Catéchèses Benoît XVI 30

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Mercredi 14 décembre 2005



Dieu voit tout - Lecture: Ps 138, 1-3.5-6.11-12

1. La Liturgie des Vêpres - dont nous méditons les Psaumes et les Cantiques - nous propose, en deux étapes distinctes, la lecture d'un hymne sapientiel d'une beauté limpide et d'une grande force émotive, le Psaume 138. Nous avons aujourd'hui devant nous la première partie de la composition (cf. vv. 1-12), c'est-à-dire les deux premières strophes qui exaltent respectivement l'omniscience de Dieu (cf. vv. 1-6) et son omniprésence dans l'espace et dans le temps (cf. vv. 7-12).

La vigueur des images et des expressions a pour but de célébrer le Créateur: "Si telle est la grandeur des oeuvres créées - affirme Théodoret de Cyr, écrivain chrétien du V siècle - combien leur Créateur doit être grand!" (Discours sur la Providence, 4: Collection de Textes patristiques, LXXV, Rome 1988, p. 115). La méditation du Psalmiste vise surtout à pénétrer dans le mystère du Dieu transcendant, et pourtant proche de nous.

2. La substance du message qu'il nous offre est linéaire: Dieu sait tout et il est présent aux côtés de sa créature, qui ne peut pas se soustraire à lui. Sa présence n'est cependant pas une présence menaçante et inquisitrice; certes, il porte également un regard sévère sur le mal, à l'égard duquel il n'est pas indifférent.

Toutefois, l'élément fondamental est celui d'une présence salvifique, capable d'embrasser tout l'être et toute l'histoire. C'est, en pratique, le cadre spirituel auquel saint Paul, en parlant à l'Aréopage d'Athènes, fait allusion à travers le recours à une citation d'un poète grec: "C'est en lui qu'il nous est donné de vivre, de nous mouvoir, d'exister" (Ac 17,28).

3. Le premier passage (cf. Ps 138,1-6), comme on vient de le dire, est la célébration de l'omniscience divine: en effet, les verbes de la connaissance tels que "sonder", "connaître", "savoir", "percer", "sentir", "science" sont répétés. Comme on le sait, la connaissance biblique dépasse le pur et simple apprentissage et la compréhension intellectuelle; c'est une sorte de communion entre celui qui connaît et ce qui est connu: le Seigneur est donc en intimité avec nous, lorsque nous pensons et lorsque nous agissons.

Le deuxième passage de notre Psaume (cf. vv. 7-12) est en revanche consacré à l'omniprésence divine. Dans celui-ci est décrite de façon très vivante la volonté illusoire de l'homme de se soustraire à cette présence. Tout l'espace est parcouru: il y a tout d'abord l'axe vertical "ciel-enfer" (cf. v. 8), qui fait place à la dimension horizontale, celle qui va de l'aurore, c'est-à-dire de l'orient, et parvient jusqu'"au plus loin de la mer" Méditerranée, c'est-à-dire l'occident (cf. v. 9). Chaque lieu de l'espace, même le plus secret, renferme une présence active de Dieu.

Le Psalmiste poursuit en introduisant également l'autre réalité dans laquelle nous sommes plongés, le temps, symboliquement représenté par la nuit et par la lumière, par les ténèbres et par le jour (cf. vv. 11-12). Même l'obscurité, dans laquelle il est difficile d'avancer et de voir, est pénétrée par le regard et par l'épiphanie du Seigneur de l'être et du temps. Sa main est toujours prête à saisir la nôtre pour nous guider sur notre itinéraire terrestre (cf. v. 10). Il ne s'agit donc pas d'une proximité de jugement, qui provoque la terreur, mais de soutien et de libération.

Et ainsi, nous pouvons comprendre quel est le contenu ultime, essentiel, de ce Psaume: il s'agit d'un chant de confiance. Dieu est toujours avec nous. Même dans les nuits les plus obscures de notre vie, il ne nous abandonne pas. Même dans les moments les plus difficiles, il demeure présent. Et même lors de la dernière nuit, dans l'ultime solitude où nul ne peut nous accompagner, dans la nuit de la mort, le Seigneur ne nous abandonne pas. Il nous accompagne également dans cette ultime solitude de la nuit de la mort. C'est pourquoi nous, chrétiens, pouvons avoir confiance: nous ne sommes jamais seuls. La bonté de Dieu est toujours avec nous.

