que je lui avais faite.


CHAPITRE VIII.

6008 Jos 8,1-2. Le Seigneur, parlant à Josué, dit entre autres choses : Ecce dedi in manus tuas regem Gaï et terram ipsius et facies Gaï sicut fecisti Jericho et regi ejus : et praedam pecorum praedaberis tibi[614]. Cette locution mérite une attention toute spéciale, non plus seulement parce qu'on dit praedaberis tibi, comme si les dépouilles devaient appartenir à un seul, tandis qu'elles devaient certainement être partagées entre tous ; de semblables locutions, où Dieu semble parler à une seule personne, bien qu'il s'adresse à tout le peuple, ne sont pas rares. Mais voici ce qu'il y a de nouveau : 1'Écriture nous apprend que Dieu parle à Josué, à un seul homme, par conséquent : et dixit Dominus ad Jesum[615] ; néanmoins, en disant praedaberis tibi ce n'est pas à un seul homme, mais à tout le peuple, que Dieu veut donner les dépouilles de l'ennemi.

6009 Jos 8,12. «Des embûches étaient dressées contre la ville du côté de la mer. » On pourrait prendre Gaï pour une ville maritime, si l'on ne savait pas que l'Écriture désigne habituellement la partie occidentale par les mots « du côté de la mer » ou « vers la mer. » C'est que cette partie du pays où les évènements se passaient est moins éloignée de la mer que les autres.

6010 Jos 8,18. Extende manum tuant in Goeso, quod est in manu tua, contra civitatem[616]. Cette locution n'aurait rien de particulier, si elle ne renfermait une expression bien obscure pour ceux qui la rencontreraient pour la première fois. Il est difficile, en effet, de trouver la signification du mot Goeson.Symmaque l'a rendu par bouclier. Quant aux Septante, qui me servent ici des guides et qui ont traduit par Goeson, je serais étonné s'ils avaient voulu signifier par là, dans leur langue le javelot ou la lance gauloise. C'est le sens de ce mot en latin, et Virgile lui-même nous en donne la preuve quand il dit des Gaulois peints sur le bouclier d'Énée : Duo quisque alpina coruscant goesa manu[617].

6011 Jos 8,22. Et facti sunt inter medium castrorum, hi hinc et hi hinc[618]. Il y a deux choses à remarquer dans cette locution. En premier lieu, ce sont les ennemis en déroute qui se trouvaient au milieu or il semble que les mots hi hinc et hi hinc se rapportent à eux. Ces mots, cependant, conviennent bien mieux aux Israélites, qui les avaient attirés entre deux corps d'armée pour les tailler en pièces. En second lieu, l'Écriture dit qu'ils se trouvèrent placés entre deux camps, inter medium castrorum, donnant ainsi le nom de camps à des armées rangées en bataille et aux prises avec l'ennemi, tandis qu'on désigne ordinairement par ce mot une armée qui s'arrête en quelque lieu pour y séjourner. Mais peut-être en employant cette expression, a-t-on voulu dire, que les Israélites portaient avec eux tous leurs bagages.

6012 Jos 8,27. Exceptis pecoribus et spoliis, quae erant in civitate praedati sunt filii Israël secundum praeceptum Domini, quemadmodum constituit Domitius Jesu[619]. En lisant : Exceptis pecoribus et spoliis praedati sunt, on serait tenté de croire que ces objets ont été soustraits au pillage, tandis que c'est précisément cela qui est devenu la proie du vainqueur. Le mot exceptis sert donc à indiquer les seules choses qui n'aient pas été détruites dans le combat.

[614] J'ai livré entre tes mains le roi de Gaï et tout son Peuple ; et tu feras de la ville de Gai ce que tu as fait de Jéricho et de son roi ; et tu prendras les troupeaux pour ton butin.
[615] Et le Seigneur dit à Josué.
[616] Lève contre la ville ta main avec le bouclier que tu portes.
[617] Ils brandissent deux lances gauloises (Enéid. VIII, V. 661).
[618] Et ils se trouvèrent entre les deux armées, qui les chargeaient des deux côtés.
[619] Les enfants d'Israël pillèrent la ville, et s'emparèrent des troupeaux et du butin, qui avaient été épargnés, selon l'ordre que Josué en avait reçu du Seigneur.


