Augustin, des actes du procès de Pélage.


40. Nous avons dit que Pélage avait témoigné par son silence qu'il croyait aux témoignages de l'Ecriture qu'on lui avait cités. Mais quand il s'agit de ces autres paroles rapportées un peu plus haut: «Je ne suis pas digne d'être appelé apôtre, parce que j'ai persécuté l'Eglise de Dieu; or, ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu», cet homme ne voit pas qu'en parlant de l'abondance des grâces conférées à l'Apôtre, il n'aurait pas dû affirmer que «cet Apôtre les avait méritées». Cependant Paul déclare hautement son indignité, il en donne même une des raisons, et conserve à la grâce son caractère essentiel de gratuité. Admettons même que Pélage eût perdu le souvenir et même la pensée de ce (583) qui avait été raconté par le saint évêque de Jérusalem; il pouvait du moins se rappeler la réponse qu'il venait de faire immédiatement, et l'anathème lancé par lui contre les erreurs reprochées à Célestius. Parmi ces erreurs on accusait Célestius d'avoir dit que «Dieu «confère sa grâce selon nos mérites». Si Pélage frappait justement d'anathème cette doctrine, comment donc ose-t-il soutenir que l'Apôtre avait mérité toutes les grâces qu'il avait reçues? Voudrait-il mettre une distinction entre mériter les grâces et en être digne? Poussant à l'extrême la subtilité de la chicane, oserait-il affirmer qu'un homme peut être digne d'une chose et ne pas la mériter? Quoi qu'il en soit, Célestius, ou tout autre auteur des propositions frappées d'anathème par Pélage, ne laisse pas à ce dernier la triste ressource de recourir à des subterfuges ou de se cacher dans des ténèbres volontairement amoncelées. En effet, il a dit sans ambage: «La grâce dépend tout entière de nia volonté, soit que j'en sois digne, soit que j'en sois indigne». Ainsi Pélage a condamné la proposition suivante: «La grâce de Dieu est donnée selon les mérites à ceux qui en sont dignes»; comment alors a-t-il pu seulement lui venir à la pensée de soutenir que «Dieu donne toutes les grâces à celui qui est digne de les recevoir?» Pour peu que l'on pèse attentivement ces aveux, peut-on ne pas s'inquiéter de sa réponse ou de sa défense?


41. Mais, dira quelqu'un, pourquoi donc les juges ont-ils donné leur approbation? Je l'ignore moi-même, je dois l'avouer. Ou bien ce mot, par sa brièveté, a surpris leur attention; ou bien, se persuadant qu'ils pouvaient l'interpréter dans un sens orthodoxe, trouvant d'un autre côté que les aveux de Pélage sur ce point étaient des plus explicites, ils conclurent qu'il n'y avait pas lieu dé soulever une nouvelle controverse à l'occasion d'un seul mot. Peut-être aurions-nous partagé leur impression, si nous avions siégé dans ce tribunal. En effet, remplacez le mot digne par le mot prédestiné ou un autre semblable, et toute inquiétude aura disparu. D'un autre côté, si l'on disait que celui qui est justifié par l'élection de la grâce, est appelé digne de sa prédestination, sans que pour cela il y ait acquis des droits par aucun mérite antérieur, comme on n'en acquiert aucun à l'élection, il serait difficile de juger en quoi cette proposition offenserait la saine doctrine. Quant à moi, je ne relèverais pas cette parole, à moins que je ne trouve dans le livre auquel j'ai répondu, telle ou telle proposition dans laquelle l'auteur soutienne que la grâce de Dieu n'est autre chose que notre nature même douée du libre arbitre, de manière à confondre la grâce avec la nature; alors je chercherais le sens que Pélage a pu donner à sa parole; au lieu de supposer qu'il n'y a eu de sa part qu'une négligence de langage, je me demanderais si ce n'est pas une doctrine particulière qu'il à voulu formuler. Quant aux dernières propositions que nous avons à examiner, elles ont tellement ému les juges qu'ils ont cru devoir les condamner avant toute réponse de la part de Pélage.


42. Au sixième chapitre du livre de Célestius nous lisons: «Il n'y a, pour mériter d'être appelés enfants de Dieu, que ceux qui sont absolument sans péché». Il suit de là que Paul lui-même n'était pas enfant de Dieu, puisqu'il nous dit en parlant de lui-même: «Ce n'est pas que j'aie déjà reçu ou que je sois déjà parfait (1)». Au septième chapitre du même livre nous trouvons: «L'oubli et l'ignorance ne sont pas soumis au péché, car ils ne sont pas l'oeuvre de la volonté, mais le résultat d'une implacable nécessité». David dit pourtant . «Oubliez les fautes de ma jeunesse et mon ignorance (2)»; de même, sous l'ancienne loi, il y avait des sacrifices pour l'ignorance comme pour le péché (3). Au dixième chapitre: «La volonté de l'homme n'est pas libre, si elle a besoin du secours de Dieu; or, chacun a dans sa volonté propre le pouvoir d'agir ou de ne pas agir». Au douzième chapitre: «La victoire que tous remportons n'est point due au secours de Dieu, mais à notre libre arbitre». Ce n'est là que la conclusion naturelle de ces autres paroles: «La victoire est notre oeuvre propre, puisque nous avons pris les armes par l'effet de notre volonté propre; de même quand nous sommes vaincus, c'est notre propre faute, puisque nous avons dédaigné de nous armer de notre volonté». L'auteur cite à cette occasion ce témoignage de l'apôtre.saint Pierre: «Il nous a rendus participants de la nature divine (4)». C'est ici qu'il emprunte la majesté du syllogisme: «Si l'âme ne peut être sans péché, donc Dieu lui-même est soumis au péché, puisqu'une


