Catéchèses Benoît XVI



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Mercredi 27 avril 2005

Très chers frères et soeurs,


Je suis heureux de vous accueillir et j'adresse un salut cordial à ceux qui sont ici présents, ainsi qu'à ceux qui nous suivent à la radio et à la télévision. Comme je l'ai déjà dit lors de la première rencontre avec Messieurs les Cardinaux, précisément mercredi de la semaine dernière dans la Chapelle Sixtine, je fais l'expérience dans mon âme de sentiments contrastants entre eux en ces jours de début de mon ministère pétrinien: émerveillement et gratitude à l'égard de Dieu, qui m'a surpris le premier en m'appelant à succéder à l'Apôtre Pierre; inquiétude intérieure face à l'immensité de la tâche et des responsabilités qui m'ont été confiées. La certitude de l'aide de Dieu, de sa Très Sainte Mère, la Vierge Marie et des saints Protecteurs, me donne cependant sérénité et joie; je suis également soutenu par la proximité spirituelle de tout le Peuple de Dieu auquel, comme j'ai eu l'occasion de le répéter dimanche dernier, je continue à demander de m'accompagner par une prière incessante.

Après la pieuse disparition de mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II, je reprends aujourd'hui les traditionnelles Audiences générales du mercredi. Nous revenons ainsi à la normalité. En cette première rencontre, je voudrais tout d'abord m'arrêter sur le nom que j'ai choisi en devenant Evêque de Rome et Pasteur universel de l'Eglise. J'ai voulu m'appeler Benoit XVI pour me rattacher en esprit au vénéré Pontife Benoît XV, qui a guidé l'Eglise au cours d'une période difficile en raison du premier conflit mondial. Il fut un courageux et authentique prophète de paix et se prodigua avec un courage inlassable, tout d'abord pour éviter le drame de la guerre, puis pour en limiter les conséquences néfastes. C'est sur ses traces que je désire placer mon ministère au service de la réconciliation et de l'harmonie entre les hommes et les peuples, profondément convaincu que le grand bien de la paix est tout d'abord un don de Dieu, un don malheureusement fragile et précieux qu'il faut invoquer, protéger et édifier jour après jour avec la contribution de tous.

Le nom de Benoît évoque, en outre, la figure extraordinaire du grand "Patriarche du monachisme occidental", saint Benoît de Nursie, co-patron de l'Europe avec les saints Cyrille et Méthode et les saintes femmes Brigitte de Suède, Catherine de Sienne et Edith Stein. L'expansion progressive de l'Ordre bénédictin qu'il fonda a exercé une profonde influence dans la diffusion du christianisme sur tout le continent. Saint Benoît est donc particulièrement vénéré en Allemagne, également et spécialement en Bavière, ma terre d'origine; il constitue un point de référence fondamental pour l'unité de l'Europe et un rappel puissant des incontournables racines chrétiennes de sa culture et de sa civilisation.

De ce Père du monachisme occidental, nous connaissons la recommandation laissée aux moines dans sa Règle: "Ne rien mettre absolument au-dessus du Christ" (Règle RB 72,11; cf. RB 4,21). Au début de mon service comme Successeur de Pierre, je demande à saint Benoît de nous aider à garder fermement le Christ au centre de notre vie. Qu'il soit toujours à la première place dans nos pensées et dans chacune de nos activités!

Ma pensée retourne avec affection à mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II, auquel nous devons un héritage spirituel extraordinaire. "Nos communautés chrétiennes - a-t-il écrit dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte - doivent devenir d'authentiques "écoles" de prière, où la rencontre avec le Christ ne s'exprime pas seulement en demande d'aide, mais aussi en action de grâce, louange, adoration, contemplation, écoute, affection ardente, jusqu'à une vraie "folie" du coeur" (NM 33), comme ce fut le cas chez le Pape Jean-Paul II. Ce sont ces orientations qu'il a cherché à mettre lui-même en oeuvre, en consacrant les catéchèses du mercredi des derniers temps au commentaire des Psaumes des Laudes et des Vêpres. Comme il fit au début de son Pontificat, lorsqu'il voulut poursuivre les réflexions commencées par son prédécesseur sur les vertus chrétiennes (cf. Enseignements de Jean-Paul II, I [1978], pp 60-63), j'entends moi aussi reproposer, lors des prochains rendez-vous hebdomadaires, le commentaire qu'il avait préparé sur la deuxième partie des Psaumes et des Cantiques qui composent les Vêpres. Mercredi prochain, je reprendrai donc ses catéchèses précisément là où elles s'étaient interrompues, lors de l'Audience générale du 26 janvier dernier.