4. Nous avons commencé par une citation de l'écrivain chrétien Théodoret de Cyr. Nous concluons en ayant encore recours à lui et à son IV Discours sur la Providence divine, car, en dernière analyse, tel est le thème du Psaume. Il s'arrête sur le v. 6, dans lequel l'orant s'exclame: "Merveille de science qui me dépasse, hauteur où je ne puis atteindre". Théodoret commente ce passage en s'adressant à l'intériorité de la connaissance et de l'expérience personnelle et il affirme: "Tourné vers moi-même et devenu intime à moi-même, m'étant éloigné des clameurs extérieures, je voulus me plonger dans la contemplation de ma nature... En réfléchissant sur ces choses et en pensant à l'harmonie entre la nature mortelle et la nature immortelle, je suis vaincu par tant de prodige et, n'arrivant pas à contempler ce mystère, je reconnais ma défaite; de plus, alors que je proclame la victoire de la sagesse du Créateur et que je lui élève des hymnes de louange, je m'écrie: "Merveille de science qui me dépasse, hauteur où je ne puis atteindre"" (Collection de Textes patristiques, LXXV, Rome 1988, pp. 116 117).
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, notamment les groupes de jeunes. Que le temps de l’Avent ouvre vos coeurs à la joie du pardon reçu pour accueillir en hommes nouveaux Celui qui vient à notre rencontre !


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Mercredi 21 décembre 2005



La lumière de Noël



L'Audience générale d'aujourd'hui se déroule dans une atmosphère d'attente heureuse et fervente pour les fêtes de Noël désormais imminentes. Viens Seigneur Jésus! C'est ce que nous répétons dans la prière, au cours de ces journées, en prédisposant notre coeur à goûter la joie de la naissance du Rédempteur. Au cours de cette dernière semaine de l'Avent, en particulier, la liturgie accompagne et soutient notre chemin intérieur par des invitations répétées à accueillir le Sauveur, en le reconnaissant dans l'humble Enfant qui repose dans une mangeoire.

C'est le mystère de Noël, que de nombreux symboles nous aident à mieux comprendre. Parmi ces symboles se trouve celui de la lumière, qui est l'un des plus riches de signification spirituelle, et sur lequel je voudrais m'arrêter brièvement. La fête de Noël coïncide, dans notre hémisphère, avec les jours de l'année où le soleil termine sa parabole descendante et s'apprête à allonger graduellement le temps de la lumière diurne, selon la succession récurrente des saisons. Cela nous aide à mieux comprendre le thème de la lumière qui dissipe les ténèbres. Il s'agit d'un symbole évocateur d'une réalité qui touche l'homme en profondeur: je me réfère à la lumière du bien qui vainc le mal, de l'amour qui dépasse la haine, de la vie qui l'emporte sur la mort. C'est à cette lumière intérieure, à la lumière divine que fait penser Noël, qui revient nous proposer l'annonce de la victoire définitive de l'amour de Dieu sur le péché et la mort. Pour cette raison, on trouve de nombreux rappels significatifs à la lumière dans la Neuvaine de Noël que nous effectuons. L'antienne chantée au début de notre rencontre nous le rappelle également. Le Sauveur attendu par les nations est salué comme "Soleil levant", l'étoile qui indique la voie et guide les hommes, voyageurs parmi l'obscurité et les dangers du monde, vers le salut promis par Dieu et réalisé en Jésus Christ.

En nous préparant à célébrer avec joie la naissance du Sauveur dans nos familles et dans nos communautés ecclésiales, alors qu'une certaine culture moderne et consumériste tend à faire disparaître les symboles chrétiens de la célébration de Noël, que chacun s'engage à saisir la valeur des traditions de Noël, qui font partie du patrimoine de notre foi et de notre culture, pour les transmettre aux nouvelles générations. En particulier, en voyant les rues et les places des villes décorées par des illuminations resplendissantes, rappelons-nous que ces lumières évoquent une autre lumière, invisible aux yeux, mais non au coeur. Alors que nous les admirons, alors que nous allumons les bougies dans les églises ou l'illumination de la crèche et de l'arbre de Noël dans les maisons, que notre âme s'ouvre à la véritable lumière spirituelle apportée à tous les hommes de bonne volonté. Le Dieu avec nous, né à Bethléem de la Vierge Marie, est l'Etoile de notre vie!

