Catéchèses Benoît XVI 31007

Mercredi 3 octobre 2007 - Saint Cyrille d'Alexandrie

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Chers frères et soeurs!

Poursuivant notre itinéraire sur les traces des Pères de l'Eglise, nous rencontrons une grande figure: saint Cyrille d'Alexandrie. Lié à la controverse christologique qui conduisit au Concile d'Ephèse de 431 et dernier représentant important de la tradition alexandrine, dans l'Orient grec, Cyrille fut plus tard défini le "gardien de l'exactitude" - qu'il faut comprendre comme gardien de la vraie foi - et même "sceau des Pères". Ces antiques expressions expriment un fait qui est caractéristique de Cyrille, c'est-à-dire la référence constante de l'Evêque d'Alexandrie aux auteurs ecclésiastiques précédents (parmi ceux-ci, Athanase en particulier), dans le but de montrer la continuité de sa théologie avec la tradition. Il s'insère volontairement, explicitement dans la tradition de l'Eglise, dans laquelle il reconnaît la garantie de la continuité avec les Apôtres et avec le Christ lui-même. Vénéré comme saint aussi bien en Orient qu'en Occident, saint Cyrille fut proclamé docteur de l'Eglise en 1882 par le Pape Léon XIII, qui, dans le même temps, attribua ce titre également à un autre représentant important de la patristique grecque, saint Cyrille de Jérusalem. Ainsi, se révélaient l'attention et l'amour pour les traditions chrétiennes orientales de ce Pape, qui voulut ensuite proclamer saint Jean Damascène Docteur de l'Eglise, montrant ainsi que tant la tradition orientale qu'occidentale exprime la doctrine de l'unique Eglise du Christ.

On sait très peu de choses sur la vie de Cyrille avant son élection sur l'important siège d'Alexandrie. Neveu de Théophile, qui en tant qu'Evêque, dirigea d'une main ferme et avec prestige le diocèse alexandrin à partir de 385, Cyrille naquit probablement dans la même métropole égyptienne entre 370 et 380. Il fut très tôt dirigé vers la vie ecclésiastique et reçut une bonne éducation, tant culturelle que théologique. En 403, il se trouvait à Constantinople à la suite de son puissant oncle et il participa dans cette même ville au Synode appelé du "Chêne", qui déposa l'Evêque de la ville, Jean (appelé plus tard Chrysostome), marquant ainsi le triomphe du siège alexandrin sur celui, traditionnellement rival, de Constantinople, où résidait l'empereur. A la mort de son oncle Théophile, Cyrille encore jeune fut élu Evêque de l'influente Eglise d'Alexandrie en 412, qu'il gouverna avec une grande énergie pendant trente-deux ans, visant toujours à en affirmer le primat dans tout l'Orient, également fort des liens traditionnels avec Rome.

Deux ou trois ans plus tard, en 417 ou 418, l'Evêque d'Alexandrie se montra réaliste en recomposant la rupture de la communion avec Constantinople, qui durait désormais depuis 406, suite à la déposition de Jean Chrysostome. Mais l'ancienne opposition avec le siège de Constantinople se ralluma une dizaine d'années plus tard, lorsqu'en 428, Nestor y fut élu, un moine sévère et faisant autorité, de formation antiochienne. En effet, le nouvel Evêque de Constantinople suscita très vite des oppositions, car dans sa prédication, il préférait pour Marie le titre de "Mère du Christ" (Christotòkos), à celui - déjà très cher à la dévotion populaire - de "Mère de Dieu" (Theotòkos). Le motif de ce choix de l'Evêque Nestor était son adhésion à la christologie de type antiochien qui, pour préserver l'importance de l'humanité du Christ, finissait par en affirmer la division de la divinité. Et ainsi, l'union entre Dieu et l'homme dans le Christ n'était plus véritable, et, naturellement, on ne pouvait plus parler de "Mère de Dieu".

La réaction de Cyrille - alors le plus grand représentant de la christologie alexandrine, qui entendait en revanche profondément souligner l'unité de la personne du Christ - fut presque immédiate, et se manifesta par tous les moyens déjà à partir de 429, s'adressant également dans quelques lettres à Nestor lui-même. Dans la deuxième (PG 77, 44-49) que Cyrille lui adressa, en février 430, nous lisons une claire affirmation du devoir des Pasteurs de préserver la foi du Peuple de Dieu. Tel était son critère, par ailleurs encore valable aujourd'hui: la foi du Peuple de Dieu est l'expression de la tradition, elle est la garantie de la saine doctrine. Il écrit ainsi à Nestor: "Il faut exposer au peuple l'enseignement et l'interprétation de la foi de la manière la plus irrépréhensible, et rappeler que celui qui scandalise ne serait-ce qu'un seul des petits qui croient dans le Christ subira un châtiment intolérable".

