Catéchèses Benoît XVI 4077

APPEL DU PAPE AUX JEUNES EN VUE DE LA XXIII JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE

Ma pensée se tourne à présent vers la Rencontre mondiale des Jeunes qui se déroulera à Sydney dans un an environ. Je voudrais maintenant adresser, en anglais, une salutation chaleureuse et un vif encouragement aux jeunes ici présents et à tous les jeunes du monde qui se préparent à cette joyeuse rencontre de foi:

Chers jeunes,

Dans un an, nous nous rencontrerons pour la Journée mondiale de la Jeunesse à Sydney! Je voudrais vous encourager à bien vous préparer à cette merveilleuse célébration de la foi, qui se déroulera en compagnie de vos évêques, prêtres, religieux, responsables des jeunes et les uns et les autres. Entrez pleinement dans la vie de vos paroisses et participez avec enthousiasme aux événements organisés par vos diocèses! Vous serez ainsi spirituellement préparés à faire l'expérience d'une compréhension plus profonde de ce en quoi nous croyons, lorsque nous nous rassemblerons à Sydney en juillet prochain.

"Vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins jusqu'aux extrémités de la terre" (Ac 1,8). Comme vous le savez, ces paroles de Jésus constituent le thème de la Journée mondiale de la Jeunesse 2008. Nous ne pouvons qu'imaginer la réaction des Apôtres lorsqu'ils entendirent ces paroles, mais leur confusion était sans doute tempérée par un sentiment de crainte respectueuse et d'ardente impatience pour la venue de l'Esprit. Unis dans la prière avec Marie et les autres, dans le Cénacle (cf. Ac 1,14), ils firent l'expérience de la véritable puissance de l'Esprit, dont la présence transforme l'incertitude, la crainte et la division en détermination, espérance et communion.

Nous aussi nous éprouvons un sentiment de crainte respectueuse et d'ardente impatience alors que nous nous préparons à nous rencontrer à Sydney. Pour beaucoup d'entre nous, ce sera un long voyage. Toutefois, l'Australie et son peuple évoquent des images d'accueil chaleureux et de beauté merveilleuse, l'histoire ancienne des Aborigènes et une multitude de villes et de communautés pleines de vie. Je sais que les Autorités ecclésiales et gouvernementales, aux côtés de nombreux jeunes Australiens, travaillent déjà activement pour nous permettre à tous de vivre une expérience exceptionnelle. Je leur adresse mes remerciements les plus sincères.

La Journée mondiale de la Jeunesse est bien plus qu'un événement. C'est un temps de profond renouveau spirituel, dont les fruits profitent à toute la société. Les jeunes pèlerins sont remplis du désir de prier, d'être nourris de la Parole et des Sacrements, d'être transformés par l'Esprit Saint, qui éclaire la merveille de l'âme humaine et montre le chemin pour être "expression et instrument de l'amour qui émane [du Christ] " (Deus caritas Est 33).

C'est de cet amour, l'amour du Christ, dont le monde a soif. Vous êtes ainsi appelés nombreux à "être ses témoins". Certains d'entre vous ont des amis qui possèdent peu de vrais objectifs dans la vie, qui sont peut-être engagés dans une quête futile de nouvelles expériences sans fin. Emmenez-les eux aussi à la Journée mondiale de la Jeunesse! En effet, j'ai remarqué qu'à contre-courant du sécularisme, de nombreux jeunes redécouvrent la quête gratifiante de la beauté, de la bonté et la vérité authentiques. A travers votre témoignage, vous les aidez dans leur recherche de l'Esprit de Dieu. Soyez courageux dans ce témoignage! Efforcez-vous de diffuser la lumière du Christ qui guide, qui donne un but à toute vie, en rendant la joie et le bonheur durables, possibles pour tous.

Mes chers jeunes, en attendant que nous nous rencontrions à Sydney, que le Seigneur vous protège tous. Confions ces préparatifs à Notre-Dame de la Croix du Sud, Secours des Chrétiens. Avec elle, prions: "Viens Esprit Saint, remplis le coeur de tes fidèles, et allume en eux le feu de ton amour".




Salle Paul VI

Mercredi 1er août 2007 - Saint Basile

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Chers frères et soeurs!

Après ces trois semaines de pause, nous reprenons nos rencontres habituelles du mercredi. Aujourd'hui, je voudrais simplement reprendre la dernière catéchèse, dont le thème était la vie et les écrits de saint Basile, Evêque dans l'actuelle Turquie, en Asie mineure, au IV siècle. La vie de ce grand Saint et ses oeuvres sont riches d'éléments de réflexion et d'enseignements précieux pour nous aussi aujourd'hui.

Avant tout, le rappel au mystère de Dieu, qui demeure la référence la plus significative et vitale pour l'homme. Le Père est "le principe de tout et la cause de l'existence de ce qui existe, la racine des vivants" (Hom 15, 2 de fide: PG 31, 465c) et surtout il est "le Père de notre Seigneur Jésus Christ" (Anaphora sancti Basilii). En remontant à Dieu à travers les créatures, nous "prenons conscience de sa bonté et de sa sagesse" (Basile, Contra Eunomium 1, 14: PG 29, 544b). Le Fils est l'"image de la bonté du Père et le sceau de forme égale à lui" (cf. Anaphora sancti Basilii). A travers son obéissance et sa passion, le Verbe incarné a réalisé la mission de Rédempteur de l'homme (cf. Basile, In Psalmum 48, 8: PG 29, 452ab; cf. également De Baptismo 1, 2: SC 357,158).

