Augustin miroir Ecriture


AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR.


Saint Augustin dans ses RÉTRACTATIONS ne parle pas du livre intitulé: MIROIR TIRÉ DE L'ÉCRITURE-SAINTE. Une raison bien simple nous explique ce silence. Comme ce n'était qu'un extrait des livres saints, dépouillé de tout commentaire, il n'avait rien à y réviser, rien à y corriger. Mais Possidius,dans la vie du saint docteur, nous apprend que saint Augustin est réellement l'auteur de cet ouvrage. «Voulant, dit-il, être utile à tous, surtout à ceux qui ne pouvaient contenter le désir de lire beaucoup d'ouvrages, il recueillit tous les préceptes moraux qui doivent régler notre vie, contenus dans l'ancien et le nouveau Testament: il les fit précéder d'une préface, et les réunit en un seul livre, afin que tous ceux qui le liront puissent facilement reconnaître si eux-mêmes sont ou ne sont pas soumis à la loi de Dieu. Il donna à cet ouvrage le nom de SPECULUM. MIROIR (1).» D'après les autres indications de Possidius, le Miroir fut composé peu de temps avant l'invasion des Vandales en Afrique; ce fut donc au plus tard l'an 427.

1 Vie de S. Aug, ch. 28.

Cassiodore a aussi connu le MIROIR du saint évêque d'Hippone. «Saint Agustin, dit-il, a composé un ouvrage de véritable philosophie morale: il a pris pour cela dans les livres saints, tout ce qui peut former aux bonnes moeurs. Cet ouvrage qu'il a appelé Miroir, mérite d'être lu avec la plus grande attention (1).» D'après ces témoignages on ne peut révoquer en doute l'authenticité de ce recueil.
Il devait être à la portée de tous. Aussi le saint docteur, qui suivait habituellement la version des Septante, préféra-t-il pour ce recueil la version latine de saint Jérôme; car elle est plus claire. Cependant saint Augustin promet, dans la préface, de résoudre quelques difficultés qui pouvaient s'élever entre plusieurs passages qu'il cite de l'ancien et du nouveau Testament; mais comme il ne donne aucune de ces solutions; on peut croire qu'il n'a pas mis la dernière main à son oeuvre.
Dans cette traduction, les indications de Saint Augustin ont été conservées, mais à côté se trouve l'indication plus précise des chapitres et des versets de nos bibles modernes. Saint Augustin dit souvent: après dix versets, quelques versets plus loin, etc… ces versets ne se comptent pas de la même manière que les nôtres. Ce sont plutôt les vers anciens, versus, de la poésie hébraïque, tels qu'ils semblent se retrouver dans les livres saints qui figurent parmi les écrits de saint Jérôme.

1 Cassiod. Instit. Des divines Ecritures, ch. 16.


2

LE MIROIR SACRÉ.

PRÉCEPTES MORAUX TIRÉS DE L'ÉCRITURE SAINTE.



PRÉFACE DE L'AUTEUR.


Personne ne saurait l'ignorer, dans nos livres saints, c'est-à-dire dans les livres qui renferment la Loi, les Prophètes, les Evangélistes et les Apôtres, revêtus de l'autorité canonique, il y a des passages qu'il suffit de connaître et de croire, comme celui-ci: «Au commencement Dieu fit le ciel et la terre (1),» et cet autre: «Au commencement était le Verbe (2),» et en général comme tous les faits accomplis par Dieu ou par les hommes, et au récit desquels il nous suffit d'ajouter foi. Il en est d'autres qui prescrivent ce qu'il faut pratiquer, ou défendent ce qui doit être évité, par exemple: «Honore ton père et ta mère. Ne commets point d'adultère (3).»
Parmi ces préceptes positifs ou négatifs, il en est dont le vrai sens est caché sous le voile du mystère: ce sont les devoirs nombreux imposés au peuple de la Loi ancienne, auxquels n'est plus astreint le peuple chrétien et que nous étudions, que nous examinons seulement pour les connaître. Telles sont les pratiques extérieures pour le repos du sabbat (4), le pain sans levain des azymes, l'immolation de l'agneau paschal (5). Telles sont aussi les différentes espèces de sacrifices, les viandes défendues, les néoménies et les solennités annuelles que les Juifs observent encore aujourd'hui; enfin tous ces moyens de sanctification qui ne sont pas essentiels au salut de l'âme, mais qui ont une signification mystérieuse. En effet quel chrétien est encore obligé de rendre la liberté à son esclave la septième année; et si celui-ci refuse de partir, de lui percer l'oreille avec une alène contre la porte (6)? Et combien de prescriptions semblables pourrions-nous citer?
Mais il y a d'autres préceptes qu'il faut encore accomplir, d'autres défenses qu'il faut maintenant aussi observer. Nous en avons cité plus haut quelques exemples: «Honore ton père et