Dans cette même lettre à Nestor - une lettre qui plus tard, en 451, devait être approuvée par le Concile de Chalcédoine, le quatrième Concile oecuménique - Cyrille décrit avec clarté sa foi christologique: "Nous affirmons ainsi que les natures qui se sont unies dans une véritable unité sont différentes, mais de toutes les deux n'a résulté qu'un seul Christ et Fils; non parce qu'en raison de l'unité ait été éliminée la différence des natures, mais plutôt parce que divinité et humanité, réunies en une union indicible et inénarrable, ont produit pour nous le seul Seigneur et Christ et Fils". Et cela est important: réellement, la véritable humanité et la véritable divinité s'unissent en une seule Personne, Notre Seigneur Jésus Christ. C'est pourquoi, poursuit l'Evêque d'Alexandrie, "nous professerons un seul Christ et Seigneur, non dans le sens où nous adorons l'homme avec le Logos, pour ne pas insinuer l'idée de la séparation lorsque nous disons "avec", mais dans le sens où nous adorons un seul et le même, car son corps n'est pas étranger au Logos, avec lequel il s'assied également aux côtés de son Père, non comme si deux fils s'asseyaient à côté de lui, mais bien un seul uni avec sa propre chair".

Très vite, l'Evêque d'Alexandrie, grâce à de sages alliances, obtint que Nestor soit condamné à plusieurs reprises: par le siège romain, puis par une série de douze anathèmes qu'il composa lui-même et, enfin, par le Concile qui se tint à Ephèse en 431, le troisième concile oecuménique. L'assemblée, qui connut des épisodes tumultueux et une alternance de moments favorables et de moments difficiles, se conclut par le premier grand triomphe de la dévotion à Marie et avec l'exil de l'Evêque de Constantinople, qui ne voulait pas reconnaître à la Vierge le titre de "Mère de Dieu", à cause d'une christologie erronée, qui suscitait des divisions dans le Christ lui-même. Après avoir ainsi prévalu sur son rival et sur sa doctrine, Cyrille sut cependant parvenir, dès 433, à une formule théologique de compromis et de réconciliation avec les Antiochiens. Et cela aussi est significatif: d'une part, il y a la clarté de la doctrine de la foi, mais de l'autre, également la recherche intense de l'unité et de la réconciliation. Au cours des années suivantes, il se consacra de toutes les façons possibles à défendre et à éclaircir sa position théologique jusqu'à sa mort, qui eut lieu le 27 juin 444.

Les écrits de Cyrille - vraiment très nombreux et largement publiés également dans diverses traductions latines et orientales déjà de son vivant, témoignant de leur succès immédiat - sont d'une importance primordiale pour l'histoire du christianisme. Ses commentaires de nombreux livres vétéro-testamentaires et du Nouveau Testament, parmi lesquels tout le Pentateuque, Isaïe, les Psaumes et les Evangiles de Jean et de Luc, sont importants. Ses nombreuses oeuvres doctrinales sont également notables; dans celles-ci revient la défense de la foi trinitaire contre les thèses ariennes et contre celles de Nestor. La base de l'enseignement de Cyrille est la tradition ecclésiastique, et en particulier, comme je l'ai mentionné, les écrits d'Athanase, son grand prédécesseur sur le siège alexandrin. Parmi les autres écrits de Cyrille, il faut enfin rappeler les livres Contre Julien, dernière grande réponse aux polémiques antichrétiennes, dictée par l'Evêque d'Alexandrie probablement au cours des dernières années de sa vie, pour répondre à l'oeuvre Contre les Galiléens, écrite de nombreuses années auparavant, en 363, par l'empereur qui fut qualifié d'Apostat pour avoir abandonné le christianisme dans lequel il avait été éduqué.

La foi chrétienne est tout d'abord une rencontre avec Jésus, "une Personne qui donne à la vie un nouvel horizon" (Enc. Deus caritas
Est 1). Saint Cyrille d'Alexandrie a été un témoin inlassable et ferme de Jésus Christ, Verbe de Dieu incarné, soulignant en particulier son unité, comme il le répète en 433 dans la première lettre (PG 77, 228-237) à l'Evêque Succenso: "Un seul est le Fils, un seul le Seigneur Jésus Christ, que ce soit avant l'incarnation ou après l'incarnation. En effet, le Logos né de Dieu le Père n'était pas un fils, et celui né de la Sainte Vierge un autre fils; mais nous croyons que précisément Celui qui existe depuis toute éternité est né également selon la chair d'une femme". Cette affirmation, au-delà de sa signification doctrinale, montre que la foi en Jésus Logos né du Père est également bien enracinée dans l'histoire, car, comme l'affirme saint Cyrille, ce même Jésus est venu dans le temps avec la naissance de Marie, la Theotòkos, et il sera, selon sa promesse, toujours avec nous. Et cela est important: Dieu est éternel, il est né d'une femme, et il reste avec nous chaque jour. Nous vivons dans cette certitude, en elle nous trouvons le chemin de notre vie.
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Je souhaite la bienvenue aux pèlerins de langue française, et je salue en particulier les jeunes du Lycée Marmoutier de Tours ainsi que le groupe d’anciens mineurs de Falck en Moselle. À la suite de saint Cyrille, je vous invite tous à vivre la foi comme une rencontre avec la personne de Jésus. Avec ma Bénédiction apostolique.



