Catéchèses Benoît XVI 18

Mercredi 21 septembre 2005



L'élection de David et de Sion - Lecture: Ps 131, 11.13-14.17-18



1. La deuxième partie du Psaume 131 vient de retentir; c'est un chant qui évoque un événement capital dans l'histoire d'Israël: la translation de l'arche du Seigneur dans la ville de Jérusalem.

David avait été l'artisan de ce transfert, attesté dans la première partie du Psaume dont nous avons déjà parlé. En effet, le roi avait prononcé le serment de ne pas s'installer dans le palais royal tant qu'il n'avait pas trouvé une demeure pour l'arche de Dieu, signe de la présence du Seigneur aux côtés de son peuple (cf. vv. 3-5).

A ce serment du souverain répond à présent le serment de Dieu lui-même: "Yahvé l'a juré à David, vérité dont jamais il ne s'écarte" (v. 11). Cette promesse solennelle est, en substance, la même que le prophète Nathan avait faite, au nom de Dieu, à David lui-même; celle-ci concerne la descendance future de David, destinée à régner de manière stable (cf. 2S 7,8-16).

2. Le serment divin exige cependant l'engagement de l'homme, il est en effet conditionné par un "si": "Si tes fils gardent mon alliance" (Ps 131,12). A la promesse et au don de Dieu, qui n'a rien de magique, doit répondre l'adhésion fidèle et active de l'homme dans un dialogue qui mêle deux libertés, divine et humaine.

A ce point, le Psaume se transforme en un chant qui exalte les effets merveilleux du don du Seigneur, ainsi que de la fidélité d'Israël. En effet, on fera l'expérience de la présence de Dieu au sein du peuple (cf. vv. 13-14): il sera comme un habitant parmi les habitants de Jérusalem, comme un citoyen qui vit avec les autres citoyens les événements de l'histoire, en offrant cependant la puissance de sa bénédiction.

3. Dieu bénira les récoltes, se préoccupant des pauvres afin qu'ils aient à manger (cf. v. 15); il étendra son manteau protecteur sur les prêtres, en leur offrant son salut; il fera en sorte que tous les fidèles vivent dans la joie et dans la confiance (cf. v. 16).

La bénédiction la plus intense est réservée encore une fois à David et à sa descendance: "Là, je susciterai une lignée à David, j'apprêterai une lampe pour mon messie: ses ennemis, je les vêtirai de honte, mais sur lui fleurira son diadème" (vv. 17-18).

Encore une fois, comme cela s'était produit dans la première partie du Psaume (cf. v. 10), entre en scène la figure du "Consacré", en hébreux "Messie", reliant ainsi la descendance de David au messianisme qui, dans la relecture chrétienne, trouve sa pleine réalisation dans la figure du Christ. Les images utilisées sont vivantes: David est représenté comme un bourgeon qui grandit avec vigueur. Dieu illumine le descendant de David avec une lampe brillante, symbole de vitalité et de gloire; une couronne splendide marquera son triomphe sur les ennemis et donc la victoire sur le mal.

4. A Jérusalem, dans le temple qui conserve l'arche et dans la dynastie davidique, se réalise la double présence du Seigneur, dans l'espace et dans l'histoire. Le Psaume 131 devient alors une célébration du Dieu-Emmanuel qui est avec ses créatures, qui vit à leurs côtés et les bénit, à condition qu'elles restent unies à lui dans la vérité et dans la justice. Le centre spirituel de cet hymne est déjà un prélude à la proclamation de Jean: "Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous" (Jn 1, 14).

5. Nous concluons en rappelant que le début de cette deuxième partie du Psaume 131 est habituellement utilisé par les Pères de l'Eglise pour décrire l'incarnation du Verbe dans le sein de la Vierge Marie.

Déjà, saint Irénée, se référant à la prophétie d'Isaïe sur la Vierge qui accouchait, expliquait: "Les paroles: "Ecoutez donc, maison de David!" (Is 7,13) indiquent que le roi éternel, que Dieu avait promis à David de susciter du "fruit de ses entrailles" (Ps 131,11), est celui-là même qui est né de la Vierge, provenant de David. C'est pourquoi il lui avait promis un roi qui serait né du "fruit de ses entrailles", expression qui indique une vierge enceinte. Donc, l'Ecriture... présente et affirme le fruit du sein pour proclamer que la génération de celui qui devait venir adviendrait de la Vierge. C'est précisément ce qu'Elisabeth, remplie de l'Esprit Saint, attesta en disant à Marie: "Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton sein" (Lc 1,42). C'est ainsi que l'Esprit Saint indique à ceux qui veulent l'écouter que dans l'accouchement de la Vierge, c'est-à-dire de Marie, s'est accomplie la promesse faite par Dieu à David, de susciter un roi du fruit de son sein" (Contro le eresie, 3, 21, 5: Già et Non Ancora, CCCXX, Milan 1997, p. 285).

