Catéchèses Benoît XVI 17805

Mercredi 17 août 2005 - Dieu notre joie et notre espérance - Lecture: Ps 125, 1-5

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Ps 125,1-5

1. En écoutant les paroles du Psaume 125, on a l'impression de voir défiler devant les yeux l'événement chanté dans la seconde partie du Livre d'Isaïe: le "nouvel exode". C'est le retour d'Israël de l'exil de Babylone à la terre des pères à la suite de l'édit du roi de Perse Cyrus en 538 avant J.-C. Alors se répéta l'expérience joyeuse du premier exode, lorsque le peuple juif fut libéré de l'esclavage d'Egypte.

Ce Psaume revêtait une signification particulière lorsqu'il était chanté les jours où Israël se sentait menacé et effrayé, car soumis de nouveau à l'épreuve. Le Psaume comprend effectivement une prière pour le retour des prisonniers du moment (cf. v. 4). Il devenait ainsi une prière du Peuple de Dieu sur son itinéraire historique, pavé de dangers et d'épreuves, mais toujours ouvert à la confiance en Dieu Sauveur et Libérateur, soutien des faibles et des opprimés.

2. Le Psaume introduit une atmosphère de joie: on sourit, on se réjouit de la liberté obtenue, des lèvres s'élèvent des chants de joie (cf. vv. 1-2).

La réaction face à la liberté rendue est double. D'un côté, les nations païennes reconnaissent la grandeur du Dieu d'Israël: "Merveilles que fit pour eux Yahvé" (v. 2). Le salut du peuple élu devient une preuve limpide de l'existence efficace et puissante de Dieu présent et actif dans l'histoire. De l'autre côté, c'est le peuple de Dieu qui professe sa foi dans le Seigneur qui sauve: "Merveilles que fit pour nous Yahvé" (v. 3).

3. La pensée va ensuite vers le passé, revécu avec un frisson de peur et d'amertume. Nous voudrions fixer notre attention sur l'image liée à l'agriculture utilisée par le Psalmiste: "Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant" (v. 5). Sous le poids du travail, le visage est parfois sillonné de larmes: on accomplit une semence difficile, peut-être vouée à l'inutilité et à l'échec. Mais lorsqu'arrive la moisson abondante et joyeuse, on découvre que cette douleur a été féconde.

Dans ce verset du Psaume est résumée la grande leçon sur le mystère de fécondité et de vie que peut contenir la souffrance. Précisément comme l'avait dit Jésus au seuil de sa passion et de sa mort: "Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit" (Jn 12,24).

4. L'horizon du Psaume s'ouvre ainsi à une moisson de fête, symbole de la joie engendrée par la liberté, la paix et la prospérité, qui sont le fruit de la bénédiction divine. Cette prière devient alors un chant d'espérance, auquel recourir lorsque l'on est plongé dans le temps de l'épreuve, de la peur, de la menace extérieure et de l'oppression intérieure.

Mais il peut également devenir un appel plus général à vivre ses jours et à accomplir ses choix dans un climat de fidélité. La persévérance dans le bien, même si elle est incomprise et contrariée, débouche toujours à la fin sur un phare de lumière, de fécondité, de paix.

C'est ce que saint Paul rappelait aux Galates: "Qui sème dans l'Esprit, récoltera de l'Esprit la vie éternelle. Ne nous lassons pas de faire le bien; en son temps viendra la récolte, si nous ne nous relâchons pas" (Ga 6,8-9).

5. Nous concluons par une réflexion de saint Bède le Vénérable (672/3-735) sur le Paume 125 commentant les paroles par lesquelles Jésus annonçait à ses disciples la tristesse qui les attendait et la joie qui devait jaillir de leur affliction (cf. Jn 16,20).