Mercredi 10 octobre 2007 - Saint Hilaire de Poitiers

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Chers frères et soeurs,

Aujourd'hui, je voudrais parler d'un grand Père de l'Eglise d'Occident, saint Hilaire de Poitiers, l'une des grandes figures d'Evêques qui ont marqué le IV siècle. Au cours de la confrontation avec les ariens, qui considéraient le Fils de Dieu Jésus comme une créature, certes éminente, mais toutefois uniquement comme une créature, Hilaire a consacré toute sa vie à la défense de la foi dans la divinité de Jésus Christ, Fils de Dieu et Dieu comme le Père, qui l'a engendré de toute éternité.

Nous ne disposons pas d'informations certaines sur la plus grande partie de la vie d'Hilaire. Les sources antiques disent qu'il naquit à Poitiers, probablement vers l'année 310. Issu d'une famille aisée, il reçut une solide formation littéraire, bien évidente dans ses écrits. Il ne semble pas qu'il ait grandi dans un milieu chrétien. Lui-même nous parle d'un chemin de recherche de la vérité, qui le conduisit peu à peu à la reconnaissance de Dieu créateur et du Dieu incarné, mort pour nous donner la vie éternelle. Baptisé vers 345, il fut élu Evêque de sa ville natale autour de 353-354. Au cours des années suivantes, Hilaire écrivit sa première oeuvre, le Commentaire à l'Evangile de Matthieu. Il s'agit du plus ancien commentaire en langue latine qui nous soit parvenu de cet Evangile. En 356, Hilaire assiste comme Evêque au Synode de Béziers, dans le sud de la France, le "synode des faux Apôtres", comme il l'appelle lui-même, car la réunion fut dominée par des Evêques philo-ariens, qui niaient la divinité de Jésus Christ. Ces "faux apôtres" demandèrent à l'empereur Constance la condamnation à l'exil de l'Evêque de Poitiers. Hilaire fut ainsi obligé de quitter la Gaule au cours de l'été 356.

Exilé en Phrygie, dans l'actuelle Turquie, Hilaire se trouva au contact d'un milieu religieux totalement dominé par l'arianisme. Là aussi, sa sollicitude de pasteur le poussa à travailler sans relâche pour le rétablissement de l'unité de l'Eglise, sur la base de la juste foi, formulée par le Concile de Nicée. C'est dans ce but qu'il commença la rédaction de son oeuvre dogmatique la plus importante et la plus connue: le De Trinitate (Sur la Trinité). Dans celle-ci, Hilaire expose son chemin personnel vers la connaissance de Dieu, et se préoccupe de montrer que l'Ecriture atteste clairement la divinité du Fils et son égalité avec le Père, non seulement dans le Nouveau Testament, mais également dans un grand nombre de pages de l'Ancien Testament, dans lequel apparaît déjà le mystère du Christ. Face aux ariens, il insiste sur la vérité des noms de Père et de Fils et développe toute sa théologie trinitaire à partir de la formule du Baptême qui nous a été donnée par le Seigneur lui-même: "Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit".

Le Père et le Fils sont de la même nature. Et si certains passages du Nouveau Testament pourraient faire penser que le Fils est inférieur au Père, Hilaire offre des règles précises pour éviter des interprétations erronées: certains textes de l'Ecriture parlent de Jésus comme de Dieu, d'autres mettent, en revanche, en évidence son humanité. Certains se réfèrent à Lui dans sa préexistence auprès du Père; d'autres prennent en considération l'état d'abaissement (kenosi), sa descente jusqu'à la mort; d'autres, enfin, le contemplent dans la gloire de la résurrection. Au cours des années de son exil, il écrivit également le Livre des Synodes, dans lequel il reproduit et commente pour ses confrères Evêques de Gaule les confessions de foi et d'autres documents des synodes réunis en Orient autour de la moitié du IV siècle. Toujours ferme dans son opposition aux ariens radicaux, saint Hilaire montre un esprit conciliant à l'égard de ceux qui acceptaient de confesser que le Fils était ressemblant au Père dans son essence, naturellement en cherchant à les conduire vers la plénitude de la foi de Nicée, selon laquelle il n'y a pas seulement une ressemblance, mais une véritable égalité du Père et du Fils dans la divinité. Cela aussi me semble caractéristique: l'esprit de conciliation qui cherche à comprendre ceux qui n'y sont pas encore arrivés et qui les aide, avec une grande intelligence théologique, à parvenir à la plénitude de la foi, dans la divinité véritable du Seigneur Jésus Christ.