Enfin, il parle largement de l'Esprit Saint, auquel il a consacré tout un livre. Il nous révèle que l'Esprit anime l'Eglise, la remplit de ses dons, la rend sainte. La lumière splendide du mystère divin se reflète sur l'homme, image de Dieu, et en rehausse la dignité. En contemplant le Christ, on comprend pleinement la dignité de l'homme. Basile s'exclame: "[Homme], rends-toi compte de ta grandeur en considérant le prix versé pour toi: vois le prix de ton rachat, et comprends ta dignité!" (In Psalmum 48, 8: PG 29, 452b). En particulier le chrétien, vivant conformément à l'Evangile, reconnaît que les hommes sont tous frères entre eux, que la vie est une administration des biens reçus de Dieu, en vertu de laquelle chacun est responsable devant les autres et celui qui est riche doit être comme un "exécuteur des ordres de Dieu bienfaiteur" (Hom. 6 de avaritia: PG 32, 1181-1196). Nous devons tous nous aider, et coopérer comme les membres d'un seul corps (Ep. 203,3).

Et, dans ses homélies, il a également utilisé des paroles courageuses, fortes sur ce point. Celui qui, en effet, selon le commandement de Dieu, veut aimer son prochain comme lui-même, "ne doit posséder rien de plus que ce que possède son prochain" (Hom. in divites: PG 31, 281b).

En période de famine et de catastrophe, à travers des paroles passionnées, le saint Evêque exhortait les fidèles à "ne pas se révéler plus cruels que les animaux sauvages..., s'appropriant le bien commun, et possédant seul ce qui appartient à tous" (Hom. tempore famis: PG 31, 325a). La pensée profonde de Basile apparaît bien dans cette phrase suggestive: "Tous les indigents regardent nos mains, comme nous-mêmes regardons celles de Dieu, lorsque nous sommes dans le besoin". Il mérite donc pleinement l'éloge qu'a fait de lui Grégoire de Nazianze, qui a dit après la mort de Basile: "Basile nous persuade que nous, étant hommes, ne devons pas mépriser les hommes, ni offenser le Christ, chef commun de tous, par notre inhumanité envers les hommes; au contraire, face aux malheurs des autres, nous devons nous-mêmes faire le bien, et prêter à Dieu notre miséricorde car nous avons besoin de miséricorde" (Grégoire de Nazianze, Oratio 43, 63: PG 36, 580b). Des paroles très actuelles. Nous voyons que saint Basile est réellement l'un des Pères de la Doctrine sociale de l'Eglise.

En outre, Basile nous rappelle qu'afin de garder vivant en nous l'amour envers Dieu, et envers les hommes, nous avons besoin de l'Eucharistie, nourriture adaptée pour les baptisés, capable d'alimenter les énergies nouvelles dérivant du Baptême (cf. De Baptismo 1, 3:
SC 357,192). C'est un motif de grande joie de pouvoir participer à l'Eucharistie (Moralia 21, 3: PG 31, 741a), instituée "pour conserver sans cesse le souvenir de celui qui est mort et ressuscité pour nous" (Moralia 80, 22: PG 31, 869b). L'Eucharistie, immense don de Dieu, préserve en chacun de nous le souvenir du sceau baptismal, et permet de vivre en plénitude et dans la fidélité la grâce du Baptême. Pour cela, le saint Evêque recommande la communion fréquente, et même quotidienne: "Communier même chaque jour, en recevant le saint corps et sang du Christ, est chose bonne et utile; car lui-même dit clairement: "Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle" (Jn 6,54). Qui doutera donc que communier continuellement à la vie ne soit pas vivre en plénitude?" (Ep. 93, PG 32, 484b). L'Eucharistie, en un mot, nous est nécessaire pour accueillir en nous la vraie vie, la vie éternelle (cf. Moralia 21, 1: PG 31, 737c).

Enfin, Basile s'intéressa naturellement également à la portion élue du peuple de Dieu, que sont les jeunes, l'avenir de la société. Il leur adressa un Discours sur la façon de tirer profit de la culture païenne de l'époque. Avec beaucoup d'équilibre et d'ouverture, il reconnaît que dans la littérature classique, grecque et latine, se trouvent des exemples de vertu. Ces exemples de vie droite peuvent être utiles pour le jeune chrétien à la recherche de la vérité et d'une façon de vivre droite (cf. Ad Adolescentes 3). C'est pourquoi, il faut emprunter aux textes des auteurs classiques ce qui est adapté et conforme à la vérité: ainsi, à travers une attitude critique et ouverte - il s'agit précisément d'un véritable "discernement" - les jeunes grandissent dans la liberté. A travers la célèbre image des abeilles, qui ne prennent des fleurs que ce dont elles ont besoin pour le miel, Basile recommande: "Comme les abeilles savent extraire le miel des fleurs, à la différence des autres animaux qui se limitent à jouir du parfum et de la couleur des fleurs, de même, de ces écrits également... on peut recueillir un bénéfice pour l'esprit. Nous devons utiliser ces livres en suivant en tout l'exemple des abeilles. Celles-ci ne vont pas indistinctement sur toutes les fleurs, et ne cherchent pas non plus à tout emporter de celles sur lesquelles elles se posent, mais elles en extraient uniquement ce qui sert à la fabrication du miel et laissent le reste. Et nous, si nous sommes sages, nous prendrons de ces écrits uniquement ce qui est adapté à nous, et conforme à la vérité, et nous laisserons de côté le reste" (Ad Adolescentes 4). Basile, surtout, recommande aux jeunes de croître dans les vertus, dans la façon droite de vivre: "Tandis que les autres biens... passent d'une main à l'autre, comme dans un jeu de dés, seule la vertu est un bien inaliénable, et demeure toute la vie et après la mort" (Ad Adolescentes 5).