Chers amis, je vous remercie à nouveau de votre visite et de l'affection dont vous m'entourez. En retour, je vous adresse cordialement ces mêmes sentiments avec une Bénédiction spéciale, que je donne à vous qui êtes ici présents, à vos familles et à toutes les personnes qui vous sont chères.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, notamment du Gabon et les jeunes de l’école de Courset, de l’aumônerie Notre-Dame de Vauvert, de Corse, de Nantes. À tous, j’accorde la Bénédiction apostolique.


Mercredi 4 mai 2005 - Lecture: Ps 120, 1-4.7-8 - Le gardien d'Israël

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Ps 120,1-4 Ps 120,7-8

Chers frères et soeurs

1. Comme je l'ai déjà annoncé mercredi dernier, j'ai décidé de reprendre dans les catéchèses le commentaire des Psaumes et des Cantiques qui composent les Vêpres, en utilisant les textes préparés par mon cher prédécesseur, le Pape Jean-Paul II.

Nous commençons aujourd'hui avec le Psaume 120. Ce Psaume fait partie du recueil des "Cantiques des montées", c'est-à-dire du pèlerinage vers la rencontre avec le Seigneur dans le temple de Sion. C'est un Psaume de confiance, car dans celui-ci résonne à six reprises le verbe hébreu shamar, "conserver, protéger". Dieu, dont le nom est évoqué de façon répétée, apparaît comme le "gardien" toujours en éveil, attentif et plein de sollicitude, la "sentinelle" qui veille sur son peuple pour le protéger de tout risque et danger.

Le chant s'ouvre par un regard de l'orant tourné vers le haut, "vers les monts", c'est-à-dire les collines sur lesquelles s'élève Jérusalem: c'est de là-haut que vient l'aide, car là-haut habite le Seigneur dans son temple (cf. vv. 1-2). Toutefois, les "monts" peuvent également évoquer les lieux où s'élèvent des sanctuaires idolâtres, qu'on appelle les "hauteurs" et qui sont souvent condamnées dans l'Ancien Testament (cf. 1R 3,2 2R 18,4). Dans ce cas il y aurait une opposition: alors que le pèlerin avance vers Sion, ses yeux se posent sur les temples païens, qui constituent une grande tentation pour lui. Mais sa foi est inébranlable et sa certitude est une seule: "Le secours me vient de Yahvé qui a fait le ciel et la terre" (Ps 120,2). Dans le pèlerinage de notre vie, il y a également des choses semblables. Nous voyons des hauteurs qui s'ouvrent devant nous et se présentent comme une promesse de vie: la richesse, le pouvoir, le prestige, la vie confortable. Des hauteurs qui sont des tentations, parce qu'elles apparaissent réellement comme la promesse de la vie. Mais nous, dans notre foi, nous voyons que ce n'est pas vrai et que ces hauteurs ne sont pas la vie. La vraie vie, l'aide véritable, vient du Seigneur. Et notre regard se tourne donc vers la hauteur véritable, vers le mont véritable: le Christ.

2. Cette confiance est illustrée dans le Psaume à travers l'image du gardien et de la sentinelle, qui veillent et protègent. On fait également allusion au pied qui ne vacille pas (cf. v. 3) sur le chemin de la vie et peut-être au pasteur qui, lors de la halte nocturne, veille sur son troupeau sans s'endormir ni céder au sommeil (cf. v. 4). Le pasteur divin ne connaît pas de repos dans l'oeuvre de protection de son peuple, de nous tous.

Un autre symbole apparaît ensuite dans le Psaume, celui de l'"ombre" qui suppose la reprise du voyage au cours de la journée ensoleillée (cf. v. 5). La pensée se tourne vers la marche historique dans le désert du Sinaï, où le Seigneur marche à la tête d'Israël de "jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route" (Ex 13,21). Dans le Psautier, on prie souvent ainsi: "A l'ombre de tes ailes cache-moi..." (Ps 16,8 cf. Ps 90,1). Ici aussi il y a un aspect réaliste de notre vie. Souvent notre vie se déroule sous un soleil impitoyable. Le Seigneur est l'ombre qui nous protège, qui nous aide.

3. Après la veillée et l'ombre, voilà le troisième symbole, celui du Seigneur qui se tient "à droite" de son fidèle (cf. Ps 120,5). Telle est la position du défenseur, aussi bien militaire qu'au cours d'un procès: c'est la certitude de ne pas être abandonné au temps de l'épreuve de l'assaut du mal, de la persécution. A ce point, le Psalmiste revient à l'idée du voyage au cours d'une chaude journée où Dieu nous protège du soleil incandescent.

Mais au jour succède la nuit. Dans l'antiquité, on considérait que les rayons de lune étaient eux aussi nocifs, pouvant provoquer la fièvre ou la cécité, voire la folie; c'est pourquoi le Seigneur nous protège aussi la nuit (cf. v. 6), dans les nuits de notre vie.