En 360 ou en 361, Hilaire put finalement revenir dans sa patrie après son exil, et il reprit immédiatement l'activité pastorale dans son Eglise, mais l'influence de son magistère s'étendit de fait bien au-delà des frontières de celle-ci. Un synode tenu à Paris en 360 ou en 361 reprend le langage du Concile de Nicée. Certains auteurs antiques pensent que ce tournant anti-arien de l'épiscopat de la Gaule a été en grande partie dû à la fermeté et à la mansuétude de l'Evêque de Poitiers. Tel était précisément son don: conjuguer la fermeté dans la foi et la douceur dans les relations interpersonnelles. Au cours des dernières années de sa vie, il rédigea encore les Traités sur les Psaumes, un commentaire de cinquante-huit Psaumes, interprétés selon le principe souligné dans l'introduction de l'oeuvre: "Il ne fait aucun doute que toutes les choses qui se disent dans les Psaumes doivent être comprises selon l'annonce évangélique, de façon à ce que, quelle que soit la voix avec laquelle l'esprit prophétique a parlé, tout soit cependant rattaché à la connaissance de la venue de Notre Seigneur Jésus Christ, incarnation, passion et royaume, et à la gloire et puissance de notre résurrection" (Instructio Psalmorum 5). Il voit dans tous les psaumes cette compréhension du mystère du Christ et de son Corps, qui est l'Eglise. En diverses occasions, Hilaire rencontra saint Martin: précisément près de Poitiers, le futur Evêque de Tours fonda un monastère, qui existe encore aujourd'hui. Hilaire mourut en 367. Sa mémoire liturgique est célébrée le 13 janvier. En 1851, le bienheureux Pie IX le proclama Docteur de l'Eglise.

Pour résumer l'essentiel de sa doctrine, je voudrais dire qu'Hilaire trouve le point de départ de sa réflexion théologique dans la foi baptismale. Dans le De Trinitate, Hilaire écrit: Jésus "a commandé de baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit (cf.
Mt 28,19), c'est-à-dire dans la confession de l'Auteur, du Fils unique et du Don. Il n'y a qu'un seul Auteur de toutes les choses, car Dieu le Père est un seul, dont tout procède. Et Notre Seigneur Jésus Christ est un seul, à travers lequel tout fut fait (1Co 8,6), et l'Esprit est un seul (Ep 4,4), don en tous... En rien on ne pourra trouver qu'il manque quelque chose à une plénitude aussi grande, dans laquelle convergent dans le Père, dans le Fils et dans le Saint-Esprit l'immensité de l'Eternel, la révélation dans l'Image, la joie dans le Don" (De Trinitate 2, 1). Dieu le Père, étant entièrement amour, est capable de communiquer en plénitude sa divinité au Fils. Je trouve particulièrement belle la formule suivante de saint Hilaire: "Dieu ne sait rien être d'autre qu'amour, il ne sait rien être d'autre que le Père. Et celui qui l'aime n'est pas envieux, et celui qui est le Père l'est dans sa totalité. Ce nom n'admet pas de compromis, comme si Dieu pouvait être le Père sur certains aspects, mais ne l'était pas sur d'autres" (ibid. 9, 61).

C'est pourquoi, le Fils est pleinement Dieu sans aucun manque ni diminution: "Celui qui vient de la perfection est parfait, car celui qui a tout, lui a tout donné" (ibid. 2, 8). Ce n'est que dans le Christ, Fils de Dieu et Fils de l'homme, que l'humanité trouve son salut. En assumant la nature humaine, Il a uni chaque homme à lui, "il s'est fait notre chair à tous" (Tractatus in Psalmos 54, 9); "il a assumé en lui la nature de toute chair, et au moyen de celle-ci il est devenu la vraie vie, il possède en lui les racines de chaque sarment" (ibid. 51, 16). C'est précisément pour cette raison que le chemin vers le Christ est ouvert à tous, - car il a attiré chacun dans sa nature d'homme - même si la conversion personnelle est toujours demandée: "A travers la relation avec sa chair, l'accès au Christ est ouvert à tous, à condition qu'ils se dépouillent du vieil homme (cf. Ep 4,22) et qu'ils le clouent sur sa croix (cf. Col 2,14); à condition qu'ils abandonnent les oeuvres de jadis et qu'ils se convertissent, pour être ensevelis avec lui dans son baptême, en vue de la vie (cf. Col 1,12 Rm 6,4)" (ibid. 91, 9).