"Ô Astre qui surgit, splendeur de la lumière éternelle, Soleil de justice: viens, illumine ceux qui gisent dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort". En faisant nôtre cette invocation de la liturgie d'aujourd'hui, nous demandons au Seigneur de hâter son avent glorieux parmi nous, parmi tous ceux qui souffrent, car ce n'est qu'en Lui que peuvent être comblées les attentes authentiques du coeur humain. Que cet Astre de lumière, qui ne décline jamais, nous transmette la force pour suivre toujours le chemin de la vérité, de la justice et de l'amour! Vivons intensément ces derniers jours qui précèdent Noël, avec Marie, la Vierge du silence et de l'écoute. Que Celle-ci, qui fut totalement enveloppée par la lumière de l'Esprit Saint, nous aide à comprendre et à vivre pleinement le mystère du Noël du Christ. Avec ces sentiments, en vous exhortant à conserver vivant l'émerveillement intérieur dans l'attente fervente de la célébration désormais proche de la naissance du Sauveur, je suis heureux d'adresser dès à présent mes voeux les plus fervents pour un saint et joyeux Noël à vous tous ici présents, à vos proches, à vos communautés et à ceux qui vous sont chers.

Joyeux Noël à tous!
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J’accueille avec plaisir, ce matin, les pèlerins de langue française, particulièrement les familles et les jeunes. Je souhaite à tous une sainte et joyeuse fête de Noël. Que le Christ, Soleil levant, vous donne la force de le suivre sur le chemin de la vérité, de la justice et de l’amour!
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Mercredi 28 décembre 2005



O Dieu, tu me scrutes et me connais - Lecture: Ps 138, 13-16.23-24

1. En cette Audience générale du mercredi de l'Octave de Noël, fête liturgique des Saints Innocents, nous reprenons notre méditation sur le Psaume 138, dont la lecture est proposée comme prière par la Liturgie des Vêpres en deux étapes distinctes. Après avoir contemplé dans la première partie (cf. vv. 1-12) le Dieu omniscient et omniprésent, Seigneur de l'être et de l'histoire, cet hymne sapientiel d'intense beauté et passion se tourne à présent vers la réalité la plus élevée et admirable de tout l'univers, l'homme, défini comme le "prodige" de Dieu (cf. v. 14). Il s'agit en réalité d'un thème profondément en harmonie avec l'atmosphère de Noël que nous vivons en ces journées, au cours desquelles nous célébrons le grand mystère du Fils de Dieu qui s'est fait homme, ou plutôt qui s'est fait enfant, pour notre salut.

Après avoir considéré le regard et la présence du Créateur qui embrassent tout l'horizon cosmique, dans la deuxième partie du Psaume que nous méditons aujourd'hui, les yeux pleins d'amour de Dieu se tournent vers l'être humain, considéré dans son début plein et complet. Il est encore "informe" dans l'utérus maternel: le terme hébreu utilisé a été entendu par certains experts bibliques comme un renvoi à l'"embryon", décrit dans ce terme comme une petite réalité ovale, lovée, mais sur laquelle se pose déjà le regard bienveillant et plein d'amour des yeux de Dieu (cf. v. 16).

2. Le Psalmiste, pour définir l'action divine à l'intérieur du sein maternel, a recours aux images bibliques classiques, alors que la cavité génératrice de la mère est comparée aux "profondeurs de la terre", c'est-à-dire à la vitalité constante de la grande mère terre (cf. v. 15).

Il y a tout d'abord le Symbole du potier et du sculpteur qui "forme", modèle sa création artistique, son chef-d'oeuvre, précisément comme on le disait dans le livre de la Genèse à propos de la création de l'homme: "Alors Yahvé Dieu modela l'homme avec la glaise du sol" (Gn 2,7). Il y a ensuite le symbole du "tissu", qui évoque la délicatesse de la peau, de la chair, des nerfs "tissés" sur le squelette osseux. Job réévoquait lui aussi avec force ces images, ainsi que d'autres, pour exalter ce chef-d'oeuvre qu'est la personne humaine, bien que frappée et blessée par la souffrance: "Tes mains m'ont façonné, créé;... Souviens-toi : tu m'as fait comme on pétrit l'argile... Ne m'as-tu pas coulé comme du lait et fait cailler comme du laitage, vêtu de peau et de chair, tissé en os et en nerfs?" (Jb 10,8-11).

3. Dans notre Psaume, l'idée que Dieu voit déjà tout l'avenir de cet embryon encore "informe" est extrêmemnt puissante: dans le livre de la vie du Seigneur sont déjà inscrits les jours que cette créature vivra et remplira d'oeuvres au cours de son existence terrestre. C'est ainsi que réapparaît la grandeur transcendante de la connaissance divine, qui n'embrasse pas seulement le passé et le présent de l'humanité, mais également la perspective encore cachée de l'avenir. Mais apparaît ici également la grandeur de cette petite créature humaine non née, formée par les mains de Dieu et entourée de son amour: un éloge biblique de l'être humain dès le premier moment de son existence.

