Catéchèses Benoît XVI 24137

Mercredi 24 octobre 2007 - Saint Ambroise

24137

Chers frères et soeurs,

Le saint Evêque Ambroise - dont je vous parlerai aujourd'hui - mourut à Milan dans la nuit du 3 au 4 avril 397. C'était l'aube du Samedi Saint. La veille, vers cinq heures de l'après-midi, il s'était mis à prier, étendu sur son lit, les bras ouverts en forme de croix. Il participait ainsi, au cours du solennel triduum pascal, à la mort et à la résurrection du Seigneur. "Nous voyions ses lèvres bouger", atteste Paulin, le diacre fidèle qui, à l'invitation d'Augustin, écrivit sa Vie, "mais nous n'entendions pas sa voix". Tout d'un coup, la situation parut précipiter. Honoré, Evêque de Verceil, qui assistait Ambroise et qui se trouvait à l'étage supérieur, fut réveillé par une voix qui lui disait: "Lève-toi, vite! Ambroise va mourir...". Honoré descendit en hâte - poursuit Paulin - "et présenta le Corps du Seigneur au saint. A peine l'eut-il pris et avalé, Ambroise rendit l'âme, emportant avec lui ce bon viatique. Ainsi, son âme, restaurée par la vertu de cette nourriture, jouit à présent de la compagnie des anges" (Vie 47). En ce Vendredi Saint de l'an 397, les bras ouverts d'Ambroise mourant exprimaient sa participation mystique à la mort et à la résurrection du Seigneur. C'était sa dernière catéchèse: dans le silence des mots, il parlait encore à travers le témoignage de sa vie.

Ambroise n'était pas vieux lorsqu'il mourut. Il n'avait même pas soixante ans, étant né vers 340 à Trèves, où son père était préfet des Gaules. Sa famille était chrétienne. A la mort de son père, sa mère le conduisit à Rome alors qu'il était encore jeune homme, et le prépara à la carrière civile, lui assurant une solide instruction rhétorique et juridique. Vers 370, il fut envoyé gouverner les provinces de l'Emilie et de la Ligurie, son siège étant à Milan. C'est précisément en ce lieu que faisait rage la lutte entre les orthodoxes et les ariens, en particulier après la mort de l'Evêque arien Auxence. Ambroise intervint pour pacifier les âmes des deux factions adverses, et son autorité fut telle que, bien que n'étant qu'un simple catéchumène, il fut acclamé Evêque de Milan par le peuple.

Jusqu'à ce moment, Ambroise était le plus haut magistrat de l'Empire dans l'Italie du Nord. Culturellement très préparé, mais tout aussi démuni en ce qui concerne l'approche des Ecritures, le nouvel Evêque se mit à étudier avec ferveur. Il apprit à connaître et à commenter la Bible à partir des oeuvres d'Origène, le maître incontesté de l'"école alexandrine". De cette manière, Ambroise transféra dans le milieu latin la méditation des Ecritures commencée par Origène, en introduisant en Occident la pratique de la lectio divina. La méthode de la lectio finit par guider toute la prédication et les écrits d'Ambroise, qui naissent précisément de l'écoute orante de la Parole de Dieu. Un célèbre préambule d'une catéchèse ambrosienne montre de façon remarquable comment le saint Evêque appliquait l'Ancien Testament à la vie chrétienne: "Lorsque nous lisions les histoires des Patriarches et les maximes des Proverbes, nous parlions chaque jour de morale - dit l'Evêque de Milan à ses catéchumènes et à ses néophytes - afin que, formés et instruits par ceux-ci, vous vous habituiez à entrer dans la vie des Pères et à suivre le chemin de l'obéissance aux préceptes divins" (Les mystères, 1, 1). En d'autres termes, les néophytes et les catéchumènes, selon l'Evêque, après avoir appris l'art de bien vivre, pouvaient désormais se considérer préparés aux grands mystères du Christ. Ainsi, la prédication d'Ambroise - qui représente le noyau fondamental de son immense oeuvre littéraire - part de la lecture des Livres saints ("les Patriarches", c'est-à-dire les Livres historiques, et "les Proverbes", c'est-à-dire les Livres sapientiels), pour vivre conformément à la Révélation divine.

Il est évident que le témoignage personnel du prédicateur et le niveau d'exemplarité de la communauté chrétienne conditionnent l'efficacité de la prédication. De ce point de vue, un passage des Confessions de saint Augustin est significatif. Il était venu à Milan comme professeur de rhétorique; il était sceptique, non chrétien. Il cherchait, mais il n'était pas en mesure de trouver réellement la vérité chrétienne. Ce qui transforma le coeur du jeune rhéteur africain, sceptique et désespéré, et le poussa définitivement à la conversion, ne furent pas en premier lieu les belles homélies (bien qu'il les appréciât) d'Ambroise. Ce fut plutôt le témoignage de l'Evêque et de son Eglise milanaise, qui priait et chantait, unie comme un seul corps. Une Eglise capable de résister aux violences de l'empereur et de sa mère, qui aux premiers jours de l'année 386, avaient recommencé à prétendre la réquisition d'un édifice de culte pour les cérémonies des ariens. Dans l'édifice qui devait être réquisitionné - raconte Augustin - "le peuple pieux priait, prêt à mourir avec son Evêque". Ce témoignage des Confessions est précieux, car il signale que quelque chose se transformait dans le coeur d'Augustin, qui poursuit: "Nous aussi, bien que spirituellement encore tièdes, nous participions à l'excitation du peuple tout entier" (Confessions 9, 7).