1. Ph 3,12 - 2. Ps 24,7 - 3. Lv 4 - 4. 2P 1,4

584

partie de lui-même, c'est-à-dire notre âme, est soumise au péché». Au treizième chapitre: «Le pardon n'est pas accordé, aux pécheurs pénitents, selon la grâce et la miséricorde de Dieu, mais selon les mérites et le travail de ceux qui, par leur pénitence, ont mérité la miséricorde».


43. A toutes ces citations le synode ajouta: «Le moine Pélage ici présent vient d'entendre la lecture de ces chapitres, qu'a-t-il à y répondre? En effet, chacune de ces propositions est réprouvée par le synode et par la sainte Eglise catholique de Dieu». Pélage répondit: «J'affirme de nouveau que ces propositions ne sont pas de moi, mes accusateurs eux-mêmes le reconnaissent; je ne suis donc tenu à aucune satisfaction à cet égard. Quant à la doctrine que j'ai professée, j'affirme qu'elle est orthodoxe; mais s'il s'agit de celle à laquelle je suis étranger, je la réprouve selon le jugement de la sainte Eglise, je dis anathème à quiconque se pose a en contradiction avec les doctrines de la sainte Eglise catholique. Je crois à la Trinité d'une seule substance et à tout ce qu'enseigne la sainte Eglise catholique: que celui qui enseigne le contraire soit anathème».


44. Le synode ajouta: «Nous sommes satisfaits des explications fournies par le moine Pélage, puisqu'il reste attaché aux saines doctrines, et qu'il réprouve et anathématise tout ce qui est contraire à la foi de l'Église. En conséquence, nous le reconnaissons membre de la communion ecclésiastique et catholique».


45. Admettons la réalité de ces faits, dont les amis de Pélage se réjouissent comme d'un triomphe, parce que leur chef en est sorti justifié. D'un autre côté, produisant quelques-unes de nos lettres, écrites dans l'intimité, Pélage en a donné lecture dans le cours de la séance, et les a fait insérer dans les actes publics, afin de prouver que nous lui étions uni d'amitié. Oui, sans doute, nous désirons. vivement, nous implorons ardemment son salut en Jésus-Christ; mais s'il s'agit de sa justification,, qu'il est plus facile de croire que de prouver, ne serait-ce pas témérité de nous en réjouir? Loin de moi cependant d'accuser les juges de négligence, de connivence; ou, ce qui serait pire encore, de complicité pour des doctrines impies. Je loue et approuve leur jugement comme il le mérite, toutefois je ne saurais croire que Pélage est réellement justifié aux yeux de ceux qui ont de ses opinions une connaissance plus approfondie et plus certaine. Disons-le, nos collègues dans l'épiscopat se sont prononcés sans connaître, d'autant plus qu'ils n'étaient assistés par aucun de ceux qui avaient rédigé lie réquisitoire, d'où il suit que leur instruction a été nécessairement incomplète. Quant à l'hérésie elle-même, ils l'ont certainement condamnée, de l'aveu même de ceux qui s'en étaient posés les défenseurs. En dehors de ces jugés, tous ceux qui connaissent les opinions privilégiées de Pelage, tous ceux qui ont eu à soutenir ces discussions, ou qui se félicitent d'avoir secoué le joug de son erreur, comment sa justification ne leur paraîtrait-elle pas suspecte, quand, au lieu d'un désaveu clair et formel de ses erreurs passées, ils ne lisent qu'une profession de foi, déclarant qu'il n'a jamais eu d'autre croyance que celle dont le tribunal a sanctionné la légitimité dans ses réponses?