Et ainsi, nous voyons, dans l'arc de temps qui va du Psaume antique à l'Incarnation du Seigneur, la fidélité de Dieu. Dans le Psaume apparaît et transparaît déjà le mystère d'un Dieu qui habite avec nous, qui devient un avec nous dans l'Incarnation. Et cette fidélité de Dieu est à la base de notre confiance dans les changements de l'histoire, elle est notre joie.
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Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones présents ce matin, notamment les membres du Chapitre général des Servantes du Très-Saint-Sacrement, un groupe de pèlerins du Sénégal, conduit par Mgr Ndiaye, Évêque de Kaolack, et des pèlerins du diocèse de Tournai, accompagnés de Mgr Harpigny. Puisse votre séjour à Rome affermir votre foi et faire de vous des témoins de l’Évangile !


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Mercredi 28 septembre 2005



Louez le Seigneur qui accomplit des merveilles - Lecture: Ps 134, 1-2.5-6.9.12

1. La première partie du Psaume 134 se présente maintenant à nous, il s'agit d'un hymne à caractère liturgique, rempli d'allusions, de réminiscences et de renvois à d'autres textes bibliques. En effet, la liturgie compose souvent ses textes en puisant au grand patrimoine de la Bible un riche répertoire de thèmes et de prières, qui soutiennent le chemin des fidèles.

Suivons la trame de prière de cette première section (cf. Ps 134,1-12), qui s'ouvre par une invitation ample et passionnée à louer le Seigneur (cf. vv. 1-3). L'appel est adressé aux "serviteurs de Yahvé, officiant dans la maison de Yahvé" (vv. 1-2).

Nous nous trouvons donc dans l'atmosphère vivante du culte qui se déroule dans le temple, le lieu privilégié et communautaire de la prière. C'est là que l'on fait l'expérience de façon concrète de la présence de "notre Dieu", un Dieu "bon" et "aimable", le Dieu de l'élection et de l'alliance (cf. vv. 3-4).

Après l'invitation à la louange, s'élève une voix unique, proclamant la profession de foi, qui commence par la formule "Moi je sais" (v. 5). Ce Credo constituera la substance de l'hymne tout entier, qui se révèle être une proclamation de la grandeur du Seigneur (ibid.), manifestée dans ses oeuvres merveilleuses.

2. La toute-puissance divine se manifeste incessamment dans le monde entier "au ciel et sur terre, dans les mers et tous les abîmes". C'est Lui qui produit les nuages, la foudre, la pluie et les vents, imaginés comme étant renfermés dans des "réserves" ou réservoirs (cf. vv. 6-7).

Mais c'est surtout un autre aspect de l'activité divine qui est célébré dans cette profession de foi. Il s'agit de son admirable intervention dans l'histoire, où le Créateur montre le visage de rédempteur de son peuple et de souverain du monde. On fait passer devant les yeux d'Israël, recueilli en prière, les grands événements de l'Exode.

Voilà tout d'abord la commémoration synthétique et essentielle des "plaies" d'Egypte, les fléaux suscités par le Seigneur pour plier l'oppresseur (cf. vv. 8-9). On procède ensuite à l'évocation des victoires remportées par Israël après la longue marche dans le désert. Elles sont attribuées à la puissante intervention de Dieu, qui "frappa des païens en grand nombre, fit périr des rois valeureux" (v. 10). Enfin, voilà le but tant désiré et attendu, celui de la terre promise: "Et il donna leur terre en héritage, en héritage à Israël son peuple" (v. 12).

L'amour divin devient concret et presque tangible dans l'histoire avec tous ses événements amers et glorieux. La liturgie a le devoir de rendre les dons divins toujours présents et efficaces, en particulier dans la grande célébration pascale qui est la racine de tout autre solennité et qui constitue l'emblème suprême de la liberté et du salut.