Augustin apprit à croire et à prêcher à partir de la vie et de l'exemple de l'Evêque Ambroise. Nous pouvons nous référer à un célèbre sermon de l'Africain, qui mérita d'être cité de nombreux siècles plus tard dans la Constitution conciliaire Dei Verbum: "C'est pourquoi - avertit en effet Dei Verbum au n.
DV 25 - tous les clercs, en premier lieu les prêtres du Christ, et tous ceux qui vaquent normalement, comme diacres ou comme catéchistes, au ministère de la Parole, doivent, par une lecture spirituelle assidue et par une étude approfondie, s'attacher aux Ecritures, de peur que l'un d'eux ne devienne "un vain prédicateur de la Parole de Dieu au-dehors, lui qui ne l'écouterait pas au-dedans de lui"". Il avait appris précisément d'Ambroise cette "écoute au-dedans", cette assiduité dans la lecture des Saintes Ecritures, dans une attitude priante, de façon à accueillir réellement dans son coeur la Parole de Dieu et à l'assimiler.

Chers frères et soeurs, je voudrais vous proposer encore une sorte d'"icône patristique", qui, interprétée à la lumière de ce que nous avons dit, représente efficacement "le coeur" de la doctrine ambrosienne. Dans son sixième livre des Confessions, Augustin raconte sa rencontre avec Ambroise, une rencontre sans aucun doute d'une grande importance dans l'histoire de l'Eglise. Il écrit textuellement que, lorsqu'il se rendait chez l'Evêque de Milan, il le trouvait régulièrement occupé par des catervae de personnes chargées de problèmes, pour les nécessités desquelles il se prodiguait; il y avait toujours une longue file qui attendait de pouvoir parler avec Ambroise, pour chercher auprès de lui le réconfort et l'espérance. Lorsqu'Ambroise n'était pas avec eux, avec les personnes, (et cela ne se produisait que très rarement), il restaurait son corps avec la nourriture nécessaire, ou nourrissait son esprit avec des lectures. Ici, Augustin s'émerveille, car Ambroise lisait l'Ecriture en gardant la bouche close, uniquement avec les yeux (cf. Confess. 6, 3). De fait, au cours des premiers siècles chrétiens la lecture était strictement conçue dans le but de la proclamation, et lire à haute voix facilitait également la compréhension de celui qui lisait. Le fait qu'Ambroise puisse parcourir les pages uniquement avec les yeux, révèle à un Augustin admiratif une capacité singulière de lecture et de familiarité avec les Ecritures. Et bien, dans cette "lecture du bout des lèvres", où le coeur s'applique à parvenir à la compréhension de la Parole de Dieu - voici "l'icône" dont nous parlons -, on peut entrevoir la méthode de la catéchèse ambrosienne: c'est l'Ecriture elle-même, intimement assimilée, qui suggère les contenus à annoncer pour conduire à la conversion des coeurs.

Ainsi, selon le magistère d'Ambroise et d'Augustin, la catéchèse est inséparable du témoignage de la vie. Ce que j'ai écrit dans l'Introduction au christianisme, à propos du théologien, peut aussi servir pour le catéchiste. Celui qui éduque à la foi ne peut pas risquer d'apparaître comme une sorte de clown, qui récite un rôle "par profession". Il doit plutôt être - pour reprendre une image chère à Origène, écrivain particulièrement apprécié par Ambroise - comme le disciple bien-aimé, qui a posé sa tête sur le coeur du Maître, et qui a appris là la façon de penser, de parler, d'agir. Pour finir, le véritable disciple est celui qui annonce l'Evangile de la manière la plus crédible et efficace.

Comme l'Apôtre Jean, l'Evêque Ambroise - qui ne se lassait jamais de répéter: "Omnia Christus est nobis!; le Christ est tout pour nous!" - demeure un authentique témoin du Seigneur. Avec ses paroles, pleines d'amour pour Jésus, nous concluons ainsi notre catéchèse: "Omnia Christus est nobis! Si tu veux guérir une blessure, il est le médecin; si la fièvre te brûle, il est la source; si tu es opprimé par l'iniquité, il est la justice; si tu as besoin d'aide, il est la force; si tu crains la mort, il est la vie; si tu désires le ciel, il est le chemin; si tu es dans les ténèbres, il est la lumière... Goûtez et voyez comme le Seigneur est bon: bienheureux l'homme qui espère en lui!" (De virginitate, 16, 99). Plaçons nous aussi notre espérance dans le Christ. Nous serons ainsi bienheureux et nous vivrons en paix.

* * *

Je suis heureux de saluer les pèlerins de langue française, particulièrement les membres du Chapitre général de la Congrégation de Jésus-Marie. Que votre Chapitre soit pour toutes les religieuses de l’Institut l’occasion d’un renouveau en profondeur de leur vie consacrée apostolique, fondée sur une relation forte avec la personne de Jésus Christ ! J’adresse aussi un salut affectueux aux jeunes. À la suite de saint Ambroise, soyez tous d’authentiques témoins du Seigneur parmi vos frères ! Avec ma Bénédiction apostolique.