Bède rappelle que "pleuraient et se lamentaient ceux qui aimaient le Christ lorsqu'ils le virent capturé par les ennemis, ligoté, conduit au jugement, condamné, fouetté, ridiculisé, et enfin crucifié, frappé par la lance et enseveli. Au contraire, ceux qui aimaient le monde se réjouissaient,... lorsqu'ils condamnèrent à une mort terrible celui dont la seule vue leur était insupportable. Les disciples furent attristés par la mort du Seigneur, mais, ayant appris sa résurrection, leur tristesse se transforma en joie; ayant vu ensuite le prodige de l'ascension, avec une joie encore plus grande, ils louèrent et bénirent le Seigneur, comme en témoigne l'évangéliste Luc (cf. Lc 24,53). Mais ces paroles du Seigneur s'adaptent à tous les fidèles qui, à travers les larmes et les douleurs du monde, s'efforcent de parvenir aux joies éternelles, et qui, à juste titre, pleurent à présent et sont tristes, parce qu'ils ne peuvent pas encore voir celui qu'ils aiment et parce que, jusqu'à ce qu'ils demeurent dans leur corps, ils savent qu'ils sont loin de leur patrie et de leur royaume, même s'ils sont certains de parvenir, à travers leurs difficultés et leurs luttes, à la récompense. Leur tristesse se transformera en joie lorsque, une fois terminée la lutte de cette vie, ils recevront la récompense de la vie éternelle, selon ce que dit le Psaume: "Celui qui sème dans les larmes, récoltera dans la joie"" (Homélies sur l'Evangile, 2, 13: Collection de Textes patristiques, XC, Roma 1990, pp. 379-380).

Salut en langue française

Je salue cordialement les pèlerins de langue française. À la veille de mon départ pour la Journée mondiale de la Jeunesse à Cologne, je souhaite à chacun de vous d’être, à la suite des Mages, d’authentiques adorateurs de Dieu, en lui reconnaissant la première place dans votre existence et en étant des témoins ardents de son amour pour tous les hommes. Je vous invite aussi à prier pour les jeunes du monde.
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Au terme de l'Audience générale le Pape Benoît XVI a évoqué la mort tragique de Frère Roger, dans la soirée du mardi 16 août, à Taizé.

Nous avons parlé ensemble de tristesse et de joie. En réalité, j'ai reçu ce matin une nouvelle très triste, dramatique. Au cours des Vêpres d'hier soir, le cher Frère Roger Schutz, fondateur de la Communauté de Taizé, a été poignardé et tué, probablement par une personne déséquilibrée. Cette nouvelle me touche d'autant plus que précisément hier, j'ai reçu une lettre de Frère Roger, très émouvante et très amicale. Dans celle-ci, il écrit que du fond de son coeur, il souhaite me dire que "nous sommes en étroite communion avec Vous-même et avec tous ceux qui seront réunis à Cologne". Puis il écrit qu'en raison de ses conditions de santé, malheureusement il n'aurait pas pu venir personnellement à Cologne, mais qu'il aurait été spirituellement présent avec ses frères. A la fin, il m'écrit dans cette lettre qu'il souhaite venir au plus tôt à Rome pour me rencontrer et me dire que "notre communauté de Taizé voudrait cheminer en communion avec le Saint-Père". Puis il écrit: "Très Saint Père, soyez assuré de mes sentiments de profonde communion".

En ce moment de tristesse, nous ne pouvons que confier à la bonté du Seigneur l'âme de son fidèle serviteur. Nous savons que de la tristesse - comme nous l'avons entendu à présent dans le Psaume - renaîtra la joie. Frère Schutz est dans les mains de la bonté éternelle, de l'amour éternel, il est arrivé à la joie éternelle. Il nous avertit et nous exhorte à être toujours de fidèles ouvriers dans la Vigne du Seigneur, même dans les situations tristes, dans la certitude que le Seigneur nous accompagne et nous donnera sa joie.



Mercredi 24 août 2005 - Du coeur de la "vieille" Europe le message d'espérance des jeunes

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Chers frères et soeurs!