3. Nous recueillons l'esprit du Psaume et de sa louange à Dieu en le reproposant à travers la voix de saint Clément Romain, tel qu'il retentit dans la longue prière de conclusion de sa Lettre aux Corinthiens.Il observe que, de même que dans le Psaume 134 apparaît le visage du Dieu rédempteur, sa protection, déjà accordée aux anciens pères, nous parvient maintenant dans le Christ: "Ô Seigneur, fais resplendir sur nous ta face, pour le bien dans la paix, pour nous protéger par ta main puissante et nous sauver de tout péché avec ton bras très haut et nous sauver de ceux qui nous haïssent injustement. Donne-nous, ainsi qu'à tous les habitants de la terre, la concorde et la paix, comme tu les as données à nos pères lorsqu'ils t'invoquaient saintement dans la foi et dans la vérité... C'est à toi, le seul capable d'accomplir pour nous ces biens et d'autres plus grands encore, que nous rendons grâce à travers le grand prêtre et protecteur de nos âmes, Jésus Christ, pour lequel te soient rendues à présent gloire et magnificence, de génération en génération et pour les siècles des siècles" (60, 3-4; 61, 3: Collana di Testi Patristici, V, Rome, 1984, pp. 90-91

Oui, nous pouvons réciter nous aussi à notre époque cette prière d'un Pape du premier siècle comme notre prière pour aujourd'hui: "O Seigneur, fais resplendir sur nous aujourd'hui ta face, pour le bien de la paix. Donne-nous à notre époque, ainsi qu'à tous les habitants de la terre, la concorde et la paix, par Jésus Christ qui règne de génération en génération et pour les siècles des siècles. Amen".
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J’accueille avec joie les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier le groupe venu de l’île de la Réunion. Que la fête des saints Archanges, que nous célébrerons demain, vous incite à être vous aussi messagers de l’amour de Dieu pour vos frères. Bon pèlerinage à tous !
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Mercredi 5 octobre 2005



Dieu seul est grand et éternel - Lecture: Ps 134, 13-15.18-20

1. Le Psaume 134, un chant au caractère pascal, nous est offert par la Liturgie des Vêpres en deux passages distincts. Celui que nous venons d'entendre comprend la deuxième partie (cf. vv. 13-21), scellée par l'alléluia, l'exclamation de louange au Seigneur qui avait ouvert le Psaume.

Après avoir commémoré dans la première partie de l'hymne l'événement de l'Exode, coeur de la célébration pascale d'Israël, le Psalmiste confronte à présent de façon incisive deux visions religieuses différentes. D'un côté, s'élève la figure du Dieu vivant et personnel qui se trouve au centre de la foi authentique (cf. vv. 13-14). Sa présence est efficace et salvifique; le Seigneur n'est pas une réalité immobile et absente, mais une personne vivante qui "guide" ses fidèles, "qui s'émeut" pour eux, les soutenant par sa puissance et son amour.

2. De l'autre côté, voilà qu'apparaît l'idolâtrie (cf. vv. 15-18), expression d'une religiosité déviée et trompeuse. En effet, l'idole n'est autre qu'une "oeuvre des mains de l'homme", un produit des désirs humains; elle est donc incapable de surmonter les limites des créatures. Oui, elle a bien une forme humaine, avec une bouche, des yeux, des oreilles, une gorge, mais elle est inerte, sans vie, comme c'est précisément le cas pour une statue inanimée (cf. Ps 113B, 4-8).

Le destin de celui qui adore ces réalités mortes est de devenir semblable à celles-ci, impuissant, fragile, inerte. Dans cette description de l'idolâtrie comme fausse religion est clairement représentée la tentation éternelle de l'homme de chercher le salut dans "l'oeuvre de ses mains", en plaçant son espérance dans la richesse, dans le pouvoir, dans le succès, dans la matière. Il arrive malheureusement à celui qui s'engage dans cette voie, qui adore la richesse, l'aspect matériel, ce que décrivait déjà de façon éloquente le prophète Isaïe: "Il s'est attaché à de la cendre, son coeur abusé l'a égaré, il ne sauvera pas sa vie, il ne dira pas: "Ce que j'ai dans la main, n'est-ce pas un leurre"?" (Is 44,20).