Chers frères et soeurs, il me semble que l'on peut dire que ce Père d'une époque lointaine nous parle encore et nous dit des choses importantes. Avant tout, cette participation attentive, critique et créatrice à la culture d'aujourd'hui. Puis, la responsabilité sociale: c'est une époque à laquelle, dans un univers mondialisé, même les peuples géographiquement éloignés sont réellement notre prochain. Nous avons ensuite l'amitié avec le Christ, le Dieu au visage humain. Et, enfin, la connaissance et la reconnaissance envers le Dieu créateur, notre Père à tous: ce n'est qu'ouverts à ce Dieu, le Père commun, que nous pouvons construire un monde juste et un monde fraternel.
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J'accueille avec plaisir les pèlerins de langue française et je les invite à accueillir l'exemple et l'enseignement de saint Basile, pour grandir fidèlement et sans réserve sur le chemin de la vie évangélique. Bon pèlerinage à tous!



A l'issue de l'Audience générale

En conclusion de l'Audience générale, je voudrais rapporter une bonne nouvelle concernant l'Irak, qui a suscité une explosion populaire de joie dans tout le pays. Je veux parler de la victoire à la Coupe d'Asie par l'équipe nationale de football irakienne. Il s'agit d'un succès historique pour l'Irak, qui, pour la première fois, est devenu champion de football d'Asie. J'ai été heureusement frappé par l'enthousiasme qui a gagné tous les habitants, les faisant sortir dans les rues pour fêter l'événement. De même que, tant de fois, j'ai pleuré avec les Irakiens, en cette circonstance, je me réjouis avec eux. Cette expérience de bonheur partagé révèle le désir d'un peuple de mener une vie normale et sereine. Je souhaite que cet événement puisse contribuer à réaliser en Irak, avec la coopération de tous, un avenir de paix authentique dans la liberté et le respect réciproque. Toutes mes félicitations!
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Je salue le groupe des Scouts d'Europe, qui à travers leur présence ce matin, veulent réaffirmer leur participation ecclésiale, après avoir renouvelé la promesse scoute, qui les engage à accomplir leur devoir envers Dieu et à servir les autres avec générosité. Ma pensée s'adresse également à tous les scouts et les guides du monde qui renouvellent leur promesse précisément aujourd'hui, jour du centenaire de la fondation du scoutisme. En effet, il y a exactement 100 ans, le 1 août 1907, sur l'Ile de Brownsea, fut créé le premier camp scout de l'histoire Je souhaite de tout coeur que le mouvement éducatif du scoutisme, né de la profonde intuition de Lord Robert Baden Powell, continue de produire des fruits de formation humaine, spirituelle et civile dans tous les pays du monde.






Salle Paul VI

Mercredi 22 août 2007 - Saint Grégoire de Nazianze

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Chers frères et soeurs,

Dans le cadre des portraits des grands Pères et Docteurs de l'Eglise que je cherche à offrir dans ces catéchèses, j'ai parlé la dernière fois de saint Grégoire de Nazianze, Evêque du IV siècle, et je voudrais aujourd'hui encore compléter ce portrait d'un grand maître. Nous chercherons aujourd'hui à recueillir certains de ses enseignements. En réfléchissant sur la mission que Dieu lui avait confiée, saint Grégoire de Nazianze concluait: "J'ai été créé pour m'élever jusqu'à Dieu à travers mes actions" (Oratio 14, 6 de pauperum amore: PG 35, 865). De fait, il plaça son talent d'écrivain et d'orateur au service de Dieu et de l'Eglise. Il rédigea de multiples discours, diverses homélies et panégyriques, de nombreuses lettres et oeuvres poétiques (près de 18.000 vers!): une activité vraiment prodigieuse. Il avait compris que telle était la mission que Dieu lui avait confiée: "Serviteur de la Parole, j'adhère au ministère de la Parole; que jamais je ne néglige ce bien. Cette vocation je l'apprécie et je la considère, j'en tire plus de joie que de toutes les autres choses mises ensemble" (Oratio 6, 5:
SC 405,134 cf. également Oratio SC 4,10).

Grégoire de Nazianze était un homme doux, et au cours de sa vie il chercha toujours à accomplir une oeuvre de paix dans l'Eglise de son temps, lacérée par les discordes et les hérésies. Avec audace évangélique, il s'efforça de surmonter sa timidité pour proclamer la vérité de la foi. Il ressentait profondément le désir de s'approcher de Dieu, de s'unir à Lui. C'est ce qu'il exprime lui-même dans l'une de ses poésies, où il écrit: parmi les "grands flots de la mer de la vie, / agitée ici et là par des vents impétueux, / ... / une seule chose m'était chère, constituait ma richesse, / mon réconfort et l'oubli des peines, / la lumière de la Sainte Trinité" (Carmina [historica] 2, 1, 15: PG 37, 1250sq.).

Grégoire fit resplendir la lumière de la Trinité, en défendant la foi proclamée par le Concile de Nicée: un seul Dieu en trois personnes égales et distinctes - le Père, le Fils et l'Esprit Saint -, "triple lumière qui en une unique / splendeur se rassemble" (Hymne vespéral: Carmina [historica] 2, 1, 32: PG 37, 512). Dans le sillage de saint Paul (1Co 8,6), Grégoire affirme ensuite, "pour nous il y a un Dieu, le Père, dont tout procède; un Seigneur, Jésus Christ, à travers qui tout est; et un Esprit Saint en qui tout est" (Oratio 39, 12: SC 358,172).