Comme le bien-aimé Pape Jean-Paul II avait l'habitude de le faire après chaque pèlerinage apostolique, je voudrais moi aussi reparcourir aujourd'hui, avec vous, les journées passées à Cologne à l'occasion de la Journée mondiale de la Jeunesse. La Providence divine a voulu que mon premier voyage pastoral en dehors de l'Italie ait comme objectif précisément mon pays d'origine et se déroule à l'occasion de la grande rencontre des jeunes du monde, vingt ans après l'institution de la Journée mondiale de la Jeunesse, voulue avec une intuition prophétique par mon inoubliable Prédécesseur. Depuis mon retour, du plus profond de mon coeur, je rends grâce à Dieu pour le don de ce pèlerinage, dont je conserverai un souvenir qui m'est cher. Nous avons tous senti qu'il s'agissait d'un don de Dieu. Bien sûr, beaucoup de personnes ont collaboré, mais à la fin, la grâce de cette rencontre était un don d'En-haut, du Seigneur. Ma gratitude s'adresse en même temps à tous ceux qui, avec conscience et amour, ont préparé et organisé cette rencontre à chacune de ses étapes: en premier lieu à l'Archevêque de Cologne, le Card. Joachim Meisner, au Card. Karl Lehmann, Président de la Conférence épiscopale et aux Evêques d'Allemagne, avec lesquels je me suis entretenu précisément au terme de ma visite. Je voudrais ensuite remercier à nouveau les Autorités, les organisateurs et les volontaires qui ont offert leur contribution. Je suis également reconnaissant aux personnes et aux communautés qui, dans toutes les parties du monde, l'ont soutenu par la prière, ainsi que les malades qui ont offert leurs souffrances pour la réussite spirituelle de cet important rendez-vous.

L'étreinte idéale aux jeunes participants à la Journée mondiale de la Jeunesse a commencé dès mon arrivée à l'aéroport de Cologne/Bonn et elle est devenue toujours plus riche d'émotions en parcourant le Rhin, de l'embarcadère de Rodenkirchenerbrücke jusqu'à Cologne, escorté par cinq autres embarcations représentant les cinq continents. L'arrêt en face du quai du Poller Rheinwiesen, où attendaient déjà plusieurs milliers de jeunes avec lesquels j'ai eu la première rencontre officielle, opportunément appelée "fête d'accueil" et qui avait pour devise les paroles des Rois Mages "Où est le roi des Juifs qui vient de naître?" (
Mt 2,2a) a ensuite été particulièrement suggestive. Ce sont précisément les Mages qui ont été les "guides" de ces jeunes pèlerins vers le Christ, adorateurs du mystère de sa présence dans l'Eucharistie. Combien il est significatif que tout cela ait eu lieu alors que nous nous approchons de la conclusion de l'Année eucharistique voulue par Jean-Paul II! "Nous sommes venus l'adorer": le thème de la Rencontre a invité chacun à suivre idéalement les Rois Mages, et à accomplir avec eux un voyage intérieur de conversion vers l'Emmanuel, le Dieu avec nous, pour le connaître, le rencontrer, l'adorer, et, après l'avoir rencontré et adoré, repartir ensuite en ayant dans notre âme, au plus profond de nous-mêmes, sa lumière et sa joie.

A Cologne, les jeunes ont eu à plusieurs reprises l'occasion d'approfondir ces importantes thématiques spirituelles et ils se sont sentis poussés par l'Esprit Saint à être des témoins enthousiastes et cohérents du Christ, qui dans l'Eucharistie, a promis de rester réellement présent parmi nous jusqu'à la fin du monde. Je repense aux divers moments que j'ai eu la joie de partager avec eux, en particulier la veillée du samedi soir et la célébration de conclusion du dimanche. Des millions d'autres jeunes de tous les lieux de la terre se sont unis à ces manifestations de foi suggestives grâce aux providentielles liaisons radio-télévisées. Mais je voudrais à présent réévoquer une rencontre particulière, celle avec les séminaristes, des jeunes appelés à suivre personnellement de manière plus radicale le Christ, Maître et Pasteur. J'avais voulu qu'un moment spécifique leur soit con-sacré, également pour souligner la dimension vocationnelle typique des Journées mondiales de la Jeunesse. De nombreuses vocations au sacerdoce et à la vie consacrée sont nées, au cours de ces vingt années, précisément durant les Journées mondiales de la Jeunesse, occasions privilégiées lors desquelles l'Esprit Saint fait ressentir avec force son appel.