Nous voudrions à présent nous remettre à la réflexion que saint Grégoire le Grand, dans ses Homélies sur Ezéchiel, a élaborée sur la phrase du Psaume que nous avons commenté plus haut: "Mon embryon, tes yeux le voyaient: sur ton livre, ils sont tous inscrits les jours qui ont été fixés" (v. 16). Sur ces mots, le Pontife et Père de l'Eglise a construit une méditation originale et délicate, concernant ceux qui dans la communauté chrétienne sont les plus faibles dans leur démarche spirituelle.

Et il dit que même les plus faibles dans la foi et dans la vie chrétienne font partie de l'architecture de l'Eglise, ils s'y "trouvent toutefois comptés... en vertu de son bon vouloir. C'est vrai, ils sont imparfaits et petits, cependant pour autant qu'ils réussissent à comprendre, ils aiment Dieu et leur prochain et ne négligent pas d'accomplir le bien qu'ils peuvent. Même s'ils n'arrivent pas encore aux dons spirituels, au point d'ouvrir l'âme à l'action parfaite et à la contemplation ardente, ils ne refusent toutefois pas l'amour de Dieu et du prochain, dans la mesure où ils sont capables de le comprendre. C'est pourquoi, il arrive qu'eux aussi contribuent, tout en étant situés à une place moins importante, à l'édification de l'Eglise, car, bien qu'inférieurs du point de vue de la doctrine, de la prophétie, de la grâce des miracles et du complet détachement du monde, ils reposent toutefois sur le fondement de la crainte et de l'amour, dans lequel ils trouvent leur solidité" (2, 3, 12-13, OEuvres de Grégoire le Grand, III/2, Rome 1993, pp. 79 81).

Le message de saint Grégoire devient un grand réconfort pour nous tous qui avançons souvent avec difficulté sur le chemin de la vie spirituelle et ecclésiale. Le Seigneur nous connaît et nous entoure tous de son amour.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, notamment les membres du Conseil général élargi de la Congrégation de Jésus et Marie, et le groupe de la paroisse Saint-Victor de Meylan. À tous, je souhaite une heureuse et sainte année 2006, avec la Bénédiction apostolique.



Mercredi 4 janvier 2006: Le Christ fut engendré avant toute créature Col 1, 3.12.18-20

Il est le premier-né de ceux qui ressuscitent d'entre les morts - Lecture: Col 1,3 Col 1,12 Col 1,18-20

Chers frères et soeurs,

1. En cette première Audience générale de la nouvelle année, nous nous arrêtons pour méditer sur le célèbre hymne christologique contenu dans la Lettre aux Colossiens, qui est comme le solennel portail d'entrée de ce riche texte paulinien, ainsi qu'un portail d'entrée pour cette année. L'Hymne proposé à notre réflexion est encadré par une longue formule de remerciement (cf. vv. 3.12-14). Celle-ci nous aide à créer l'atmosphère spirituelle pour bien vivre ces premiers jours de 2006, ainsi que notre chemin tout au long de la nouvelle année (cf. vv. 15-20).

La louange de l'Apôtre, de même que la nôtre, s'élève vers "Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ" (v. 3), source de ce salut qui est décrit du point de vue négatif comme "arrachement à l'empire des ténèbres" (cf. v. 13), c'est-à-dire comme "rédemption et rémission des péchés" (v. 14). Il est ensuite proposé de manière positive comme "participation au sort des saints dans la lumière" (cf. v. 12) et comme entrée "dans le Royaume de son Fils bien-aimé" (v. 13).

2. C'est à ce point que s'ouvre l'Hymne, profond et intense, qui a comme centre le Christ, dont on exalte le primat et l'oeuvre, que ce soit dans la création ou dans l'histoire de la rédemption (cf. vv. 15-20). L'on trouve donc deux mouvements dans le chant. Dans le premier est présenté le premier-né de toute la création, le Christ, "Premier-né de toute créature" (v. 15). Il est, en effet, l'"image du Dieu invisible", et cette expression est chargée de toute la signification que l'"icône" possède dans la culture de l'Orient: on ne souligne pas tant la ressemblance, mais l'intimité profonde avec le sujet représenté.

