Augustin heptateuque 7026

7026 26. Jg 4,8 Sur le secours des anges. - Quel est le sens de cette réponse de Barac à Débora: «Si tu vas, j'irai; si tu ne viens pas avec moi, je n'irai point, car j'ignore en quel jour le Seigneur favorise son ange avec moi?» Barac ne pouvait-il pas connaître par la prophétesse ce jour favorable? Mais celle-ci ne le lui révèle pas elle marche avec lui. Puis, quel est le sens de ces paroles: «Le Seigneur favorisé son ange avec moi?» Ceci montre-t-il que les anges eux-mêmes ne réussissent dans leurs entreprises que par l'appui du Seigneur? Est-ce seulement une manière de parler; et ces mots: «Le Seigneur favorise son ange avec moi,» signifieraient-ils: Le Seigneur me donne le succès par le ministère de son ange?


7027 27. Jg 4,15 Dieu dirige les événements, en agissant sur les coeurs. - «Et le Seigneur épouvanta Sisara et tous ses chariots.» C'est ainsi que l'Ecriture nous montre Dieu agissant sur les coeurs, et donnant aux évènements l'issue qu'il a déterminée. Il épouvante, il stupéfie Sisara, c'est indubitablement pour le livrer.


7028 28. Jg 4,22 Sens de ces mots: Il entra auprès d'elle. - Jahel, cette femme qui mit à mort Sisara, ayant parlé à Barac qui cherchait Sisara, l'Ecriture dit que Barac «entra auprès d'elle.» Sur cela il faut observer que quand l'Ecriture dit d'un homme qu'il entra auprès (572) d'une femme, la conséquence à tirer n'est pas qu'il ait eu commerce avec elle. A la vérité ces expressions: «il entra auprès d'elle,» n'expriment pas ordinairement autre chose; mais ici ces paroles doivent être prises dans leur sen naturel: «il entra auprès d'elle,» c'est-à-dire il entra dans sa maison. Elle ne signifient pas le commerce charnel.


7029 29. Jg 5,7-8 Phrase rendue obscure par une inversion. - Dans le cantique de Débora il est dit: «Les habitants en Israël défaillirent, ils défaillirent jusqu'à ce que surgit Débora, jusqu'à ce que surgit une mère en Israël, ils choisirent de nouveaux dieux, comme on prend un pain d'orge: alors ils s'emparèrent des villes des princes.» Dans ce passage l'ordre des paroles interverti crée de l'obscurité, et soulève une question. Comment comprendre qu'ils «choisirent de nouveaux dieux comme on prend un pain d'orge,» et que alors, ils «s'emparèrent des villes des princes?» comme si Dieu les avait favorisés pour.prendre ces villes, quand ils choisissaient de nouveaux dieux, préférant un pain d'orge au pain de froment? Mais nous avons appris dans d'autres passages de l'Ecriture comment il y a fréquemment des inversions. Si d'après cette donnée, on rétablit l'ordre dans les termes, le sens devient clair. Voici donc l'ordre véritable: «Les habitants en Israël défaillirent, ils défaillirent et se choisirent de nouveaux dieux, comme on prend un pain d'orge, jusqu'à ce que surgit Débôra, jusqu'à ce que surgit une mère en Israël.; alors ils s'emparèrent des villes des princes.»


7030 30. Jg 5,8 Sur la comparaison des faux dieux au pain d'orge. - On peut demander comment il est dit qu'ils «choisirent de nouveaux «dieux comme un pain d'orge.» Comparé au pain de froment, le pain d'orge doit être, à la vérité, laissé de côté: cependant il nourrit, c'est un aliment qui entretient la vie, tandis que les dieux nouveaux dont firent choix ceux qui s'éloignèrent du Dieu vivant, ces dieux ne purent fournir d'aliment à l'âme, mais furent plutôt un poison. Peut-être cette comparaison ne. doit-elle être prise que sous un seul point de vue, et n'a-t-elle d'autre but que d'exprimer cette pensée de même que le dégoût a ordinairement pour effet de porter à rejeter ce qu'il faudrait choisir et à trouver du plaisir dans ce qu'il faudrait repousser; ainsi par le vice de leur volonté dépravée, atteinte de langueur, et dégoûtée du vrai Dieu, qui était leur Dieu, ils cherchèrent dans les faux dieux la nouveauté seule, après avoir méprisé la vérité;ils prirent de la sorte un aliment mortel comme si t'eût été un pain d'orge, sans penser qu'ils s'empoisonnaient, mais croyant puiser la vie dans une nourriture saine quoique plus grossière. La comparaison serait donc basée sur l'opinion des Israëlites infidèles et leurs dispositions de langueur spirituelle, et non sur la vérité; car ces dieux nouveaux ne peuvent aucunement être comparés à des aliments qui vivifient.