Dans le contexte riche d'espérance des Journées de Cologne, la rencontre oecuménique avec les représentants des autres Eglises et Communautés ecclésiales trouve harmonieusement sa place. Le rôle de l'Allemagne dans le dialogue oecuménique est important, que ce soit en raison de la triste histoire des divisions ou de son rôle significatif joué sur le chemin de la réconciliation. Je souhaite que le dialogue, en tant qu'échange réciproque de dons et pas seulement de paroles, contribue en outre à faire croître et mûrir cette "symphonie" ordonnée et harmonieuse qu'est l'unité catholique. Dans cette perspective, les Journées mondiales de la Jeunesse représentent un "laboratoire" oecuménique fructueux. Et comment ne pas revivre avec émotion la visite à la Synagogue de Cologne, où a son siège la plus ancienne communauté juive en Allemagne? Avec nos frères juifs, nous avons rappelé la Shoà, et le 60 anniversaire de la libération des camps de concentration nazis. En outre, nous fêtons cette année le 40 anniversaire de la Déclaration conciliaire Nostra aetate, qui a inauguré une nouvelle ère de dialogue et de solidarité spirituelle entre les juifs et les chrétiens, ainsi que d'estime pour les autres grandes traditions religieuses. Parmi celles-ci, une place particulière est occupée par l'islam, dont les fidèles adorent l'unique Dieu et se réfèrent volontiers au Patriarche Abraham. C'est pour cette raison que j'ai voulu rencontrer les représentants de plusieurs Communautés musulmanes, auxquelles j'ai exprimé les espérances et les préoccupations du moment historique difficile que nous vivons, souhaitant que soient extirpés le fanatisme et la violence et que l'on puisse collaborer ensemble pour défendre toujours la dignité de la personne humaine et protéger ses droits fondamentaux.

Chers frères et soeurs, du coeur de la "vieille" Europe, qui au siècle dernier, a connu d'horribles conflits et des régimes inhumains, les jeunes ont reproposé à l'humanité de notre temps le message de l'espérance qui ne déçoit pas, car elle est fondée sur la Parole de Dieu qui s'est fait chair en Jésus Christ, mort et ressuscité pour notre salut. A Cologne, les jeunes ont rencontré et adoré l'Emmanuel, le Dieu-avec-nous, dans le mystère de l'Eucharistie et ils ont mieux compris que l'Eglise est la grande famille à travers laquelle Dieu forme un espace de communion et d'unité entre chaque continent, culture et race, une famille plus grande que le monde, qui ne connaît pas de limites ni de frontières, pour ainsi dire une "grande communauté de pèlerins" qui avancent avec le Christ, guidés par Lui, étoile radieuse qui illumine l'histoire. Jésus se fait notre compagnon de voyage dans l'Eucharistie, et dans l'Eucharistie - comme je le disais dans l'homélie de la célébration de conclusion, en empruntant à la physique une image bien connue - il apporte la "fission nucléaire" au coeur le plus caché de l'être. Seule cette intime explosion du bien qui vainc le mal peut donner vie aux autres transformations nécessaires pour changer le monde. Jésus, le visage de Dieu miséricordieux pour chaque homme, continue à éclairer notre chemin comme l'étoile qui guida les Rois Mages, et il nous remplit de sa joie. Nous prions donc afin que les jeunes emportent avec eux, en eux, de Cologne la lumière du Christ qui est la vérité et l'amour et qu'ils la diffusent partout. Je suis certain que, grâce à la force de l'Esprit Saint et à l'aide maternelle de la Vierge Marie, nous pourrons assister à un grand printemps d'espérance en Allemagne, en Europe et dans le monde entier.
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J’accueille avec joie les pèlerins francophones présents ce matin. Chers amis, puisse la rencontre de ce jour être une occasion pour chacun de grandir dans la foi et la confiance dans le Christ, qui nous aime et qui veut nous faire partager sa vie! À tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.


Prière du Pape pour les victimes des catastrophes naturelles en Europe


Ma pensée se tourne à présent vers les régions de l'Europe frappées, ces jours derniers, par des inondations ou des incendies qui ont malheureusement provoqué des victimes et des dommages importants. De nombreuses familles ont perdu leur maison et des centaines de personnes doivent faire face à de tragiques difficultés.

Alors que j'invoque du Seigneur la récompense éternelle pour ceux qui ont perdu la vie, j'assure ma proximité spirituelle dans l'affection et dans la prière à ceux qui sont touchés par ces graves événements, dans la certitude qu'ils pourront être soutenus par la solidarité commune.


Mercredi 31 août 2005 - Tout labeur est vain sans le Seigneur - Lecture: Ps 126, 1.3-5

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Ps 126,1 Ps 126,3-5

Chers frères et soeurs,

1. Le Psaume 126 qui vient d'être proclamé, présente à nos yeux un spectacle en mouvement: une maison en construction, la ville avec ses gardes, la vie des familles, les veillées nocturnes, le travail quotidien, les petits et les grands secrets de l'existence. Mais une présence décisive se dresse sur tout, celle du Seigneur qui plane sur les oeuvres de l'homme, comme le suggère le début incisif du Psaume: "Si Yahvé ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs" (v. 1).