Le Christ repropose parmi nous de manière visible le "Dieu invisible". En Lui nous voyons le visage de Dieu, à travers la nature commune qui les unit. Le Christ, en raison de sa très haute dignité, précède "toutes les choses" non seulement à cause de son éternité, mais également et surtout à travers son oeuvre créatrice et providentielle: "car c'est en lui qu'ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles... et tout subsiste en lui" (vv. 16-17). Elles ont même également été créées "pour lui" (v. 16). Et ainsi saint Paul nous indique une vérité très importante: l'histoire a un objectif, elle a une direction. L'histoire va vers l'humanité unie dans le Christ, elle va ainsi vers l'homme parfait, vers l'humanisme parfait. En d'autres termes, saint Paul nous dit: oui, il y a un progrès dans l'histoire. Il y a - si l'on veut - une évolution de l'histoire. Le progrès est tout ce qui nous rapproche du Christ et nous rapproche ainsi de l'humanité unie, du véritable humanisme. Dans ces indications, se cache donc également un impératif pour nous: travailler pour le progrès, une chose que nous voulons tous; nous pouvons le faire en travaillant pour le rapprochement des hommes au Christ; nous pouvons le faire en nous conformant personnellement au Christ, en allant ainsi dans la direction du véritable progrès.

3. Le deuxième mouvement de l'Hymne (cf. Col 1,18-20) est dominé par la figure du Christ sauveur au sein même de l'histoire du salut. Son oeuvre se révèle tout d'abord dans le fait d'être "Tête du Corps, c'est-à-dire de l'Eglise" (v. 18): tel est l'horizon salvifique privilégié dans lequel se manifestent en plénitude la libération et la rédemption, la communion vitale qui existe entre la tête et les membres du corps, c'est-à-dire entre le Christ et les chrétiens. Le regard de l'Apôtre se tourne vers l'objectif ultime vers lequel converge l'histoire: le Christ est le "Premier-né d'entre les morts" (v. 18), il est celui qui ouvre les portes à la vie éternelle, en nous arrachant aux limites de la mort et du mal.

Voilà, en effet, ce pleroma, cette "plénitude" de vie et de grâce qui est dans le Christ lui-même et qui nous est donné et communiquée (cf. v. 19). Avec cette présence vitale, qui nous fait participer à la divinité, nous sommes transformés intérieurement, réconciliés, pacifiés: il s'agit là d'une harmonie de tout l'être racheté, dans lequel Dieu est désormais "tout en tous" (1Co 15,28), et vivre en chrétien signifie se laisser ainsi transformer intérieurement vers la forme du Christ. C'est alors que se réalise la réconciliation, la pacification.

4. Consacrons à présent un regard contemplatif à ce mystère grandiose de la rédemption, en reprenant les paroles de saint Proclus de Constantinople, mort en 446. Dans sa Première homélie sur la Mère de Dieu Marie, il repropose le mystère de la Rédemption comme une conséquence de l'Incarnation.

En effet, Dieu, rappelle l'Evêque, s'est fait homme pour nous sauver et nous arracher ainsi au pouvoir des ténèbres et nous reconduire dans le royaume du Fils bien-aimé, comme le rappelle précisément l'hymne de la Lettre aux Colossiens. "Celui qui nous a rachetés - observe Proclus - n'est pas un pur homme: en effet, tout le genre humain était asservi au péché; mais il n'était pas non plus un Dieu privé de nature humaine: il avait en effet un corps qui, s'il ne s'était pas revêtu de moi, ne m'aurait pas sauvé. Apparu dans le sein de la Vierge, Il revêtit l'habit du condamné. C'est là qu'eut lieu le terrible échange, il donna l'esprit et prit la chair" (8: Textes mariaux du premier millénaire, I Rome 1988, p. 561).

Nous nous trouvons donc devant l'oeuvre de Dieu, qui a accompli la Rédemption précisément parce qu'il était également un homme. Il est à la fois le Fils de Dieu, sauveur, mais également notre frère et c'est grâce à cette proximité qu'Il diffuse en nous le don divin.

Il est réellement le Dieu avec nous. Amen!
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier les jeunes de l’Institution Notre-Dame des Dunes de Dunkerque. Que votre pèlerinage vous aide à mettre le Christ au centre de votre vie, tout au long de l’année nouvelle. Bonne et sainte année à tous !


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Mercredi 11 janvier 2006

Prière du Roi pour la victoire et pour la paix - Lecture: Ps 143, 1-8


1. Notre itinéraire dans le Psautier utilisé par la Liturgie des Vêpres parvient à présent à un hymne royal, le Psaume 143, dont la première partie a été proclamée: en effet, la Liturgie propose ce chant en le divisant en deux moments.

La première partie (cf. vv. 1-8) révèle de manière nette la caractéristique littéraire de cette composition: le Psalmiste a recours à des citations d'autres textes des Psaumes, en les articulant dans un nouveau projet de chant et de prière.