Le Psaume touche désormais à son terme avec une déclaration synthétique de confiance: Dieu nous protégera avec amour à chaque instant, gardant notre vie de tout mal (cf. v. 7). Chacune de nos activités, résumées dans les deux verbes extrêmes de "sortir" et d'"entrer", sont toujours sous le regard vigilant du Seigneur. Chacun de nos actes et tout notre temps l'est, "dès lors et à jamais" (v. 8).

4. Nous voulons à présent, pour finir, commenter cette dernière déclaration de confiance par un témoignage spirituel de l'antique tradition chrétienne. En effet, dans l'Epistolaire de Barsanuphe de Gaza (mort vers la moitié du VI siècle), un ascète de grande renommée, interpellé par des moines, des ecclésiastiques et des laïcs en raison de la sagesse de son discernement, nous trouvons plusieurs fois rappelé le verset du Psaume: "Yahvé te garde de tout mal, il garde ton âme". Grâce à ce Psaume, grâce à ce vers, Barsanuphe voulait apporter le réconfort à ceux qui lui exposaient leurs difficultés, les épreuves de la vie, les dangers, les malheurs.

Un jour, un moine ayant demandé à Barsanuphe de prier pour lui et pour ses compagnons, il lui répondit ainsi, en insérant dans ses voeux la citation de ce verset: "Mes fils bien-aimés, je vous embrasse dans le Seigneur, en le suppliant de vous protéger de tout mal et de vous donner le courage de supporter comme à Job, la grâce comme à Joseph, la douceur comme à Moïse, et la valeur dans les combats comme à Josué fils de Nun, la maîtrise des pensées comme aux juges, le pouvoir d'assujettir les ennemis comme aux rois David et Salomon, la fertilité de la terre comme aux Israélites... Qu'il vous accorde la rémission de vos péchés avec la guérison du corps, comme au paralytique. Qu'il vous sauve des flots comme Pierre et qu'il vous arrache des épreuves comme Paul et les autres apôtres. Qu'il vous protège de tout mal, comme ses fils véritables et qu'il vous accorde ce que votre coeur demande, pour le bien de l'âme et du corps en son nom. Amen" (Barsanuphe et Jean de Gaza, Epistolaire, 194: Collection de Textes patristiques, XCIII, Rome, 1991, PP 235-236).
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les paroisses de la Trinité, Saint-Léon, Sainte-Jeanne de Chantal, de Paris, ainsi que les groupes de jeunes présents. Puisse votre pèlerinage à Rome vous faire sentir la présence aimante de Dieu, par laquelle Il soutient son Église et la guide avec amour !



Mercredi 11 mai 2005 - Ap 15, Hymne d'adoration et de louange

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Lecture:
Ap 15,3-4

Chers frères et soeurs,

1. Le Cantique que nous venons d'entendre et avons ainsi repris en l'élevant comme un hymne de louange au "Seigneur Dieu tout-puissant" (Ap 15,3) possède un caractère bref et solennel, incisif et grandiose. Il s'agit là de l'un des nombreux textes de prière placés dans l'Apocalypse, le dernier livre de l'Ecriture Sainte, livre de jugement, de salut et surtout livre d'espérance.

En effet, l'histoire ne se trouve pas entre les mains de puissances obscures, du hasard ou des seuls choix humains. Sur le déchaînement des énergies malfaisantes que nous voyons, sur l'irruption véhémente de Satan, sur l'apparition de tant de fléaux et de maux, s'élève le Seigneur, arbitre suprême du cours de l'histoire. Il la conduit avec sagesse vers l'aube des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, chantés dans la partie finale du livre sous l'image de la nouvelle Jérusalem (cf. Ap 21,22).

Ceux qui entonnent le Cantique sur lequel nous méditerons à présent sont les justes de l'histoire, les vainqueurs de la Bête satanique, ceux qui à travers la défaite apparente du martyre sont en réalité les artisans véritables du monde nouveau, dont Dieu est l'artisan suprême.

2. Ils commencent en exaltant les "grandes et merveilleuses oeuvres" et les "voies justes et droites" du Seigneur (cf. Ap 15,3). Le langage utilisé dans ce Cantique est celui qui est caractéristique de l'exode d'Israël de l'esclavage égyptien. Le premier cantique de Moïse - prononcé après le passage de la Mer Rouge - célèbre le Seigneur "redoutable en exploits, artisan de merveilles" (Ex 15,11). Le deuxième cantique - rapporté par le Deutéronome au terme de la vie du grand législateur - réaffirme que "son oeuvre est parfaite, car toutes ses voies sont le Droit" (Dt 32,4).