7031 31. Jg 6,8-11 Le nom d'homme et de prophète, donné à un ange. - Quand les Israëlites «crièrent vers le Seigneur, à cause de Madian, le Seigneur envoya un homme, un prophète aux enfants d'Israël, et il leur dit .» Pourquoi, contrairement à l'usage constant des Ecritures, ce prophète n'est-il point désigné par son nom? La cause, pour être cachée, n'en existe pas moins, je crois. En effet, après les paroles par lesquelles ce prophète reproche au peuple sa désobéissance, l'Ecriture poursuit en ces mots: «Et l'ange du Seigneur vint, et il s'assit sous le chêne qui était à Ephra:» de là on conjecture, non sans vraisemblance, que c'est un ange qui a été désigné ici sous le nom d'homme; après avoir prononcé les paroles en question, il sera venu près du chêne indiqué, et il se sera assis. On sait que l'Ecriture a l'usage de donner aux Anges des noms d'homme (1). On ne voit pas aisément, sans doute, ni évidemment pourquoi un ange serait appelé un prophète; mais on lit qu'un prophète fut appelé ange (2). Mais si les anges ont prononcé des paroles prophétiques, c'est-à-dire, s'ils ont prédit les choses futures, pourquoi le nom de prophète ne pourrait-il pas être donné à un ange? Toutefois, je l'ai dit, nous n'avons sur ce point aucun témoignage formel et péremptoire.

1Gn 19,10 - 2 Mt 11,10

7032 32. Jg 6,12 Explication grammaticale. - Dans cette parole de l'ange à Gédéon: «Le Seigneur est avec toi, puissant dans la force,» les expressions «puissant dans la force,» sont au nominatif et non au vocatif; c'est-à-dire, le «Seigneur puissant est avec toi,» et non: avec toi, puissant.


7033 33. Jg 6,14 L'ange parle comme tenant la place de Dieu. - Remarquez que l'ange, parlant à Gédéon, lui dit comme tenant la place de Dieu «N'est-ce point moi qui t'ai envoyé?» Qui a envoyé Gédéon, sinon Celui quia député un ange vers lui? Débora, au contraire, parlant à Barac dit: «Le Seigneur, Dieu d'Israël, ne t'a-t-il point donné l'ordre (Jg 4,6)?» Ici on ne dit pas: Le Seigneur ne t'a-t-il pas envoyé? mais: «N'est-ce point moi qui t'ai envoyé?»


7034 34. Jg 6,15 Gédéon était-il un des Chiliarques? - Gédéon répond à l'ange: «A moi, Seigneur!» c'est-à-dire:Venez à mon aide: «Avec quoi sauverai-je Israël? Voilà que mes mille hommes sont les plus faibles dans Manassé.» Faut-il entendre qu'il était à la tête de mille hommes, qu'il était un de ceux que l'Écriture appelle en grec: chiliarques? Est-ce autre chose?


7035 35. Jg 6,18-2 Gédéon n'offre pas son sacrifice à l'ange; mais en sa présence et avec son aide. - Il faut remarquer que Gédéon ne dit point à l'ange: Je vous offrirai un sacrifice, mais: «J'offrirai mon sacrifice;» et je le «mettrai en votre présence,» ce qui l'ait comprendre qu'il a voulu offrir le sacrifice, non pas à l'ange, mais parle ministère de l'ange. C'est ce que l'ange lui-même fait voir clairement, car il n'accepte point pour lui le sacrifice de Gédéon, mais il dit à celui-ci. «Prends les chairs et les azymes, et dépose-les sur cette pierre, et répands le jus. Et lorsque Gédéon eut fait cela, l'ange du Seigneur étendit l'extrémité de la verge qu'il tenait en sa main, et il toucha les chairs et les azymes, et le feu jaillit de la pierre et consuma les chairs et les azymes .» Ainsi, l'ange lui-même dans le sacrifice offert par Gédéon remplit l'office de ministre. En effet, le feu qui eût été allumé sans miracle par l'homme faisant l'office de ministre, et agissant comme homme, fut allumé miraculeusement par l'intervention angélique. A ce moment Gédéon reconnut que ce personnage était l'ange du Seigneur, car l'Ecriture ajoute immédiatement: «Et Gédéon vit que c'est l'ange du Seigneur.» Auparavant donc il parlait à l'ange croyant qu'il était un homme, mais un homme Dieu, puisqu'il voulait offrir le sacrifice en sa présence; afin que la présence d'un saint lui vînt en aide.