46. Quant à ce qui me concerne personnellement, j'ai été le témoin des pompeux éloges qui se faisaient à Rome autour du nom de Pélage pendant son absence. Dans la suite, la renommée vint m'apprendre qu'il se posait en adversaire de la grâce de Dieu. J'en gémis. sais profondément; cependant, quoique ceux qui m'avertissaient méritassent toute ma confiance, je désirais posséder l'un de ses ouvrages sur la matière, afin de ne pas lui laisser la ressource de la négation, quand j'entreprendrais de le réfuter. J'étais absent quand il vint en Afrique, il fut même reçu sur notre rivage d'Hippone; mais j'ai su par mes amis qu'il avait gardé le plus profond silence sur 1e sujet en question, et qu'il opéra son départ bien plus tôt qu'il ne pensait. Si j'en crois mes souvenirs, je l'ai vu à Carthage une fois ou deux, à l'époque, si agitée pour moi, où nous devions avoir une conférence avec les hérétiques Donatistes. Quant à lui, il s'empressa de repasser la mer. Toutefois ses disciples faisaient grand bruit de sa doctrine: ce fut au point que Célestius fut cité devant un tribunal ecclésiastique et frappé d'une condamnation qu'il n'avait que trop méritée. Nous croyions alors que la meilleure marche à suivre était de taire les noms propres, et de réfuter vivement les erreurs, parce que la crainte seule de subir un jugement ecclésiastique serait plus efficace pour les convertir (585) que ne pourrait l'être la condamnation même dont ils seraient frappés. Dès lors nous ne cessions plus de multiplier contre ces erreurs les livres et les traités populaires.


47. Enfin, deux serviteurs de Dieu, aussi généreux que bons, Timasius et Jacques, remirent entre mes mains ce livre dans lequel Pélage, désireux de,se produire officiellement, se posait directement à lui-même la question de la grâce et la résolvait en disant que la grâce de Dieu n'est autre chose que la nature créée avec le libre arbitre. Parfois, mais à mots couverts et avec un déguisement prononcé, il adjoignait au libre arbitré le secours de la loi, voire même la rémission des péchés. Malgré ces subterfuges, je compris clairement qu'il y avait dans cette doctrine un venin de perversité, très-opposé au salut chrétien. Toutefois, dans la réfutation que j'ai faite de ce livre, je n'ai pas prononcé le nom de Pélage; car je croyais obtenir plus sûrement mon but, en conservant les dehors de l'amitié, et en ménageant la susceptibilité personnelle de celui dont les écrits ne méritaient de ma part aucun ménagement. C'est là cependant, et je le regrette profondément, ce qui, dans le jugement, lui a arraché cette parole: «J'anathématise ceux qui tiennent ou ont tenu ce langage». Il suffisait de dire: «Ceux qui tiennent», car alors nous aurions conclu qu'il était corrigé. Mais quand-il ajouté: «Et ceux qui l'ont ténu autrefois», comment ne pas lui reprocher l'injuste condamnation qu'il porte contre des innocents qui ont rejeté l'erreur à laquelle ils avaient été initiés par lui-même ou par ses disciples?Au contraire, quand on sait non-seulement qu'il a professé cette erreur, mais qu'il l'a enseignée, comment ne pas craindre la simulation dans l'anathème qu'il lance contre ceux qui professent cette erreur, puisqu'il anathématise également ceux qui l'ont professée autrefois? S'ils l'ont professée, n'est-ce pas lui qui la leur enseignait? Sans parler des autres, de quel oeil peut-il regarder, de quel front peut-il contempler Timasius et Jacques ses amis et autrefois ses disciples, et auxquels j'ai adressé la réfutation que j'ai faite de son- erreur (1)? Puisque j'ai reçu leur réponse, je ne pouvais passer leur nom sous silence; j'ai même annexé à ce livre une copie de leur lettre.


48. «Timasius et Jacques, à l'évêque Augustin,


1. Voir le livre de la Nature et de la Grâce.

leur seigneur véritablement bienheureux et leur vénérable père, salut dans le Seigneur. La grâce de Dieu, portée par votre parole, vénérable père, nous a tellement fortifiés et renouvelés, que nous avons dit, comme de véritables frères: Il a envoyé sa parole et les guéris (1). Votre sainteté a en quelque sorte vanné avec tant de soin le texte de cet ouvrage, que nous trouvons, à notre grande surprise, une réponse à chaque détail, à chaque subtilité, soit dans les choses qu'un chrétien doit rejeter, détester et fuir, soit dans celles où l'auteur n'a pas positivement erré, quoique lui-même, par je ne sais quelle ruse, aboutisse à la suppression de la grâce de Dieu. Un regret se mêle à la joie que nous cause un si grand bienfait, c'est que ce beau présent de la grâce de Dieu ait brillé tard; nous n'avons plus ici certaines personnes aveuglées par l'erreur, et dont les yeux se seraient ouverts à une si éclatante lumière; nous espérons toutefois qu'elles en obtiendront, quoiqu'un peu tard, cette même grâce par la bonté de Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à la connaissance de la vérité (2). Quant à nous, depuis longtemps instruits par cet esprit de lumière qui est en vous, nous avions rejeté le joug de l'erreur; mais maintenant nous vous rendons de nouvelles actions de grâces, car à l'aide des facilités que nous donne l'abondance du discours de votre sainteté, nous pouvons apprendre aux autres ce que nous croyions déjà».