Grégoire a profondément souligné la pleine humanité du Christ: pour racheter l'homme dans sa totalité, corps, âme et esprit, le Christ assuma toutes les composantes de la nature humaine, autrement l'homme n'aurait pas été sauvé. Contre l'hérésie d'Apollinaire, qui soutenait que Jésus Christ n'avait pas assumé une âme rationnelle, Grégoire affronte le problème à la lumière du mystère du salut: "Ce qui n'a pas été assumé, n'a pas été guéri" (Ep. 101,32, SC 208, 50), et si le Christ n'avait pas été "doté d'une intelligence rationnelle, comment aurait-il pu être homme?" (Ep. 101,34, SC 208, 50). C'était précisément notre intelligence, notre raison qui avait et qui a besoin de la relation, de la rencontre avec Dieu dans le Christ. En devenant homme, le Christ nous a donné la possibilité de devenir, à notre tour, comme Lui. Grégoire de Nazianze exhorte: "Cherchons à être comme le Christ, car le Christ est lui aussi devenu comme nous: cherchons à devenir des dieux grâce à Lui, du moment que Lui-même, par notre intermédiaire, est devenu homme. Il assuma le pire, pour nous faire don du meilleur" (Oratio 1, 5: SC 247,78).

Marie, qui a donné la nature humaine au Christ, est la véritable Mère de Dieu (Theotókos: cf Ep. 101,16, SC 208, 42, et en vue de sa très haute mission elle a été "pré-purifiée" (Oratio 38, 13: SC 358, 132, comme une sorte de lointain prélude du dogme de l'Immaculée Conception). Marie est proposée comme modèle aux chrétiens, en particulier aux vierges, et comme secours à invoquer dans les nécessités (cf. Oratio 24, 11: SC 282,60-64).

Grégoire nous rappelle que, comme personnes humaines, nous devons être solidaires les uns des autres. Il écrit: ""Nous sommes tous un dans le Seigneur" (cf. Rm 12,5), riches et pauvres, esclaves et personnes libres, personnes saines et malades; et la tête dont tout dérive est unique: Jésus Christ. Et, comme le font les membres d'un seul corps, que chacun s'occupe de chacun, et tous de tous". Ensuite, en faisant référence aux malades et aux personnes en difficulté, il conclut: "C'est notre unique salut pour notre chair et notre âme: la charité envers eux" (Oratio 14, 8 de pauperum amore: PG 35, 868ab). Grégoire souligne que l'homme doit imiter la bonté et l'amour de Dieu, et il recommande donc: "Si tu es sain et riche, soulage les besoins de celui qui est malade et pauvre; si tu n'es pas tombé, secours celui qui a chuté et qui vit dans la souffrance; si tu es heureux, console celui qui est triste; si tu as de la chance, aide celui qui est poursuivi par le mauvais sort. Donne à Dieu une preuve de reconnaissance, car tu es l'un de ceux qui peuvent faire du bien, et non de ceux qui ont besoin d'en recevoir... Sois riche non seulement de biens, mais également de piété; pas seulement d'or, mais de vertus, ou mieux, uniquement de celle-ci. Dépasse la réputation de ton prochain en te montrant meilleur que tous; fais toi Dieu pour le malheureux, en imitant la miséricorde de Dieu" (Oratio 14, 26 de pauperum amore: PG 35, 892bc).

Grégoire nous enseigne tout d'abord l'importance et la nécessité de la prière. Il affirme qu'il "est nécessaire de se rappeler de Dieu plus souvent que l'on respire" (Oratio 27, 4: PG 250, 78), car la prière est la rencontre de la soif de Dieu avec notre soif. Dieu a soif que nous ayons soif de Lui (cf. Oratio 40, 27: SC 358,4). Dans la prière nous devons tourner notre coeur vers Dieu, pour nous remettre à Lui comme offrande à purifier et à transformer. Dans la prière nous voyons tout à la lumière du Christ, nous ôtons nos masques et nous nous plongeons dans la vérité et dans l'écoute de Dieu, en nourrissant le feu de l'amour.

Dans une poésie, qui est en même temps une méditation sur le but de la vie et une invocation implicite à Dieu, Grégoire écrit: "Tu as une tâche, mon âme, / une grande tâche si tu le veux. / Scrute-toi sérieusement, / ton être, ton destin; / d'où tu viens et où tu devras aller; / cherche à savoir si la vie que tu vis est vie / ou s'il y a quelque chose de plus. / Tu as une tâche, mon âme, / purifie donc ta vie: / considère, je te prie, Dieu et ses mystères, / recherche ce qu'il y avait avant cet univers / et ce qu'il est pour toi, / d'où il vient, et quel sera son destin. / Voilà ta tâche, /mon âme, / purifie donc ta vie" (Carmina [historica] 2, 1, 78: PG 37, 1425-1426). Le saint Evêque demande sans cesse de l'aide au Christ, pour être relevé et reprendre le chemin: "J'ai été déçu, ô mon Christ, / en raison de ma trop grande présomption: / des hauteurs je suis tombé profondément bas. / Mais relève-moi à nouveau à présent, car je vois / que j'ai été trompé par ma propre personne; / si je crois à nouveau trop en moi, / je tomberai immédiatement, et la chute sera fatale" (Carmina [historica] 2, 1, 67: PG 37, 1408).