3. Après cette méditation sur la véritable et la fausse religion, sur la foi authentique dans le Seigneur de l'univers et de l'histoire et sur l'idolâtrie, l'adoration de la matière, le Psaume 134 se conclut par une bénédiction liturgique (cf. vv. 19-21), qui met en scène une série de figures présentes dans le culte pratiqué dans le temple de Sion (cf. Ps 113B, 9-13).

De toute la communauté recueillie dans le temple s'élève vers le Dieu créateur de l'univers et sauveur de son peuple dans l'histoire une bénédiction chorale, exprimée à travers la diversité des voix et dans l'humilité de la foi.

La liturgie est le lieu privilégié pour l'écoute de la Parole divine, qui rend présents les actes salvifiques du Seigneur, mais elle est également le cadre dans lequel s'élève la prière communautaire qui célèbre l'amour divin. Dieu et l'homme se rencontrent dans une étreinte de salut, qui trouve son accomplissement précisément dans la célébration liturgique.

4. En commentant les versets de ce Psaume concernant les idoles et la ressemblance que prennent ceux qui croient en eux (cf. Ps 134,15-18), saint Augustin fait observer: "En effet - croyez-le, mes frères - apparaît en eux une certaine ressemblance avec leurs idoles: non pas, bien sûr, dans leur corps, mais dans leur être intérieur. Ils ont des oreilles, mais ils n'entendent pas lorsque Dieu leur crie: "Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende". Ils ont des yeux, mais ils ne voient pas: c'est-à-dire qu'ils ont les yeux du corps, mais pas l'oeil de la foi". Ils ne perçoivent pas la présence de Dieu. Ils ont des yeux et ne voient pas. Et de la même façon, "ils ont des narines, mais ils ne perçoivent pas les odeurs. Ils ne sont pas en mesure de percevoir cette odeur dont l'Apôtre dit: Nous sommes la bonne odeur du Christ en tous lieux (cf. 2Co 2,15). Quel avantage pour eux d'avoir des narines, si avec celles-ci ils ne réussissent pas à respirer le doux parfum du Christ?".

C'est vrai, reconnaît saint Augustin, il reste encore des personnes liées à l'idolâtrie. Et cela vaut également pour notre temps, avec son matérialisme qui est une idolâtrie. Augustin ajoute: même si ces personnes demeurent, cette idolâtrie se poursuit; "chaque jour il y a cependant des gens qui, convaincus par les miracles du Christ Seigneur, embrassent la foi, et grâce à Dieu, il en est de même aujourd'hui! Chaque jour les yeux s'ouvrent à des aveugles et les oreilles à des sourds, des narines qui étaient auparavant bouchées commencent à respirer, les langues des muets se délient, les membres des paralytiques se fortifient, les pieds des boiteux se redressent. De toutes ces pierres sortent les fils d'Abraham (cf. Mt 3,9). Que l'on dise donc à eux tous: "Maison d'Israël, bénis le Seigneur"... Bénissez le Seigneur, vous peuples en général! Cela signifie "Maison d'Israël". Bénissez-le vous, ô prélats de l'Eglise! Cela signifie "Maison d'Aaron". Bénissez-le, vous ministres! Cela signifie "Maison de Lévi". Et des autres nations que dire? "Vous qui craignez le Seigneur, bénissez le Seigneur"" (Discours sur le Psaume 134, 24-25: Nuova Biblioteca Agostinianan, XXVIII, Rome 1977, pp. 375 377). Faisons nôtre cette invitation et bénissons, louons et adorons le Seigneur, le Dieu vivant et véritable.
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J’accueille avec plaisir les pèlerins de langue française. Je salue particulièrement les enfants de choeur du diocèse de Bâle, en Suisse. Alors que vient de commencer l’Assemblée du Synode des Évêques, je vous invite à trouver dans l’Eucharistie la véritable nourriture de votre vie et la source de votre témoignage parmi vos frères.


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Mercredi 12 octobre 2005



Salut à la Ville Sainte de Jérusalem
Lecture: Ps 121, 1-3.5.8-9

1. Le Cantique que nous venons d'entendre et de goûter comme prière est l'un des plus beaux et des plus passionnés Cantiques des Ascensions. Il s'agit du Psaume 121, une célébration vivante et intense à Jérusalem, la Ville Sainte vers laquelle montent les pèlerins.