CHAPITRE IX.

6013 Jos 9,7 Les Israélites, répondant aux Cabaonites, s'expriment ainsi : Vide ne in me habites ; et quomodo disponam tibi testainentum[620]. Nous avons remarqué précédemment des locutions semblables. Ainsi ils disent vide ne in me habites, pour apud me, c'est-à-dire dans la terre que Dieu leur avait promise. En outre, leur réponse paraît s'adresser à un seul homme quoiqu'il y ait plusieurs ambassadeurs députés vers eux ; mais c'est la coutume des Israélites d'employer le singulier, lorsque les paroles se rapportent à une nation et à un peuple, ainsi que le Seigneur et Moïse leur chef le font souvent à leur égard. Remarquons enfin le mot testamentum employé pour désigner un traité de paix : c'est une forme particulière à l'Écriture, et dont elle fait un fréquent usage.

[620] Vous ne pouvez pas demeurer au milieu de nous ; comment donc ferions-nous alliance avec vous ?


CHAPITRE X.

6014 Jos 10,17. Et nuntiatum est Jesu dicentes : Inventi sunt quinque reges absconditum spelunca[621] ; il fallait nuntiaverunt dicentes.

6015 Jos 10,25. Ita faciet Domitius omnibus inimicis vestris quos vos debellabitis eos[622] ; on pouvait supprimer eos sans nuire à l'intégrité du sens.

[621] On vint dire à Josué : Cinq rois ont été trouvés cachés dans une caverne.
[622] C'est ainsi que le Seigneur traitera tous les ennemis que vous aurez à combattre.


CHAPITRE XI

6016 Jos 11,19-20. Et omnes cepit in bello, quia per Dominum factum est confortari cor eorum, ut obviant irent ad bellum ad Israël ut exterminarentur[623].On voit donc que confortari cor n'est pas toujours pris en bonne part.

[623] Il prit de force toutes les villes, parce que Dieu avait endurci le coeur de ceux qui les habitaient, afin qu'ils combattissent contre Israël, et qu'ils fussent exterminés.


CHAPITRE XIV.

6017 Jos 14,6. « Vous savez ce que le Seigneur a dit de moi et de vous à Moïse serviteur « de Dieu ; » on ne lit pas : son serviteur.

CHAPITRE XVII.

6018 Jos 17,16. Et dixerunt filii Joseph : Non sufficit nobis mons, et equus electus et ferrum Chananoeo qui habitat in Behthsan[624]. Equus electus est mis pour equi electi ; cette locution n'est pas reçue dans notre langue ; c'est pourquoi plusieurs traducteurs latins ont mis equitatus au lieu de equus. On a cru sans doute, pouvoir dire equus electus pour equi, comme nous disons vulgairement miles pour milites.

[624] Et les enfants de Joseph dirent : Nous ne pouvons pas nous contenter d'une montagne ; mais les Chananéens, qui habitent le pays de Bethsan, ont une cavalerie d'élite et des fers tranchants.


CHAPITRE XIX.

6019 Jos 19,33-34. Et facti sunt exitus illorum Jordanis, et revertentur fines ad mare[625].Au lieu de mettre reversi sunt, ou du moins revertentur comme on a coutume de dire, lorsque on décrit les bornes d'un pays, on a mis revertentur.L'historien sacré ne racontait pas cependant une chose future mais un fait accompli. Il emploie également le futur, lorsqu'il trace les limites du territoire occupé par chacune des autres tribus.

[625] La frontière de cette tribu se terminait su Jourdain, et de là elle retournait vers la mer.


CHAPITRE XX.