Une société solide naît, certes, de l'engagement de tous ses membres, mais elle a besoin de la bénédiction et du soutien de ce Dieu qui, malheureusement, est souvent exclu ou ignoré. Le Livre des Proverbes souligne le primat de l'action divine pour le bien-être d'une communauté, et il le fait de façon radicale, en affirmant que "c'est la bénédiction de Yahvé qui enrichit, sans que l'effort y ajoute rien" (Pr 10,22).

2. Ce Psaume sapientiel, fruit de la méditation sur la réalité de la vie de chaque jour, est construit substantiellement sur une opposition: sans le Seigneur, il est vain de chercher à construire une maison stable, à édifier une ville sûre, à faire fructifier son propre labeur (cf. Ps 126,1-2). Avec le Seigneur, en revanche, on a la prospérité et la fécondité, une famille riche d'enfants et sereine, une ville bien équipée et défendue, libre des cauchemars et du manque de sécurité (cf. vv. Ps 126,3-5).

Le texte s'ouvre en mentionnant le Seigneur, représenté comme le bâtisseur de la maison et la sentinelle qui veille sur la ville (cf. Ps 120,1-8). L'homme sort le matin pour accomplir le travail qui fait vivre sa famille et au service du développement de la société. C'est un travail qui occupe ses énergies, provoquant la sueur de son front (cf. Gn 3,19) au cours de toute la journée (cf. Ps 126,2).

3. Alors, le Psalmiste, tout en reconnaissant l'importance du travail, n'hésite pas à affirmer que tout ce travail est inutile, si Dieu n'est pas aux côtés de celui qui peine. Et il affirme que, en revanche, Dieu récompense même le sommeil de ses amis. Le Psalmiste veut ainsi exalter le primat de la grâce divine, qui donne sa consistance et sa valeur à l'action humaine, bien qu'elle soit marquée par des limites et son caractère caduc. Dans l'abandon serein et fidèle de notre liberté au Seigneur, même nos oeuvres deviennent solides, capables de porter un fruit permanent. Notre "sommeil" devient ainsi un repos béni par Dieu, destiné à sceller une activité qui a un sens et une teneur.

4. On passe, à ce point, à l'autre scène tirée de notre Psaume. Le Seigneur offre le don des enfants, considérés comme une bénédiction et une grâce, signe de la vie qui continue et de l'histoire du salut tendue vers de nouvelles étapes (cf. v. 3). Le Psalmiste exalte en particulier "les fils de la jeunesse": le père qui a eu des enfants dans sa jeunesse les verra non seulement dans toute leur vigueur, mais ils seront son soutien dans la vieillesse. Il pourra ainsi affronter l'avenir en sécurité, devenant semblable à un guerrier, armé de ces "flèches" pointues et victorieuses que sont les enfants. (cf. vv. 4-5).

L'image, issue de la culture de l'époque, a pour but de célébrer la sécurité, la stabilité, la force d'une famille nombreuse, comme on le répétera dans le Psaume 127 successif, dans lequel est décrit le portrait d'une famille heureuse.

La scène finale représente un père entouré de ses enfants, qui est accueilli avec respect à la porte de la ville, siège de la vie publique. Avoir des enfants est donc un don qui apporte vie et bien-être à la société. Nous en sommes conscients de nos jours, face aux pays que la baisse démographique prive de la fraîcheur, de l'énergie, de l'avenir incarné par les enfants. Sur tout cela se lève cependant la présence bénissante de Dieu, source de vie et d'espérance.

5. Le Psaume 126 a souvent été utilisé par les auteurs spirituels précisément pour exalter cette présence divine, décisive pour avancer sur la voie du bien et du royaume de Dieu. Ainsi, le moine Isaïe (mort à Gaza en 491) dans son Asceticon (Logos 4, 118), rappelant l'exemple des antiques patriarches et prophètes, enseigne: "Ils se sont placés sous la protection de Dieu en implorant son assistance, sans placer leur confiance dans quelque labeur qu'ils aient pu accomplir. Et la protection de Dieu a été pour eux une ville fortifiée, car ils savaient que sans l'aide de Dieu, ils étaient impuissants et leur humilité leur faisait dire avec le Psalmiste: "Si le Seigneur ne construit pas la maison, en vain peinent les bâtisseurs; si Yahvé ne garde la ville, en vain le gardien veille"" (Recueil ascétique, Abbaye de Bellefontaine, 1976, pp. 74-75).

