Augustin 17 qu. sur Mt


15. - Des paraboles de Notre-Seigneur (Mt 13,34). - Et il ne leur parlait point sans paraboles. A Cela ne veut pas dire que Notre-Seigneur ne parlait jamais au propre, mais qu'il ne fit presque jamais de discours d'une certaine étendue, où il n'exposât quelque point de doctrine sous la forme de paraboles, bien qu'il entremêlât aussi quelques réflexions dans le sens propre: c'est ainsi que souvent tout son discours est émaillé de paraboles, et qu'on n'en trouve aucun où il ait parlé d'un bout à l'autre sans figures. J'entends par discours étendus, ceux qu'il commençait à propos d'une chose, épuisant tout ce qu'il avait à dire à ce sujet, pour passer ensuite à une autre chose. Parfois il est vrai, un Evangéliste transporte dans son récit ce qu'un autre Évangéliste rapporte à des époques différentes. C'est que chacun d'eux, au lieu de s'asservir à l'ordre des temps où les faits se sont accomplis, conduit sa narration d'après l'ordre où sa mémoire les lui représente.


16. - Le trésor des choses nouvelles et des choses anciennes (Mt 13,44-52). - «Avez-vous bien compris tout ceci? Oui, répondirent-ils. Et il ajouta: C'est pourquoi tout docteur instruit de ce qui regarde le royaume des cieux, est semblable à un père de famille, qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes.» Le Seigneur a-t-il voulu faire entendre, dans cette conclusion de son discours, que le trésor caché dans un champ figure les saintes Ecritures, qui se composent de l'Ancien et du nouveau Testament; conformément à l'interprétation qu'il donne, suivant un autre Evangéliste, du glaive à deux tranchants (Ap 1,16)? Ou bien, comme il avait parlé à ses disciples en paraboles; après leur avoir demandé s'ils les comprenaient, et après la réponse affirmative qu'ils lui firent, n'a-t-il pas voulu leur enseigner, par cette dernière comparaison du père de famille, qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes, que l'homme vraiment docte dans l'Eglise sera celui qui comprendra aussi les anciennes Ecritures avec leurs paraboles, en prenant les nouvelles pour règle d'interprétation des anciennes? Car le Seigneur est aussi l'auteur de ces discours énigmatiques, quoique le Christ soit lui-même la fin des anciennes Ecritures, c'est-à-dire, quoi. qu'elles aient en lui leur accomplissement. Que si le Christ lui-même, en qui s'accomplit et se manifeste ce qu'elles ont dit, parle encore en paraboles, jusqu'au jour où sa passion viendra déchirer le voile, et où tout ce qui est caché doit être révélé au grand jour; à combien plus forte raison faut-il admettre le sens caché des paraboles dans les choses qui ont été écrites de lui, si longtemps à l'avance, pour annoncer au monde la grande nouvelle du salut! prenant ces Ecritures au pied de la lettre, les Juifs ont refusé d'être instruits de ce qui regarde le royaume des cieux et de venir jusqu'à Jésus-Christ, pour qu'il fit disparaître le voile étendu sur leurs coeurs.


17. - Les frères de Notre-Seigneur (Mt 13,55-56). - Ses frères, Jacques et Joseph, Simon et Jude, et ses sceurs, ne sont-ils pas tous parmi nous? D'où lui viennent donc toutes ces choses? Et il leur était un sujet de scandale.» Il est d'une telle évidence que, chez les Juifs, le nom de frère était attribué aux parents, que non-seulement ce nom s'appliquait à ceux qui étaient du degré, le plus rapproché,. comme sont les enfants de frères et soeurs, et ainsi que cela se pratique encore parmi nous très-souvent mais encore que l'oncle et le fils de la soeur, le neveu, comme étaient entre eux Jacob et Laban, sont désignés par l'Écriture sous le nom de frères (Gn 29,15). Il n'est donc pas étonnant que l'Évangile appelle frères du Seigneur tous ses parents du côté maternel; et ceux qui pensaient que Joseph était le père du Seigneur, pouvaient également bien donner ce nom aux parents de ce saint patriarche.

Pensées détachées.

1. Violer la justice générale. - Nul ne viole la justice générale, s'il ne transgresse avec passion, soit les lois de la société humaine, par exemple, par le larcin, la rapine, l'adultère, l'inceste et autres désordres du même - 359 - genre; soit les lois de la nature, par exemple, par la contumélie, le meurtre, l'homicide, les abominations et les bestialités; soit la mesure dans les choses permises, comme quand on accable l'orgueilleux plus qu'il ne faut quand on mange ou qu'on boit au-delà du nécessaire, quand on use du légitime mariage au delà de ce qui est permis, et choses semblables.
2. Confiance que devait inspirer le don des langues. - On comprend bien qu'en accordant aux hommes le don des langues, qui ont été établies par le bon plaisir et l'entente réciproque des hommes, et qui s'apprennent, grâce aux sens extérieurs, par l'habitude d'entendre, le Saint-Esprit ait eu le dessein de leur apprendre combien il lui est facile de les rendre sages, en répandant dans leurs coeurs la, sagesse qui vient de Dieu.
3. Comment tout est dans le Verbe. - La volonté du Verbe éternel est toujours immuable, parce qu'elle possède en même temps toutes choses: mais la nôtre n'a point de stabilité, précisément parce qu'elle n'est pas dans les mêmes conditions; c'est pourquoi nous voulons tantôt une chose, tantôt une autre. Tout ce qui a été fait pour l'homme a été connu par lui à l'avance, de la même manière qu'un peintre a dans l'idée de reproduire sur la toile tout un palais, et prévoit ou tonnait le lieu où il doit le peindre: ainsi le Verbe a tout en idée, en préparation, en volonté, quoiqu'il exécute chaque chose en son temps et à des époques déterminées. C'est ainsi que toute créature, et l'humanité même, en qui devait se personnifier la Sagesse d'une manière mystique et ineffable, était de tout temps, comme par un art éternel de Dieu, dans cette même sagesse, quoiqu'elle fasse chaque chose en son temps, atteignant avec force depuis une extrémité jusqu'à l'autre, disposant tout avec douceur, et renouvelant toutes choses, en demeurant immuable en elle-même (Sg 8,1 Sg 7,27).
4. La mort et le progrès dans la vertu. - A propos de la manière dont on désirerait vouloir mourir, si un homme, doué d'une foi intègre et qui voit où il doit en venir, parvenait à vouloir mourir comme il le souhaite, il aurait déjà fait du progrès, pour être prêt à quitter cette vie sans répugnance. Car autre chose est de voir où il faut en venir, autre chose d'aimer ce terme de l'existence et de désirer l'atteindre: celui qui éprouve ce désir dans son coeur doit nécessairement mourir sans regret. C'est donc en vain que plusieurs, qui sont animés d'une foi véritable, disent qu'ils ne veulent pas mourir, afin de faire des progrès; puisque leur progrès consiste précisément à vouloir mourir. Par conséquent, s'ils veulent être sincères, qu'ils ne disent pas: Je ne veux pas mourir, afin de l'aire des progrès; mais: Si je ne veux pas mourir, c'est parce que je n'ai pas fait de progrès. Ne pas vouloir mourir, n'est donc pas un conseil de perfection pour des fidèles, mais c'est l'indice qu'ils n'ont point fait de progrès. Ce qu'ils ne veulent pas. dans le dessein d'être parfaits, qu'ils le veuillent donc, et la perfection leur est assurée.

Traduit par M. l'abbé POGNON.




Augustin 17 qu. sur Mt