7036 36. Jg 6,20 Dieu tolérait qu'on lui offrit des sacrifices ailleurs que dans le tabernacle. L'eau et le feu, symboles de l'Esprit-Saint. - On peut se demander comment Gédéon n'a pas craint d'offrir le sacrifice à Dieu hors du lieu que le Seigneur avait désigné. Dieu avait détendu qu'on lui offrît des sacrifices ailleurs que dans son tabernacle (Dt 12,13), remplacé dans la suite par le temple.
Or, du temps de Gédéon le tabernacle était à Silo; c'était donc là seulement que le sacrifice pouvait être offert légitimement. Mais on doit considérer que Gédéon avait d'abord pris l'ange pour un prophète, qu'il avait consulté le Seigneur en sa personne pour offrir le sacrifice, et qu'il ne l'eût point offert si l'ange lui en eût fait la défense. Comme l'ange approuva le sacrifice, et consentit qu'il fût offert, Gédéon suivit l'ordre de Dieu en sacrifiant. Dieu certainement a établi des lois légitimes, mais ces lois, c'est aux hommes qu'il les a imposées, et non à lui. Tout ce qu'il a prescrit en dehors de cet ordre commun, n'a pas rendu prévaricateurs ceux qui l'ont exécuté, mais ils ont été pieux et soumis: ainsi Abraham immolant son fils (Gn 22,2). Pour convaincre les prêtres des idoles, Elie sacrifia aussi hors du tabernacle (). Il le fit, nous devons le comprendre, en vertu d'un ordre du Seigneur qui lui fut communiqué en sa qualité de prophète par révélation, et inspiration. Cependant, la coutume de sacrifier hors du tabernacle était devenue si générale que Salomon lui-même sacrifia sur les hauts lieux, et on ne voit point que son sacrifice ait été réprouvé (1R 3,4-15). Il est vrai que l'Écriture signale les rois qui, ayant fait des oeuvres dignes d'éloge, n'ont pas détruit ces hauts lieux où le peuple était dans l'usage de sacrifier contrairement à la Loi de Dieu, et qu'elle donne de plus grandes louanges à celui qui les a détruits. Dieu tolérait donc, plutôt qu'il ne défendait, cette coutume de son peuple de sacrifier hors du tabernacle, non pas aux dieux étrangers, mais à lui le Seigneur leur Dieu, et même il exauçait ceux qui offraient ces sacrifices. Quant à ce que fit Gédéon, qui ne reconnaît un dessein prophétique dans l'action de l'Ange: la glorification prophétique de la pierre du sacrifice? Ce ne fut point à la pierre, sans doute, que le sacrifice l'ut offert, mais le feu qui consuma le sacrifice sortit de la pierre. Le don du Saint-Esprit, répandu sur nous très-abondamment par Jésus-Christ Notre-Seigneur, est figuré et par l'eau qui jaillit dans la désert de la pierre frappée de la verge (Nb 20,2), et par le feu. Dans l'Évangile en effet, le don du Saint-Esprit est signifié par l'eau quand le Seigneur dit lui-même: «Si quelqu'un a soif, qu'il vienne et qu'il boive. Celui qui croit en moi, comme dit l'Écriture, des fleuves d'eau vive sortiront «de ses entrailles;» et l'Évangéliste ajoute: «Or il disait cela de l'Esprit que recevraient ceux qui (574) qui croiraient en lui (Jn 7,37-39).» Le feu qui descendit sur les disciples réunis exprima pareillement ce don du Saint-Esprit. On lit: «Ils virent comme des langues de feu divisées qui se reposèrent sur chacun d'eux (Ac 2,3).» Et le Seigneur lui même dit «Je suis venu apporter le feu sur la terre (Lc 12,49).»

