Catéchèses Benoît XVI 8065

Mercredi 8 juin 2005 - Grandes sont les oeuvres du Seigneur - Lecture: Ps 110, 1-2.4-5.10

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Ps 110,1-2 Ps 110,4-5 Ps 110,10

Chers frères et soeurs,

1. Aujourd'hui souffle un vent fort. Dans l'Ecriture Sainte, le vent est le symbole de l'Esprit Saint. Espérons que l'Esprit Saint nous illumine à présent dans notre méditation sur le Psaume 110 que nous venons d'entendre. Dans ce Psaume, nous rencontrons une hymne de louange et d'action de grâce pour les nombreux bienfaits qui définissent Dieu dans ses attributs et dans son oeuvre de salut: on parle de "pitié", de "tendresse", de "justice", de "puissance", de "vérité", de "droiture", de "fidélité", d'"alliance", d'"oeuvres", de "prodiges", et même de "nourriture" qu'il donne et, à la fin, de son "nom" glorieux, c'est-à-dire de sa personne. La prière est donc une contemplation du mystère de Dieu et des merveilles qu'il accomplit dans l'histoire du salut.

2. Le Psaume s'ouvre par le verbe du remerciement, qui s'élève non seulement du coeur de l'orant, mais également de toute l'assemblée liturgique (cf. v. 1). L'objet de cette prière, qui comprend également le rite de l'action de grâce, est exprimé par le mot "oeuvres" (cf. vv. 2.3.6.7). Celles-ci indiquent les interventions salvifiques du Seigneur, manifestations de sa "justice" (cf. v. 3), un terme qui, dans le langage biblique, indique avant tout l'amour qui engendre le salut.

C'est pourquoi le coeur du Psaume se transforme en un hymne à l'alliance (cf. vv. 4-9), à ce lien intime qui relie Dieu à son peuple et qui comprend une série d'attitudes et de gestes. Ainsi, on parle de "tendresse et pitié" (cf. v. 4), dans le sillage des grandes proclamations du Sinaï: "Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité" (Ex 34,6).

La "pitié" est la grâce divine qui enveloppe et transfigure le fidèle, alors que la "tendresse" est exprimée dans l'original hébreu par un terme caractéristique qui renvoie aux "entrailles" maternelles du Seigneur, encore plus miséricordieuses que celles d'une mère (cf. Is Is 49,15).

3. Ce lien d'amour comprend le don fondamental de la nourriture et donc de la vie (cf. Ps 110,5) qui, dans la relecture chrétienne, sera identifié avec l'Eucharistie, comme le dit saint Jérôme: "Il donna le pain descendu du ciel en nourriture: si nous en sommes dignes, mangeons-en!" (Breviarium in Psalmos, 110: PL XXVI, 1238-1239).

Il y a ensuite le don de la terre, "l'héritage des nations" (Ps 110,6), qui fait allusion au grand événement de l'Exode, lorsque le Seigneur se révèle comme le Dieu de la libération. La synthèse du corps central de ce chant est donc à rechercher dans le thème du pacte spécial entre le Seigneur et son peuple, comme le déclare de façon lapidaire le v. 9: "Il déclare pour toujours son alliance".

4. Le Psaume 110 est scellé à la fin par la contemplation du visage divin, de la personne du Seigneur, exprimée à travers son "nom" saint et transcendant. En citant ensuite un proverbe sapientiel (cf. Pr Pr 1,7 Pr 9,10 Pr 15,33), le Psalmiste invite chaque fidèle à cultiver "la crainte de Yahvé" (Ps 110,10), début de la véritable sagesse. Sous ce terme ne se cachent pas la peur et la terreur, mais le respect sérieux et sincère qui est fruit de l'amour, l'adhésion authentique et active au Dieu libérateur. Et si la première parole du chant avait été celle de l'action de grâce, la dernière est celle de la louange: de même que la justice salvifique du Seigneur "demeure à jamais" (v. 3), la gratitude de l'orant ne connaît pas de pause, elle retentit dans la prière "à jamais" (v. 10). Pour résumer, le Psaume nous invite à la fin à redécouvrir les nombreuses bonnes choses que le Seigneur nous donne chaque jour. Nous voyons plus facilement les aspects les plus négatifs de notre vie. Le Psaume nous invite à voir également les choses positives, les nombreux dons que nous recevons, en trouvant ainsi la gratitude, car seul un coeur reconnaissant peut célébrer dignement la grande liturgie de la gratitude, l'Eucharistie.