Cela est aussi valable aujourd'hui: seule la communion avec le Seigneur peut préserver nos maisons et nos villes.
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience. Soyez attentifs à la présence de Dieu dans toutes les dimensions de votre vie et appuyez-vous sur la force de son amour!



Mercredi 7 septembre 2005 - Le Christ fut engendré avant toute créature, premier-né de ceux qui ressuscitent d'entre les morts

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- Lecture:
Col 1,3 Col 1,12 Col 1,15 Col 1,17-18

1. Nous nous sommes déjà arrêtés précédemment sur la fresque grandiose du Christ, Seigneur de l'univers et de l'histoire, qui domine l'hymne placé au début de la Lettre de saint Paul aux Colossiens.En effet, ce cantique rythme chacune des quatre semaines autour desquelles s'articule la Liturgie des Vêpres.

Le coeur de l'hymne est constitué par les versets 15-20, dans lesquels le Christ entre en scène de manière directe et solennelle, défini comme "image" du "Dieu invisible" (v. 15). Le terme grec eikon, "icône", est cher à l'Apôtre: dans ses Lettres, il l'utilise neuf fois en l'appliquant aussi bien au Christ, icône parfaite de Dieu (cf. 2Co 4,4), qu'à l'homme, image et gloire de Dieu (cf. 1Co 11,7). Toutefois, avec le péché, celui-ci "a changé la gloire du Dieu incorruptible, contre une représentation, simple image d'hommes corruptibles" (Rm 1,23), choisissant d'adorer les idoles et devenant semblable à elles.

Nous devons donc continuellement modeler notre être et notre vie sur l'image du Fils de Dieu (cf. 2Co 3,18), car nous avons été "arrachés à l'empire des ténèbres", "transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé" (Col 1,13). Et cela est le premier impératif de cet hymne: modeler notre vie sur l'image du Fils de Dieu, pénétrant dans ses sentiments et dans sa volonté, dans sa pensée.

2. Ensuite, le Christ est proclamé "premier-né (engendré le premier) de toutes créatures" (v. 15). Le Christ précède toute la création (cf. v. 17), étant engendré de toute éternité: car "c'est en lui qu'ont été créées toutes choses [...] par lui et pour lui" (v. 16). Même dans l'antique tradition juive, l'on affirmait que "tout le monde a été créé en vue du Messie" (Sanhédrin 98b).

Pour l'Apôtre, le Christ est aussi bien le principe de cohésion ("tout subsiste en lui"), que le médiateur ("par lui"), et la destination finale vers laquelle converge toute la création. Il est l'"aîné d'une multitude de frères" (Rm 8,29), c'est-à-dire qu'il est le Fils par excellence dans la grande famille des fils de Dieu, dans laquelle le Baptême nous insère.

3. A ce point, le regard passe du monde de la création à celui de l'histoire: le Christ est "la Tête du Corps, c'est-à-dire de l'Eglise" (Col 1,18) et il l'est déjà à travers son Incarnation. En effet, Il est entré dans la communauté humaine, pour la diriger et la composer en un "corps"; c'est-à-dire en une unité harmonieuse et féconde. La consistance et la croissance de l'humanité possèdent dans le Christ la racine, l'axe vital, "le principe".

C'est précisément avec ce primat que le Christ peut devenir le principe de la résurrection de tous, "le premier-né d'entre les morts", car "tous revivront dans le Christ... Comme prémices, le Christ, ensuite ceux qui seront au Christ" (1Co 15,22-23).

4. L'hymne touche à sa conclusion en célébrant la "plénitude", en grec "pleroma", que le Christ possède en lui comme don d'amour du Père. C'est la plénitude de la divinité qui rayonne sur l'univers et sur l'humanité, devenant source de paix, d'unité, d'harmonie parfaite (Col 1,19-20).