Précisément parce que le Psaume appartient à une époque successive, il est facile de penser que le roi qui est exalté ne possède plus désormais les traits du souverain davidique, la royauté hébraïque ayant pris fin avec l'exil à Babylone au VI siècle av. J.-C., mais qu'il représente la figure lumineuse et glorieuse du Messie, dont la victoire n'est plus un événement guerrier et politique, mais une intervention de libération contre le mal. Au "messie" - terme hébreu qui indique le "consacré", comme l'était le souverain - fait ainsi place le "Messie" par excellence, qui, dans la relecture chrétienne, possède le visage de Jésus Christ, "fils de David, fils d'Abraham" (Mt 1,1).

2. L'hymne s'ouvre par une bénédiction, c'est-à-dire une exclamation de louange adressée au Seigneur, célébré par une petite litanie de titres salvifiques: il est le rocher sûr et stable, il est la grâce pleine d'amour, il est la forteresse protégée, la citadelle protectrice, le libérateur, le bouclier qui tient à distance tous les assauts du mal (cf. Ps 143,1-2). Il y a également l'image martiale de Dieu qui entraîne son fidèle à la lutte, de manière à ce qu'il sache affronter les hostilités environnantes, les puissances obscures du monde.

Devant le Seigneur tout-puissant, l'orant, malgré sa dignité royale, se sent faible et fragile. Il prononce alors une profession d'humilité qui est formulée, comme on le disait, en reprenant les mots des Psaumes 8 et 38. En effet, il sent qu'il est "comme un souffle", semblable à une ombre passagère, frêle et inconsistant, plongé dans le flux du temps qui passe, marqué par la limite propre à la créature (cf. Ps 143,4).

3. Voilà alors la question: pourquoi Dieu prend-il soin et se soucie-t-il de cette créature si misérable et caduque? La grandiose irruption divine répond à cette interrogation (cf. v. 3); c'est-à-dire la théophanie qui est accompagnée par un cortège d'éléments cosmiques et d'événements historiques, visant à célébrer la transcendance du Roi suprême de l'être, de l'univers et de l'histoire.

Voici des monts qui fument en éruptions volcaniques (cf. v. 5), des éclairs semblables à des flèches qui dispersent les méchants (cf. v. 6), voici les "grandes eaux" de l'océan qui sont le symbole du chaos dont le roi est cependant sauvé par la main divine elle-même (cf. v. 7). En arrière-plan demeurent les impies dont la bouche "parle de riens" et qui sont "parjures" (cf. vv. 7-8), une représentation concrète, selon le style sémite, de l'idolâtrie, de la perversion morale, du mal qui s'oppose véritablement à Dieu et à son fidèle.

4. A présent, pour notre méditation, nous nous arrêterons tout d'abord sur la profession d'humilité que le Psalmiste fait et nous nous en remettrons aux paroles d'Origène, dont le commentaire à notre texte nous est parvenu dans la version latine de saint Jérôme. "Le Psalmiste parle de la fragilité du corps et de la condition humaine", car "en ce qui concerne la condition humaine, l'homme est un néant. "Vanité des vanités, tout est vanité", dit l'Ecclésiaste. Mais c'est alors que revient la question pleine d'étonnement et de reconnaissance: ""Seigneur, qu'est l'homme pour que tu te sois manifesté à lui?"... C'est un grand bonheur pour l'homme de connaître son propre Créateur. C'est en cela que nous nous différencions des fauves et des autres animaux, car nous savons que nous avons notre Créateur, alors qu'ils ne le savent pas". Cela vaut la peine de méditer un peu ces paroles d'Origène, qui voit la différence fondamentale entre l'homme et les autres animaux dans le fait que l'homme est capable de connaître Dieu, son Créateur, que l'homme est capable de la vérité, capable d'une connaissance qui devient relation, amitié. Il est important, à notre époque, que nous n'oubliions pas Dieu, avec toutes les autres connaissances que nous avons acquises entre temps, et elles sont nombreuses! Elles deviennent toutes problématiques, parfois dangereuses, s'il manque la connaissance fondamentale qui donne un sens et une orientation à tout: la connaissance de Dieu créateur.

Revenons à Origène. Il dit: "Tu ne pourras pas sauver cette misère qu'est l'homme, si toi-même tu ne la prends pas sur toi. "Seigneur, ploie le ciel et descend". Ta brebis égarée ne pourra pas guérir si elle n'est pas mise sur tes épaules... Ces paroles sont adressées au Fils: "Seigneur, ploie le ciel et descends"... Tu es descendu, tu as abaissé les cieux et tu as étendu ta main d'en-haut, et tu as daigné prendre sur toi la chair de l'homme, et un grand nombre crurent en toi" (Origène-Jérôme, 74 homélies sur le livre des Psaumes, Milan 1993, pp. 512-515).