1 Gn 2. - 2 Jn 1,1 - 3 Ex 20,11-12 Mt 15,4 Mt 5,27-28 - 4 Dt 5,12 - 5 Ex 12 - 6 Ex 21,2-6

ta mère; ne commets point d'adultère.» Or, ce qui nous est ainsi retracé dans les Livres saints, ce qui nous y est commandé, défendu ou permis, ces mêmes préceptes, qui doivent aujourd'hui encore, sous le nouveau Testament, exciter la piété et maintenir les bonnes moeurs, vont être l'objet de ce nouveau travail que j'entreprends. J'ai voulu, avec l'aide de Dieu, recueillir tous ces passages des livres canoniques, et les réunir comme dans un miroir, ou ils puissent facilement être considérés.
Nos auteurs sacrés n'avaient point d'autre marche à suivre que celle qu'ils ont suivie dans leurs écrits. Les préceptes s'y trouvent mêlés aux récits historiques, les allégories aux observations nettes et précises, le sens propre au sens figuré: il le fallait pour conserver aux faits leur ordre chronologique, répondre aux adversaires, éclairer ceux qui avaient besoin de s'instruire, enfin pour ramener à la vérité par des aperçus nouveaux, ceux que fatigue un enseignement trop commun, et en quelque sorte trop facile à comprendre.
Pour nous, notre but n'est point dans cet ouvrage d'attirer l'attention de l'infidèle, ni de le convertir, de proposer des difficultés dont la solution exerce l'esprit, excite l'ardeur de ceux qui veulent s'instruire Nous écrivons pour celui qui a déjà la foi et cherche à plaire à Dieu. Nous l'invitons à se recueillir pour examiner quels progrès il a faits et ce qui manque à la pureté de ses moeurs, à la perfection de ses actes. Il pourra, en nous lisant, remercier Dieu de ce qui est déjà en lui, et s'empresser d'acquérir ce qu'il n'a pas encore: il cherchera à se conserver dans le bien avec la vigilance et la prière d'une sincère piété.
Si parmi les différents passages que nous allons rassembler, quelques-uns paraissent se contredire, ces difficultés seront plus tard exposées et résolues dans des questions toute spéciales. En (3) effet j'ai cité quelques exemples de châtiments infligés à des actions coupables, de récompenses accordées à des actes de vertus, et chacun sait que ni les uns ni les autres n'ont dans le nouveau Testament les mêmes caractères que dans l'Ancien. Commençons donc, par loi de Moïse, l'exposé de tous les préceptes divins que nous avons promis de faire connaître.



CHAPITRE PREMIER. PRÉCEPTES TIRÉS DE L'EXODE.