Mercredi 31 octobre 2007 - Saint Maxime de Turin

31137

Chers frères et soeurs!

Entre la fin du quatrième siècle et le début du cinquième, un autre Père de l'Eglise, après saint Ambroise, contribua de manière décisive à la diffusion et à la consolidation du christianisme dans l'Italie du Nord: il s'agit de saint Maxime, que nous retrouvons Evêque de Turin en 398, un an après la mort d'Ambroise. Les informations sur lui sont peu nombreuses; en revanche, un recueil d'environ quatre-vingt-dix Sermons est parvenu jusqu'à nous, d'où ressort le lien profond et vital de l'Evêque avec sa ville, qui atteste un point de contact évident entre le ministère épiscopal d'Ambroise et celui de Maxime.

A cette époque, de graves tensions troublaient le bon déroulement de la coexistence civile ordonnée. Dans ce contexte, Maxime réussit à rassembler le peuple chrétien autour de sa personne de pasteur et de maître. La ville était menacée par des groupes dispersés de barbares qui, entrés par les frontières de l'Est, avançaient jusqu'aux Alpes occidentales. C'est pourquoi Turin était protégée de manière stable par des garnisons militaires, et devenait, lors des moments critiques, le refuge des populations en fuite des campagnes et des centres urbains manquant de protection. Les interventions de Maxime, face à cette situation, témoignent de son engagement pour réagir à la dégradation civile et à la désagrégation. Même s'il reste difficile de déterminer la composition sociale des destinataires des Sermons, il semble que la prédication de Maxime - pour éviter le risque de rester générique - s'adressait de manière spécifique à un groupe sélectionné de la communauté chrétienne de Turin, constitué par de riches propriétaires terriens, dont les possessions se trouvaient dans la campagne turinoise et leur maison en ville. Ce fut un choix pastoral lucide de l'Evêque, qui entrevit dans ce type de prédication la voie la plus efficace pour conserver et renforcer son lien avec le peuple.

Pour illustrer dans cette perspective le ministère de Maxime dans sa ville, on peut s'appuyer par exemple sur les Sermons 17 et 18, consacrés à un thème toujours actuel, qui est celui de la richesse et de la pauvreté dans les communautés chrétiennes. Même dans ce domaine, la ville était parcourue par de graves tensions. Les richesses étaient accumulées et cachées. "Personne ne pense au besoin de l'autre", constate avec amertume l'Evêque dans son dix-septième Sermon. "En effet, de nombreux chrétiens non seulement ne distribuent pas les choses qui leur appartiennent, mais volent également celles des autres. Non seulement, disais-je, en recueillant leur argent, ils ne l'apportent pas aux pieds des apôtres, mais ils éloignent aussi des prêtres leurs frères qui cherchent de l'aide". Et il conclut: "Dans notre ville, il y a beaucoup de visiteurs ou de pèlerins. Faites ce que vous avez promis" en adhérant à la foi, "pour que l'on ne vous dise pas à vous aussi ce qui fut dit à Ananie: "Vous n'avez pas menti aux hommes, mais à Dieu"" (Sermon 17, 2-3).

Dans le Sermon suivant, le dix-huitième, Maxime dénonce des formes récurrentes de spéculations sur les malheurs d'autrui. "Dis-moi, chrétien", ainsi l'Evêque apostrophe-t-il ses fidèles, "dis-moi: pourquoi as-tu pris la proie abandonnée par les pillards? Pourquoi as-tu introduit dans ta maison un "gain", comme tu le penses toi-même, déchiré et contaminé?". "Mais peut-être", poursuit-il, "dis-tu l'avoir acheté, et crois pour cette raison éviter l'accusation d'avarice. Mais ce n'est pas de cette façon que l'on peut faire correspondre l'achat à la vente. C'est une bonne chose d'acheter, mais en temps de paix, ce que l'on vend librement, et non au cours d'un pillage ce qui a été volé... Agis donc en chrétien et en citoyen qui achète pour restituer" (Sermon 18, 3). Sans en avoir l'air, Maxime arrive ainsi à prêcher une relation profonde entre les devoirs du chrétien et ceux du citoyen. A ses yeux, vivre la vie chrétienne signifie également assumer les engagements civils. Inversement, chaque chrétien qui, "bien que pouvant vivre de son travail, capture la proie d'autrui avec la fureur des fauves"; qui "menace son voisin, qui chaque jour tente de ronger les frontières d'autrui, de s'emparer des produits", ne lui apparaît même plus semblable au renard qui égorge les poules, mais au loup qui se jette sur les porcs (Sermon 41, 4).