Grégoire a donc ressenti le besoin de s'approcher de Dieu pour surmonter la lassitude de son propre moi. Il a fait l'expérience de l'élan de l'âme, de la vivacité d'un esprit sensible et de l'instabilité du bonheur éphémère. Pour lui, dans le drame d'une vie sur laquelle pesait la conscience de sa propre faiblesse et de sa propre misère, l'expérience de l'amour de Dieu l'a toujours emporté. Ame, tu as une tâche - nous dit saint Grégoire à nous aussi - , la tâche de trouver la véritable lumière, de trouver la véritable élévation de ta vie. Et ta vie est de rencontrer Dieu, qui a soif de notre soif.


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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les pèlerins du diocèse d’Obala, au Cameroun, les appelant, à l’exemple de saint Grégoire de Nazianze, à trouver dans l’écoute de la Parole de Dieu et dans la charité envers les pauvres la volonté de servir toujours davantage le Christ et l’Église.




Mercredi 29 août 2007 - Saint Grégoire de Nysse

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Chers frères et soeurs!

Dans les dernières catéchèses, j'ai parlé de deux grands docteurs de l'Eglise du IV siècle, Basile et Grégoire de Nazianze, Evêque de Cappadoce, dans l'actuelle Turquie. Aujourd'hui, nous en ajoutons un troisième, le frère de Basile, saint Grégoire de Nysse, qui s'est révélé un homme au caractère réfléchi, avec de grandes capacités de méditation, et d'une vive intelligence, ouverte à la culture de son temps. Il s'est ainsi révélé comme un penseur original et profond dans l'histoire du christianisme.

Il naquit autour de 335; sa formation chrétienne fut suivie en particulier par son frère Basile - qu'il définit comme "père et maître" (Ep. 13,4, SC 363, 198) - et par sa soeur Macrine. Il suivit ses études en appréciant particulièrement la philosophie et la rhétorique. Dans un premier temps, il se consacra à l'enseignement et se maria. Ensuite, il se consacra lui aussi entièrement, comme son frère et sa soeur, à la vie ascétique. Plus tard, il fut élu Evêque de Nysse, et se démontra un pasteur zélé, ce qui lui valut l'estime de la communauté. Accusé de malversations financières par ses adversaires hérétiques, il dut abandonner le siège épiscopal pendant une brève période, mais il y revint ensuite triomphalement (cf. Ep. 6, SC 363, 164-170), et il continua à se consacrer à la lutte pour défendre la vraie foi.

En particulier après la mort de Basile, recueillant presque son héritage spirituel, il coopéra au triomphe de l'orthodoxie. Il participa à divers synodes; il chercha à résoudre les conflits entre les Eglises; il participa activement à la réorganisation ecclésiastique et, en tant que "pilier de l'orthodoxie", il fut l'un des acteurs du Concile de Constantinople de 381, qui définit la divinité de l'Esprit Saint. Il reçut diverses charges officielles de la part de l'empereur Théodose, il prononça d'importants discours et homélies funèbres, il se consacra à la rédaction de diverses oeuvres théologiques. En 394, il participa encore à un synode qui se déroula à Constantinople. On ne connaît pas la date de sa mort.

Grégoire explique avec clarté la finalité de ses études, le but suprême auquel il aspire dans son travail de théologien: ne pas employer sa vie en choses vaines, mais trouver la lumière qui permet de discerner ce qui est vraiment utile (cf. In Ecclesiasten hom. 1:
SC 416,106-146). Il trouva ce bien suprême dans le christianisme, grâce auquel est possible "l'imitation de la nature divine" (De professione christiana: PG 46, 244C). Avec sa vive intelligence et ses vastes connaissances philosophiques et théologiques, il défendit la foi chrétienne contre les hérétiques, qui niaient la divinité du Fils et de l'Esprit Saint (comme Eunomios et les Macédoniens), ou mettaient en doute la parfaite humanité du Christ (comme Apollinaire). Il commenta l'Ecriture Sainte, s'arrêtant sur la création de l'homme. Cela était pour lui un thème central: la création. Il voyait dans la créature le reflet du Créateur et trouvait là le chemin vers Dieu. Mais il écrivit également un livre important sur la vie de Moïse, qu'il présente comme un homme en marche vers Dieu: cette montée vers le Mont Sinaï devient pour lui une image de notre ascension dans la vie humaine, vers la vraie vie, vers la rencontre avec Dieu. Il a interprété également la prière du Seigneur, le Notre-Père, et les Béatitudes. Dans son "Grand discours catéchétique" (Oratio catechetica magna) - il exposa les lignes fondamentales de la théologie, non pas pour une théologie académique refermée sur elle-même, mais pour offrir aux catéchistes un système de référence dont tenir compte dans leurs instructions, comme un cadre dans lequel s'inscrit ensuite l'interprétation théologique de la foi.