5. En conclusion de notre réflexion, nous voudrions méditer avec la tradition ecclésiale des premiers siècles chrétiens le verset final et sa célèbre déclaration, répétée ailleurs dans la Bible (cf. Pr Pr 1,7): "Principe du savoir: la crainte de Yahvé" (Ps 110,10).

L'auteur chrétien Barsanuphe de Gaza (qui vécut dans la première moitié du VI siècle) le commente ainsi: "Qu'est-ce que le principe du savoir, si ce n'est s'abstenir de tout ce qui est odieux à Dieu? Et de quelle façon quelqu'un peut-il s'en abstenir, sinon en évitant de faire quoi que ce soit sans avoir demandé conseil, ou en ne disant rien que l'on ne doive dire et, en outre, en se considérant soi-même, fou, sot, méprisable et moins que rien? (Epistolario, 234: Collection de textes patristiques, XCIII, Rome 1991, pp. 265-266).

Jean Cassien (qui vécut entre le IV et le V siècle) préférait toutefois préciser qu'"il y a une grande différence entre l'amour, auquel rien ne manque et qui est le trésor de la sagesse et de la science, et l'amour imparfait, dénommé "principe du savoir"; celui-ci, contenant en lui l'idée du châtiment, est exclu du coeur des parfaits en atteignant la plénitude de l'amour" (Conférence aux moines, 2, 11, 13: Collection de textes patristiques, CLVI, Rome 2000, p. 29). Ainsi, sur le chemin de notre vie vers le Christ, la crainte servile qu'il y a au début laisse place à une crainte parfaite qui est amour, don de l'Esprit Saint.

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Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones présents ce matin, notamment un groupe de pèlerins du Gabon. Que le Christ, qui appelle tous ses disciples à grandir dans la sainteté, vous donne de répondre généreusement à ses appels! À tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.




Mercredi 15 juin 2005 - La confiance du peuple est dans le Seigneur - Lecture: Ps 122, 1-4

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Ps 122,1-4

Chers frères et soeurs,

Vous avez malheureusement souffert sous la pluie. Espérons maintenant que le temps s'améliore.

1. Dans l'Evangile, Jésus affirme de façon très incisive que l'oeil est un symbole expressif du moi profond, il est un reflet de l'âme (cf. Mt 6,22-67). A ce propos, le Psaume 122, qui vient d'être proclamé, est entièrement contenu dans un échange de regards: le fidèle lève les yeux vers le Seigneur et attend une réaction divine, pour y saisir un geste d'amour, un regard de bienveillance. Nous aussi, nous levons les yeux et attendons un geste de bienveillance du Seigneur.

Dans le Psautier, il n'est pas rare que l'on parle du regard du Très-Haut qui "des cieux se penche vers les fils d'Adam pour voir s'il en est un de sensé, un qui cherche Dieu" (Ps 13,2). Le Psalmiste, comme nous l'avons entendu, a recours à une image, celle du serviteur et de l'esclave qui sont tournés vers leur patron dans l'attente d'une décision libératrice.

Même si la scène est liée au monde antique et à ses structures sociales, l'idée est claire et significative: cette image reprise du monde de l'Orient antique désire exalter l'adhésion du pauvre, l'espérance de l'opprimé et la disponibilité du juste à l'égard du Seigneur.

2. L'orant est dans l'attente que les mains divines bougent, car celles-ci agiront selon la justice, détruisant le mal. C'est pourquoi dans le Psautier, l'orant lève souvent son regard plein d'espérance vers le Seigneur: "Mes yeux sont fixés sur Yahvé, car il tire mes pieds du filet" (Ps 24,15), alors que "mes yeux sont consumés d'attendre mon Dieu" (Ps 68,4).

Le Psaume 122 est une supplication dans laquelle la voix d'un fidèle s'unit à celle de la communauté tout entière: en effet, le Psaume passe de la première personne du singulier - "j'ai les yeux levés" - à celle du pluriel - "nos yeux" et "qu'il nous prenne en pitié" (cf. vv. 1-3). On exprime l'espérance que les mains du Seigneur s'ouvrent pour dispenser des dons de justice et de liberté. Le juste attend que le regard de Dieu se révèle dans toute sa tendresse et sa bonté, comme on le lit dans l'antique bénédiction sacerdotale du Livre des Nombres: "Que Yahvé fasse pour toi rayonner son visage et te fasse grâce! Que Yahvé te découvre sa face et t'apporte la paix" (Nb 6,25-26).