On souhaite donc réaffirmer que Dieu n'est pas indifférent aux événements humains, mais qu'il pénètre dans ceux-ci en réalisant ses "voies", c'est-à-dire ses projets et ses "oeuvres" efficaces.

3. Selon notre hymne, cette intervention divine a un objectif bien précis: être un signe qui invite tous les peuples de la terre à la conversion. L'hymne invite donc chacun de nous sans cesse à la conversion. Les nations doivent apprendre à "lire" dans l'histoire un message de Dieu. L'aventure de l'humanité n'est pas confuse et sans signification, elle n'est pas non plus destinée sans recours aux prévarications des violents et des pervers.

Il existe la possibilité de reconnaître l'action divine cachée dans l'histoire. Le Concile oecuménique Vatican II, dans la Constitution pastorale Gaudium et spes, invite lui aussi le croyant à scruter, à la lumière de l'Evangile, les signes des temps pour trouver en eux la manifestation de l'action même de Dieu (cf. nn. GS 4 GS 11). Cette attitude de foi conduit l'homme à reconnaître la puissance de Dieu en oeuvre dans l'histoire, et à s'ouvrir ainsi à la crainte du nom du Seigneur. Dans le langage biblique, en effet, cette "crainte" de Dieu n'est pas une peur, elle ne coïncide pas avec la peur; mais la crainte de Dieu est une tout autre chose: elle est la reconnaissance du mystère de la transcendance divine. Celle-ci se trouve donc à la base de la foi et se mélange à l'amour. Dans le Deutéromone, l'Ecritiure Sainte dit: "Le Seigneur ton Dieu te demande de le craindre et de l'aimer de tout ton coeur et de toute ton âme" (cf. Dt 10,12). Et saint Hilaire, Evêque du IV siècle a dit: "Toute notre crainte est dans l'amour".

C'est dans cette optique que, dans notre bref hymne tiré de l'Apocalypse, s'unissent la crainte et la glorification de Dieu. L'hymne dit: "Qui ne craindrait, Seigneur, et ne glorifierait ton nom? (Ap 15,4). Grâce à la crainte du Seigneur, l'on n'a pas peur du mal qui envahit l'histoire et l'on reprend avec vigueur le chemin de la vie. Précisément grâce à la crainte de Dieu, nous n'avons pas peur du monde et de tous ses problèmes, nous n'avons pas peur des hommes parce que Dieu est plus fort. Le Pape Jean XXIII a dit un jour: "Celui qui croit n'a pas peur, parce qu'en craignant Dieu qui est bon, il n'a pas peur du monde et de l'avenir". Et ainsi disait le prophète Isaïe: "Fortifiez les mains affaiblies, affermissez les genoux qui chancellent. Dites aux coeurs défaillants: "Soyez forts, n'ayez pas peur"" (Is 35,3-4).

4. L'hymne se termine par la prévision d'une procession universelle de peuples qui se présenteront devant le Seigneur de l'histoire, révélé à travers ses "jugements justes" (cf. Ap 15,4). Ils se prosterneront en adoration. Et l'unique Seigneur et Sauveur semble leur répéter les paroles prononcées le dernier soir de sa vie terrestre quand il a dit à ses Apôtres: "Ayez confiance; j'ai vaincu le monde!" (Jn 16,33).

Nous voulons conclure notre brève réflexion sur le cantique de l'"Agneau victorieux" (cf. Ap 15,3), entonné par les justes de l'Apocalypse, par un antique hymne du lucernaire, c'est-à-dire de la prière vespérale, déjà connu de saint Basile de Césarée. Cet hymne dit: "Parvenus au coucher du soleil, en voyant la lumière du soir, nous chantons le Père, le Fils et l'Esprit Saint de Dieu. Tu es digne d'être chanté en tout moment avec des voix saintes, Fils de Dieu, toi qui donnes la vie. C'est pourquoi le monde te glorifie" (S. Pricoco-M. Simonetti, La prière des chrétiens, Milan 2000, p. 97).

Merci!
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Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones présents ce matin, notamment les jeunes du Foyer de Charité, de Châteauneuf-de-Galaure et les jeunes du Collège du Tampon, de l’Ile de la Réunion. Puisse votre séjour à Rome affermir votre foi et faire de vous des témoins de l’Évangile ! Je vous confie tous à la Bienheureuse Vierge Marie.