Par rapport à l'attitude prudente de défense prise par Ambroise pour justifier sa célèbre initiative de racheter les prisonniers de guerre, apparaissent clairement les changements historiques intervenus dans la relation entre l'Evêque et les institutions de la ville. Désormais soutenu par une législation qui invitait les chrétiens à racheter les prisonniers, Maxime, face à l'écroulement des autorités civiles de l'Empire romain, se sentait pleinement autorisé à exercer dans ce sens un véritable pouvoir de contrôle sur la ville. Ce pouvoir serait ensuite devenu toujours plus vaste et efficace, jusqu'à remplacer l'absence des magistrats et des institutions civiles. Dans ce contexte, Maxime oeuvre non seulement pour rallumer chez les fidèles l'amour traditionnel envers la patrie de la ville, mais il proclame également le devoir précis de faire face aux charges fiscales, aussi lourdes et désagréables que celles-ci puissent paraître" (Sermon 26, 2). En somme, le ton et la substance des Sermons cités semblent supposer une conscience accrue de la responsabilité politique de l'Evêque dans les circonstances historiques spécifiques. Il est la "sentinelle" placée dans la ville. Qui sont ces sentinelles, se demande en effet Maxime dans le Sermon 92, "sinon les bienheureux Evêques, qui, placés pour ainsi dire sur un rocher élevé de sagesse pour la défense des peuples, voient de loin les maux qui surviennent?". Et dans le Sermon 89, l'Evêque de Turin illustre aux fidèles ses tâches, utilisant une comparaison singulière entre la fonction épiscopale et celle des abeilles: "Comme l'abeille", dit-il, les Evêques "observent la chasteté du corps, présentent la nourriture de la vie céleste, utilisent l'aiguillon de la loi. Ils sont purs pour sanctifier, doux pour restaurer, sévères pour punir". C'est ainsi que saint Maxime décrit la tâche de l'Evêque à son époque.

En définitive, l'analyse historique et littéraire révèle une conscience croissante de la responsabilité politique de l'autorité ecclésiastique, dans un contexte dans lequel celle-ci commençait, de fait, à remplacer l'autorité civile. Telle est, en effet, la ligne du développement du ministère de l'Evêque en Italie du nord-ouest, à partir d'Eusèbe, qui "comme un moine" habitait dans sa ville de Verceil, jusqu'à Maxime de Turin, placé "comme sentinelle" sur le rocher le plus haut de la ville. Il est évident que le contexte historique, culturel et social est aujourd'hui profondément différent. Le contexte actuel est plutôt celui qui est dessiné par mon vénéré prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, dans l'Exhortation Ecclesia in Europa, dans laquelle il offre une analyse articulée des défis et des signes d'espérance pour l'Eglise en Europe aujourd'hui (6-22). Quoi qu'il en soit, en dehors des conditions différentes, les devoirs du croyant envers sa ville et sa patrie restent toujours valables. Le lien des engagements du "citoyen honnête" avec ceux du "bon chrétien" n'est pas du tout dépassé.

En conclusion, je voudrais rappeler ce que dit la Constitution pastorale Gaudium et spes, pour éclairer l'un des aspects les plus importants de l'unité de la vie du chrétien: la cohérence entre foi et comportement, entre Evangile et culture. Le Concile exhorte les fidèles à "remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres, en se laissant conduire par l'esprit de l'Evangile. Ils s'éloignent de la vérité ceux qui, sachant que nous n'avons point ici-bas de cité permanente, mais que nous marchons vers la cité future, croient pouvoir, pour cela, négliger leurs tâches humaines, sans s'apercevoir que la foi même, compte tenu de la vocation de chacun, leur en fait un devoir plus pressant" (n. 43). En suivant le magistère de saint Maxime et de nombreux autres Pères, nous faisons nôtre le souhait du Concile, que les fidèles soient toujours plus désireux de "mener toutes leurs activités terrestres, en unissant dans une synthèse vitale tous les efforts humains, familiaux, professionnels, scientifiques, techniques, avec les valeurs religieuses, sous la souveraine ordonnance desquelles tout se trouve coordonné à la gloire de Dieu" (ibid.) et donc au bien de l'humanité.
* * *


Je salue les pèlerins francophones, tout particulièrement les jeunes servants de messe et les membres des aumôneries de lycées. En suivant l’enseignement de saint Maxime, je vous invite tous à vivre une cohérence toujours plus résolue entre la foi et la vie, entre l’Évangile et la culture.



Mercredi 7 novembre 2007 - Saint Jérôme

7117
Chers frères et soeurs!

Nous porterons aujourd'hui notre attention sur saint Jérôme, un Père de l'Eglise qui a placé la Bible au centre de sa vie: il l'a traduite en langue latine, il l'a commentée dans ses oeuvres, et il s'est surtout engagé à la vivre concrètement au cours de sa longue existence terrestre, malgré le célèbre caractère difficile et fougueux qu'il avait reçu de la nature.

Jérôme naquit à Stridon vers 347 dans une famille chrétienne, qui lui assura une formation soignée, l'envoyant également à Rome pour perfectionner ses études. Dès sa jeunesse, il ressentit l'attrait de la vie dans le monde (cf. Ep 22, 7), mais en lui prévalurent le désir et l'intérêt pour la religion chrétienne. Après avoir reçu le Baptême vers 366, il s'orienta vers la vie ascétique et, s'étant rendu à Aquilée, il s'inséra dans un groupe de fervents chrétiens, qu'il définit comme un "choeur de bienheureux" (Chron. ad ann. 374) réuni autour de l'Evêque Valérien. Il partit ensuite pour l'Orient et vécut en ermite dans le désert de Calcide, au sud d'Alep (cf. Ep 14, 10), se consacrant sérieusement aux études. Il perfectionna sa connaissance du grec, commença l'étude de l'hébreu (cf. Ep. 125,12), transcrivit des codex et des oeuvres patristiques (cf. Ep 5, 2). La méditation, la solitude, le contact avec la Parole de Dieu firent mûrir sa sensibilité chrétienne. Il sentit de manière plus aiguë le poids de ses expériences de jeunesse (cf. Ep. 22,7), et il ressentit vivement l'opposition entre la mentalité païenne et la vie chrétienne: une opposition rendue célèbre par la "vision" dramatique et vivante, dont il nous a laissé le récit. Dans celle-ci, il lui sembla être flagellé devant Dieu, car "cicéronien et non chrétien" (cf. Ep. 22,30).