La fidélité à Dieu est un don de sa grâce. C'est pourquoi saint Hilaire demande, à la fin de son Traité sur la Trinité, de pouvoir rester toujours fidèle à la foi du baptême. C'est une caractéristique de ce livre: la réflexion se transforme en prière et la prière redevient réflexion. Tout le livre est un dialogue avec Dieu. Je voudrais conclure la catéchèse d'aujourd'hui par l'une de ces prières, qui devient ainsi également notre prière: "Fais, ô Seigneur - récite saint Hilaire de manière inspirée - que je reste toujours fidèle à ce que j'ai professé dans le symbole de ma régénération, lorsque j'ai été baptisé dans le Père, dans le Fils et dans l'Esprit Saint. Fais que je t'adore, notre Père, et en même temps que toi, que j'adore ton Fils; fais que je mérite ton Esprit Saint, qui procède de toi à travers ton Fils unique... Amen" (De Trinitate 12, 57).
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Je suis heureux d'accueillir ce matin les pèlerins francophones, en particulier le groupe du journal Pèlerin, accompagné par le Cardinal Panafieu, à l'occasion du cent vingt-cinquième anniversaire des pèlerinages en Terre Sainte organisés par les Pères Assomptionnistes. Je salue aussi les pèlerins de Lyon, avec leur archevêque, le Cardinal Barbarin, et son auxiliaire Mgr Giraud, ainsi que les missionnaires brésiliens accompagnés par Mgr Rey, Évêque de Fréjus-Toulon. Je souhaite que, suivant l'enseignement de saint Hilaire de Poitiers, vous puissiez toujours vivre dans la fidélité à la foi de votre Baptême. Avec ma Bénédiction apostolique.

Appel

Ces jours-ci se déroule à Ravenne la dixième Session plénière de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe dans son ensemble, qui affronte un thème théologique d'un intérêt oecuménique particulier: "Conséquences ecclésiologiques et canoniques de la nature sacramentelle de l'Eglise - Communion ecclésiale, conciliarité et autorité". Je vous demande de vous unir à ma prière afin que cette importante rencontre nous aide à marcher vers la pleine communion entre les catholiques et les orthodoxes, et que l'on puisse parvenir au plus tôt à partager le même Calice du Seigneur.



Mercredi 17 octobre 2007 - Saint Eusèbe de Verceil

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Chers frères et soeurs,

Ce matin, je vous invite à réfléchir sur saint Eusèbe de Verceil, le premier Evêque de l'Italie du Nord sur lequel nous ayons des données certaines. Né en Sardaigne au début du IV siècle, sa famille se transféra à Rome alors qu'il était en bas âge. Plus tard, il fut institué lecteur: il entra ainsi au sein du clergé de l'Urbs, à une époque où l'Eglise était gravement éprouvée par l'hérésie arienne. La grande estime qui se développa autour d'Eusèbe explique son élection en 345 à la chaire épiscopale de Verceil. Le nouvel Evêque commença immédiatement une intense oeuvre d'évangélisation sur un territoire encore en grande partie païen, en particulier dans les zones rurales. Inspiré par Athanase - qui avait écrit la Vie de saint Antoine, initiateur du monachisme en Orient -, il fonda à Verceil une communauté sacerdotale, semblable à une communauté monastique. Ce monastère donna au clergé de l'Italie du Nord une empreinte de sainteté apostolique significative, et suscita des figures importantes d'Evêques, comme Limenius et Honorat, successeurs d'Eusèbe à Verceil, Gaudentius à Novare, Exuperantius à Tortone, Eustasius à Aoste, Eulogius à Ivrée, Maxime à Turin, tous vénérés par l'Eglise comme des saints.