Mercredi 18 mai 2005 - Louez le nom du Seigneur - Lecture: Ps 112, 1-4.7.9

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Chers frères et soeurs,

Avant de commencer une brève interprétation du Psaume qui vient d'être chanté, je voudrais rappeler que c'est aujourd'hui l'anniversaire de notre bien-aimé Pape Jean-Paul II. Il aurait fêté 85 ans et nous sommes sûrs que, d'En-haut, il nous voit et il est avec nous. En cette occasion nous voulons profondément remercier le Seigneur pour le don de ce Pape et nous voulons dire merci au Pape lui-même pour tout ce qu'il a fait et souffert.

1. Le Psaume 112 vient de retentir dans sa simplicité et sa beauté, constituant une véritable porte d'entrée à un petit recueil de Psaumes allant du 112 au 117, conventionnellement appelé le "Hallel égyptien". C'est l'alleluia, c'est-à-dire le chant de louange, qui exalte la libération de l'esclavage du pharaon et la joie d'Israël à servir le Seigneur en liberté sur la terre promise (cf.
Ps 113).

Ce n'est pas pour rien que la tradition juive avait relié cette série de Psaumes à la liturgie pascale. La célébration de cet événement, selon ses dimensions historiques, sociales et surtout spirituelles, était ressentie comme un signe de la libération du mal, dans la multiplicité de ses manifestations.

Le Psaume 112 est un bref hymne qui, dans l'original hébreu, ne comporte qu'une soixantaine de paroles, toutes empreintes de sentiments de confiance, de louange, de joie.

2. La première strophe (cf. Ps 112,1-3) exalte le "nom de Yahvé" qui - comme on le sait - indique dans le langage biblique la personne même de Dieu, sa présence vivante et agissante dans l'histoire humaine.

A trois reprises, avec une insistance passionnée, retentit "le nom de Yahvé" au centre de la prière d'adoration. Tout l'être et le temps tout entier - "du lever du soleil à son coucher", dit le Psalmiste (v. 3) - participe à une unique action de grâce. C'est comme si un souffle incessant s'élevait de la terre vers le ciel pour exalter le Seigneur; Créateur du cosmos et Roi de l'histoire.

3. C'est précisément à travers ce mouvement vers le haut que le Psaume nous conduit au mystère divin. La deuxième partie (cf. vv. 4-6) célèbre, en effet, la transcendance du Seigneur, décrite par des images verticales qui dépassent le simple horizon humain. On proclame: le Seigneur est "très haut", il "s'élève pour siéger", et personne ne peut l'égaler; même pour regarder les cieux il doit se "baisser" car "plus haut que tous les cieux, sa gloire" (v. 4).

Le regard divin se dirige sur toute la réalité, sur les êtres terrestres et sur les êtres célestes. Toutefois, ses yeux ne sont pas hautains et détachés, comme ceux d'un empereur distant. Le Seigneur - dit le Psalmiste - "s'abaisse pour voir" (v. 6).

4. On passe ainsi au dernier mouvement du Psaume (cf. vv. 7-9), qui déplace l'attention des hauteurs célestes jusqu'à notre horizon terrestre. Le Seigneur se baisse avec prévenance sur notre petitesse et notre indigence, qui nous inciterait à nous replier avec crainte. Il va directement, avec son regard plein d'amour et son engagement efficace, vers les derniers et les misères du monde: "De la poussière il relève le faible, du fumier il retire le pauvre" (v. 7).

Dieu se penche donc sur les indigents et ceux qui souffrent pour les réconforter et cette parole trouve sa dernière force, son dernier réalisme dans le moment où Dieu se penche au point de s'incarner, de devenir l'un de nous, et précisément l'un des pauvres du monde. Il confère au pauvre le plus grand honneur, celui de s'"asseoir au rang des princes"; oui, "au rang des princes de son peuple" (v. 8). A la femme seule et stérile, humiliée par la société de l'Antiquité comme si elle était une branche sèche et inutile, Dieu donne l'honneur et la grande joie d'avoir de nombreux enfants (cf. v. 9). Le Psalmiste loue donc un Dieu bien différent de nous dans sa grandeur, mais en même temps très proche de ses créatures qui souffrent.

Il est facile de découvrir dans ces versets finaux du Psaume 112, la préfiguration des paroles de Marie dans le Magnificat, le cantique des choix de Dieu "qui a jeté les yeux sur l'humilité de sa servante". Plus radicale que notre Psaume, Marie proclame que Dieu "a renversé les potentats de leur trône et élevé les humbles" (cf. Lc 1,48-52 cf. Ps 112,6-8).