En 382, il partit s'installer à Rome: là, le Pape Damase, connaissant sa réputation d'ascète et sa compétence d'érudit, l'engagea comme secrétaire et conseiller; il l'encouragea à entreprendre une nouvelle traduction latine des textes bibliques pour des raisons pastorales et culturelles. Quelques personnes de l'aristocratie romaine, en particulier des nobles dames comme Paola, Marcella, Asella, Lea et d'autres, souhaitant s'engager sur la voie de la perfection chrétienne et approfondir leur connaissance de la Parole de Dieu, le choisirent comme guide spirituel et maître dans l'approche méthodique des textes sacrés. Ces nobles dames apprirent également le grec et l'hébreu.

Après la mort du Pape Damase, Jérôme quitta Rome en 385 et entreprit un pèlerinage, tout d'abord en Terre Sainte, témoin silencieux de la vie terrestre du Christ, puis en Egypte, terre d'élection de nombreux moines (cf. Contra Rufinum 3, 22; Ep. 108,6-14). En 386, il s'arrêta à Bethléem, où, grâce à la générosité de la noble dame Paola, furent construits un monastère masculin, un monastère féminin et un hospice pour les pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte, "pensant que Marie et Joseph n'avaient pas trouvé où faire halte" (Ep 108, 14). Il resta à Bethléem jusqu'à sa mort, en continuant à exercer une intense activité: il commenta la Parole de Dieu; défendit la foi, s'opposant avec vigueur à différentes hérésies; il exhorta les moines à la perfection; il enseigna la culture classique et chrétienne à de jeunes élèves; il accueillit avec une âme pastorale les pèlerins qui visitaient la Terre Sainte. Il s'éteignit dans sa cellule, près de la grotte de la Nativité, le 30 septembre 419/420.

Sa grande culture littéraire et sa vaste érudition permirent à Jérôme la révision et la traduction de nombreux textes bibliques: un travail précieux pour l'Eglise latine et pour la culture occidentale. Sur la base des textes originaux en grec et en hébreu et grâce à la confrontation avec les versions précédentes, il effectua la révision des quatre Evangiles en langue latine, puis du Psautier et d'une grande partie de l'Ancien Testament. En tenant compte de l'original hébreu et grec, des Septante et de la version grecque classique de l'Ancien Testament remontant à l'époque pré-chrétienne, et des précédentes versions latines, Jérôme, ensuite assisté par d'autres collaborateurs, put offrir une meilleure traduction: elle constitue ce qu'on appelle la "Vulgate", le texte "officiel" de l'Eglise latine, qui a été reconnu comme tel par le Concile de Trente et qui, après la récente révision, demeure le texte "officiel" de l'Eglise de langue latine. Il est intéressant de souligner les critères auxquels ce grand bibliste s'est tenu dans son oeuvre de traducteur. Il le révèle lui-même quand il affirme respecter jusqu'à l'ordre des mots dans les Saintes Ecritures, car dans celles-ci, dit-il, "l'ordre des mots est aussi un mystère" (Ep 57, 5), c'est-à-dire une révélation. Il réaffirme en outre la nécessité d'avoir recours aux textes originaux: "S'il devait surgir une discussion entre les Latins sur le Nouveau Testament, en raison des leçons discordantes des manuscrits, ayons recours à l'original, c'est-à-dire au texte grec, langue dans laquelle a été écrit le Nouveau Pacte. De la même manière pour l'Ancien Testament, s'il existe des divergences entre les textes grecs et latins, nous devons faire appel au texte original, l'hébreu; de manière à ce que nous puissions retrouver tout ce qui naît de la source dans les ruisseaux" (Ep. 106,2). En outre, Jérôme commenta également de nombreux textes bibliques. Il pensait que les commentaires devaient offrir de nombreuses opinions, "de manière à ce que le lecteur avisé, après avoir lu les différentes explications et après avoir connu de nombreuses opinions - à accepter ou à refuser -, juge celle qui était la plus crédible et, comme un expert en monnaies, refuse la fausse monnaie" (Contra Rufinum 1, 16).

Il réfuta avec énergie et vigueur les hérétiques qui contestaient la tradition et la foi de l'Eglise. Il démontra également l'importance et la validité de la littérature chrétienne, devenue une véritable culture désormais digne d'être comparée avec la littérature classique: il le fit en composant le De viris illustribus, une oeuvre dans laquelle Jérôme présente les biographies de plus d'une centaine d'auteurs chrétiens. Il écrivit également des biographies de moines, illustrant à côté d'autres itinéraires spirituels également l'idéal monastique; en outre, il traduisit diverses oeuvres d'auteurs grecs. Enfin, dans le fameux Epistolario, un chef-d'oeuvre de la littérature latine, Jérôme apparaît avec ses caractéristiques d'homme cultivé, d'ascète et de guide des âmes.