Cette "réconciliation" et "pacification" est effectuée à travers "le sang de la croix", par lequel nous sommes justifiés et sanctifiés. En versant son sang et en se donnant lui-même, le Christ a répandu la paix qui, dans le langage biblique, est le résumé des biens messianiques et de la plénitude salvifique étendue à toute la réalité créée.

L'hymne se termine donc sur un horizon lumineux de réconciliation, d'unité, d'harmonie et de paix, sur lequel se lève de manière solennelle la figure de celui qui en est l'auteur, le Christ, "Fils bien-aimé" du Père.

5. Les écrivains de l'antique tradition chrétienne ont réfléchi sur ce passage intense. Saint Cyrille de Jérusalem, dans un de ses dialogues, cite le cantique de la Lettre aux Colossiens pour répondre à un interlocuteur anonyme qui lui avait demandé: "Nous disons donc que le Verbe engendré par Dieu le Père a souffert pour nous dans sa chair?". La réponse, dans le sillage du Cantique, est affirmative. En effet, affirme Cyrille, "l'image du Dieu invisible, le premier-né de toutes créatures, visible et invisible, pour qui et en qui tout existe, a été donné - dit Paul - pour chef à l'Eglise: il est, en outre, le premier-né d'entre les morts", c'est-à-dire le premier de la série des morts qui ressuscitent. Cyrille poursuit: "Il a fait sien tout ce qui est propre à la chair de l'homme" et "endura une croix, dont il méprisa l'infamie" (He 12,2). Nous disons que ce n'est pas un simple homme, comblé d'honneurs, je ne sais comment, qui en raison de son lien avec lui a été sacrifié pour nous, mais que c'est le Seigneur de la gloire lui-même qui a été crucifié" (Perché Cristo è uno: Collection de Textes patristiques, XXXVII, Rome 1983, p. 101).

Devant ce Seigneur de la gloire, signe de l'amour suprême du Père, nous élevons nous aussi notre chant de louange et nous nous prosternons en adoration et en action de grâce.
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J’accueille avec plaisir les pèlerins francophones. Je salue particulièrement les membres du Groupe de spiritualité des Assemblées parlementaires de France. Puisse votre foi inspirer vos engagements au service du bien commun et vous inciter à promouvoir les valeurs évangéliques dans la société! Je salue aussi les séminaristes du diocèse de Pontoise, accompagnés de leur Évêque Mgr Jean-Yves Riocreux. A tous, je souhaite de grandir dans l’amour du Seigneur.




Mercredi 14 septembre 2005: Les promesses divines faites à David - Lecture: Ps 131, 1-10

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1. Nous venons d'écouter la première partie du Psaume 131, un hymne que la Liturgie des Vêpres nous offre à deux moments distincts. Beaucoup d'exégètes pensent que ce chant a retenti lors de la célébration solennelle du transport de l'arche du Seigneur, signe de la présence divine au sein du peuple d'Israël, à Jérusalem, la nouvelle capitale choisie par David.

Dans le récit de cet événement, tel qu'il nous est rapporté par la Bible, on lit que le roi David "dansait en tournoyant de toutes ses forces devant Yahvé, il avait ceint un pagne (efod) de lin. David et toute la maison d'Israël faisaient monter l'arche de Yahvé en poussant des acclamations et en sonnant du cor" (
2S 6,14-15).

D'autres chercheurs, en revanche, rapportent le Psaume 131 à une célébration commémorative de cet antique événement, après l'institution du culte dans le sanctuaire de Sion, qui est précisément l'oeuvre de David.

2. Notre hymne semble supposer une dimension liturgique: il était probablement utilisé au cours du déroulement d'une procession, en présence de prêtres et de fidèles, avec la participation d'un choeur.

En suivant la Liturgie des Vêpres, nous nous arrêterons sur les dix premiers versets du Psaume, ceux qui viennent d'être proclamés. Au coeur de ce passage se trouve le serment solennel prononcé par David. En effet, on dit que celui-ci - après avoir surmonté le dur conflit avec son prédécesseur, le roi Saul - "fit serment à Yahvé, un voeu au puissant Jacob" (cf. Ps 131,2). Le contenu de cet engagement solennel, exprimé dans les versets 3-5, est clair: le souverain ne mettra pas pied dans le palais royal de Jérusalem, ne trouvera plus la tranquillité, ni le repos avant d'avoir trouvé une demeure pour l'arche du Seigneur.