En outre, Grégoire est célèbre pour sa doctrine spirituelle. Toute sa théologie n'était pas une réflexion académique, mais l'expression d'une vie spirituelle, d'une vie de foi vécue. En tant que grand "père de la mystique", il exposa dans divers traités - comme le De professione christiana et le De perfectione christiana - le chemin que les chrétiens doivent entreprendre pour atteindre la vraie vie, la perfection. Il exalta la virginité consacrée (De virginitate), et en proposa un modèle éminent dans la vie de sa soeur Macrine, qui est toujours restée pour lui un guide, un exemple (cf. Vita Macrinae). Il tint divers discours et homélies, et écrivit de nombreuses lettres. En commentant la création de l'homme, Grégoire souligne que Dieu, "le meilleur des artistes, forge notre nature de manière à la rendre adaptée au service de la royauté. A travers la supériorité établie de l'âme, et au moyen de la conformation même du corps, il dispose les choses de manière à ce que l'homme soit réellement adapté au pouvoir royal" (De hominis opificio 4: PG 44, 136B). Mais nous voyons que l'homme, pris dans les mailles des péchés, abuse souvent de la création et n'exerce pas une véritable royauté. C'est pourquoi, afin d'exercer une véritable responsabilité envers les créatures, il doit être pénétré par Dieu et vivre dans sa lumière. En effet, l'homme est un reflet de cette beauté originelle qui est Dieu: "Tout ce que Dieu créa était excellent", écrit le saint Evêque. Et il ajoute: "Le récit de la création en témoigne (cf. Gn 1,31). Parmi les choses excellentes se trouvait aussi l'homme, orné d'une beauté largement supérieure à toutes les belles choses. En effet, quelle chose pouvait être aussi belle que celui qui est semblable à la beauté pure et incorruptible?... Reflet et image de la vie éternelle, il était véritablement beau, et même très beau, comme le signe rayonnant de la vie sur son visage" (Homilia in Canticum 12: PG 44, 1020C).

L'homme a été honoré par Dieu et placé au dessus de toute autre créature: "Le ciel n'a pas été fait à l'image de Dieu, ni la lune, ni le soleil, ni la beauté des étoiles, ni aucune des choses qui apparaissent dans la création. Seule toi (anima umana) tu as été rendue l'image de la nature qui domine toute intelligence, ressemblance de la beauté incorruptible, empreinte de la vraie divinité, réceptacle de la vie bienheureuse, image de la véritable lumière; et lorsque tu la regardes, tu deviens ce qu'Il est, car à travers le rayon reflété provenant de ta pureté, tu imites Celui qui brille en toi. Aucune des choses qui existe n'est grande au point de pouvoir être comparée à ta grandeur" (Homilia in Canticum 2: PG 44, 805D). Méditons cet éloge de l'homme. Voyons également à quel point l'homme est dégradé par le péché. Et cherchons à revenir à la grandeur originelle: ce n'est que si Dieu est présent que l'homme arrive à sa véritable grandeur.

L'homme reconnaît donc en lui-même le reflet de la lumière divine: en purifiant son coeur, il redevient comme il était au début, une image limpide de Dieu, Beauté exemplaire (cf. Oratio catechetica 6: SC 453,174). Ainsi, l'homme, en se purifiant, peut voir Dieu, comme les coeurs purs (cf. Mt 5,8): "Si, avec un style de vie diligent et attentif, tu effaces les choses laides qui se sont déposées sur ton coeur, alors resplendira en toi la beauté divine... En te contemplant toi-même, tu verras en toi celui qui est le désir de ton coeur et tu seras bienheureux" (De beatitudinibus, 6: PG 44, 1272AB). Il faut donc laver les choses laides qui se sont déposées sur notre coeur et retrouver en nous-même la lumière de Dieu.

L'homme a donc comme objectif la contemplation de Dieu. Ce n'est qu'en celle-ci qu'il peut trouver sa réalisation. Pour anticiper, dans une certaine mesure, cet objectif déjà au cours de cette vie, il doit progresser sans cesse vers une vie spirituelle, une vie de dialogue avec Dieu. En d'autres termes - et telle est la leçon la plus importante que saint Grégoire de Nysse nous transmet -, la pleine réalisation de l'homme consiste dans la sainteté, dans une vie vécue dans la rencontre avec Dieu, qui devient ainsi lumineuse également pour les autres, et pour le monde.
* * *


Je souhaite la bienvenue aux pèlerins de langue française, et je salue particulièrement les membres du groupe oecuménique, catholique et orthodoxe, venus d’Athènes, ainsi que les jeunes de Tarse-Mersin, en Turquie. A la suite de saint Grégoire, je vous invite tous à vous faire serviteurs de ce qu’il y a de beau et de noble dans le coeur de l’homme, pour qu’il puisse contempler Dieu. Avec ma Bénédiction apostolique.

Appel du Pape

Ces jours derniers, plusieurs régions géographiques ont été dévastées par de graves catastrophes: je fais référence aux inondations dans certains pays orientaux, ainsi qu'aux incendies dévastateurs en Grèce, en Italie et dans d'autres pays européens. Devant des urgences aussi dramatiques, qui ont causé de nombreuses victimes et d'importants dégâts matériels, on ne peut qu'être préoccupés par le comportement irresponsable d'individus qui mettent en péril la sécurité des personnes et détruisent le patrimoine de l'environnement, bien précieux de l'humanité tout entière. Je m'unis à ceux qui, à juste titre, condamnent ces actions criminelles et j'invite chacun à prier pour les victimes de ces tragédies.


Mercredi 5 septembre 2007 - Saint Grégoire de Nysse (2)

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Chers frères et soeurs!