Que pouvons-nous apprendre de saint Jérôme? Je pense en particulier ceci: aimer la Parole de Dieu dans l'Ecriture Sainte. Saint Jérôme dit: "Ignorer les Ecritures, c'est ignorer le Christ". C'est pourquoi, il est très important que chaque chrétien vive en contact et en dialogue personnel avec la Parole de Dieu qui nous a été donnée dans l'Ecriture Sainte. Notre dialogue avec elle doit toujours revêtir deux dimensions: d'une part, il doit être un dialogue réellement personnel, car Dieu parle avec chacun de nous à travers l'Ecriture Sainte et possède un message pour chacun. Nous devons lire l'Ecriture Sainte non pas comme une parole du passé, mais comme une Parole de Dieu qui s'adresse également à nous et nous efforcer de comprendre ce que le Seigneur veut nous dire. Mais pour ne pas tomber dans l'individualisme, nous devons tenir compte du fait que la Parole de Dieu nous est donnée précisément pour construire la communion, pour nous unir dans la vérité de notre chemin vers Dieu. C'est pourquoi, tout en étant une Parole personnelle, elle est également une Parole qui construit une communauté, qui construit l'Eglise. Nous devons donc la lire en communion avec l'Eglise vivante. Le lieu privilégié de la lecture et de l'écoute de la Parole de Dieu est la liturgie, dans laquelle, en célébrant la parole et en rendant présent dans le Sacrement le Corps du Christ, nous réalisons la parole dans notre vie et la rendons présente parmi nous. Nous ne devons jamais oublier que la Parole de Dieu transcende les temps. Les opinions humaines vont et viennent. Ce qui est très moderne aujourd'hui sera très vieux demain. La Parole de Dieu, au contraire, est une Parole de vie éternelle, elle porte en elle l'éternité, ce qui vaut pour toujours. En portant en nous la Parole de Dieu, nous portons donc en nous l'éternel, la vie éternelle.

Et ainsi, je conclus par une parole de saint Jérôme à saint Paulin de Nola. Dans celle-ci, le grand exégète exprime précisément cette réalité, c'est-à-dire que dans la Parole de Dieu, nous recevons l'éternité, la vie éternelle. Saint Jérôme dit: "Cherchons à apprendre sur la terre les vérités dont la consistance persistera également au ciel" (ep. 53,10).
* * *


Je salue cordialement les personnes de langue française, particulièrement les pèlerins de la diaconie du Var et les jeunes. À la suite de saint Jérôme, je vous invite à lire et à méditer la Parole de Dieu, qui nous est donnée dans la Bible. Faites-en tous les jours votre nourriture spirituelle ! Que Dieu vous bénisse et vous garde dans l’espérance !



Mercredi 14 novembre 2007 - Saint Jérôme

14117

Chers frères et soeurs,

Nous poursuivons aujourd'hui la présentation de la figure de saint Jérôme. Comme nous l'avons dit mercredi dernier, il consacra sa vie à l'étude de la Bible, au point d'être reconnu par l'un de mes prédécesseurs, le Pape Benoît XV, comme "docteur éminent dans l'interprétation des Saintes Ecritures". Jérôme soulignait la joie et l'importance de se familiariser avec les textes bibliques: "Ne te semble-t-il pas habiter - déjà ici, sur terre - dans le royaume des cieux, lorsqu'on vit parmi ces textes, lorsqu'on les médite, lorsqu'on ne connaît ni ne recherche rien d'autre?" (Ep. 53,10). En réalité, dialoguer avec Dieu, avec sa Parole, est dans un certain sens une présence du Ciel, c'est-à-dire une présence de Dieu. S'approcher des textes bibliques, surtout du Nouveau Testament, est essentiel pour le croyant, car "ignorer l'Ecriture, c'est ignorer le Christ". C'est à lui qu'appartient cette phrase célèbre, également citée par le Concile Vatican II dans la Constitution Dei Verbum (
DV 25).

Réellement "amoureux" de la Parole de Dieu, il se demandait: "Comment pourrait-on vivre sans la science des Ecritures, à travers lesquelles on apprend à connaître le Christ lui-même, qui est la vie des croyants" (Ep. 30,7). La Bible, instrument "avec lequel Dieu parle chaque jour aux fidèles" (Ep. 133,13), devient ainsi un encouragement et la source de la vie chrétienne pour toutes les situations et pour chaque personne. Lire l'Ecriture signifie converser avec Dieu: "Si tu pries - écrit-il à une noble jeune fille de Rome -, tu parles avec l'Epoux; si tu lis, c'est Lui qui te parle" (Ep. 22,25). L'étude et la méditation de l'Ecriture rendent l'homme sage et serein (cf. In Eph., prol.). Assurément, pour pénétrer toujours plus profondément la Parole de Dieu, une application constante et progressive est nécessaire. Jérôme recommandait ainsi au prêtre Népotien: "Lis avec une grande fréquence les divines Ecritures; ou mieux, que le Livre Saint reste toujours entre tes mains. Apprends-là ce que tu dois enseigner" (Ep. 52,7). Il donnait les conseils suivants à la matrone romaine Leta pour l'éducation chrétienne de sa fille: "Assure-toi qu'elle étudie chaque jour un passage de l'Ecriture... Qu'à la prière elle fasse suivre la lecture, et à la lecture la prière... Au lieu des bijoux et des vêtements de soie, qu'elle aime les Livres divins" (Ep. 107,9 107,12). Avec la méditation et la science des Ecritures se "conserve l'équilibre de l'âme" (Ad Eph., prol.). Seul un profond esprit de prière et l'assistance de l'Esprit Saint peuvent nous introduire à la compréhension de la Bible: "Dans l'interprétation des Saintes Ecritures, nous avons toujours besoin de l'assistance de l'Esprit Saint" (In MI 1, 1, 10, 15).