3. L'importance du regard plein d'amour de Dieu est révélée dans la deuxième partie du Psaume, caractérisée par l'invocation: "Pitié pour nous, Yahvé, pitié pour nous" (Ps 122,3). Celle-ci se place en continuité avec le final de la première partie, où l'on réaffirme l'attente confiante "tant qu'il [Yahvé] nous prenne en pitié" (v. 2).

Les fidèles ont besoin d'une intervention de Dieu car ils se trouvent dans une situation pénible de mépris et de moqueries de la part de personnes orgueilleuses. L'image que le Psalmiste utilise à présent est celle de la satiété: "trop de mépris nous rassasie; notre âme est par trop rassasiée des sarcasmes des satisfaits! Le mépris est pour les orgueilleux" (vv. 3-4).

A la traditionnelle satiété biblique de nourriture et d'années, considérée comme un signe de la bénédiction divine, s'oppose à présent une intolérable satiété constituée par un poids exorbitant d'humiliations. Et nous savons qu'aujourd'hui, de nombreux pays, de nombreuses personnes sont accablés par les humiliations, trop las des humiliations des satisfaits, du mépris des orgueilleux. Prions pour eux et aidons nos frères humiliés.

C'est pourquoi les justes ont confié leur cause au Seigneur et celui-ci ne reste pas indifférent devant ces yeux implorants, il n'ignore pas leur invocation et la nôtre, il ne déçoit pas leur espérance.

4. Pour finir, laissons place à la voix de saint Ambroise, le grand Archevêque de Milan, qui, dans l'esprit du Psalmiste, décrit de manière poétique l'oeuvre de Dieu qui nous atteint en Jésus Sauveur: "Le Christ est tout pour nous. Si tu veux soigner une blessure, il est le médecin; si tu brûles de fièvre, il est une fontaine; si tu es opprimé par l'injustice, il est justice; si tu as besoin d'aide, il est force; si tu crains la mort, il est la vie; si tu désires le ciel, il est la voie; si tu fuis les ténèbres, il est la lumière; si tu cherches la nourriture, il est un aliment" (La virginité, 99: SAEMO, XIV/2, Milan-Rome 1989, p. 81).
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents ce matin, spécialement les jeunes du Grand Séminaire de Strasbourg et leurs formateurs. Puisse votre pèlerinage à Rome affermir votre confiance dans le Seigneur et votre désir d’annoncer sa Bonne Nouvelle!



Mercredi 22 juin 2005 - Notre aide est dans le nom du Seigneur - Lecture: Ps 123, 1-6.8

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Ps 123,1-6 Ps 123,8

1. Voilà devant nous le Psaume 123, un chant d'action de grâce entonné par la communauté en prière qui élève à Dieu sa louange pour le don de la libération. Le Psalmiste proclame en ouverture cette invitation: "A Israël de le dire!" (v. 1), encourageant ainsi tout le peuple à élever une action de grâce vivante et sincère au Dieu sauveur. Si le Seigneur ne s'était pas rangé du côté des victimes, celles-ci, avec leurs forces limitées, auraient été impuissantes à se libérer et leurs adversaires, semblables à des monstres, les auraient déchirées et anéanties.

Même si l'on a pensé à quelque événement historique particulier, comme la fin de l'exil de Babylone, il est plus probable que le Psaume soit un hymne visant à rendre grâce au Seigneur pour les dangers auxquels on a échappé et à implorer de Lui la libération de tout mal. En ce sens, celui-ci demeure un Psaume toujours actuel.

2. Après l'évocation initiale de certains "hommes" qui sautaient sur les fidèles et étaient capables de les "avaler tout vifs" (cf. vv. 2-3), le cantique se divise en deux moments. Dans la première partie dominent les flots en furie, symbole dans la Bible du chaos dévastateur, du mal et de la mort: "Alors les eaux nous submergeaient, le torrent passait sur nous, alors il passait sur notre âme en eaux écumantes" (vv. 4-5). L'orant éprouve à présent la sensation de se trouver sur une plage, miraculeusement sauvé de la furie impétueuse de la mer.