En effet, dès l'ouverture se fondent ensemble deux moments vécus par le fidèle: celui du jour où il accueillit l'invitation à "aller à la maison de Yahvé" (v. 1) et celui de l'arrivée joyeuse aux "portes" de Jérusalem (cf. v. 2); à présent, les pieds foulent finalement cette terre sainte et aimée. C'est précisément alors que les lèvres s'ouvrent en un chant festif en l'honneur de Sion, considérée dans sa plus profonde signification spirituelle.

2. "Ville où tout ensemble fait corps" (v. 3), symbole de sécurité et de stabilité, Jérusalem est le coeur de l'unité des douze tribus d'Israël, qui convergent vers elle comme centre de leur foi et de leur culte. C'est là, en effet, qu'elles montent "pour rendre grâce au nom de Yahvé" (v. 4), dans le lieu que la "loi d'Israël" (Dt 12,13-14 Dt 16,16) a établi comme l'unique sanctuaire légitime et parfait.

A Jérusalem, il y a une autre réalité importante, elle aussi signe de la présence de Dieu en Israël: ce sont "les sièges de la maison de David" (cf. Ps 121,5), c'est-à-dire que la dynastie de David gouverne, étant l'expression de l'action divine dans l'histoire, qui devait déboucher sur le Messie (2S 7,8-16).

3. Les "sièges de la maison de David" sont appelés dans le même temps "sièges du jugement" (cf. Ps 121,55), car le roi était également le juge suprême. Ainsi Jérusalem, capitale politique, était également le siège judiciaire le plus élevé, où se résolvaient en dernière instance les controverses: voilà pourquoi, en sortant de Sion, les pèlerins juifs retournaient dans leurs villages en étant plus justes et pacifiés.

Le Psaume a ainsi tracé un portrait idéal de la Ville Sainte dans sa fonction religieuse et sociale, montrant que la religion biblique n'est ni abstraite, ni intimiste, mais qu'elle est ferment de justice et de solidarité. A la communion avec Dieu suit nécessairement celle des frères entre eux.

4. Nous arrivons à présent à l'invocation finale (cf. vv. 6-9). Celle-ci est entièrement rythmée par la parole hébraïque shalom, "paix", traditionnellement considérée à la base du nom même de la Ville Sainte Jerushalajim, interprétée comme "ville de la paix".

Comme on le sait, shalom fait allusion à la paix messianique, qui rassemble en elle joie, prospérité, bien et abondance. Dans l'adieu final que le pèlerin adresse au temple, à la "maison du Seigneur notre Dieu", le "bien" s'ajoute même à la paix: "je prie pour ton bonheur" (v. 9). On a ainsi, sous une forme anticipée, le salut franciscain: "Paix et bien!". Nous sommes tous un peu franciscains dans l'âme. C'est un souhait de bénédiction sur les fidèles qui aiment la Ville Sainte, sur sa réalité physique de murs et de palais dans lesquels bat la vie d'un peuple, sur tous les frères et les amis. De cette façon Jérusalem deviendra un foyer d'harmonie et de paix.

5. Nous concluons notre méditation sur le Psaume 121 par une idée de réflexion inspirée par les Pères de l'Eglise, pour lesquels la Jérusalem antique était le signe d'une autre Jérusalem, elle aussi, "construite comme une ville où tout ensemble fait corps". Cette ville - rappelle saint Grégoire le Grand dans ses Homélies sur Ezéchiel - "a déjà ici un grand édifice dans les coutumes des saints. Dans un édifice, une pierre soutient l'autre, car l'on pose une pierre sur l'autre, et celui qui soutient un autre est à son tour soutenu par un autre. Il en est ainsi, précisément ainsi, dans la sainte Eglise où chacun soutient et est soutenu. Les plus proches se soutiennent mutuellement, et grâce à eux s'élève ainsi l'édifice de la charité. Voilà pourquoi Paul avertit, en disant: "Portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la Loi du Christ" (Ga 6,2). Soulignant la force de cette loi, il dit: "La charité est donc la Loi dans sa plénitude" (Rm 13,10). En effet, si je ne m'efforce pas de vous accepter tels que vous êtes, et que vous ne vous engagez pas à m'accepter tel que je suis, l'édifice de la charité ne peut pas s'élever entre nous, qui sommes pourtant liés par un amour réciproque et patient". Et pour compléter l'image, il ne faut pas oublier qu'il "y a un fondement qui supporte tout le poids de la construction et il s'agit de notre Rédempteur, qui seul tolère dans leur ensemble nos comportements à tous. L'Apôtre dit de lui: "De fondement, en effet, nul n'en peut poser d'autre que celui qui s'y trouve, c'est-à-dire Jésus Christ" (1Co 3,11). Le fondement porte les pierres et n'est pas porté par les pierres; c'est-à-dire que notre Rédempteur porte le poids de toutes nos fautes, mais en lui il n'y a eu aucune faute à tolérer" (2, 1, 5: Oeuvres de Grégoire le Grand, III/2, Rome 1993, pp. 27 29).