Un amour passionné pour les Ecritures imprégna donc toute la vie de Jérôme, un amour qu'il chercha toujours à susciter également chez les fidèles. Il recommandait à l'une de ses filles spirituelles: "Aime l'Ecriture Sainte et la sagesse t'aimera; aime-la tendrement, et celle-ci te préservera; honore-la et tu recevras ses caresses. Qu'elle soit pour toi comme tes colliers et tes boucles d'oreille" (Ep. 130,20). Et encore: "Aime la science de l'Ecriture, et tu n'aimeras pas les vices de la chair" (Ep. 125,11).

Pour Jérôme, un critère de méthode fondamental dans l'interprétation des Ecritures était l'harmonie avec le magistère de l'Eglise. Nous ne pouvons jamais lire l'Ecriture seuls. Nous trouvons trop de portes fermées et nous glissons facilement dans l'erreur. La Bible a été écrite par le Peuple de Dieu et pour le Peuple de Dieu, sous l'inspiration de l'Esprit Saint. Ce n'est que dans cette communion avec le Peuple de Dieu que nous pouvons réellement entrer avec le "nous" au centre de la vérité que Dieu lui-même veut nous dire. Pour lui, une interprétation authentique de la Bible devait toujours être en harmonieuse concordance avec la foi de l'Eglise catholique. Il ne s'agit pas d'une exigence imposée à ce Livre de l'extérieur; le Livre est précisément la voix du Peuple de Dieu en pèlerinage et ce n'est que dans la foi de ce Peuple que nous sommes, pour ainsi dire, dans la juste tonalité pour comprendre l'Ecriture Sainte. Il admonestait donc: "Reste fermement attaché à la doctrine traditionnelle qui t'a été enseignée, afin que tu puisses exhorter selon la saine doctrine et réfuter ceux qui la contredisent" (Ep. 52,7). En particulier, étant donné que Jésus Christ a fondé son Eglise sur Pierre, chaque chrétien - concluait-il - doit être en communion "avec la Chaire de saint Pierre. Je sais que sur cette pierre l'Eglise est édifiée" (Ep. 15,2). Par conséquent, et de façon directe, il déclarait: "Je suis avec quiconque est uni à la Chaire de saint Pierre" (Ep. 16).

Jérôme ne néglige pas, bien sûr, l'aspect éthique. Il rappelle au contraire souvent le devoir d'accorder sa propre vie avec la Parole divine et ce n'est qu'en la vivant que nous trouvons également la capacité de la comprendre. Cette cohérence est indispensable pour chaque chrétien, et en particulier pour le prédicateur, afin que ses actions, si elles étaient discordantes par rapport au discours, ne le mettent pas dans l'embarras. Ainsi exhorte-t-il le prêtre Népotien: "Que tes actions ne démentent pas tes paroles, afin que, lorsque tu prêches à l'église, il n'arrive pas que quelqu'un commente en son for intérieur: "Pourquoi n'agis-tu pas précisément ainsi?" Cela est vraiment plaisant de voir ce maître qui, le ventre plein, disserte sur le jeûne; même un voleur peut blâmer l'avarice; mais chez le prêtre du Christ, l'esprit et la parole doivent s'accorder" (Ep. 52,7). Dans une autre lettre, Jérôme réaffirme: "Même si elle possède une doctrine splendide, la personne qui se sent condamnée par sa propre conscience se sent honteuse" (Ep. 127,4). Toujours sur le thème de la cohérence, il observe: l'Evangile doit se traduire par des attitudes de charité véritable, car en chaque être humain, la Personne même du Christ est présente. En s'adressant, par exemple, au prêtre Paulin (qui devint ensuite Evêque de Nola et saint), Jérôme le conseillait ainsi: "Le véritable temple du Christ est l'âme du fidèle: orne-le, ce sanctuaire, embellis-le, dépose en lui tes offrandes et reçois le Christ. Dans quel but revêtir les murs de pierres précieuses, si le Christ meurt de faim dans la personne d'un pauvre?" (Ep. 58,7). Jérôme concrétise: il faut "vêtir le Christ chez les pauvres, lui rendre visite chez les personnes qui souffrent, le nourrir chez les affamés, le loger chez les sans-abris" (Ep. 130,14). L'amour pour le Christ, nourri par l'étude et la méditation, nous fait surmonter chaque difficulté: "Aimons nous aussi Jésus Christ, recherchons toujours l'union avec lui: alors, même ce qui est difficile nous semblera facile" (Ep. 22,40).

Jérôme, défini par Prospère d'Aquitaine comme un "modèle de conduite et maître du genre humain" (Carmen de ingratis, 57), nous a également laissé un enseignement riche et varié sur l'ascétisme chrétien. Il rappelle qu'un courageux engagement vers la perfection demande une vigilance constante, de fréquentes mortifications, toutefois avec modération et prudence, un travail intellectuel ou manuel assidu pour éviter l'oisiveté (cf. Epp 125, 11 et 130, 15), et surtout l'obéissance à Dieu: "Rien... ne plaît autant à Dieu que l'obéissance..., qui est la plus excellente et l'unique vertu" (Hom. de oboedientia: CCL 78,552). La pratique des pèlerinages peut également appartenir au chemin ascétique. Jérôme donna en particulier une impulsion à ceux en Terre Sainte, où les pèlerins étaient accueillis et logés dans des édifices élevés à côté du monastère de Bethléem, grâce à la générosité de la noble dame Paule, fille spirituelle de Jérôme (cf. Ep. 108,14).