7037 37. Jg 7,6 Les trois cents hommes de Gédéon, figure des fidèles. - «Et le nombre de ceux qui burent dans leur main, avec la langue, fut de trois cents hommes.» La plupart des exemplaires latins n'ont pas ces mots: «dans leur main,» mais ceux-ci seulement: «avec la langue;» ils ont cru rendre suffisamment par ces expressions ce qui est dit plus haut «comme des chiens.» Le texte grec porte les deux termes: «dans leurs mains,» et «avec la langue» afin d'exprimer que les soldats de Gédéon employaient les mains pour porter à la bouche l'eau puisée à la hâte et qu'ils imitaient les chiens en buvant. Les chiens ne puisent pas à longs traits comme font les boeufs, avec le mufle, mais avec la langue ils attirent l'eau. C'est ainsi que burent ces trois cents hommes de Gédéon; cependant ils portaient à la bouche avec la main l'eau que la langue recevait. La version faite sur l'hébreu explique cela clairement, voici ses paroles: «Le nombre des hommes qui de la main jetant l'eau dans leur bouche, la prirent avec la langue, fut de trois cents.» Les hommes en effet ne boivent pas en puisant l'eau avec la langue, comme les chiens, sans employer le secours de la main. L'ordre avait été donné aux soldats de Gédéon de faire ainsi; mais lorsqu'ils vinrent auprès de l'eau pour boire, beaucoup burent à genoux, ce qui était plus commode, et demandait peu d'effort. Le plus petit nombre d'entre eux se courbèrent sans fléchir le genou et burent à la manière des chiens, jetant l'eau dans la bouche avec la main. Ils furent trois cents. Ce nombre figure la croix, car son signe est la lettre grecque T laquelle de plus symbolise d'autant mieux les nations qui devaient croire au crucifié, que c'est une lettre grecque. Par les Grecs, en effet, l'Apôtre comprend toutes les nations, quand il dit: «Au Juif d'abord et au Grec (Rm 2,9-30),» et encore: «aux Juifs et aux Grecs (1Co 1,24).» Il désigne fréquemment par ces mots, la circoncision et le prépuce: parce que la langue grecque a une si grande prééminence sur toutes les autres langues des nations, que l'on peut sous son nom les désigner toutes. Il faut remarquer que ce nombre de trois cents est celui des serviteurs d'Abraham, quand avec leur concours il délivra son neveu des mains des ennemis, et qu'il reçut la grande et mystérieuse bénédiction de Melchisédech. L'Ecriture rapporte qu'ils étaient trois cents dix-huit (Gn 14,14-20). Cet excédent: dix-huit, marque, à mon avis, l'époque du règne futur de la grâce, c'est-à-dire, la troisième époque. La première est le temps qui précède la Loi, la deuxième est le temps de la Loi, et la troisième le temps de la grâce. Chacun de ces temps est figuré par le nombre six à cause de sa perfection. Ce nombre répété trois fois forme dix-huit. Aussi cette femme que le Sauveur trouva courbée et qu'il redressa, et comme l'Evangile le dit, qu'il délivra des liens du diable (Lc 13,11-13), était depuis dix-huit ans dans sou infirmité. Quant à ces hommes d'élite avec lesquels Gédéon remporta la victoire; en comparant la manière dont ils se désaltérèrent à celle des chiens, on montre que Dieu a choisi ce qui est méprisable et sans renom (2Co 1,28). Le chien est, en effet, l'expression du mépris; c'est pourquoi Jésus dit: «Il n'est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens (Mt 15,26);» et David pour s'abaisser, et paraître méprisable, se donne à lui-même, en parlant à Saül, le nom de chien (1S 24,15).

7038 38. Jg 7,11 Variantes. - Quel est le sens de cette parole: «Gédéon descendit lui-même avec son serviteur vers le côté des cinquante qui étaient dans le camp;» ce que certains exemplaires latins rendent ainsi: «vers le côté du camp où se trouvaient les cinquante sentinelles,» et d'autres de cette manière: «vers «le cinquantième côté du camp?» L'obscurité du texte a fait naître plusieurs interprétations. Il est question de la partie du camp qui était gardée par cinquante sentinelles, ou bien, s'il faut entendre que des compagnies de cinquante hommes étaient de garde tout autour du camp, Gédéon et son serviteur vinrent sur un point du camp que gardaient cinquante sentinelles.


7039 39. Jg 7,13 Le pain d'orge, symbole du choix que Dieu fait des petits pour confondre les superbes. - Un homme du camp racontait à son compagnon qu'il avait vu en songe un pain d'orge, durci,. qui roulait dans le camp, poussait et renversait les tentes de Madian; Gédéon l'entendit et fut assuré de la victoire. Ce pain d'orge, comme la comparaison des chiens, signifiait que le Sauveur confondrait les superbes avec ce qui est méprisable selon le monde.

7040 40. Jg 7,20 Cri de guerre des soldats de Gédéon. - Gédégn ordonna à ses trois cents hommes de crier: «Le glaive du Seigneur, est à Gédéon,» (Gédéon, au datif). Ce cri signifie que le glaive accomplirait le bon plaisir de Dieu et de Gédéon.