6020 Jos 20,9 Refugere illuc qui percussit animam nolens[626]. On a mis ici animam, pour signifier un homme, ou bien la vie corporelle dont l'âme est le principe. C'est la même locution qu'emploient les frères de Joseph, quand ils disent : Non percutiamus ejus animam[627], ce qui signifie Ne lui ôtons pas la vie. Car si l'âme elle-même pouvait périr sous les coups d'un assassin, Notre-Seigneur n'aurait pas dit : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l'âme[628]. »

[626] Pour servir de lieu de refuge â celui qui aura tué involontairement quelqu'un
[627] Gn 37,22.
[628] Mt 10,28.


CHAPITRE XXI

6021 Jos 21,2. Mandavit Dominus in manu Moysi[629]. Cette locution est très familière à l'Ecriture : ainsi on lit souvent : Verbum quod factum est in manu prophetae, ce qui veut dire Parole confiée à tel ou tel prophète, avec mission de l'annoncer.

6022 Jos 21,40 (Chez les Septante ). Et accepit Jesus cultros petrinos in quibus circumciderat filios Israel[630] ; il fallait dire quibus circumciderat, au lieu de in quibus.

[629] Le Seigneur a ordonné par l'organe de Moïse.
[630] Josué prit les cailloux tranchants, qui lui avaient servi à circoncire les enfants d'Israël.


CHAPITRE XXII.

6023 Jos 22,7. Et ubi dimisit eos Jesus in domos suas, et benedixit eos dicens[631].La conjonction et paraît superflue car on pouvait dire aussi bien : et ubi dimisit eos in domos suas, benedixit eos dicens.

6024 Jos 22,8. Dans ce même passage, nous avons à signaler une autre locution. Nous lisons : « Josué les bénit en disant. » Après ces paroles, nous nous attendons naturellement à trouver la formule de bénédiction employée par Josué. Or, l'écrivain sacré se contente d'ajouter : « Ils sont retournés dans leurs maisons avec d'immenses richesses, emmenant avec eux de nombreux troupeaux, et emportant une grande quantité d'argent, d'or et de vêtements : ils ont partagé avec leurs frères les dépouilles de leurs ennemis ; » paroles qui ressemblent bien plus au récit d'un historien qu'à une formule de bénédiction.

6025 Jos 22,10. Aedificaverunt ibi aram super Jordanem, aram magnam videre[632].Cette locution n'est pas étrangère à la langue latine.

6026 Jos 22,11. Et audierunt filii Israël dicentium[633] ; il fallait dicentem ou dicentes.

6027 Jos 22,27. Servire servitutem Domini[634]. Il y a deux choses à remarquer dans cette locution : en premier lieu servire servitutem qui est aussi une formule latine : en second lieu, servitutem Domini, c'est-à-dire le service qui est dû ou qui est rendu au Seigneur.

6028 Jos 22,30. Et audientes Phinees sacerdos, et omnes principes synagogae qui erant cum illo, verba quae locuti sunt filii Ruben et filii Gad et dimidium tribus Manasses, et placuerunt illos[635]. Il fallait ou bien mettre, audierunt en place de audientes, ou bien supprimer la conjonction et : car en disant : audientes verba haec, placuerunt illis, on a un sens complet ; toutefois, même alors, pour que la construction fût régulière, il aurait fallu dire ; cum audissent.

[631] Et avant de les renvoyer dans leurs foyers, Josué les bénit en disant.
[632] Ils dressèrent sur les bords du Jourdain un autel d'une grandeur extraordinaire.
[633] Et les enfants d'Israël apprirent cette nouvelle.
[634] Servir le Seigneur.
[635] Le prêtre Phinées et tous les chefs du peuple qui étaient avec lui ayant entendu les explications des enfante de Ruben, et des enfants de Gad, et de la demi-tribu de Manassé, en furent satisfaits.


CHAPITRE XXIII.

6029 Jos 23,1. Et Jesus senior provectus diebus[636]. Nous avons remarqué la même expression au sujet d'Abraham, et nous avons l'ait observer que l'Écriture donne la qualification de senior, et à l'homme qui n'est pas encore un vieillard, et à celui qui est arrivé à la plus extrême vieillesse. Ainsi on peut-être senior sans être senex ; mais celui qui est senex peut toujours être appelé senior.