Et d'une autre main: «Que la miséricorde de Dieu conserve votre béatitude, qu'elle la fasse se souvenir de nous et la comble de gloire dans l'éternité (3)!»


49. Si Pélage, avouant qu'autrefois, sans trop s'en rendre compté, il avait été imbu de cette erreur, s'était contenté d'anathématiser ceux qui la professent actuellement, ce serait dépouiller tout sentiment de charité que de ne pas le féliciter d'être enfin rentré dans le chemin de la vérité. Mais, non content de se proclamer libre de cette erreur, il n'a pas craint de frapper d'anathème ceux qui en avaient secoué le joug et qui l'aiment lui-même jusqu'à désirer sa délivrance. Au nombre de ces derniers se trouvent Timasius et Jacques, qui pour lui témoigner leur bienveillance m'ont adressé cette lettre. N'était-ce pas de lui surtout qu'ils


1. Ps 106,20 - 2. 1Tm 2,4 - 3. Lettre CLXVIII.

586

parlaient quand ils me témoignaient le regret que mon livre fût venu trop tard? En effet, disent-ils, «nous n'avons plus ici certaines personnes aveuglées par l'erreur, et dont les yeux se seraient ouverts à une si éclatante lumière; nous espérons toutefois qu'elles en obtiendront, quoique un peu tard, cette même grâce par la bonté de Dieu». Ils ont cru devoir taire le nom ou les noms propres, afin que, en ménageant les liens de l'amitié, ils obtinssent plus facilement pour leurs amis la mort de l'erreur.



50. Maintenant, si Pélage conserve encore la pensée de Dieu, s'il n'est pas ingrat à l'égard de sa miséricorde, s'il réfléchit que, en le traduisant au tribunal des évêques, le Seigneur l'a placé dans l'impossibilité de défendre désormais ces anathèmes et lui a fait connaître ce qu'il doit détester et rejeter, il acceptera ma lettre avec reconnaissance, et il comprendra que si j'ai prononcé son nom, je ne voulais ouvrir la plaie que pour la guérir plus sûrement, tandis que, dans le livre précédent, tout en cherchant à lui épargner de la peine, je soulevais en lui, sans le vouloir, le mécontentement et la haine. S'il s'est irrité contre moi, qu'il veuille bien remarquer l'injustice de sa haine, et pour l'étouffer et la détruire, qu'il demande la grâce divine dont il a reconnu la nécessité pour chacune de nos actions. Aidé par cette grâce, il remportera sur lui-même une victoire complète et véritable. Que lui servent ces éloges que les évêques lui prodiguent dans cette lettre qu'il exalte si fort et dont il recommande si hautement la lecture? Est-ce que tous ceux qui entendaient ses exhortations pressantes et chaleureuses sur la nécessité de mener une vie sainte, pouvaient facilement supposer qu'il était pourtant victime de doctrines erronées?


51. Pour moi, dans la lettre qu'il a exhibée, non-seulement je me suis abstenu de le combler d'éloges; mais, sans soulever aucunement la question, je l'ai mis à même, autant que j'ai pu, d'avoir sur la grâce de Dieu des notions justes et suffisantes. Je l'ai salué du nom de maître: c'est là une formule dont nous usons à l'égard de ceux mêmes qui ne sont pas chrétiens; cependant, ce n'est point une formule mensongère, car pour procurer le salut des hommes en Jésus-Christ, nous devons en quelque sorte nous tenir à leur égard dans un état de servitude volontaire.

Je l'ai salué du nom de bien-aimé; ce titre, je le répète encore, et lors même qu'il serait irrité contre moi, je le répéterais toujours; et en effet, c'est à moi-même que je nuirais si je cessais de l'aimer, sous prétexte qu'il est irrité contre moi. Je l'ai salué du nom de très-désiré, car je brûlais du désir de m'entretenir avec lui, depuis que j'avais appris que dans ses discussions il soulevait de violentes attaques contre la grâce qui nous justifie. Enfin ma lettre, malgré sa concision, indique clairement cette préoccupation de mon esprit, car après l'avoir remercié de la joie que m'avait procurée ses écrits en m'assurant de sa santé et de la santé de ses amis, auxquels nous souhaitons non-seulement une bonne conversion, mais encore la santé du corps, j'ai formulé le désir que Dieu lui accordât tous les biens, non pas temporels, mais spirituels, c'est-à-dire les biens dont il croyait trouver la source dans le libre arbitre de la volonté et dans la puissance propre; je les lui désirais enfin comme moyen de parvenir à la vie éternelle. Dans sa lettre, à laquelle je répondais, il me félicitait gracieusement de trouver en moi quelques-uns de ces biens. J'ai profité de cette circonstance pour le conjurer de prier pour moi, afin que Dieu voulût bien me rendre tel que lui me croyait être. Je lui rappelais ainsi, contre sa propre conviction, que la justice dont il voulait bien nie féliciter, ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu seul qui nous fait miséricorde (1). C'est là tout ce que renferme ma lettre; telle est même l'intention qui me l'a fait écrire. La voici