Pour nous, chrétiens, Dieu n'est plus, comme dans la philosophie précédent le christianisme, une hypothèse, mais une réalité, car Dieu "a ployé le ciel et il est descendu". Le ciel, c'est Lui-même, et il est descendu parmi nous. Origène voit à juste titre dans la parabole de la brebis égarée, que le pasteur prend sur ses épaules, la parabole de l'incarnation de Dieu. Oui, dans l'incarnation, Il est descendu et a pris sur ses épaules notre chair, nous-mêmes. Ainsi, la connaissance de Dieu est devenue réalité, est devenue amitié, communion. Rendons grâce au Seigneur, car il "a ployé le ciel et il est descendu", il a pris sur ses épaules notre chair et il nous porte sur les routes de notre vie.

Le Psaume, parti de la découverte que nous sommes faibles et éloignés de la splendeur divine, débouche à la fin sur cette grande surprise de l'action divine: à côté de nous, se trouve Dieu-Emmanuel, qui pour le chrétien possède le visage plein d'amour de Jésus Christ, Dieu fait homme, qui est devenu l'un de nous.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les diacres et les jeunes prêtres du Séminaire de Lille, ainsi que les groupes de jeunes. Que votre pèlerinage à Rome ravive votre foi et ouvre vos coeurs à l’espérance, pour accueillir chaque jour dans vos vies l’Emmanuel, le Prince de la Paix !


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Mercredi 18 janvier 2006



"Que deux ou trois soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux" - Lecture: Mt 18, 18-20

"Si deux d'entre vous, sur la terre, unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux" (Mt 18,19). Cette assurance solennelle de Jésus à ses disciples soutient également notre prière. Aujourd'hui, commence la désormais traditionnelle "Semaine de prière pour l'unité des chrétiens", un rendez-vous important pour réfléchir sur le drame de la division de la communauté chrétienne et demander ensemble à Jésus lui-même: "que tous soient un, pour que le monde croie" (Jn 17,21). Nous le faisons nous aussi aujourd'hui ici, en harmonie avec une grande multitude dans le monde. En effet, la prière "pour l'union de tous" concerne selon des formes, des temps et des modes différents les catholiques, les orthodoxes et les protestants, rassemblés par la foi en Jésus Christ, unique Seigneur et Sauveur.

La prière pour l'unité fait partie de ce noyau central que le Concile Vatican II appelle "l'âme de tout l'oecuménisme" (Unitatis redintegratio UR 8), un noyau qui comprend précisément les prières publiques et privées, la conversion du coeur et la sainteté de vie. Cette vision nous ramène au centre de la question oecuménique qui est l'obéissance à l'Evangile pour accomplir la volonté de Dieu, avec son aide nécessaire et efficace. Le Concile l'a explicitement signalé aux fidèles en déclarant: "plus étroite, en effet, sera leur - notre - communion avec le Père, le Verbe et l'Esprit Saint, plus ils pourront rendre intime et facile la fraternité mutuelle" (ibid., n. 7).

Les éléments qui, malgré la division persistante, rassemblent encore les chrétiens, offrent la possibilité d'élever une prière commune à Dieu. Cette communion dans le Christ soutient tout le mouvement oecuménique et indique le but même de la recherche de l'unité de tous les chrétiens dans l'Eglise de Dieu. Cela distingue le mouvement oecuménique de tout autre initiative de dialogue et de relations avec les autres religions et idéologies. L'enseignement du décret sur l'oecuménisme du Concile Vatican II avait également été précis à ce propos: "A ce mouvement vers l'unité, qu'on appelle le mouvement oecuménique, prennent part ceux qui invoquent le Dieu Trinité et confessent Jésus pour Seigneur et Sauveur" (ibid., n. 1). Les prières communes qui se déroulent dans le monde entier, en particulier au cours de cette période, ou bien autour de la Pentecôte, expriment en outre la volonté d'engagement commun pour le rétablissement de la pleine communion de tous les chrétiens. Ces prières communes sont "assurément un moyen efficace de demander la grâce de l'unité" (ibid., n. 8). Avec cette affirmation, le Concile Vatican II interprète en substance ce que dit Jésus à ses disciples, auxquels il assure que si deux personnes s'unissent sur terre pour demander quelque chose au Père qui est dans les cieux, il l'accordera "car", là où deux où trois sont réunis en son nom, il est au milieu d'eux. Après la résurrection, il assure encore qu'il sera toujours avec eux "pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20). C'est la présence de Jésus dans la communauté des disciples et dans notre prière, qui en garantit l'efficacité. Au point de promettre que "tout ce que vous lierez sur la terre sera tenu au ciel pour lié, et tout ce que vous délierez sur terre sera tenu au ciel pour délié" (Mt 18,18).