5. Un "Hymne vespéral" très ancien, conservé dans ce qu'on appelle les Constitutions des Apôtres (VII, 48), reprend et développe le début joyeux de notre Psaume. Nous le rappelons ici, au terme de notre réflexion, pour mettre en lumière la relecture "chrétienne" que la communauté des débuts faisait des Psaumes: "Louez, enfants, le Seigneur, / louez le nom du Seigneur. / Nous te louons, nous te chantons, nous te bénissons / pour ta gloire immense. / Seigneur roi, Père du Christ agneau immaculé, /qui enlève le péché du monde. / A toi revient la louange, à toi l'hymne, à toi la gloire, / à Dieu le Père, par l'intermédiaire du Fils dans l'Esprit Saint / pour les siècles des siècles. Amen" (S. Pricoco - M. Simonetti, La prière des chrétiens, Milan 2000, p. 97).
* * *


J’accueille avec joie les pèlerins de langue française. Je salue en particulier le groupe de malades parkinsoniens venant de France, ainsi que les jeunes du lycée de Saint-Bonnet de Galaure et du collège Saint-Jean d’Hulst de Versailles. Vous aussi, faites monter vers le Seigneur votre action de grâces, car il n’oublie aucun de vous!



Mercredi 25 mai 2005 - Action de grâce dans le temple - Lecture: cf. Ps 115,10-13 115,18-19

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Ps 115,10-13 Ps 115,18-19

1. Le Psaume 115 avec lequel nous venons de prier a toujours été utilisé dans la tradition chrétienne, à partir de saint Paul qui, citant son début dans la traduction grecque des Septante, écrit ainsi aux chrétiens de Corinthe: "Mais, possédant ce même esprit de foi, selon ce qui est écrit: J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, nous aussi nous croyons, et c'est pourquoi nous parlons" (2Co 4,13).

L'Apôtre se sent en accord spirituel avec le Psalmiste dans la confiance sereine et dans le témoignage sincère, malgré les souffrances et les faiblesses humaines. Ecrivant aux Romains, Paul reprendra le v. 2 du Psaume, et décrira le contraste entre le Dieu fidèle et l'homme incohérent: "Dieu est véridique et tout homme menteur" (Rm 3,4).

La tradition chrétienne a lu, prié et interprété le texte dans divers contextes et apparaît ainsi toute la richesse et la profondeur de la Parole de Dieu, qui ouvre de nouvelles dimensions et de nouvelles situations.

Au début, il a surtout été lu comme un texte du martyre, mais ensuite, dans la paix de l'Eglise, il est devenu toujours plus un texte eucharistique, à cause de l'expression "la coupe du salut".

En réalité, le Christ est le premier martyr. Il a donné sa vie dans un contexte de haine et de fausseté, mais il a transformé cette passion - et ainsi ce contexte également - dans l'Eucharistie: en une fête d'action de grâce. L'Eucharistie est remerciement: "Je lèverai la coupe du salut".

2. Le Psaume 115, dans l'original en hébreu, constitue une unique composition avec le Psaume précédent, le 114. Tous les deux constituent un remerciement unitaire, adressé au Seigneur qui délivre du cauchemar de la mort, des contextes de haine et de mensonge.

Dans notre texte apparaît le souvenir d'un passé angoissant: l'orant a gardé haute la flamme de la foi, même lorsque sur ses lèvres affleurait l'amertume du désespoir et du malheur (cf. Ps 115,10). En effet, tout autour s'élevait comme un mur glacial de haine et de tromperie, car son prochain se révélait faux et infidèle (cf. v. 11). Cependant, la supplication se transforme à présent en gratitude car le Seigneur est resté fidèle dans ce contexte d'infidélité et a libéré son fidèle du gouffre obscur du mensonge (cf. v. 12). Et ainsi, ce Psaume est toujours pour nous un texte d'espérance, car même dans les situations difficiles, le Seigneur ne nous abandonne pas, c'est pourquoi nous devons garder haute la flamme de la foi.

L'orant se dispose donc à offrir un sacrifice d'action de grâce, au cours duquel on boira à la coupe rituelle, la coupe de la libation sacrée qui est signe de reconnaissance pour la libération (cf. v. 13). La Liturgie est donc le lieu privilégié où élever la louange reconnaissante au Dieu Sauveur.

3. En effet, on mentionne de façon explicite non seulement le rite du sacrifice, mais également l'assemblée de "tout le peuple", devant lequel l'orant accomplit son voeu et témoigne de sa foi (cf. v. 14). Ce sera dans cette circonstance qu'il rendra son remerciement public, sachant bien que même lorsque la mort incombe, le Seigneur est penché sur lui avec amour. Dieu n'est pas indifférent au drame de sa créature, mais brise ses chaînes (cf. v. 16).

L'orant sauvé de la mort se sent "serviteur" du Seigneur, "fils de sa servante" (ibid.), une belle expression orientale pour indiquer celui qui est né dans la même maison que le père. Le Psalmiste professe humblement et avec joie son appartenance à la maison de Dieu, à la famille des créatures unies à lui dans l'amour et dans la fidélité.