CHAPITRE 20,4 Ex 20,4: «Tu ne feras aucune image taillée, ni aucune ressemblance de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux sous la terre: tu ne les adoreras point, tu ne les serviras point.» Au même endroit, 7: «Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu, car le Seigneur ne regardera pas comme innocent celui qui aura pris en vain le nom du Seigneur son Dieu.» Plus bas, 12: Honore ton père et ta mère, afin que tu aies une longue vie sur la terre que le Seigneur te donnera. Tu ne tueras point. Tu ne commettras point d'adultère. Tu ne déroberas point. Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain; tu ne désireras point son épouse, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf ni son âne, ni rien de ce qui est à lui.» Ailleurs et à la suite du Décalogue, on trouve dans le même livre les mêmes préceptes moraux, entre autres le suivant, 23: «Vous ne ferez pas avec moi des dieux d'argent, et vous ne vous ferez point des dieux d'or.
Un peu après, Ex 21,12: «Celui qui frappera un homme pour le tuer, mourra de mort. Mais s'il ne lui a point tendu de piège, et que Dieu le lui ait livré entre les mains, je t'indiquerai le lieu où il doit se réfugier. Si quelqu'un tue son prochain avec préméditation et dans une embuscade, qu'on l'arrache de mon autel, et qu'on le fasse mourir. Celui qui aura frappé son père ou sa mère, sera puni de mort. Quiconque aura enlevé un homme et l'aura vendu, s'il est convaincu de son crime, sera puni de mort. Celui qui maudira son père ou. sa mère sera puni de mort. Quand des hommes se querellent et que l'un a frappé l'autre avec une pierre ou avec son poing, si celui-ci n'est point mort, mais qu'il ait été obligé de garder le lit, qu'il se lève ensuite et qu'il marche appuyé sur un bâton, celui qui l'a frappé sera innocent de sa mort, mais il l'indemnisera du prix de son travail et de ce que lui auront coûté les médecins. Si quelqu'un frappe de la verge son serviteur, ou sa servante et qu'ils meurent sous ses coups, il sera coupable de leur mort; mais s'ils survivent d'un jour ou deux, il ne sera point puni, parce qu'il les a achetés de son argent. Quand deux hommes se querellent et que l'un frappe une femme enceinte; si elle accouche d'un enfant mort, mais qu'elle survive, il paiera une amende d'après la demande du mari et la décision des arbitres: mais si elle meurt aussi, il rendra vie pour vie, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, plaie pour plaie, contusion pour contusion. Si quelqu'un frappe à l'oeil son serviteur ou sa servante, et qu'il les rende borgnes, il les mettra en liberté pour l'oeil qu'il leur a fait perdre. S'il brise les dents à son serviteur ou à sa servante, il les mettra également en liberté. Si un taureau frappe de sa corne un homme ou une femme et qu'ils en meurent, il sera lapidé et on ne mangera pas ses chairs, mais le maître du taureau sera innocent. Si le taureau avait frappé de la corne la veille et l'avant-veille, et qu'on ait prévenu le maître, sans que celui-ci l'ait retenu, et qu'il ait tué un homme ou une femme, qu'on lapide le taureau et qu'on fasse mourir son maître. Mais si on lui impose une amende, il donnera ce qu'on lui demandera pour sauver sa vie. Si un taureau frappe un jeune homme ou une jeune fille, il subira le même sort. S'il s'est jeté sur un esclave ou une servante, on donnera trente sicles au maître, mais le taureau sera lapidé. Si quelqu'un ouvre et creuse une citerne, qu'il la laisse ouverte et qu'un boeuf ou un âne vienne à y tomber, le maître de la citerne paiera le prix de ces animaux; mais ce qui est mort lui appartiendra. Si le boeuf d'un homme blesse le (4) boeuf d'un autre, et que celui-ci meure, les maîtres vendront le boeuf vivant et s'en partageront le prix; ils se partageront aussi la bête morte. Si le maître savait que son boeuf attaquait de la corne la veille ou l'avant-veille, et qu'il ne l'ait point retenu, il restituera boeuf pour boeuf, et le boeuf mort sera tout entier à lui.
- Ex 21,1: «Si quelqu'un enlève un boeuf ou une brebis, et qu'il les tue ou les vende, il rendra cinq boeufs pour un boeuf, et quatre brebis pour une brebis. Quand un voleur pénètre dans une maison en en brisant la porte nu en en perçant la muraille, et qu'on l'y surprend, s'il meurt sous les coups, celui qui l'aura frappé ne sera pas responsable de sa mort; mais si c'est après le lever du soleil, il a commis un homicide, et on doit le faire mourir. Si le voleur ne peut restituer son larcin, il sera vendu. Si l'on retrouve vivant chez lui ce qu'il aura volé, soit un boeuf ou un âne ou une brebis, il rendra le double. Si quelqu'un endommage un champ ou une vigne, ou qu'il laisse aller son animal dans le champ d'un autre, il rendra ce .qu'il y aura de meilleur dans son champ où dans sa vigne, d'après l'estimation de son dommage. Si un feu allumé pénètre dans un champ de blé (1), et qu'il atteigne les gerbes ou les épis encore sur pied dans ce champ, celui qui aura allumé le feu en paiera le dommage. Quand quelqu'un confie à la garde de son ami de l'argent ou un meuble et qu'on vole ces objets à celui qui les a reçus; si on retrouve le voleur, il rendra le double; s'il n'est point reconnu, le maître de la maison comparaîtra devant les dieux (2), et il jurera qu'il n'a point porté la main sur le bien de son prochain pour se rendre complice du vol soit d'un boeuf ou d'un âne, d'une brebis ou d'un vêtement, soit de tout autre obj