7041 41. Jg 8,26-27 L'éphod que fit faire Gédéon était-il un vêtement? - On demande ce que c'est que l'éphod, ou l'éphud. Si, comme le disent la plupart des interprètes, c'est un vêtement sacerdotal ou plutôt un vêtement que l'on met par dessus les autres, appelé en grec: epeduma, manteau ou epomis, mantelet, et en latin: superhumerale, vêtement qui recouvre les épaules, on peut se demander avec raison comment Gédéon a employé une si grande quantité d'or à la confection de ce vêtement. En effet, il est écrit: «Les pendants d'oreilles que Gédéon avait demandés se trouvèrent peser mille sept cents sicles d'or, sans compter les bracelets, les colliers, les vêtements de pourpre que portaient les rois de Madian, sans compter les colliers qui entouraient le cou des chameaux eux-mêmes; et Gédéon en fit un éphod et le dressa dans sa cité à Ephra, et là tout Israël tomba dans la fornication de l'idolâtrie à cause de cet éphod, et il fut pour Gédéon et sa maison un objet de scandale.» Comment une telle quantité d'or put-elle être employée à ce vêtement? Nous lisons que la mère de Samuel fit à son fils, en le présentant au Seigneur pour être élevé dans son temple, un éphod le lin, car c'est ainsi que plusieurs interprètent ces paroles: Ephud-bard (1): cela montre avec évidence que l'éphod est une sorte de vêtement. Ces expressions: «Il le dressa dans sa cité,» n'auraient-elles point pour but d'indiquer qu'il fut tout en or? L'Écriture dit en effet non qu'il le mit, mais qu'il le dressa parce qu'il était solide et ferme, pouvant être dressé et se tenir debout.

1 1S 2,18


2. L'empressement des Israëlites autour de l'Ephod de Gédéon était une sorte d'idolâtrie. - Gédéon ayant donc fait illicitement cet éphod, «tout Israël tomba dans la fornication de l'idolâtrie à cause de cela,» c'est-à-dire en courant à cet éphod contrairement à la Loi de Dieu. Ici une, question naturelle se présente: Comment l'Écriture accuse-t-elle d'idolâtrie le culte et le concours du peuple autour de cet éphod, puisque ce n'était pas là une idole, un simulacre de fausse divinité, mais un des objets sacrés du tabernacle, un vêtement sacerdotal? C'est qu'en dehors du tabernacle renfermant tous ces objets que Dieu avait commandés, il était défendu d'en faire aucun autre semblable. C'est pourquoi l'Écriture poursuit en ces termes: «Et cet éphod devint pour Gédéon et sa maison un sujet de scandale,» c'est-à-dire, d'offense et d'éloignement du Seigneur. C'était comme une espèce d'idolâtrie d'adorer, à la place de Dieu, hors du tabernacle, un ouvrage de main d'homme quelconque, quand ceux que Dieu avait fait exécuter dans l'intérieur de son tabernacle servaient à son culte, bien loin qu'aucun d'eux reçût le culte soit comme Dieu, soit comme image de Dieu.
3. Gédéon ne fit pas seulement un éphod, mais aussi tous les autres objets qui servaient au culte divin. - Par l'éphod ou l'éphud, si l'on prend la partie pour le tout, on peut encore entendre tout ce que Gédéon érigea dans la ville à la ressemblance du tabernacle, comme pour rendre un culte à Dieu: l'éphod en effet, comme l'Écriture le rappelle souvent, est la marque insigne de la dignité sacerdotale Le péché de Gédéon serait donc d'avoir érigé hors du tabernacle une espèce de nouveau tabernacle où l'on vint adorer Dieu. Il n'aurait point construit d'or massif un éphod, pour qu'on l'adorât, mais avec l'or faisant partie du butin, il aurait fabriqué tous les ornements et les ouvrages du. sanctuaire, lesquels seraient désignés par l'éphod, à cause de l'insigne prééminence de ce vêtement sacerdotal, comme je l'ai expliqué. L'éphod, si c'est l'ornement qui couvre les épaules sur les vêtements sacerdotaux, n'était point fait d'or exclusivement, bien que l'or y fût employé. Dieu avait ordonné qu'il fût composé d'or, d'hyacinthe, de pourpre, d'écarlate et de fin lin. Mais comme les Septante, après avoir énuméré les dépouilles remportées par Gédéon, ajoutent: «Et Gédéon en fit un éphod,» ils paraissent vouloir faire entendre que tout a été employé à cet objet. On peut voir ici, cependant, une figure de langage désignant la partie pour le tout. Ces paroles: «Il en fit un éphod,» signifieraient: il fit de cela un éphod, ou bien, avec les dépouilles il fit un éphod, non en employant tout à cet usage, mais en prenant tout ce qui était nécessaire. On lit, en effet, dans la version faite sur l'hébreu; «avec (576) cela Gédéon fit un éphod;» ou, comme écrivent les Septante, un éphod, changeant ainsi le mot qu'on dit être employé en hébreu. Tous les prêtres ne portaient point cet éphod tissu d'or, d'hyacinthe, de pourpre, d'écarlate et de fin lin; mais le grand-prêtre seulement. Aussi, l'éphod que Samuel reçut de sa mère, et dont nous avons parlé, n'était-il point ce riche ornement; car Samuel n'était pas souverain Pontife, c'était un enfant qui était offert pour être élevé dans le temple. Cet éphod dé Samuel est appelé éphudbar, ou plutôt, à-ce que disent ceux qui connaissent la langue hébraïque, éphud-bat, ce qui signifie un éphod de lin. - Je pense que l'éphod fabriqué par Gédéon fut ce vêtement somptueux, principal ornement du Grand-Prêtre, et que, sous sa dénomination,se trouvent compris tous les autres ouvrages sacrés qu'il fit construire hors du tabernacle du Seigneur, dans sa propre ville. Tel fut le péché qui devint un sujet de scandale pour Gédéon et sa famille, et causa la perte d'un si grand nombre de ses fils, comme l'Écriture le raconte ensuite (1).