Je vous propose quelques aspects de la doctrine de saint Grégoire de Nysse, dont nous avons déjà parlé mercredi dernier. En premier lieu, Grégoire de Nysse manifesta une conception très élevée de la dignité de l'homme. Le but de l'homme, dit le saint Evêque, est celui de devenir semblable à Dieu, et il atteint ce but avant tout à travers l'amour, la connaissance et la pratique des vertus, "rayons lumineux qui descendent de la nature divine" (De Beatitudinibus 6: PG 44, 1272 C), dans un mouvement perpétuel d'adhésion au bien, comme le coureur qui est tendu en avant. Grégoire utilise, à ce propos, une image efficace, déjà présente dans la Lettre de Paul aux Philippiens: épek-teinómenos (3, 13), c'est-à-dire "lancé vers l'avant", vers ce qui est plus grand, vers la vérité et l'amour. Cette expression appropriée indique une réalité profonde: la perfection, que nous voulons trouver n'est pas une chose acquise pour toujours; la perfection est le fait de rester en chemin, c'est une disposition permanente à aller de l'avant, car l'on n'atteint jamais la pleine ressemblance avec Dieu; nous sommes toujours en chemin (cf. Homilia in Canticum 12: PG 44, 1025d). L'histoire de chaque âme est celle d'un amour à chaque fois comblé et, dans le même temps, ouvert sur de nouveaux horizons, car Dieu étend sans cesse les possibilités de l'âme, pour la rendre capable de biens toujours plus grands. Dieu lui-même, qui a déposé en nous des germes de bien, et dont part toute initiative de sainteté, "modèle le bloc... En limant et en nettoyant notre esprit, il forme en nous le Christ" (In Psalmos 2, 11: PG 44, 544B).

Grégoire se soucie de préciser: "Ce n'est pas, en effet, notre oeuvre, et ce n'est pas non plus la victoire d'une force humaine que de devenir semblables à la divinité, mais c'est le résultat de la munificence de Dieu, qui dès sa première origine a fait grâce à notre nature de la ressemblance avec Lui" (De virginitate 12, 2:
SC 119,152-154). Donc, pour l'âme, "il ne s'agit pas de connaître quelque chose de Dieu, mais d'avoir Dieu en soi" (De beatitudinibus 6: PG 44, 1269c). Du reste, remarque Grégoire avec acuité, "la divinité est pureté, est affranchissement des passions et disparition de tout mal: si toutes ces choses sont en toi, Dieu est réellement en toi" (De beatitudinibus 6: PG 44, 1272C).

Lorsque nous avons Dieu en nous, lorsque l'homme aime Dieu, par cette réciprocité qui est propre à l'amour, il désire ce que Dieu lui-même désire (cf. Homilia in Canticum 9: PG 44, 956ac), et il coopère donc avec Dieu à modeler en lui l'image divine, si bien que "notre naissance spirituelle est le résultat d'un libre choix, et nous sommes d'une certaine façon les parents de nous-mêmes, en nous créant comme nous voulons être et en nous formant par notre volonté selon le modèle que nous choisissons" (Vita Moysis 2, 3: SC 1bis, 108). Pour s'élever vers Dieu, l'homme doit se purifier: "La voie qui reconduit au ciel la nature humaine, n'est autre que l'éloignement des maux de ce monde... Devenir semblable à Dieu signifie devenir juste, saint et bon... Si donc, selon l'Ecclésiaste (5, 1), "Dieu est au ciel" et si, selon le prophète (Ps 72,28), vous "adhérez à Dieu", il s'ensuit nécessairement que vous êtes là où Dieu se trouve, du moment que vous êtes unis à Lui. Etant donné qu'il vous a ordonné, lorsque vous priez, d'appeler Dieu Père, il vous dit de devenir sans aucun doute semblables à votre Père céleste, avec une vie digne de Dieu, comme le Seigneur nous l'ordonne plus clairement ailleurs, en disant: "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait" (Mt 5,48)" (De oratione dominica 2: PG 44, 1145ac).

Sur ce chemin d'ascèse spirituelle, le Christ est le modèle et le maître, qui nous fait voir la belle image de Dieu (cf. De perfectione christiana, PG 46, 272a). Chacun de nous, en se tournant vers Lui, se retrouve être "le peintre de sa propre vie", qui possède la volonté pour exécuter le travail et les vertus comme des couleurs dont se servir (ibid.: PG 46, 272b). Si l'homme est considéré digne du Christ, comment doit-il donc se comporter? Grégoire répond ainsi: "[Il doit] toujours examiner au plus profond de lui ses pensées, ses paroles et ses actions, pour voir si celles-ci sont tournées vers le Christ ou si elles s'éloignent de lui" (ibid.: PG 46, 284c). Et ce point est important en raison de la valeur qu'il attribue à la parole "chrétien". Le chrétien est quelqu'un qui porte le nom du Christ, et il doit donc s'assimiler à Lui également dans sa vie. A travers le Baptême, nous chrétiens, assumons une grande responsabilité.

Mais le Christ - rappelle Grégoire - est présent également dans les pauvres, c'est pourquoi ils ne doivent jamais être offensés: "Ne méprise pas ceux qui gisent étendus, comme si pour cette raison ils ne valaient rien. Considère qui ils sont, et tu découvriras quelle est leur dignité: ils représentent pour nous la Personne du Sauveur. Et il en est ainsi: car le Seigneur, dans sa bonté, leur prêta sa personne elle-même, afin que, à travers celle-ci, s'émeuvent ceux qui sont durs de coeur et ennemis des pauvres" (De pauperibus amandis: PG 46, 460bc). Grégoire, avons-nous dit, parle de montée: montée vers Dieu dans la prière, à travers la pureté du coeur; mais montée vers Dieu également à travers l'amour pour le prochain. L'amour est l'échelle qui conduit vers Dieu. Par conséquent, Grégoire de Nysse apostrophe avec vivacité chacun de ses auditeurs: "Sois généreux avec ces frères, victimes du malheur. Donne à l'affamé ce que tu ôtes à ton ventre" (ibid.: PG 46, 457c).