La vie de l'homme est entourée des pièges des méchants qui non seulement attentent à son existence, mais veulent aussi détruire toutes les valeurs humaines. Voyons comment ces dangers existent aussi à présent. Mais - nous pouvons en être sûrs aujourd'hui aussi - le Seigneur se dresse pour protéger le juste et le sauve, comme on le chante dans le Psaume 17: "Il envoie d'en-haut et me prend, il me retire des grandes eaux, il me délivre d'un puissant ennemi, d'adversaires plus forts que moi [...] Yahvé fut pour moi un appui: il m'a dégagé, mis au large, il m'a sauvé car il m'aime" (vv. 17-20). Le Seigneur nous aime vraiment: telle est notre certitude et tel est le motif de notre grande confiance.

3. Dans la seconde partie de notre cantique d'action de grâce, on passe d'une image maritime à une scène de chasse, typique de plusieurs Psaumes de supplique (cf. Ps 123,6-8). Voici, en effet, l'évocation d'un fauve qui tient sa proie entre ses dents, ou d'un filet de chasseur qui capture un oiseau. Mais la bénédiction exprimée par le Psaume nous fait comprendre que le destin des fidèles, qui était un destin de mort, a été radicalement changé par une intervention salvifique: "Béni Yahvé qui n'a point fait de nous la proie de leurs dents! Notre âme comme un oiseau s'est échappée du filet de l'oiseleur. Le filet s'est rompu et nous avons échappé" (vv. 6-7).

La prière devient ici un souffle de soulagement qui s'élève du plus profond de l'âme: même lorsque toutes les espérances humaines tombent, la puissance libératrice de Dieu peut apparaître. Le Psaume peut donc se conclure par une profession de foi, entrée depuis des siècles dans la liturgie chrétienne comme prémices idéales de chacune de nos prières: "Adiutorium nostrum in nomine Domini, qui fecit caelum et terram - Notre secours est dans le nom de Yahvé qui a fait le ciel et la terre" (v. 8). En particulier, le Tout-Puissant se range du côté des victimes et des persécutés "qui crient vers lui jour et nuit" et "il leur fera prompte justice" (cf. Lc 18,7-8).

4. Saint Augustin effectue un commentaire détaillé de ce Psaume. Dans un premier temps, il observe que ce Psaume est chanté de façon adéquate par les "membres du Christ [...] dans leur allégresse". Puis, en particulier, "les martyrs ont chanté ce cantique, ils sont délivrés et tressaillent avec le Christ qui leur redonnera incorruptibles ces mêmes corps qu'ils ont eu dans la corruption, et dans lesquels ils ont tant souffert: ils seront pour eux des ornements de justice". Et saint Augustin parle des martyrs de tous les siècles, également de notre siècle.

Mais, dans un deuxième temps, l'Evêque d'Hippone nous dit que nous aussi, et pas seulement les bienheureux au ciel, nous pouvons chanter ce Psaume dans l'espérance. Il déclare: "Soit donc que les martyrs chantent ce cantique dans la réalité de leur bonheur, soit que nous le chantions par l'espérance, et que nous unissions nos transports à leurs couronnes, en soupirant après cette vie que nous n'avons pas et que nous ne pourrons avoir, si nous ne l'avons pas désirée ici-bas, chantons avec eux".

Saint Augustin revient alors à la première perspective et explique: "Voilà qu'ils [les saints] ont jeté les yeux sur les quelques tribulations qu'ils ont endurées, et du lieu de bonheur et de sûreté où ils sont établis, ils regardent par où ils sont passés, et où ils sont arrivés; et comme il était difficile d'échapper à tant de maux sans la main du libérateur, ils redisent avec joie: "Si le Seigneur n'eût été avec nous". Tel est le commencement de leur cantique; ils n'ont point dit encore d'où ils sont délivrés, tant est grande leur joie" (Discours sur le Psaume 123, 3: Nuova Biblioteca Agostiniana, XXVIII, Roma 1977, p. 65).

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J'accueille avec joie les pèlerins de langue française. Je salue en particulier les Petites Soeurs de Jésus qui se préparent à prononcer leurs voeux perpétuels, ainsi que les jeunes. Que le nom du Seigneur soit toujours la source de votre joie et votre aide sur le chemin de la vie.