1 Jg 9,5

7042 42. Jg 8,27-28 Est-ce après le péché de Gédéon que le peuple jouit de quarante années de paix? - Une question qui ne doit pas être omise, c'est de savoir comment pendant les jours de Gédéon la terre a été en repos quarante ans, puisque après la victoire qui affranchit la nation, Gédéon fit avec l'or des dépouilles un idole que tout Israël adora, et qui devint pour lui-même et toute sa maison une cause de ruine. Comment après une telle prévarication, dont Gédéon et le peuple se rendirent coupables, la terre tutelle en repos pendant quarante ans? L'Écriture nous montre constamment qu'au lieu d'obtenir la paix, le peuple l'a perdue quand il est devenu infidèle au Seigneur son Dieu, et qu'au lieu d'être mis à l'abri des incursions de ses ennemis, il a passé sous leur joug. Mais il y a ici, suivant l'usage de l'Écriture, un récit anticipé: l'histoire de l'éphod confectionné par Gédéon, contrairement à la Loi de Dieu, avec l'or provenant des ennemis vaincus et désarmés, est une histoire rapportée à l'avance, l'Écriture voulant joindre dans le même récit ce qui regarde l'origine de cet or et l'emploi que l'on en fit. Ce lut plus tard, vers latin des jours de Gédéon, que ce péché fut commis, quand vinrent les maux dont l'Écriture fait la narration après avoir mentionné les années de paix dont la terre jouit au temps de Gédéon. En rappelant ces années de paix, l'Écriture fait un résumé, c'est-à-dire qu'elle reprend la suite des événements qu'elle avait interrompue en intercalant le récit du scandale arrivé plus tard.


7043 43. Jg 8,33 Après la mort de Gédéon le peuple tombe dans l'idolâtrie. - «Et il arriva, après la mort de Gédéon, que les enfants d'Israël s'égarèrent et tombèrent dans la fornication à la suite des Baalim, et ils prirent Baalbérith pour leur Testament, afin qu'il fût leur Dieu.» Baalim et, Baalbérith sont des idoles. La prévarication du peuple, son idolâtrie fut plus énorme après la mort de Gédéon, qu'elle n'avait été de son vivant à l'occasion de l'éphod; car l'éphod, bien que la confection en eût été illicite, était un des objets sacrés du tabernacle, tandis que cette dernière fornication de l'idolâtrie ne put pas même s'autoriser du prétexce qu'on suivait la religion de ses pères. Si l'éphod fut fait, non à la fin de la vie de Gédéon, mais auparavant, Dieu usa de patience, et permit que la paix ne fût point ôtée à la terre, parce que bien que l'on eût transgressé son précepte, on ne s'était pas entièrement éloigné de lui, en exécutant un ouvrage semblable à celui que lui-même avait prescrit en son honneur dans son tabernacle. Mais le Seigneur ne voulut pas laisser impunies ces dernières iniquités plus graves, cette manifeste idolâtrie de son peuple.