52. «Augustin à son bien-aimé maître et très-désiré frère Pélage, salut dans le Seigneur. Je vous rends grâce d'avoir bien voulu me donner la joie de recevoir votre lettre, et de m'avoir appris que vous vous portez bien. Que le Seigneur vous accorde les biens par lesquels vous soyez toujours bon, et puissiez-vous vivre éternellement avec lui, mon bien-aimé maître et très-désiré frère. Quoique je ne me reconnaisse pas digne des louanges que votre bienveillance me donne, il m'est impossible pourtant de ne pas en être touché; mais je vous demande de prier pour moi, afin que je devienne, avec l'aide du Seigneur, tel que vous croyez que je suis». Et d'une autre main: «Souvenez-vous de nous, conservez votre


1. Rm 9,16

587

santé, et puissiez-vous plaire au Seigneur, ô bien-aimé maître et très-désiré frère (1)!»


53. En lui souhaitant, dans la souscription, de plaire au Seigneur, je lui désignais clairement la grâce que j'implorais pour sa volonté, sans recourir à son égard à une exhortation, à un commandement, voire même à un enseignement explicite. Toutefois, sans déroger aucunement à l'essence de la grâce de Dieu, j'aurais pu exhorter, commander ou enseigner, en prouvant que tout cela est du ressort du libre arbitre. De même, en me contentant de formuler un désir, j'ai pu exalter la grâce de Dieu sans porter aucune atteinte au libre arbitre. Dans quel but a-t-il donc exhibé ma lettre devant le tribunal? Si dès le commencement il s'était inspiré des sages pensées qu'elle exprime, il n'aurait jamais eu la honte d'être cité à un jugement épiscopal, fût-ce même par des frères dont la bonté nous est connue, mais dont la foi se trouvait offensée par la perversité de ses discussions. De même que j'ai rendu raison de ma lettre, de même ils sont disposés, s'il le fallait, à rendre compte de leurs écrits, de leurs pensées, voire même de leur ignorance sur certains points en particulier. Liberté donc à Pélage de se flatter de jouir de l'amitié de quelques justes, de lire les lettres qui tournent à sa louange, de publier les actes de sa justification; mais tant qu'il n'aura pas fait l'aveu des erreurs entassées dans ses livres sur la grâce de Dieu, seul principe de notre vocation et de notre justification, tant qu'il n'aura pas anathématisé ces erreurs et réfuté ses propres ouvrages, ceux qui le connaissent plus intimement ne croiront ni à sa conversion ni à sa justification.


54. Ces doutes ne se trouvent que trop confirmés par ce qui a suivi le jugement; je vais m'expliquer sur ce point. Il m'est tombé entre les mains une lettre attribuée à Pélage. Elle est adressée à un certain prêtre, de ses amis, qui l'avait prié de ne devenir pour personne l'occasion de se séparer du corps de l'Eglise. Cette lettre serait trop longue à citer; j'en extrais seulement les passages suivants: «Notre définition», dit Pélage, «affirmant que l'homme peut rester sans péché et observer facilement, s'il le veut, les commandements de Dieu, a été approuvée par sentence solennelle de quatorze évêques. Cette sentence»,


1. Lettre CXLVI.

dit-il encore, «a réduit à néant toutes les contradictions et a retranché de la société tous ceux qui y conspiraient au mal». Que cette lettre ait été écrite par Pélage lui-même, ou par tout autre sous son nom, ne voit-on pas clairement qu'ici l'erreur se félicite, comme d'une victoire, du jugement dans lequel elle a été convaincue et condamnée? Dans cette lettre comme dans son livre des Chapitres, il ne cite pas textuellement les paroles qui furent examinées dans le jugement et répétées dans sa réponse. En effet, ses adversaires, victimes de je ne sais quelle négligence, omirent un mot qui soulève une vive controverse. Ils l'accusèrent d'avoir dit que «l'homme peut, s'il le veut, rester sans péché et observer, s'il. le veut, les commandements de Dieu»; quant à la facilité de cette observance, il n'en fut pas question. Dans sa réponse Pélage s'exprima en ces termes: «Nous avons dit que l'homme peut rester sans péché, et, s'il le veut, observer les commandements de Dieu»; il parle de les observer, et non pas de les observer facilement. Dans un autre passage sur lequel Hilaire m'a consulté et a reçu ma réponse, il était dit que «l'homme, s'il le veut, peut rester sans péché». A cela Pélage répondit: «J'ai dit plus haut, il est vrai, que l'homme peut rester sans péché». Quant à ce mot «facilement», il ne se trouve ni dans l'objection, ni dans la réponse. Voici également ce que nous lisions précédemment dans le récit du saint évêque de Jérusalem: «Les adversaires insistaient et soutenaient qu'il est hérétique, puisqu'il affirme que l'homme, s'il le veut, peut rester sans péché. Nous l'interrogeâmes donc sur ce point et il nous répondit: Je n'ai pas dit que la nature de l'homme a reçu le privilège de l'impeccabilité; j'ai seulement affirmé que celui qui, pour son propre salut, veut travailler et combattre afin de ne pas pécher et de marcher dans les commandements du Seigneur, obtient de Dieu cette possibilité. Alors plusieurs se mirent à murmurer et à dire que Pélage soutenait que l'homme peut être parfait sans la grâce de Dieu: Je l'ai dit, répliqua Pélage, mais c'était une accusation que je formulais; j'ai même ajouté, comme preuve, les travaux continuels de saint Paul, lesquels il a attribués, non pas à son propre pouvoir, mais à la grâce de Dieu, ce qui lui a dicté ces paroles: J'ai plus (588) travaillé que tous les autres, non pas moi, mais «la grâce de Dieu avec moi (1)». J'ai déjà rapporté plus haut la suite de ce récit (2).