Mercredi 6 juillet 2005 - Dieu Sauveur - Lecture: Ep 1, 3.7-8

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Ep 1,3 Ep 1,7-8

Chers frères et soeurs,

1. Nous venons d'écouter aujourd'hui non pas un psaume, mais un hymne tiré de la Lettre aux Ephésiens (cf. Ep 1,3-14), un hymne qui revient dans la Liturgie des Vêpres de chacune des quatre semaines. Cet hymne est une prière de bénédiction adressée à Dieu le Père. Son développement vise à retracer les différentes étapes du plan de salut qui s'accomplit à travers l'oeuvre du Christ.

Au centre de la bénédiction retentit le terme grec mysterion, un terme généralement associé aux verbes de la révélation ("révéler", "connaître", "manifester"). En effet, tel est le grand projet secret que le Père avait conservé en lui-même de toute éternité (cf. v. 9) et qu'il a décidé de réaliser et de révéler "quand les temps seraient accomplis" (cf. v. 10) en Jésus Christ, son Fils.

Les étapes de ce plan sont rythmées dans l'hymne par les actions salvifiques de Dieu, par le Christ, dans l'Esprit. Tout d'abord - tel est le premier acte -, le Père nous choisit de toute éternité pour que nous avancions saints et immaculés dans l'amour (cf. v. 4), ensuite il nous prédestine à devenir ses fils (cf. vv. 5-6), en outre il nous rachète et nous remet nos péchés (cf. vv. 7-8), il nous révèle pleinement le mystère du salut dans le Christ (cf. vv. 9-10), enfin, il nous donne l'héritage éternel (cf. vv. 11-12) en nous en offrant dès à présent les arrhes dans le don de l'Esprit Saint en vue de la résurrection finale (cf. vv. 13-14).

2. Les événements salvifiques qui se succèdent dans le déroulement de l'hymne sont donc multiples. Ils concernent les trois Personnes de la Très Sainte Trinité: on part du Père, qui est l'initiateur et l'artisan suprême du plan de salut; on fixe le regard sur le Fils qui réalise le dessein au sein même de l'histoire; on parvient à l'Esprit Saint, qui imprime son "sceau" à toute l'oeuvre du salut. Nous nous arrêtons à présent brièvement sur les deux premières étapes, celles de la sainteté et de la filiation (cf. vv. 4-6).

Le premier geste divin, révélé et réalisé dans le Christ, est l'élection des croyants, fruit d'une initiative libre et gratuite de Dieu. Au début, donc, "dès avant la fondation du monde" (v. 4), dans l'éternité de Dieu, la grâce divine est disponible pour entrer en action. Je suis ému en méditant cette vérité: de toute éternité, nous sommes devant les yeux de Dieu et il a choisi de nous sauver. Cet appel a comme contenu notre "sainteté", un grand mot. La sainteté est la participation à la pureté de l'Etre divin. Mais nous savons que Dieu est charité. Et participer à la pureté divine signifie donc participer à la "charité" de Dieu, nous conformer à Dieu qui est "charité": "Dieu est amour" (1Jn 4,8 1Jn 4,16): telle est la vérité réconfortante qui nous fait également comprendre que la "sainteté" n'est pas une réalité éloignée de notre vie, mais dans la mesure où nous pouvons devenir des personnes qui aiment avec Dieu, nous entrons dans le mystère de la "sainteté". L'agape devient ainsi notre réalité quotidienne. Nous sommes donc transportés sur l'horizon sacré et vital de Dieu lui-même.

3. Dans cette direction, on procède vers l'autre étape, elle aussi contemplée dans le plan divin de toute éternité: notre "prédestination" à devenir fils de Dieu. Non seulement des créatures humaines, mais qui appartiennent réellement à Dieu comme ses fils.

Paul exalte ailleurs (cf. Ga 4,5 Rm 8,15 Rm 8,23) cette condition sublime de fils, qui implique et résulte de la fraternité avec le Christ, le Fils par excellence, "l'aîné d'une multitude de frères" (Rm 8,29) et l'intimité à l'égard du Père céleste qui peut désormais être invoqué comme Abbá, auquel nous pouvons dire "père cher", dans un sentiment de véritable familiarité avec Dieu, dans une relation de spontanéité et d'amour. Nous nous trouvons donc en présence d'un don immense rendu possible par le "consentement de la volonté" divine et par la "grâce", expression lumineuse de l'amour qui sauve.