7044 44. Jg 9,14-15 Allégorie. - Ici nous trouvons une allégorie: Le buisson, espèce d'épine, convié par les autres arbres à être leur roi, dit ces paroles: «Si en vérité vous me constituez pour votre roi, venez, confiez-vous à ma protection; et si non, que le feu sorte du buisson et dévore les cèdres de Liban.» Le sens de ce passage est obscur, mais on l'éclaircit à l'aide d'une distinction. Il ne faut pas lire: «Et si le feu ne sort pas du buisson,» mais il faut placer la virgule après ces mots: «et si non,» puis ajouter: «que le feu sorte du buisson,» c'est-à-dire: si vous ne me choisissez pas véritablement pour votre roi «que le feu sorte du buisson, et qu'il consume les cèdres de Liban.» Ces paroles expriment la menace de ce qu'il pourra faire, si on n'accepte pas sa royauté. Mais comme il ne dit pas: le feu sortira du buisson, et consumera les cèdres du Liban, et qu'il dit «que le feu sorte et consume,» la distinction qui était sous-entendue ne suffit pas à éclaircir le sens. Quand quelqu'un dit par exemple: si tu ne veux pas faire ce que j'exige, que ma colère tombe sur toi, c'est-à-dire, qu'elle tombe à l'instant; à quoi tient-il qu'elle n'éclate? la menace a quelque chose de plus véhément, sa puissance paraît plus efficace, plus présente, que si l'on disait, en menaçant d'une vengeance à venir: ma colère sévira.

7045 45. Jg 9,23 Dieu envoie-t-il ou laisse-t-il seulement aller l'esprit mauvais? - «Et le Seigneur envoya un esprit malin entre Abimélech et des hommes de Sichem.» Ces paroles expriment-elles un ordre, ou seulement une permission de la part du Seigneur? c'est ce qui n'est point facile à décider. Le terme employé ici est: emisit, il envoya, et dans le grec on lit aussi: il envoya, exapesteilen, comme dans le Psaume «Envoyez votre lumière (Ps 43,3).» Il est vrai que dans certains endroits, nos interprètes rendent le mot grec exapesteilen, non par: il envoya, mais par il laissa partir. On peut donc entendre que Dieu a laissé partir un esprit mauvais qui voulait aller au milieu d'eux, en d'autres termes, qu'il lui a donné le pouvoir de troubler la paix parmi eux. Il paraît d'ailleurs si peu impossible que Dieu envoie un esprit mauvais pour exercer sa juste vengeance, que certains interprètes ont même été .jusqu'à rendre l'expression: exapesteilen, par: il mit au-dedans d'eux.

7046 46. Jg 9,32-33 Le matin et le lever du soleil sont des termes identiques. - Zébul, gouverneur de la ville de Sichem, fait dire aux émissaires d'Abimélech ces paroles: «Et maintenant lève-toi pendant la nuit, toi, et ton peuple avec toi, et dresse des embuscades dans la campagne. Et le matin, lorsque le soleil se lève, tu te hâteras, et tu te précipiteras sur la ville.» Là où les exemplaires latins portent: tu te hâteras, maturabis, ou, selon quelques uns: manicabis; le texte grec porte, ce que l'on ne peut rendre par un seul mot: «tu te lèveras au point du jour.» Peut-être l'expression latine maturabis, tu te hâteras, dérive-t-elle du mot matutinum, matin, bien qu'elle soit prise pour exprimer la rapidité dans l'exécution d'une chose, en quelque temps que ce soit. Quant à l'expression: manicabis, je ne vois pas de terme latin qui lui corresponde. Mais comment après avoir dit: «aussitôt que le soleil se lève,» ajoute-t-il: «tu te lèveras au point du jour?» Le point du jour, en grec orthros, marque le temps qui précède le lever du soleil, ou ce que, dans le langage usuel, on appelle les premiers rayons de l'aube. Quand donc l'auteur sacré dit: «le matin,» cela doit s'entendre du point du jour, et s'il ajoute: «aussitôt que le soleil se lève,» c'est pour exprimer que l'avis doit être exécuté, non après le soleil levé, mais aussitôt que ses premiers rayons paraissent à l'orient. La blancheur de l'aube n'a point, en effet, d'autre cause que le retour des premiers rayons du soleil qui viennent frapper l'orient. C'est pourquoi le même événement rapporté par deux évangélistes est placé par l'un au grand matin, quand les ténèbres n'étaient point encore dissipées, et par l'autre au lever du soleil Mc 16,2 Jn 20,1, parce que la lumière de l'aube, si faible qu'elle fût, provenait du lever du soleil, c'est-à-dire, de son approche vers l'horizon et de l'éclat projeté par sa présence. Quelques ignorants ont imaginé que cette lumière de l'aube n'était point celle du soleil, mais la lumière primitive créée avant le soleil, que Dieu fit au quatrième jour.