Solidement formé dans la foi nicéenne, Eusèbe défendit de toutes ses forces la pleine divinité de Jésus Christ, défini par le Credo de Nicée "de la même substance" que le Père. Dans ce but, il s'allia avec les grands Pères du IV siècle - surtout avec saint Athanase, le porte-drapeau de l'orthodoxie nicéenne - contre la politique philo-arienne de l'empereur. Pour l'empereur, la foi arienne plus simple apparaissait politiquement plus utile comme idéologie de l'empire. Pour lui, ne comptait pas la vérité, mais l'opportunité politique: il voulait instrumentaliser la religion comme lien d'unité de l'empire. Mais ces grands Pères résistèrent en défendant la vérité contre la domination de la politique. C'est pour cette raison qu'Eusèbe fut condamné à l'exil comme tant d'autres Evêques d'Orient et d'Occident: comme Athanase lui-même, comme Hilaire de Poitiers - dont nous avons parlé la dernière fois -, comme Osius de Cordoue. A Scitopolis, en Palestine, où il fut assigné entre 355 et 360, Eusèbe écrivit une page merveilleuse de sa vie. Là aussi, il fonda un monastère avec un petit groupe de disciples et, de ce lieu, il s'occupa de la correspondance avec ses fidèles du Piémont, comme le démontre en particulier la deuxième des trois Lettres eusébiennes reconnues comme authentiques. Par la suite, après 360, il fut exilé en Cappadoce et dans la Thébaïde, où il subit de graves mauvais traitements physiques. En 361, Constance II mourut, et lui succéda l'empereur Julien, dit l'apostat, qui ne s'intéressait pas au christianisme comme religion de l'empire, mais voulait simplement restaurer le paganisme. Il mit fin à l'exil de ces Evêques et permit à Eusèbe de reprendre possession de son siège. En 362, il fut envoyé par Anastase pour participer au Concile d'Alexandrie, qui décida de pardonner les Evêques ariens s'ils retournaient à l'état de laïc. Eusèbe put encore exercer le ministère épiscopal pendant une dizaine d'années, jusqu'à sa mort, entretenant avec sa ville une relation exemplaire, qui ne manqua pas d'inspirer le service pastoral d'autres Evêques de l'Italie du Nord, dont nous nous occuperons dans les prochaines catéchèses, comme saint Ambroise de Milan et saint Maxime de Turin.

La relation entre l'Evêque de Verceil et sa ville est en particulier éclairée par deux témoignages épistolaires. Le premier se trouve dans la Lettre déjà citée, qu'Eusèbe écrivit de son exil de Scitopolis "à mes bien-aimés frères et aux prêtres tant désirés, ainsi qu'aux saints peuples solides dans leur foi de Verceil, Novare, Ivrée et Tortone" (Ep. secunda, CCL 9, p. 104). Ces expressions initiales, qui marquent l'émotion du bon pasteur face à son troupeau, trouvent un large écho à la fin de la Lettre, dans les saluts très chaleureux du père à tous et à chacun de ses enfants de Verceil, à travers des expressions débordantes d'affection et d'amour. Il faut tout d'abord noter le rapport explicite qui lie l'Evêque aux sanctae plebes non seulement de Vercellae/Verceil - le premier et, pendant quelques années encore, l'unique diocèse du Piémont -, mais également de Novaria/Novare, Eporedia/Ivrée et Dertona/Tortone, c'est-à-dire de ces communautés chrétiennes qui, au sein du diocèse lui-même, avaient trouvé une certaine consistance et autonomie. Un autre élément intéressant est fourni par le salut avec lequel se conclut la Lettre: Eusèbe demande à ses fils et à ses filles de saluer "également ceux qui sont en dehors de l'Eglise, et qui daignent nourrir pour nous des sentiments d'amour: etiam hos, qui foris sunt et nos dignantur diligere". Signe évident que la relation de l'Evêque avec sa ville ne se limitait pas à la population chrétienne, mais s'étendait également à ceux qui - en dehors de l'Eglise - en reconnaissaient d'une certaine manière l'autorité spirituelle et aimaient cet homme exemplaire.

Le deuxième témoignage du rapport singulier de l'Evêque avec sa ville provient de la Lettre que saint Ambroise de Milan écrivit aux habitants de Verceil autour de 394, plus de vingt ans après la mort d'Eusèbe (Ep. extra collectionem 14: Maur. 63). L'Eglise de Verceil traversait un moment difficile: elle était divisée et sans pasteur. Ambroise déclare avec franchise qu'il hésite à reconnaître chez ces habitants de Verceil "la descendance des saints pères, qui approuvèrent Eusèbe à peine l'eurent-ils vu, sans jamais l'avoir connu auparavant, oubliant même leurs propres concitoyens". Dans la même Lettre, l'Evêque de Milan témoigne de la manière la plus claire son estime à l'égard d'Eusèbe: "Un homme aussi grand", écrit-il de manière péremptoire, "mérita bien d'être élu par toute l'Eglise". L'admiration d'Ambroise pour Eusèbe se fondait surtout sur le fait que l'Evêque de Verceil gouvernait son diocèse à travers le témoignage de sa vie: "Avec l'austérité du jeûne, il gouvernait son Eglise". De fait, Ambroise était fasciné - comme il le reconnaît lui-même - par l'idéal monastique de la contemplation de Dieu, qu'Eusèbe avait poursuivi sur les traces du prophète Elie. Tout d'abord - note Ambroise -, l'Evêque de Verceil rassembla son propre clergé en vita communis et l'éduqua à l'"observance des règles monastiques, bien que vivant dans la ville". L'Evêque et son clergé devaient partager les problèmes de leurs concitoyens, et ils l'ont fait de manière crédible précisément en cultivant dans le même temps une citoyenneté différente, celle du Ciel (cf.
He 13,14). Et ainsi, ils ont réellement construit une véritable citoyenneté, une véritable solidarité, comme entre les citoyens de Verceil.