Et il s'agit d'une chose très importante, car elle démontre qu'au centre de la vie sociale d'une ville, d'une communauté, d'un peuple, il doit y avoir une présence qui évoque le mystère de Dieu transcendant, un espace spécifique pour Dieu, une demeure pour Dieu. L'homme ne peut pas bien marcher sans Dieu, il doit marcher avec Dieu dans l'histoire, et le temple, la demeure de Dieu, a le devoir de signaler de façon visible cette communion, cette attitude de se laisser guider par Dieu.

3. A ce point, après les paroles de David, apparaît, peut-être à travers les paroles d'un choeur liturgique, le souvenir du passé. En effet, on réévoque la découverte de l'arche dans les campagnes d'Iaar, dans la région d'Ephrata (cf. v. 6): elle était demeurée longtemps en ce lieu, après avoir été restituée par les Philistins à Israël, qui l'avait perdue au cours d'une bataille (cf. 1S 7,1 2S 6,2 2S 6,11). De la province, elle est donc amenée dans la future ville sainte, et notre passage se termine par une célébration festive qui voit, d'un côté, le peuple en adoration (cf. Ps 131,7 Ps 131,9), c'est-à-dire l'assemblée liturgique et, de l'autre côté, le Seigneur qui recommence à devenir présent et actif sous le signe de l'arche installée à Sion (cf. v. 8), et ainsi au coeur de son peuple.

L'âme de la liturgie se trouve dans cette rencontre entre prêtres et fidèles, d'une part, et le Seigneur et sa puissance, de l'autre.

4. Scellant la première partie du Psaume 131, une acclamation de prière retentit en faveur des rois successeurs de David: "Par amour de David ton serviteur, n'écarte pas la face de ton consacré" (cf. v. 10).

On voit donc le futur successeur de David, "ton consacré". Il est facile d'entrevoir la dimension messianique de cette supplication, tout d'abord destinée à implorer un soutien pour le souverain juif face aux épreuves de la vie. Le terme "consacré" traduit en effet le terme hébreu "Messie": le regard de l'orant va ainsi au-delà des événements du royaume de Judée et se projette vers la grande attente du "Consacré" parfait, le Messie qui sera toujours agréable à Dieu, aimé et béni par lui, et qui ne sera pas seulement d'Israël, mais sera le "consacré", le roi pour le monde entier. Lui, Dieu, est avec nous, et attend ce "consacré", venu ensuite dans la personne de Jésus Christ.

5. C'est cette interprétation messianique, pour le "consacré" futur, qui dominera dans la relecture chrétienne et qui s'étendra à tout le Psaume.

Par exemple, l'application qu'Esychion de Jérusalem, un prêtre de la première moitié du V siècle, fera du verset 8 à l'incarnation du Christ est significative. Dans sa Deuxième Homélie sur la Mère de Dieu, il s'adresse ainsi à la Vierge: "A propos de toi et de Celui qui est né de toi, David ne cesse de chanter sur sa lyre: "Lève-toi, Yahvé, vers ton repos, toi et l'arche de ta force" (Ps 131,8)". Qui est l'"arche de ta force"? Esychion répond: "Bien évidemment la Vierge, la Mère de Dieu. Car si tu es la perle, elle est de bon droit l'arche; si tu es le soleil, la Vierge sera nécessairement appelée le ciel; et si tu es la Fleur incontaminée, alors la Vierge sera la plante incorruptible, le paradis d'immortalité" (Testi mariani del primo millennio, I, Roma 1988, pp. 532-533).

Cette double interprétation me semble très importante. Le Christ est le "consacré". Le Christ, le Fils de Dieu lui-même, s'est incarné. Et l'Arche de l'Alliance, la véritable demeure de Dieu dans le monde, qui n'est pas faite de bois mais de chair et de sang, c'est la Vierge qui s'offre elle-même au Seigneur comme Arche de l'Alliance et qui nous invite à être nous aussi une demeure vivante pour Dieu dans le monde.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin. Puisse la Croix du Christ, signe de l’amour du Seigneur victorieux du mal et de la mort, vous appeler à devenir toujours plus des serviteurs de l’Évangile et de généreux artisans de paix et de fraternité !
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Mercredi 21 septembre 2005


Catéchèses Benoît XVI 17805