4. Le Psaume, toujours à travers les paroles de l'orant, se termine en évoquant à nouveau le rite d'action de grâce qui sera célébré dans le cadre du temple (cf. vv. 17-19). Sa prière se placera ainsi à un niveau communautaire. Son histoire personnelle est racontée afin qu'elle constitue pour tous une incitation à croire et à aimer le Seigneur. En toile de fond, nous pouvons donc apercevoir le Peuple de Dieu tout entier alors qu'il rend grâce au Seigneur de la vie, qui n'abandonne pas le juste dans l'abîme obscur de la douleur et de la mort, mais le guide vers l'espérance et la vie.

5. Nous concluons notre réflexion en nous confiant aux paroles de saint Basile le Grand qui, dans l'Homélie sur le Psaume 115, commente ainsi la question et la réponse présentes dans le Psaume: "Comment rendrai-je à Yahvé tout le bien qu'il m'a fait? J'élèverai la coupe du salut. Le Psalmiste a compris les très nombreux dons reçus de Dieu: du "non-être", il a été conduit à l'"être", il a été façonné à partir de la terre et doté de raison... il a ensuite découvert l'économie du salut en faveur du genre humain, reconnaissant que le Seigneur s'est donné lui-même en rédemption à notre place à tous; et il reste indécis, en cherchant parmi toutes les choses qui lui appartiennent, se demandant quel don il pourra jamais trouver qui soit digne du Seigneur. Comment rendrai-je à Yahvé? Ni sacrifices, ni holocaustes... mais ma vie tout entière. C'est pourquoi il dit: J'élèverai la coupe du salut, appelant coupe la souffrance au cours du combat spirituel, la résistance au péché jusqu'à la mort. C'est du reste ce que notre Sauveur enseigna dans l'Evangile: Père, si cela est possible, éloigne de moi cette coupe; et il dit ensuite aux disciples: pouvez-vous boire la coupe que je boirai?, signifiant clairement la mort qu'il accueillait pour le salut du monde" (PG XXX, 109), transformant ainsi le monde de péché en un monde racheté, en un monde d'action de grâce pour la vie qui nous a été donnée par le Seigneur.
* * *


Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier tous les jeunes. Demain, en la solennité du Corpus Domini, je présiderai la Messe à 19 heures, sur le parvis de la Basilique Saint-Jean de Latran. Puis suivra la traditionnelle procession jusqu’à Sainte-Marie Majeure. Je vous invite à participer nombreux à cette célébration, afin d’exprimer ensemble notre foi au Christ, vivant et présent dans l’Eucharistie.



Mercredi 1er juin 2005 - Le Christ, serviteur de Dieu - Lecture: Ph 2, 6-11

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Ph 2,6-11

1. Au cours de chaque célébration dominicale des Vêpres, la liturgie nous repropose le bref mais intense hymne christologique de la Lettre aux Philippiens (cf. 2, 6-11). Il s'agit de l'hymne qui vient de retentir que nous abordons dans sa première partie (cf. vv. 6-8), dans laquelle se dessine le paradoxal "dépouillement" du Verbe divin, qui dépose sa gloire et assume la condition humaine.

Le Christ incarné et humilié par la mort la plus infâme, celle de la crucifixion, est proposé comme un modèle de vie pour le chrétien. Celui-ci, en effet, - comme on l'affirme dans ce contexte - doit avoir "les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus" (v. 5), des sentiments d'humilité et de dévouement, de détachement et de générosité.

2. Bien sûr, il possède la nature divine avec toutes ses prérogatives. Mais cette réalité transcendante n'est pas interprétée et vécue à l'enseigne du pouvoir, de la grandeur, de la domination. Le Christ n'utilise pas le fait d'être égal à Dieu, sa dignité glorieuse et sa puissance comme un instrument de triomphe, un signe d'éloignement, une expression d'écrasante suprématie (cf. v. 6). Au contraire, il "se dépouilla", il se vida lui-même, se plongeant sans réserve dans la misérable et faible condition humaine. La "forme" (morphe) divine se cache dans le Christ sous la "forme" (morphe) humaine, c'est-à-dire sous notre réalité marquée par la souffrance, par la pauvreté, par les limitations et par la mort (cf. v. 7).

Il ne s'agit donc pas d'une simple enveloppe extérieure, d'une apparence changeante, comme on croyait que c'était le cas pour les divinités de la culture gréco-romaine: la réalité du Christ est la réalité divine dans une expérience authentiquement humaine. Dieu n'apparaît pas seulement comme homme, mais il se fait homme, et devient réellement l'un de nous, il devient réellement "Dieu-avec-nous", qui ne se contente pas de nous regarder d'un oeil bienveillant depuis le trône de sa gloire, mais qui se plonge personnellement dans l'histoire humaine, devenant "chair"; c'est-à-dire réalité fragile, conditionnée par le temps et par l'espace (cf. Jn 1,14).