Ainsi Eusèbe, alors qu'il faisait sienne la cause de la sancta plebs de Verceil, vivait au sein de la ville comme un moine ouvrant la ville vers Dieu. Cette caractéristique n'ôta donc rien à son dynamisme pastoral exemplaire. Il semble d'ailleurs qu'il ait institué à Verceil des paroisses pour un service ecclésial ordonné et stable, et qu'il ait promu des sanctuaires mariaux pour la conversion des populations rurales païennes. Ce "caractère monastique" conférait plutôt une dimension particulière à la relation de l'Evêque avec sa ville. Comme déjà les Apôtres, pour lesquels Jésus priait au cours de la Dernière Cène, les pasteurs et les fidèles de l'Eglise "sont dans le monde" (Jn 17,11), mais ils ne sont pas "du monde". C'est pourquoi les pasteurs - rappelait Eusèbe - doivent exhorter les fidèles à ne pas considérer les villes du monde comme leur demeure stable, mais à chercher la Cité future, la Jérusalem du Ciel définitive. Cette "réserve eschatologique" permet aux pasteurs et aux fidèles de préserver la juste échelle des valeurs, sans jamais se plier aux modes du moment et aux prétentions injustes du pouvoir politique en charge. L'échelle authentique en charge des valeurs - semble dire la vie tout entière d'Eusèbe - ne vient pas des empereurs d'hier et d'aujourd'hui, mais vient de Jésus Christ, l'Homme parfait, égal au Père dans la divinité, et pourtant homme comme nous. En se référant à cette échelle de valeurs, Eusèbe ne se lasse pas de "recommander chaudement" à ses fidèles de "conserver la foi avec le plus grand soin, de préserver la concorde, d'être assidus dans la prière" (Ep. secunda, cit.).

Chers amis, je vous recommande moi aussi de tout coeur ces valeurs éternelles, alors que je vous salue et que je vous bénis avec les mêmes paroles par lesquelles le saint Evêque Eusèbe concluait sa deuxième Lettre: "Je m'adresse à vous tous, mes frères et saintes soeurs, fils et filles, fidèles des deux sexes et de tout âge, afin que vous vouliez bien... apporter notre salut également à ceux qui sont en dehors de l'Eglise, et qui daignent nourrir à notre égard des sentiments d'amour" (ibid.).
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Je salue les pèlerins francophones, particulièrement le groupe du diocèse de Créteil accompagné de l’Évêque nommé, Monseigneur Santier, ainsi que les pèlerins de l’Île de la Réunion et de Monaco. À la suite de saint Eusèbe, je vous invite à porter le salut et l’estime du successeur de Pierre à tous ceux que vous aimez et qui sont en dehors de l’Église.

En ce jour où nous célébrons le vingtième anniversaire de la Journée du Refus de la misère, ma pensée rejoint toutes les personnes qui doivent affronter des conditions de vie difficiles. Je voudrais dire d’abord à chacune d’elles l’affection du successeur de Pierre. Je les invite à puiser dans leur dignité d’hommes et de femmes, créés à l’image de Dieu, les raisons de refuser l’inacceptable, la force de croire en un avenir meilleur pour elles et pour les leurs, la joie de s’entraider et enfin la simplicité d’accepter le secours fraternel qui leur est offert par ceux qui entendent leur cri. J’invite aussi, une fois encore, tous les fils et les filles de l’Église à partager généreusement le combat contre la misère.

Benoît XVI annonce un Consistoire pour la création de vingt-trois Cardinaux

J'ai à présent la joie d'annoncer que le 24 novembre prochain, veille de la solennité de Notre Seigneur Jésus Christ, Roi de l'Univers, je tiendrai un Consistoire au cours duquel, dérogeant d'une unité au nombre maximum établi par le Pape Paul VI, confirmé par mon vénéré Prédécesseur Jean-Paul II dans la Constitution apostolique Universi Dominici gregis (cf. n. 33), je nommerai 18 Cardinaux.