55. Comment donc, dans cette lettre, ont-ils osé se glorifier d'avoir obtenu de quatorze évêques une sentence qui les autorisait à soutenir non-seulement la possibilité, mais même la facilité de ne pas pécher, selon la doctrine enseignée par Pélage dans son livre des Chapitres? N'est-il pas manifeste qu'il n'a jamais été question de cette facilité ni dans le réquisitoire, ni dans les explications qui s'échangèrent de part et d'autre? Cette facilité n'est-elle pas même en contradiction avec la défense et les répliques de Pélage, puisque l'évêque de Jérusalem nous assure avoir reçu de lui cette réponse: «qu'en disant de l'homme qu'il peut rester sans péché, il entendait parler de celui qui voudrait travailler et combattre pour son salut?» Enfin dans le cours du procès et pour se défendre, il ajouta que «par son propre travail et avec la grâce de Dieu l'homme peut rester sans péché». Appellera-t-on facile une chose qui exige du travail? Le plus simple bon sens proclame que là où il y a du travail, il n'y a pas de facilité. Et cependant cette lettre, toute d'orgueil et de vanité, circule de mains en mains; avant même que les actes du procès puissent être publiés, elle s'empare de la renommée et proclame que quatorze évêques orientaux ont décidé, «non-seulement que l'homme peut rester sans péché et observer les commandements de Dieu, mais qu'il le peut facilement»; quant au secours de Dieu, il n'en est fait aucune mention, il suffit que l'homme veuille». Ainsi donc, cette lutte violente s'était engagée tout entière au sujet de la grâce divine, et voici que cette grâce est laissée dans le plus profond silence; si la lettre en parle, ce n'est que pour attester l'infortune de sa défaite, tandis que l'orgueil humain y triomphe jusqu'à s'aveugler dans sa victoire. Si nous en croyons l'évêque de Jérusalem, est-ce que Pélage n'a pas répondu qu'il n'avait émis cette proposition que pour la condamner? Est-ce qu'il ne nous a pas dit que ces gigantesques montagnes d'arguments entassés contre l'excellence de la grâce céleste avaient promptement disparu sous le triple coup de foudre lancé par les oracles divins? Est-ce que cet évêque et ses autres collègues,


1. 1Co 15,10 - 2. Ci-dessus, II. 37.

siégeant en qualité de juges, auraient permis à Pélage de dire que «l'homme, pourvu qu'il le veuille, peut rester sans péché et observer les lois de Dieu», s'il n'avait pas immédiatement ajouté que «c'est Dieu lui-même qui a donné à l'homme cette possibilité?» Remarquons ici que ces évêques ne soupçonnaient même pas qu'il parlait de la nature, et non pas de cette grâce qu'ils avaient appris à connaître dans les prédications de l'Apôtre. Enfin Pélage devait également ajouter: «Nous n'avons pas dit que tel ou tel homme, depuis son enfance jusqu'à sa vieillesse soit resté sans péché; nous affirmions seulement qu'après avoir renoncé à ses péchés il pouvait vivre innocent, avec le double concours de son travail propre et de la grâce de Dieu». C'est là ce que les évêques ont défini en disant qu'il était dans la vérité quand il affirmait qu'aidé du secours et de la grâce de Dieu l'homme peut rester sans péché. Ce qu'ils auraient craint, en niant cette proposition, t'eût été de porter atteinte, non pas au pouvoir de l'homme, mais à la grâce même de Dieu. Toutefois, quoiqu'il eût été décidé que l'exemption du péché dans l'homme ne peut venir que du secours de Dieu; cependant il n'a pas été défini que pendant cette vie, dans laquelle la chair lutte contre l'esprit, il y ait jamais eu, ou il doive y avoir un seul homme, doué de son libre arbitre, placé au milieu du monde, ou enseveli dans la solitude, qui ne soit pas obligé de dire, non point pour les autres, mais pour lui-même: «Pardonnez-nous nos péchés (1)». Serons-nous arrivés à ce comble de la perfection, quand nous serons devenus semblables à Dieu, quand nous le verrons comme il est en lui-même (2), quand sera dite, non pas cette parole de ceux qui combattent: «Je vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de mon esprit (3)»; mais cette parole de ceux qui triomphent: «O mort, où est ta victoire? ô mort, où est ton aiguillon (4)?» Cette question reste à débattre pacifiquement, non pas entre catholiques et hérétiques, mais entre les catholiques seulement.