Et ainsi, le grand Pape saint Grégoire nous dit ce que signifie le Psaume concrètement pour notre vie de tous les jours. Il nous dit que nous devons être dans l'Eglise d'aujourd'hui une véritable Jérusalem, c'est-à-dire un lieu de paix, "nous portant les uns les autres", tels que nous sommes; "nous portant ensemble", dans la certitude joyeuse que le Seigneur "nous porte tous". Et ainsi, l'Eglise croît comme une véritable Jérusalem, un lieu de paix. Mais nous voulons également prier pour la ville de Jérusalem, afin qu'elle soit toujours plus un lieu de rencontre entre les religions et les peuples, qu'elle soit réellement un lieu de paix.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin. Que le Christ vous accompagne chaque jour, pour que vous répondiez avec générosité à ses appels et pour que vous soyez des pierres vivantes de son Église !


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Mercredi 19 octobre 2005

"Des profondeurs je crie vers Toi"
Lecture: Ps 129, 1-6

1. L'un des Psaumes les plus célèbres et aimés de la tradition chrétienne vient d'être proclamé: le De profundis, ainsi appelé à partir des premiers mots de sa version latine. Avec le Miserere, celui-ci est devenu l'un des Psaumes pénitentiels préférés de la dévotion populaire.

Au-delà de son application funèbre, le texte est avant tout un chant à la miséricorde divine et à la réconciliation entre le pécheur et le Seigneur, un Dieu juste, mais toujours prêt à se révéler comme le "Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité; qui garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché" (Ex 34,6-7). C'est précisément pour cette raison que notre Psaume se trouve inséré dans la liturgie vespérale de Noël et de tout l'octave de Noël, ainsi que dans celle du IV dimanche de Pâques et de la solennité de l'Annonciation du Seigneur.

2. Le Psaume 129 s'ouvre par une voix qui monte des profondeurs du mal et de la faute (cf. vv 1-2). Le moi de l'orant s'adresse au Seigneur en disant: "Je crie vers toi, Yahvé". Le Psaume se développe ensuite en trois moments consacrés au thème du péché et du pardon. On s'y adresse avant tout à Dieu, interpellé directement par un tutoiement: "Si tu retiens les fautes, Yahvé, Seigneur, qui subsistera? Mais le pardon est près de toi, pour que demeure ta crainte" (vv. 3-4).

Il est significatif que ce qui engendre la crainte, attitude de respect mêlée d'amour, ne soit pas le châtiment, mais le pardon. Plus que la colère de Dieu, c'est sa magnanimité et sa générosité désarmante qui doivent provoquer en nous une sainte crainte. En effet, Dieu n'est pas un souverain inexorable qui condamne le coupable, mais un père aimant, que nous devons aimer non par crainte d'une punition, mais pour sa bonté prête à pardonner.

3. Au centre du deuxième moment, se trouve le "moi" de l'orant qui ne s'adresse plus au Seigneur, mais qui parle de lui: "J'espère, Yahvé, elle espère, mon âme en ta parole; mon âme attend le Seigneur plus que les veilleurs de l'aurore" (vv. 5-6). A présent, dans le coeur du Psalmiste repenti fleurissent l'attente, l'espérance, la certitude que Dieu prononcera une parole libératrice et effacera le péché.

La troisième et dernière étape, dans le déroulement du Psaume, s'étend à tout Israël, au peuple souvent pécheur et conscient de la nécessité de la grâce salvifique de Dieu: "Qu'Israël attende Yahvé! Car près de Yahvé est la grâce, près de lui, l'abondance du rachat; c'est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes" (vv. 7-8).