4. Nous nous en remettons à présent, en conclusion, au grand Evêque de Milan, saint Ambroise, qui dans l'une de ses lettres, commente les paroles de l'Apôtre Paul aux Ephésiens, s'arrêtant précisément sur le riche contenu de notre hymne christologique. Il souligne tout d'abord la grâce surabondante avec laquelle Dieu a fait de nous ses fils adoptifs en Jésus Christ. "Il ne faut donc pas douter que les membres soient unis à leur tête, surtout car nous avons été prédestinés dès le début à l'adoption de fils de Dieu, au moyen de Jésus Christ" (Lettre XVI à Irénée, 4: SAEMO, XIX, Milan-Rome 1988, p. 161).

Le saint Evêque de Milan poursuit sa réflexion en observant: "Qui est riche, si ce n'est Dieu seul, créateur de toutes les choses?". Et il conclut: "Mais il est surtout beaucoup plus riche de miséricorde, car il a racheté chacun et - en tant qu'auteur de la nature - il nous a transformés, nous qui selon la nature de la chair, étions fils de la colère et sujets au châtiment, afin que nous soyons des fils de la paix et de la charité" (n. 7: ibidem, p. 163).

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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les séminaristes du diocèse de Versailles, les groupes de jeunes, ainsi que les pèlerins d’Égypte et du Viêt-Nam. Puissiez-vous, à l’occasion de votre séjour à Rome, rendre grâce au Père, par le Fils, dans l’Esprit, lui qui vous appelle à la sainteté et qui fait de vous des fils !



A l'issue de l'Angelus du 10 juillet 2005, le Pape Benoît XVI a annoncé son départ pour le Val d'Aoste:

Demain, je me rendrai dans le Val d'Aoste pour une brève période de repos. Je séjournerai dans la maison qui a accueilli tant de fois le Pape Jean-Paul II. Je remercie tous ceux qui m'accompagneront par la prière, et à vous tous, je dis avec affection: "Au revoir!".



Mercredi 3 août 2005 - Le Seigneur protège son peuple - Lecture: Ps 124, 1-5

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Ps 124,1-5

Frères et soeurs,

1. Au cours de notre rencontre, qui a lieu après mes vacances passées au Val d'Aoste, nous reprenons l'itinéraire que nous accomplissons dans la Liturgie des Vêpres. Le Psaume 124 entre en scène, qui fait partie du recueil intense et suggestif appelé "Psaumes des montées", livret idéal de prières pour le pèlerinage à Sion en vue de la rencontre avec le Seigneur dans le temple (cf. Ps 119-133).

Ce que nous allons méditer à présent brièvement est un texte sapientiel, qui suscite la confiance dans le Seigneur et contient une brève prière (cf. Ps 124,4). La première phrase proclame la stabilité de celui "qui s'appuie sur Yahvé", la comparant à la stabilité "rocheuse" et sûre du "mont Sion", qui, de façon évidente, est due à la présence de Dieu qui est "mon roc et ma forteresse, mon libérateur [...] mon rocher, mon bouclier et ma force de salut", comme l'affirme un autre Psaume (Ps 17,3). Même lorsque le croyant se sent isolé et entouré par les risques et l'hostilité, sa foi doit être sereine. Car le Seigneur est toujours avec nous. Sa force nous entoure et nous protège.

Le prophète Isaïe atteste lui aussi avoir entendu de la bouche de Dieu ces paroles destinées aux fidèles: "Voici que je vais poser en Sion une pierre; une pierre de granit, pierre angulaire, précieuse, pierre de fondation bien assise: celui qui s'y fie ne sera pas ébranlé" (Is 28,16).

2. Mais, continue le Psalmiste, la confiance du fidèle possède un appui supplémentaire: le Seigneur entoure en quelque sorte son peuple pour le défendre, précisément comme les montagnes qui entourent Jérusalem, faisant d'elle une ville fortifiée par des bastions naturels (cf. Ps 124,2). Dans une prophétie de Zaccharie, Dieu dit de Jérusalem: "Quant à moi, je serai pour elle une muraille de feu tout autour et je serai sa gloire" (Za 2,9).

Dans ce climat de confiance radicale, qui est l'atmosphère de la foi, le Psalmiste rassure "les justes", les croyants. Leur situation peut être, en soi, préoccupante à cause de la violence des impies qui veulent imposer leur domination. Il existe également la tentation, pour les justes, de devenir les complices du mal pour éviter de graves inconvénients, mais le Seigneur les protège de l'oppression: "Jamais un sceptre impie ne tombera sur la part des justes" (Ps 124,3); dans le même temps, il les préserve de la tentation "que ne tende au crime la main des justes" (ibid.).