Enfin, on ne peut pas oublier la contribution apportée par Jérôme dans le domaine de la pédagogie chrétienne (cf. Epp 107 et 128). Il se propose de former "une âme qui doit devenir le temple du Seigneur" (Ep. 107,4), une "pierre très précieuse" aux yeux de Dieu (Ep. 107,13). Avec une profonde intuition, il conseille de la préserver du mal et des occasions de pécher, d'exclure les amitiés équivoques ou débauchées (cf. Ep. 107,4 et 8-9; cf. également Ep. 128,3-4). Il exhorte surtout les parents pour qu'ils créent un environnement serein et joyeux autour des enfants, pour qu'ils les incitent à l'étude et au travail, également par la louange et l'émulation (cf. Epp 107, 4 et 128, 1), qu'ils les encouragent à surmonter les difficultés, qu'ils favorisent entre eux les bonnes habitudes et qu'ils les préservent d'en prendre de mauvaises car - et il cite là une phrase de Publilius Syrus entendue à l'école - "difficilement tu réussiras à te corriger de ces choses dont tu prends tranquillement l'habitude" (Ep. 107,8). Les parents sont les principaux éducateurs des enfants, les premiers maîtres de vie. Avec une grande clarté, Jérôme, s'adressant à la mère d'une jeune fille et mentionnant ensuite le père, admoneste, comme exprimant une exigence fondamentale de chaque créature humaine qui commence son existence: "Qu'elle trouve en toi sa maîtresse, et que sa jeunesse inexpérimentée regarde vers toi avec émerveillement. Que ni en toi, ni en son père elle ne voie jamais d'attitudes qui la conduisent au péché, si elles devaient être imitées. Rappelez-vous que... vous pouvez davantage l'éduquer par l'exemple que par la parole" (Ep. 107,9). Parmi les principales intuitions de Jérôme comme pédagogue, on doit souligner l'importance attribuée à une éducation saine et complète dès la prime enfance, la responsabilité particulière reconnue aux parents, l'urgence d'une sérieuse formation morale et religieuse, l'exigence de l'étude pour une formation humaine plus complète. En outre, un aspect assez négligé à l'époque antique, mais considéré comme vital par notre auteur, est la promotion de la femme, à laquelle il reconnaît le droit à une formation complète: humaine, scolaire, religieuse, professionnelle. Et nous voyons précisément aujourd'hui que l'éducation de la personnalité dans son intégralité, l'éducation à la responsabilité devant Dieu et devant l'homme, est la véritable condition de tout progrès, de toute paix, de toute réconciliation et d'exclusion de la violence. L'éducation devant Dieu et devant l'homme: c'est l'Ecriture Sainte qui nous indique la direction de l'éducation et ainsi, du véritable humanisme.

Nous ne pouvons pas conclure ces rapides annotations sur cet éminent Père de l'Eglise sans mentionner la contribution efficace qu'il apporta à la préservation d'éléments positifs et valables des antiques cultures juive, grecque et romaine au sein de la civilisation chrétienne naissante. Jérôme a reconnu et assimilé les valeurs artistiques, la richesse des sentiments et l'harmonie des images présentes chez les classiques, qui éduquent le coeur et l'imagination à de nobles sentiments. Il a en particulier placé au centre de sa vie et de son activité la Parole de Dieu, qui indique à l'homme les chemins de la vie, et lui révèle les secrets de la sainteté. Nous ne pouvons que lui être profondément reconnaissants pour tout cela, précisément dans le monde d'aujourd'hui.
* * *


Je suis heureux de saluer les francophones, notamment les jeunes prêtres de Belley-Ars, avec leur Évêque, Mgr Bagnard. J’adresse un salut tout particulier aux pèlerins de France venus avec les reliques de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte-Face, accompagnés par Mgr Pican, Évêque de Bayeux et Lisieux. Nous nous souvenons qu’il y a cent vingt ans, la petite Thérèse est venue rencontrer le Pape Léon XIII, pour lui demander la permission d’entrer au Carmel malgré son jeune âge. Il y a quatre-vingt ans, le Pape Pie XI la proclamait Patronne des Missions et, en 1997, le Pape Jean-Paul II la déclarait Docteur de l’Église. Après cette audience, j’aurai la joie de prier devant ses reliques, comme de nombreux fidèles peuvent le faire pendant toute la semaine dans différentes églises de Rome. Sainte Thérèse aurait voulu apprendre les langues bibliques pour mieux lire l’Écriture. À sa suite et à l’exemple de saint Jérôme, puissiez-vous prendre du temps pour lire la Bible de manière régulière. En devenant familiers de la Parole de Dieu, vous y rencontrerez le Christ pour demeurer en intimité avec lui. Avec ma Bénédiction apostolique.


33

Mercredi 21 novembre 2007 - Aphraate, le Sage persan


Catéchèses Benoît XVI 24137