Le salut personnel, auparavant imploré par l'orant, est à présent étendu à toute la communauté. La foi du Psalmiste se greffe sur la foi historique du peuple de l'alliance, "racheté" par le Seigneur non seulement des angoisses de l'oppression égyptienne, mais également de "toutes les fautes". Nous pensons que le peuple élu, le peuple de Dieu, c'est à présent nous. Notre foi aussi nous greffe sur la foi commune de l'Eglise. Et précisément ainsi, cela nous donne la certitude que Dieu est bon avec nous et nous libère de nos fautes.

En partant du gouffre ténébreux du péché, la supplique du De profundis parvient à l'horizon lumineux de Dieu; où dominent "la miséricorde et la rédemption", deux grandes caractéristiques du Dieu qui est amour.

4. Suivons à présent la méditation que la tradition chrétienne a élaborée sur ce Psaume. Nous choisissons la phrase de saint Ambroise: dans ses écrits, il rappelle souvent les motifs qui poussent à invoquer le pardon de Dieu.

"Nous avons un Seigneur bon qui veut pardonner à tous", rappelle-t-il dans le traité sur La pénitence, et il ajoute: "Si tu veux être justifié, confesse ton méfait: une humble confession des péchés libère du lien des fautes... Vois avec quelle espérance de pardon il te pousse à confesser" (2, 6, 40-41: Sancti Ambrosii Episcopi Mediolanensis Opera - SAEMO, XVII, Milan-Rome 1982, p. 253).

Dans le Discours sur l'Evangile selon Luc, répétant la même invitation, l'Evêque de Milan exprime l'émerveillement pour les dons que Dieu ajoute à son pardon: "Vois combien Dieu est bon, et disposé à pardonner les péchés: non seulement il redonne ce qu'il avait enlevé, mais il accorde également des dons inespérés". Zaccharie, père de Jean-Baptiste, était devenu muet car il n'avait pas cru l'ange, mais ensuite, le pardonnant, Dieu lui avait accordé le don de prophétiser dans le chant du "Benedictus": "Celui qui peu auparavant était muet, à présent il prophétise déjà", observe saint Ambroise, "c'est l'une des plus grandes grâces du Seigneur, que précisément ceux qui l'ont renié le confessent. Que personne ne se décourage donc, que personne ne désespère de recevoir les récompenses divines, même si d'anciens péchés le tourmentent, Dieu sait changer d'avis, si tu sais corriger la faute" (2, 33: SAEMO, XI, Milan-Rome 1978, p. 175).
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Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les élèves du Groupe scolaire Sainte Marie - Saint Justin, de Nanterre, et les élèves de l’école Notre-Dame de France, de Marseille. Que le Christ, qui appelle tous ses disciples à grandir dans la sainteté, vous donne de répondre généreusement à ses appels! À tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.


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Mercredi 26 octobre 2005 - Le Christ, Serviteur de Dieu

Lecture: Ph 2, 6.9-11

1. Encore une fois, en suivant le parcours proposé par la Liturgie des Vêpres avec les divers Psaumes et Cantiques, nous avons entendu retentir l'hymne admirable et essentiel inséré par saint Paul dans la Lettre aux Philippiens (2, 6-11).

Par le passé, nous avons déjà souligné que le texte comprend un double mouvement: descendant et ascendant. Dans le premier, le Christ Jésus choisit de descendre de la splendeur de la divinité qui lui appartient par nature, jusqu'à l'humiliation de la "mort de la croix". Il se révèle ainsi véritablement homme et notre rédempteur, à travers une participation totale et authentique à notre réalité humaine de douleur et de mort.

2. Le deuxième mouvement, ascendant, révèle la gloire pascale du Christ qui, après la mort, se manifeste à nouveau dans la splendeur de sa majesté divine.

Le Père, qui avait accueilli l'acte d'obéissance du Fils dans l'Incarnation et dans la Passion, l'"exalte" à présent de façon suréminente, comme le dit le texte grec. Cette exaltation est exprimée non seulement à travers l'intronisation à la droite de Dieu, mais également en conférant au Christ le "Nom qui est au-dessus de tout nom" (v. 9).

Or, dans le langage biblique, le "nom" indique la véritable essence et la fonction spécifique d'une personne, il en exprime la réalité intime et profonde. A son Fils, qui par amour s'est humilié dans la mort, le Père confère une dignité incomparable, le "Nom" le plus éminent, celui de "Seigneur", précisément de Dieu lui-même.