3. Ce partage radical et véritable de la condition humaine, à l'exclusion du péché (cf. He 4,15), conduit Jésus jusqu'à la frontière qui est le signe de notre finitude et de notre caducité, la mort. Cependant, celle-ci n'est pas le fruit d'un mécanisme obscur ou d'une fatalité aveugle: elle naît de son libre choix d'obéissance au dessein de salut du Père (cf. Ph 2,8).

L'Apôtre ajoute que la mort au devant de laquelle Jésus se dirige est celle sur la croix, c'est-à-dire la plus dégradante, voulant ainsi être véritablement le frère de chaque homme et de chaque femme, également de ceux destinés à une fin atroce et ignominieuse.

Mais, précisément dans sa passion et dans sa mort, le Christ témoigne de son adhésion libre et consciente à la volonté du Père, comme on le lit dans la Lettre aux Hébreux: "Tout fils qu'il était, il apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance" (He 5,8).

Arrêtons-nous ici dans notre réflexion sur la première partie de l'hymne christologique, centré sur l'incarnation et sur la passion rédemptrice. Nous aurons ensuite l'occasion d'approfondir l'itinéraire à venir, l'itinéraire pascal, qui conduit de la croix à la gloire. L'élément fondamental de cette première partie de l'hymne me semble être l'invitation à entrer dans les sentiments de Jésus. Entrer dans les sentiments de Jésus signifie ne pas considérer le pouvoir, la richesse, le prestige, comme les valeurs suprêmes de notre vie, car au fond, elles ne répondent pas à la soif la plus profonde de notre esprit, mais ouvrir notre coeur à l'Autre, porter avec l'Autre le poids de notre vie et nous ouvrir au Père qui est dans les Cieux avec un sentiment d'obéissance et de confiance, en sachant que c'est précisément dans la mesure où nous serons obéissants au Père, que nous serons libres. Entrer dans les sentiments de Jésus: cela devrait être l'exercice quotidien à vivre en tant que chrétiens.

4. Nous concluons notre réflexion par un grand témoin de la tradition orientale, Théodoret qui fut Evêque de Cyr, en Syrie, au V siècle: "L'incarnation de notre Sauveur représente le plus haut accomplissement de la sollicitude de Dieu pour les hommes. En effet, ni le ciel ni la terre, ni la mer ni l'air, ni le soleil ni la lune, ni les astres, ni tout l'univers visible et invisible, créé par sa seule parole ou plutôt porté à la lumière par sa parole conformément à sa volonté, n'indiquent son incommensurable bonté autant que le fait que le Fils unique de Dieu - celui qui était de condition divine (cf. Ph 2,6), reflet de sa gloire, empreinte de sa substance (cf. He 1,3), qui était au commencement, qui était auprès de Dieu et était Dieu, à travers qui ont été faites toutes les choses (cf. Jn 1,1-3) -, après avoir assumé la nature de serviteur, apparut sous forme d'homme, en raison de sa figure humaine fut considéré comme un homme, fut vu sur la terre, eut des relations avec les hommes, se chargea de nos infirmités et prit sur lui nos maladies" (Discours sur la Providence divine, 10: Collection de textes patristiques, LXXV, Rome 1988, pp. 250-251).

Théodoret de Cyr poursuit sa réflexion en mettant précisément en lumière le lien subtil souligné par l'hymne de la Lettre aux Philippiens entre l'incarnation de Jésus et la rédemption des hommes. "Avec sagesse et justice, le Créateur travailla pour notre salut. Car il n'a pas pas voulu se servir uniquement de sa puissance pour nous offrir le don de la liberté, ni utiliser uniquement sa miséricorde contre celui qui a assujetti le genre humain, afin que celui-ci n'accuse pas la miséricorde d'injustice, mais il a imaginé une voie riche d'amour pour les hommes et, dans le même temps, empreinte de justice. En effet, après avoir uni à lui la nature de l'homme désormais vaincue, il la conduit à la lutte et la dispose à réparer la défaite, à battre celui qui autrefois avait injustement remporté la victoire, à se libérer de la tyrannie de celui qui l'avait cruellement rendu esclave et à retrouver la liberté originelle" (ibid; PP 251-252).
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les jeunes du collège Saint-Exupéry, d’Épinal. Puisse votre pèlerinage à Rome vous enraciner toujours plus dans l’intimité avec le Christ, mort et ressuscité pour que vous ayez la vie en abondance !




Catéchèses Benoît XVI