56. Comment donc peut-on croire que Pélage (si toutefois il est l'auteur de cette lettre) ait fait une reconnaissance sincère de la grâce de Dieu, d'une grâce qui n'est ni la nature avec


1. Mt 6,12 - 2. 1Jn 3,2 - 3. Rm 7,23 - 4. 1Co 15,55

589

le libre arbitre, ni la science de la loi, ni la rémission des péchés, mais qui nous est nécessaire pour chacune de nos actions? Comment croire qu'il ait véritablement et sincèrement anathématisé ceux qui professaient une doctrine contraire, quand dans sa lettre il affirme pour l'homme la facilité même de ne pas pécher, facilité dont il n'avait été nullement question dans le jugement, et qu'il nous présente aujourd'hui comme ayant reçu l'approbation des juges; quand dans cette lettre encore il ne dit pas un seul mot de la grâce, qu'il a dû confesser et admettre, sous peine d'être frappé de la condamnation ecclésiastique?


57. Il est encore un point que je ne dois pas passer sous silence. Un enfant d'Hippone, aujourd'hui diacre de l'Eglise orientale, m'a remis la pièce que Pélage a composée pour sa justification. Or, cette pièce mentionne des faits qui sont en contradiction avec les actes épiscopaux, et qui nous prouvent encore mieux que c'est dans ces actes que la doctrine catholique se trouve formulée avec le plus de justesse et de fermeté, du moins en ce qui touche à la destruction de l'erreur. Je lus cette pièce avant que les actes nous fussent parvenus, et je n'y trouvai aucune trace des paroles qu'il prononça dans le cours du jugement. Quant aux citations qui s'y trouvent, elles sont peu nombreuses, à peu près exactes, et ne méritent pas que je m'y arrête plus longtemps.

Ce qui m'indignait surtout, c'est qu'il parut prendre encore la défense de certaines propositions de Célestius, sur lesquelles les actes publics nous annoncent qu'il, lança l'anathème. A l'égard de quelques-unes de ces propositions il se contente de dire qu'il n'en est pas l'auteur, et ne doit pour elles aucune satisfaction. Quant à les anathématiser, il s'y refuse positivement dans sa justification. Voici ces propositions: «Adam a été créé mortel, et serait mort, soit qu'il péchât, soit qu'il ne péchât pas. Ce péché d'Adam n'a nui qu'à son auteur, et nullement au genre humain. La loi ancienne, comme l'Evangile, donnait droit au royaume des cieux. Les enfants nouvellement nés sont absolument ce qu'était Adam avant sa prévarication. Si le genre humain meurt, ce n'est point par suite de la mort ou de la prévarication d'Adam. comme la résurrection du genre humain ne sera pas la conséquence de la résurrection de Jésus-Christ. Les enfants, même ceux qui meurent sans baptême, possèdent la vie éternelle. Si les riches baptisés ne renoncent pas à tout ce qu'ils possèdent, il ne leur sera pas tenu compte du bien qu'ils auraient pu faire, et ils n'entreront pas dans le royaume des cieux». A toutes ces propositions, voici ce que répond Pélage dans sa pièce justificative: «Mes accusateurs eux-mêmes ont reconnu que je ne suis pas l'auteur de ces propositions, je ne dois donc offrir pour elles aucune satisfaction». Si maintenant nous ouvrons les actes, voici comment il s'exprime sur le même sujet: «Mes accusateurs conviennent que je ne suis pas l'auteur de ces propositions, pour lesquelles, dès lors, je ne dois, aucune satisfaction; cependant, pour prouver au synode mon désir de lui plaire, je déclare lancer l'anathème contre ceux qui professent ou ont professé ces doctrinés». Pourquoi n'a-t-il pas reproduit toutes ces paroles dans sa pièce justificative? Il me semble qu'il ne fallait pour cela ni beaucoup fatiguer sa plume, ni multiplier beaucoup ses lettres, ni faire une grande dépense de temps ou de parchemin. Tout nous prouve qu'en faisant circuler son écrit il le présentait comme un résumé fidèle des actes du procès. Dès lors il voulait tromper l'opinion publique, et faire croire que pleine liberté lui avait été laissée de justifier chacune de ces propositions; que ces propositions lui auraient été reprochées, mais sans que l'on pût prouver qu'il en était l'auteur, et sans qu'elles fussent frappées d'anathème et de condamnation.