Le Psaume diffuse donc dans l'âme une profonde confiance. Il aide puissamment à affronter les situations difficiles, lorsqu'à la crise extérieure de l'isolement, de l'ironie, du mépris à l'égard des croyants, on associe la crise interne faite de découragement, de médiocrité, de lassitude. Nous connaissons cette condition, mais le Psaume nous dit que si nous avons confiance, nous sommes plus forts que ces maux.

3. Le final du Psaume contient une invocation adressée au Seigneur en faveur des "gens de bien" et de ceux qui "ont au coeur la droiture" (cf. v. 4) et une annonce de malheur contre "les tortueux, les dévoyés" (v. 5). D'une part, le Psalmiste demande que le Seigneur se manifeste comme un père bienveillant envers les justes et les fidèles qui tiennent haute la flamme de la droiture de vie et de la bonne conscience. D'autre part, on s'attend à ce qu'il se révèle comme le juge juste à l'égard de ceux qui ont marché sur le chemin tortueux du mal, dont l'issue finale est la mort.

Le Psaume est scellé par le salut traditionnel de shalom, de "paix sur Israël", un salut rythmé par assonance sur Jerushalajim, sur Jérusalem (cf. v. 2), la ville symbole de paix et de sainteté. C'est un salut qui devient un voeu d'espérance. Nous pouvons l'expliciter à travers les paroles de saint Paul: "Et à tous ceux qui suivront cette règle paix et miséricorde, ainsi qu'à l'Israël de Dieu" (Ga 6,16).

4. Dans son commentaire à ce Psaume, saint Augustin oppose "ceux qui s'engagent sur des voies tortueuses" à "ceux au coeur droit qui ne s'éloignent pas de Dieu". Si les premiers seront unis par "le destin réservé aux hommes qui commettent l'iniquité", quel sera le sort de ceux "au coeur droit"? Dans l'espoir de participer lui aussi, avec ses fidèles, à l'heureux destin de ces derniers, l'Evêque d'Hippone se demande: "Que posséderons-nous? Quel sera notre héritage? Quelle est notre patrie? Quel est son nom?". Et il répond lui-même, en indiquant son nom - je fais miennes ces paroles -: "La Paix. C'est par la paix que nous vous saluons, c'est la paix que nous vous prêchons, la paix que reçoivent les montagnes, et les collines la justice (cf. Ps 71,3). Cette paix est le Christ: "Car c'est lui qui est notre paix" (Ep 2,14)" (Discours sur les Psaumes, IV; Nuova Biblioteca Agostiniana, XXVIII, Roma 1977, p. 105).

Saint Augustin conclut par une exhortation qui est, dans le même temps, également un voeu: "Soyons Israël, embrassons la paix, puisque Jérusalem est la vision de la paix et que nous sommes Israël, que la paix soit sur Israël" (ibid., p. 107). Et la paix est le Christ
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Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones. Je salue en particulier l’Association Claire Amitié, accompagnée de Mgr Yves Patenôtre, ainsi que le groupe d’Arménie. Que votre pèlerinage à Rome soit une occasion privilégiée de découvrir la nécessité de mettre toute votre confiance dans le Seigneur.



Mercredi 10 août 2005 - Avoir confiance en Dieu comme l'enfant en sa mère - Lecture: Ps 130, 1-3

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Ps 130,1-3

1. Nous n'avons écouté que quelques paroles, une trentaine, de l'original en hébreu du Psaume 130. Et pourtant, il s'agit de paroles intenses qui développent un thème cher à toute la littérature religieuse: l'enfance spirituelle. Cela nous fait spontanément penser à sainte Thérèse de Lisieux, à sa "petite voie", à son désir de "demeurer petite" pour "être entre les bras de Jésus" (cf. Manuscrit "C", 2r°-3v° MSC 2-3: Oeuvres complètes, Cité du Vatican 1997, pp. 235-236).

Au centre du Psaume, en effet, se découpe l'image d'une mère avec son enfant, signe de l'amour tendre et maternel de Dieu, comme l'avait déjà exprimé le prophète Osée: "Quand Israël était jeune, je l'aimai [...] Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d'amour; j'étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue; je m'inclinais vers lui et le faisais manger" (Os 11,1 Os 11,4).