7047 47. Jg 10,1 Discussion grammaticale et généalogique. - «Après Abimélech, ce fut Thola «qui s'éleva pour sauver Israël, Thola fils de Phua fils du frère du père d'Abimélech filius patris fratris homme d'Issachor.» L'Ecriture semble appeler Thola, qui est fils de l'oncle d'Abimélech, fils du père de son frère, filius patris fratris, quand il faudrait pour parler régulièrement dire conformément à l'usage: filius fratris patris, fils du frère de son père, ce qui serait plus clair. Thola, en effet, comme on le voit avec la dernière évidence dans la version faite sur l'hébreu, était fils de l'oncle d'Abimélech. Des deux noms: du frère et du père, tous deux au génitif, c'est frère qui est sujet: et père qui est régime: le frère du père, c'est-à-dire l'oncle, et non pas: le père du frère. Les deux noms sont au génitif, quelque soit celui que l'on prenne pour sujet. Mais une autre question s'élève. Comment un «homme d'Issachor,» c'est-à-dire de la tribu d'Issachor, put-il être oncle paternel d'Abimélech, qui était fils de Gédéon, de la tribu de Manassé? Comment Phua et Gédéon furent-ils frères, de manière que Phua put être oncle paternel d'Abimélech, et avoir pour fils Thola, qui fut, selon le récit de l'Ecrîture, successeur d'Ahimélech? Gédéon et Phua purent avoir la même mère, quoique nés de pères différents; ils furent ainsi frères de mère et non de père. Il n'était point rare que les femmes épousassent des hommes de tribus diverses. Saül, qui était de la tribu de Benjamin, donna sa fille à David, qui était de la tribu de Juda (1S 18,27). Le (578) prêtre Joïada, qui était certainement de la tribu de Lévi, épousa une fille du roi Joram, qui était de la tribu de Juda (2Ch 22,11). Nous voyons dans l'Evangile que Marie et Elisabeth étaient parentes (Lc 1,36); Élisabeth était cependant de la famille d'Aaron, ce qui fait voir qu'il y eut une femme de la tribu de Lévi et de la famille d'Aaron qui entra dans la tribu de Juda, et fut le principe de la parenté d'Élisabeth et de Marie. Ainsi, Notre-Seigneur fut selon la chair issu de la race royale, et du sang d'Aaron.


7048 48. Jg 11,24 Le Dieu des Ammonéens était-il réellement capable de posséder quelque chose? - Jephté fait dire entre autres choses au roi des enfants d'Ammon par ses embassadeurs, les paroles que voici: «Ne posséderas-tu pas tout ce que Chamos ton Dieu a hérité, pour toi? et ce que le Seigneur notre Dieu a pris en votre présence, ne le posséderions-nous pas?» Certains interprètes latins traduisent ainsi: «Ne possèderas-tu pas tout ce que, Chamos ton dieu t'a donné en héritage?» Suivant cette explication, Jephté paraîtrait reconnaître que ce dieu appelé Chamos a pu donner quelque chose en héritage à ses adorateurs. D'autres exemplaires portent: «Ne posséderas-tu pas tout ce que «Chamos ton dieu a possédé?» ce qui signifie que ce dieu aurait pu posséder quelque chose. Cette parole ferait-elle allusion à la tutelle exercée sur les nations par les Anges, comme Moïse serviteur de Dieu l'a chanté (Dt 32,8)? L'Ange protecteur des enfants d'Ammon aurait-il eu ce nom de Chamos? Qui oserait l'affirmer, quand il y aune autre interprétation que voici: Le roi des Ammonites croyait que son dieu était possesseur des terres en question, ou qu'il lui en avait donné le domaine. Ce sens ressort avec plus de clarté du texte grec: «Ne posséderas-tu pas tout ce que, pour toi, Chamos ton Dieu a possédé?» Ces mots pour toi, signifieraient: comme il te paraît; ton dieu a hérité, selon toi, tu as cette croyance cela ne veut pas dire qu'il puisse réellement posséder quelque chose. Dans ce qui suit: «Tout ce que le Seigneur votre Dieu a pris,» il n'est point ajouté: pour nous, c'est-à-dire comme si cela nous paraissait ainsi; mais il a pris véritablement «en votre présence,» car il a enlevé aux anciens possesseurs et il nous a donné ces terres «nous posséderons cet héritage.»



Augustin heptateuque 7026