Voici leurs noms:

1. S.Exc. Mgr Leonardo SANDRI, Préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales;
2. S.Exc. Mgr John Patrick FOLEY, Pro-Grand Maître de l'Ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem;
3. S.Exc. Mgr Giovanni LAJOLO, Président de la Commission pontificale et du Gouvernorat de l'Etat de la Cité du Vatican;
4. S.Exc. Mgr Paul Joseph CORDES, Président du Conseil pontifical "Cor Unum";
5. S.Exc. Mgr. Angelo COMASTRI, Archiprêtre de la Basilique vaticane, Vicaire général pour l'Etat de la Cité du Vatican et Président de la "Fabbrica di San Pietro";
6. S.Exc. Mgr Stanislaw RYLKO, Président du Conseil pontifical pour les Laïcs;
7. S.Exc. Mgr Raffaele FARINA, Archiviste et Bibliothécaire de la Sainte Eglise Romaine;
8. S.Exc. Mgr Agustín GARCIA-GASCO VICENTE, Archevêque de Valence (Espagne);
9. S.Exc. Mgr Seán Baptist BRADY, Archevêque d'Armagh (Irlande);
10. S.Exc. Mgr Lluís MARTINEZ SISTACH, Archevêque de Barcelone (Espagne);
11. S.Exc. Mgr André VINGT-TROIS, Archevêque de Paris (France);
12. S.Exc. Mgr Angelo BAGNASCO, Archevêque de Gênes (Italie);
13. S.Exc. Mgr Théodore-Adrien SARR, Archevêque de Dakar (Sénégal);
14. S.Exc. Mgr Oswald GRACIAS, Archevêque de Bombay (Inde);
15. S.Exc. Mgr Francisco ROBLES ORTEGA, Archevêque de Monterrey (Mexique);
16. S.Exc. Mgr Daniel N. DINARDO, Archevêque de Galveston-Houston (Etats-Unis d'Amérique);
17. S.Exc. Mgr Odilo Pedro SCHERER, Archevêque de São Paulo (Brésil);
18. S.Exc. Mgr John NJUE, Archevêque de Nairobi (Kenya).

Je désire en outre élever à la dignité cardinalice trois vénérés prélats et deux ecclésiastiques dignes d'éloges, qui se sont particulièrement distingués par leur engagement au service de l'Eglise:

1. S.B. Emmanuel III DELLY, Patriarche de Babylone des Chaldéens;
2. S.Exc. Mgr Giovanni COPPA, Nonce apostolique;
3. S.Exc. Mgr Estanislao Esteban KARLIC, Archevêque émérite de Paraná (Argentine);
4. le P. Urbano NAVARRETE, s.j., ancien Recteur de l'Université pontificale grégorienne; et
5. le P. Umberto BETTI, o.f.m., ancien Recteur de l'Université pontificale du Latran.

Parmi ces derniers, mon désir avait été d'élever au cardinalat également S.Exc. Mgr Ignacy JEZ, Evêque de Koszalin-Kolobrzeg (Pologne), bien-aimé prélat, qui est décédé hier.

Notre prière d'intention s'adresse à lui.

Les nouveaux Cardinaux proviennent de diverses parties du monde. Dans leur groupe se reflète bien l'universalité de l'Eglise avec la multiplicité de ses ministères: à côté de prélats dignes d'éloges en raison du service rendu au Saint-Siège, se trouvent des pasteurs qui prodiguent leurs énergies en contact direct avec les fidèles.

D'autres personnes qui me sont très chères, en raison de leur dévouement au service de l'Eglise, mériteraient d'être élevées à la dignité cardinalice. J'espère avoir, à l'avenir, l'opportunité de témoigner, également de cette façon, à celles-ci et aux pays auxquels ces personnes appartiennent, mon estime et mon affection.

Nous confions les nouveaux élus à la protection de la Très Sainte Vierge Marie, en lui demandant de les assister dans leurs tâches respectives, afin qu'ils sachent témoigner avec courage en toute circonstance de leur amour pour le Christ et pour l'Eglise.

Appel pour la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté

On célèbre aujourd'hui la Journée mondiale du Refus de la misère, reconnue par les Nations unies sous le titre de Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté. Combien de populations vivent encore dans des conditions d'extrême pauvreté! La disparité entre les riches et les pauvres est devenue plus évidente et inquiétante, également au sein des nations économiquement les plus développées. Cette situation préoccupante s'impose à la conscience de l'humanité, car les conditions dans lesquelles se trouvent un grand nombre de personnes sont telles qu'elles blessent la dignité de l'être humain et qu'elles compromettent, en conséquence, le progrès authentique et harmonieux de la communauté mondiale. J'encourage donc à multiplier les efforts pour éliminer les causes de la pauvreté et les conséquences tragiques qui en découlent.






Catéchèses Benoît XVI 31007