2. Le Psaume s'ouvre par la description d'un comportement contraire à celui de l'enfance, qui est consciente de sa fragilité, mais qui est confiante en l'aide d'autrui. Le Psaume met en scène au contraire le coeur fier, l'orgueil du regard, la "grandeur et les prodiges" (cf. Ps 130,1). C'est la représentation de la personne orgueilleuse, qui est décrite à travers des termes hébreux qui indiquent l'"arrogance" et l'"exaltation", l'attitude arrogante de celui qui regarde les autres avec un sentiment de supériorité, les considérant inférieurs à lui.

La grande tentation de l'orgueilleux, qui veut être comme Dieu, arbitre du bien et du mal (cf. Gn 3,5), est fortement repoussée par l'orant, qui opte pour la confiance humble et spontanée dans l'unique Seigneur.

3. On passe ainsi à l'image inoubliable de l'enfant et de la mère. Le texte original hébreu ne parle pas d'un nouveau-né, mais d'un "petit enfant" (Ps 130,2). Or, on sait que dans l'antiquité, au Proche-Orient, le sevrage se situait officiellement aux alentours des trois ans, et était célébré par une fête (cf. Gn 21,8 1S 1,20-23 2M 7,27).

L'enfant, auquel le Psalmiste fait référence, est lié à la Mère par un rapport désormais plus personnel et intime et non pas par le simple contact physique et la nécessité de se nourrir. Il s'agit d'un lien plus conscient, même s'il est toujours immédiat et spontané. Telle est la parabole idéale de la véritable "enfance" de l'esprit, qui s'abandonne à Dieu non pas de façon aveugle et automatique, mais sereine et responsable.

4. La profession de foi de l'orant s'étend alors à toute la communauté; "Mets ton espoir, Israël, en Yahvé, dès maintenant et à jamais!" (Ps 130,3). L'espérance naît à présent dans tout le peuple, qui reçoit de Dieu sécurité, vie et paix, et se prolonge du présent vers l'avenir, "dès maintenant et à jamais!".

Il est facile de continuer la prière en reprenant d'autres voix présentes dans le Psautier, inspirées par la même confiance en Dieu: "Sur toi je fus jeté au sortir des entrailles dès le ventre de ma mère, mon Dieu c'est toi" (Ps 21,11). "Si mon père et ma mère m'abandonnent, Yahvé m'accueillera" (Ps 26,10). "Car c'est toi mon espoir, Seigneur, Yahvé, ma foi dès ma jeunesse. Sur toi j'ai mon appui dès le sein, toi ma part dès les entrailles de ma mère" (Ps 70,5-6).

5. A l'humble confiance s'oppose, comme on l'a vu, l'orgueil. Un écrivain chrétien du IV-V siècle, Jean Cassien, met en garde les fidèles contre la gravité de ce péché, qui "détruit toutes les vertus et ne menace pas seulement les médiocres et les faibles, mais surtout ceux qui sont arrivés au sommet en utilisant leurs forces". Il poursuit: "Voilà la raison pour laquelle le bienheureux David préserve avec tant de circonspection son coeur jusqu'à oser proclamer devant Celui auquel n'échappait certainement pas les secrets de sa conscience: "Seigneur, que mon coeur ne s'enorgueillisse pas et que mon regard ne s'élève pas avec supériorité; je ne recherche pas de grandes choses, au-delà de mes forces"... Toutefois, bien conscient de la difficulté, même pour les hommes parfaits, de préserver leur coeur, il ne prétend pas s'appuyer sur ses seules capacités, mais supplie par des prières le Seigneur, de l'aider à échapper aux dards de l'ennemi et à ne pas être blessé: "Que le pied des superbes ne m'atteigne" (Ps 35,12)" (Le istituzioni cenobitiche [Des instituts des cénobites], XII, 6, Abbaye de Praglia, Bresseo di Teolo, Padova 1989, p. 289).

De même, un ancien anonyme des Pères du désert nous a transmis cette déclaration, qui fait écho au Psaume 130: "Je n'ai jamais dépassé mon rang pour marcher plus haut, et je ne me suis jamais troublé lorsque j'ai été humilié, car ma pensée tout entière était occupée par cela: prier le Seigneur de me dévêtir de l'homme ancien" (I Padri del deserto.Detti, Roma 1980, p. 287).
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Je suis heureux d'accueillir les pèlerins francophones présents ce matin. Que le Christ, qui appelle tous ses disciples à grandir dans la sainteté, vous donne de répondre généreusement à ses appels! A tous, j'accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.




Catéchèses Benoît XVI 8065