58. D'un autre côté, il a cité dans ce même écrit plusieurs chapitres de Célestius, sur lesquels il avait été mis en demeure de s'expliquer; mais il est à remarquer que quand il cite les actes du procès, jamais il ne rapporte les deux réponses qu'il a faites à ces chapitres, il a tu celle des deux qui les condamnait, et s'est contenté de citer l'autre, du reste fort peu compromettante. Est-ce dans le but d'abréger? Je le croirais encore, si je ne le voyais pas multiplier les citations qui blessent nos croyances. Voici du reste comme il termine: «Je répète que, de l'aveu même de mes adversaires, je ne suis pas l'auteur de ces propositions, et dès lors je ne dois pour (590) elles aucune satisfaction. Quant à celles dont je suis l'auteur, j'affirme qu'elles sont irrépréhensibles; pour les autres, je les réprouve selon le jugement de la sainte Eglise et frappe d'anathème quiconque se met en opposition avec les doctrines de la sainte Eglise; je condamne également ceux qui n'ont pas reculé devant le mensonge pour nous charger de calomnies». Cette dernière phrase ne se trouve pas dans les actes, mais nous n'avons pas à nous en occuper. Comme lui j'appelle l'anathème contre ceux qui n'ont pas reculé devant le mensonge pour les charger de calomnies. Mais en lisant ces premières paroles: «Je réprouve, selon le jugement de la sainte Eglise, ces propositions dont je ne suis pas l'auteur», j'ignorais encore que l'Eglise eût prononcé un jugement, puisqu'il n'en faisait aucune mention et que je n'avais pas encore lu les actes du procès. Je crus donc uniquement qu'il promettait de se conformer sur ces chapitres à la décision future de l'Eglise, et de réprouver tout ce que l'Eglise réprouverait. Voilà comment je m'expliquais ces autres paroles: «Déclarant anathème à quiconque se met en contradiction avec la doctrine de la sainte Eglise catholique». Or, d'après les actes publics, le jugement ecclésiastique avait été prononcé par les quatorze évêques; c'est donc pour se conformer à ce jugement qu'il déclare réprouver toutes ces propositions, et dire anathème à ceux qui, en restant attachés à ces propositions, se mettent en opposition avec le jugement déjà prononcé. Les juges s'étaient écriés: «Le moine Pélage, ici présent, a-t-il quelque chose à répondre sur ces chapitres dont on vient de donner lecture? Car ces chapitres sont condamnés par le saint «synode et par la sainte Eglise catholique». Or, ceux qui ignorent cette sentence et qui lisent l'écrit de Pélage, supposent naturellement que certains de ces chapitres peuvent être justifiés licitement, par la raison que l'Eglise ne les a pas condamnés comme contraires à sa doctrine, et que Pélage s'est déclaré prêt à obtempérer sur ces matières à toute définition qui pourrait intervenir de la part de l'Eglise. Ainsi donc, cet écrit qui nous occupe ne mentionne aucunement que ces propositions, sous le voile desquelles l'hérésie se propageait et la discussion retrouvait sans cesse de nouvelles audaces, aient été condamnées dans un jugement ecclésiastique présidé par quatorze évêques. Disons-le sans détour: il a craint de nous faire connaître cette condamnation, mais alors qu'il se convertisse donc, au lieu de s'irriter contre les sollicitudes trop tardives de notre vigilance épiscopale. S'il déclare qu'il n'avait rien à craindre à nous faire connaître ce jugement, si nous le soupçonnons à tort sur ce point, qu'il nous pardonne, pourvu du reste qu'il combatte énergiquement tous les chapitres sur lesquels il a été entendu, et qui ont été frappés d'anathème et de condamnation. En se montrant indulgent pour ces chapitres, il nous prouverait non-seulement qu'il en partageait la doctrine, mais qu'il la partage encore.


59. La cause si grave et si importante que nous soutenons dans ce livre en excuse facile. ment la longueur. En l'adressant à votre Excellence, j'espère que s'il ne lui déplaît pas, elle usera de sa puissante autorité pour aider à notre faiblesse et communiquer cet écrit à tous ceux qu'elle croira nécessaire d'éclairer et de convaincre. Puisse-t-il étouffer pour toujours l'orgueil et l'esprit de chicane de ceux qui, dans l'absolution accordée à Pélage, croient trouver une preuve que ces évêques orientaux ont ratifié des doctrines contraires à la foi chrétienne et à la grâce divine, principe de notre vocation et de notre justification; des doctrines que-la vérité chrétienne réprouve et que ces quatorze évêques ont solennellement condamnées; des doctrines enfin que Pélage lui-même a dû frapper d'anathème, s'il ne voulait pas s'attirer une sentence de condamnation. Maintenant donc que nous avons rempli à l'égard de cet homme tous les devoirs de la charité fraternelle, et que nous lui avons prouvé la vive sollicitude dont nous l'entourons, cherchons brièvement à nous convaincre que, malgré l'absolution accordée à la personne même de Pélage, l'hérésie qu'il soutenait serait toujours condamnable au jugement de Dieu et a été réellement condamnée par la sentence des quatorze évêques orientaux.



Augustin, des actes du procès de Pélage.