Avec une grande clarté, Grégoire rappelle que nous dépendons tous de Dieu, et c'est pourquoi il s'exclame: "Ne pensez pas que tout vous appartienne! Il doit également y avoir une part pour les pauvres, les amis de Dieu. En effet, la vérité est que tout vient de Dieu, Père universel, et que nous sommes frères et appartenons à une même race" (cf. ibid.: PG 46, 465b). Il faut alors que le chrétien s'examine, insiste encore Grégoire: "Mais à quoi te sert-il de jeûner et de faire abstinence de la chair, si ensuite avec ta méchanceté tu ne fais rien d'autre que dévorer ton frère? Quel gain tires-tu, face à Dieu, du fait de ne pas manger ce qui est à toi, si ensuite, agissant injustement, tu arraches des mains du pauvre ce qui lui appartient?" (ibid.: PG 46, 456a).

Nous concluons ces catéchèses sur trois grands Pères de Cappadoce en rappelant encore cet aspect important de la doctrine spirituelle de Grégoire de Nysse, qui est la prière. Pour progresser sur le chemin vers la perfection et accueillir Dieu en soi, porter en soi l'Esprit de Dieu, l'amour de Dieu, l'homme doit se tourner avec confiance vers Lui dans la prière: "A travers la prière nous réussissons à être avec Dieu. Mais celui qui est avec Dieu est loin de l'ennemi. La prière est soutien et défense de la chasteté, frein de la colère, apaisement et domination de l'orgueil. La prière est conservation de la virginité, protection de la fidélité dans le mariage, espérance pour ceux qui veillent, abondance de fruits pour les agriculteurs, sécurité pour les navigateurs" (De oratione dominica 1: PPG 44, 1124A-B). Le chrétien prie en s'inspirant toujours de la prière du Seigneur: "Si nous voulons donc prier que descende sur nous le Royaume de Dieu, nous lui demandons cela à travers la puissance de la Parole: que je sois éloigné de la corruption, que je sois libéré de la mort, que je sois dégagé des chaînes de l'erreur; que jamais la mort ne règne sur moi, que la tyrannie du mal n'ait jamais de pouvoir sur moi, que l'adversaire ne domine pas sur moi ni ne me fasse prisonnier à travers le péché, mais que ton Règne vienne sur moi, afin que s'éloignent de moi ou, mieux encore, que disparaissent les passions qui, à présent, me dominent et règnent en maîtres" (ibid., 3: PG 44, 1156d-1157a).

Une fois sa vie terrestre terminée, le chrétien pourra ainsi s'adresser avec sérénité à Dieu. Parlant de cela, saint Grégoire pense à la mort de sa soeur Macrine, et écrit qu'à l'heure de sa mort, elle priait Dieu ainsi: "Toi qui as sur la terre le pouvoir de remettre les péchés, "détourne de moi tes yeux, que je respire" (Ps 38,14), et pour que je sois trouvée à tes côtés sans tâche, au moment où je suis dépouillée de mon corps (cf. Col 2,11), de façon à ce que mon esprit, saint et immaculé (cf. Ep 5,27), soit accueilli entre tes mains, "devant toi [...] comme un encens" (Ps 140, 2" (Vita Macrinae 24: SC 178,224). Cet enseignement de saint Grégoire demeure toujours valide: non seulement parler de Dieu, mais porter Dieu en soi. Nous le faisons avec l'engagement de la prière et en vivant dans l'esprit de l'amour pour tous nos frères.

Appel du Pape

J'envoie à présent un salut en langue anglaise aux participants au Symposium international sur la sauvegarde de l'environnement de l'Arctique.

Demain, sur la côte occidentale du Groenland, Sa Sainteté Bartholomaïos I, Patriarche oecuménique de Constantinople inaugurera un symposium intitulé: "L'Arctique: miroir de vie". Je désire saluer tous les participants, les divers responsables religieux, les scientifiques, les journalistes et les autres parties concernées, et les assurer de mon soutien à leurs efforts. La protection des ressources hydriques et l'attention au climat sont des questions d'une extrême importance pour toute la famille humaine. Encouragé par la croissante reconnaissance de la nécessité de sauvegarder l'environnement, je vous invite tous à vous unir à moi dans la prière et dans l'action pour un plus grand respect des merveilles de la Création de Dieu!



850 anniversaire du Sanctuaire de Mariazell

J'accomplirai moi aussi au cours des prochains jours un pèlerinage, et je me réjouis de ma prochaine visite en Autriche, à l'occasion du 850 anniversaire du Sanctuaire de Mariazell. La devise de mon voyage est: "Tourner son regard vers le Christ". Cette invitation est adressée à tous ceux pour qui le Christ est le Seigneur de notre vie. Que Dieu vous bénisse ainsi que vos familles!

Je salue également les Missionnaires de la Charité, hommes et femmes, avec leurs collaborateurs, réunis ici à l'occasion du X anniversaire de la mort de la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta. Chers amis, la vie et le témoignage de cette authentique disciple du Christ, dont nous célébrons précisément aujourd'hui la mémoire liturgique, constituent une invitation pour vous et pour toute l'Eglise à servir Dieu toujours plus fidèlement chez les plus pauvres et les personnes dans le besoin. Continuez à suivre son exemple et soyez partout des instruments de la divine miséricorde.
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Je suis heureux d’accueillir ce matin les pèlerins de langue française, en particulier le séminaire interdiocésain de Lorraine, avec Mgr Raffin, Évêque de Metz, les séminaristes et le Conseil central des Missions étrangères de Paris, ainsi que les pèlerins du diocèse arménien catholique d’Alep. En suivant l’enseignement de saint Grégoire de Nysse, je vous invite tous à donner toujours à la prière une place essentielle dans votre vie!




Salle Paul VI

Mercredi 8 août 2007 - Saint Grégoire de Nazianze


Catéchèses Benoît XVI 4077