3. En effet, la proclamation de foi, entonnée en choeur par le ciel, la terre et l'enfer, qui sont prosternés en adoration, est claire et explicite: "Jésus Christ est le Seigneur" (v. 11). En grec, on affirme que Jésus est Kyrios, un titre certainement royal, qui dans la tradition grecque de la Bible, rendait le nom de Dieu révélé à Moïse, un nom sacré et imprononçable. C'est par ce nom "Kyrios" que l'on reconnaît Jésus Christ, vrai Dieu.

Nous trouvons donc, d'un côté, la reconnaissance de la seigneurie universelle de Jésus Christ, qui reçoit l'hommage de toute la création, vue comme un sujet prosterné à ses pieds. Cependant, de l'autre côté, l'acclamation de foi déclare que le Christ subsiste dans la forme ou condition divine, le présentant donc comme digne d'adoration.

4. Dans cet hymne, la référence au scandale de la croix (cf. 1Co 1,23) et, encore auparavant, à la véritable humanité du Verbe fait chair (cf. Jn 1,14), est intimement liée et atteint son sommet dans l'événement de la résurrection. A l'obéissance sacrificielle du Fils suit la réponse glorificatrice du Père, à laquelle s'unit l'adoration de la part de l'humanité et de la création. La singularité du Christ naît de sa fonction de Seigneur du monde racheté, qui Lui a été conférée en raison de son obéissance parfaite "jusqu'à la mort". Le projet de salut trouve son plein accomplissement dans le Fils et les fidèles sont invités - surtout dans la liturgie - à le proclamer et à en vivre les fruits.

Tel est l'objectif vers lequel nous conduit l'hymne christologique que l'Eglise, depuis des siècles, médite, chante et considère comme un guide de vie: "Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus" (Ph 2,5).

5. Suivons à présent la méditation que saint Grégoire de Nazianze a élaborée avec sagesse sur notre hymne. Dans une poésie en l'honneur du Christ, le grand Docteur de l'Eglise du IV siècle déclare que Jésus Christ "ne se dépouilla d'aucune partie constitutive de sa nature divine, et malgré cela me sauva comme un guérisseur qui se penche sur les plaies infectées... Il était de la lignée de David, mais il fut le créateur d'Adam. Il était revêtu de chair, mais il était aussi étranger au corps. Il fut engendré par une mère, mais par une mère vierge; il était circonscrit, mais il était aussi immense. Et il fut accueilli dans une mangeoire, mais une étoile servit de guide aux Rois Mages, qui arrivèrent en lui portant des dons et s'agenouillèrent devant lui. Comme un mortel, il dut lutter contre le démon, mais, étant invincible, il vainquit le tentateur dans un triple combat... Il fut victime, mais également prêtre suprême; il fut sacrificateur, et pourtant, il était Dieu. Il offrit son sang à Dieu, et de cette façon il purifia le monde entier. Une croix le souleva de terre, mais le péché resta enfoncé par les clous... Il alla parmi les morts, mais il ressuscita de l'enfer et ressuscita un grande nombre de personnes qui étaient mortes. Le premier événement est propre à la misère humaine, mais le deuxième appartient à la richesse de l'être incorporel... Le Fils immortel assuma cette forme terrestre en lui, car il t'aime" (Carmina arcana, 2: Collana di Testi Patristici, LVIII, Roma 1986, pp. 236-238).

A la fin de cette méditation, je voudrais souligner deux phrases pour notre vie. Tout d'abord, cet avertissement de saint Paul: "Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus". Apprendre à avoir les mêmes sentiments qu'avait Jésus; conformer notre façon de penser, de décider, d'agir, aux sentiments de Jésus. Prenons cette voie si nous voulons conformer nos sentiments à ceux de Jésus: prenons la bonne voie. L'autre phrase est de saint Grégoire de Nazianze: "Lui, Jésus t'aime". Cette parole de tendresse est pour nous un grand réconfort, mais également une grande responsabilité, jour après jour.
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Je salue avec joie les pèlerins de langue française, en particulier le groupe de Dunkerque accompagné par Mgr Gérard Defois, Archevêque-Évêque de Lille, et tous les jeunes présents. Accueillez l’amour du Christ et soyez de vrais témoins du Seigneur, dans son Église et dans la vie de chaque jour !



Catéchèses Benoît XVI 18