[636] Josué étant déjà vieux et fort avancé en âge.


CHAPITRE XXIV.

6030 Jos 24,7. Et induxit super, illos mare, et operuit super illos[637], on n'a pas dit operuit illos, ce que plusieurs traducteurs ont cependant trouvé préférable.

6031 Jos 24,17. In omnibus gentibus, quas transivimus per ipsas[638].Ces sortes de locutions sont très communes dans l'Écriture ; et il serait trop long de les signaler toutes les fois qu'elles se présentent.

[637] Il fit revenir sur eux la mer, qui les couvrit de ses flots.
[638] Parmi toutes les nations, au milieu desquelles nous avons passé.



LIVRE SEPTIÈME. LOCUTIONS TIRÉES DU LIVRE DES JUGES.



CHAPITRE I.

7001 Jg 1,1. Et factum est postquam defunctus est Jesus, interrogabant filii Israël in Domino[639] ; on ne lit pas Dominum, comme les règles de notre langue le demandaient.

7002 Jg 1,3. Et bellemus in Chananaeo[640] ; il fallait dire adversus Chananaeum, ou bien, contra Chananaeum ou du moins in Chanananaem.

[639] Après la mort de Josué, les enfants d'Israël consultèrent le Seigneur.
[640] Allons combattre les Chananéens.


CHAPITRE II.


7003 Jg 2,8. Et mortuus est Jesus filius Nave, servus Domini, filius centum decem annorum[641].L'usage n'approuve pas que, après avoir dit filius Nave, on répète le mot filius devant centum decem annorum. Il eut été mieux de dire : homo centum decem annorum. Cependant on retrouve encore ailleurs cette sorte de répétition.

7004 Jg 2,10. Et omnis generatio appositi sunt ad patres suos[642]. Remarquez cette locution : appositi sunt, au lieu de apposita est parce qu'il s'agit de plusieurs hommes.

7005 Jg 2,11. Tradidit eos in manu praedantium[643] ; on ne dit pas in manum comme l'usage de la langue latine semblait le demander.

7006 Jg 2,18. Et cum suscitavit Dominus eis judices, et erat Dominus cum judice[644].Ici, comme en beaucoup d'autres endroits, la conjonction et ne joue aucun rôle car on pouvait se contenter de dire : Et cum suscitavit Dominus eis judices erat Dominius cum judice. Il faut remarquer encore que l'auteur inspiré passant du pluriel au singulier, écrit cum judice, c'est-à-dire cum unoquoque judice au lieu de cum judicibus.

7007 Jg 2,19. Et factum est cum moreretur judex, et revertebantur, et iterum corrumpebant super patres suos[645].On pouvait très bien dire, sans déroger à l'usage de notre langue : Et fiebat cum moreretur judex, et revertebantur, et iterum corrumpebant super patres suos. On pouvait encore supprimer la conjonction et, et se contenter de mettre : cum moreretur judex, revertebantur, et iterum corrumpebant super patres suos c'est-à-dire, plus quam patres eorum.

7008 Jg 2,20. Propter quod tanta dereliquit gens haec tatamentum meum[646].Tanta est mis pour tantum, c'est-à-dire tam multum ; c'est l'adjectif pour l'adverbe. Cette locution est reçue aussi en latin, surtout chez les poètes.

7009 Jg 2,20 Ibid. Et non obaudierunt vocis meae[647] ; c'est une locution propre à la langue grecque.

[641] Josué fils de Navé, serviteur de Dieu, avait cent-dix ans, lorsqu'il mourut.
[642] Et toute cette génération fut réunie à ses pères.
[643] Il les livra entre les main de leurs ennemis.
[644] Et quand le Seigneur leur suscita des juges, il était avec ces juges.
[645] Et après que le juge était mort, ils retournaient à leurs péchés, et retombaient dans de plus grands désordres que leurs pères.
[646] Parce que cette nation a violé mon alliance d'une manière aussi effrayante.
[647] Et ils n'ont pas écouté ma voix.



Augustin loc. heptateuque 5045