Mais nous ne nous limitons pas à implorer. Nous pouvons également rendre grâce au Seigneur pour la nouvelle situation créée au prix de nombreux efforts par les relations oecuméniques entre les chrétiens dans une fraternité retrouvée, pour les profonds liens de solidarité établis, pour la croissance de la communion et pour les points de convergence atteints - certes de manière inégale - entre les divers dialogues. Il existe de nombreuses raisons de rendre grâce. Et s'il reste encore beaucoup à espérer et à faire, n'oublions pas que Dieu nous a beaucoup donné sur le chemin vers l'union. C'est pourquoi nous lui sommes reconnaissants pour ces dons. L'avenir est devant nous. Le Saint-Père Jean-Paul II d'heureuse mémoire - qui a tant oeuvré et souffert pour la question oecuménique - nous a opportunément enseigné que "reconnaître ce que Dieu nous a déjà accordé est la condition qui nous prédispose à recevoir des dons encore nécessaires, pour porter jusqu'à son achèvement l'action oecuménique en faveur de l'unité" (Ut unum sint UUS 41). Chers frères et soeurs, continuons donc à prier, car nous sommes conscients que la sainte cause du rétablissement de l'unité des chrétiens dépasse nos pauvres forces humaines et que l'unité définitive est un don de Dieu.

C'est dans ce sens et avec ces sentiments que je me rendrai sur les traces du Pape Jean-Paul II mercredi prochain, 25 janvier, fête de la conversion de l'Apôtre des Nations, dans la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, pour prier avec nos frères orthodoxes et protestants: prier afin de rendre grâce pour tout ce que le Seigneur nous a accordé; prier afin que le Seigneur nous guide sur les voies de l'unité.

En outre, le même jour, ce 25 janvier, sera finalement publiée ma première Encyclique, dont le titre est déjà connu: "Deus caritas est", "Dieu est amour". Le thème n'est pas immédiatement oecuménique, mais le cadre et le contexte sont oecuméniques, car Dieu et notre amour sont la condition de l'unité des chrétiens. Ils sont la condition de la paix dans le monde.

Dans cette Encyclique, je voudrais présenter le concept de l'amour dans ses diverses dimensions. Aujourd'hui, dans la terminologie que nous connaissons, "amour" apparaît souvent très éloigné de ce que pense un chrétien lorsque l'on parle de charité. Pour ma part, je voudrais montrer qu'il s'agit d'un unique mouvement ayant diverses dimensions. L'"eros", ce don de l'amour entre un homme et une femme, vient de la source même de la bonté du Créateur, de même que la possibilité d'un amour qui renonce à soi en faveur de l'autre. L'"eros" se transforme en "agape", dans la mesure où tous deux s'aiment réellement et que l'on ne recherche plus soi-même, sa joie, son plaisir, mais que l'on cherche avant tout le bien de l'autre. Et ainsi, cela, qui est "eros", se transforme en charité, en un chemin de purification, d'approfondissement. De sa propre famille, on s'ouvre vers la plus grande famille de la société, vers la famille de l'Eglise, vers la famille du monde.

Je voudrais également démontrer que l'acte très personnel qui nous vient de Dieu est un acte unique d'amour. Il doit également s'exprimer comme un acte ecclésial, d'organisation. S'il est réellement vrai que l'Eglise est l'expression de l'amour de Dieu, de l'amour que Dieu a pour sa créature humaine, il doit être également vrai que l'acte fondamental de la foi qui crée et unit l'Eglise et nous donne l'espérance de la vie éternelle et de la présence de Dieu dans le monde, engendre un acte ecclésial. En pratique, l'Eglise, également en tant qu'Eglise, en tant que communauté, de façon institutionnelle, doit aimer. Et ce que l'on appelle la "Caritas" n'est pas une simple organisation, comme d'autres organisations philanthropiques, mais une expression nécessaire de l'acte plus profond de l'amour personnel par lequel Dieu nous a créés, suscitant dans notre coeur l'élan vers l'amour, reflet du Dieu Amour qui nous fait à son image.

Il s'est écoulé beaucoup de temps avant que le texte ne soit prêt et traduit. A présent, il me semble que c'est un don de la Providence que le texte soit publié précisément le jour où nous prierons pour l'unité des chrétiens. J'espère qu'il pourra illuminer et aider notre vie chrétienne.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les jeunes de l’école Rocroy Saint-Léon, de Paris. Puisse votre séjour à Rome être une occasion de grandir dans la foi, l’unité et la confiance dans le Christ. À tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.
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Le mercredi 25 janvier, sera publiée ma première Encyclique, dont le titre est déjà connu: "Deus caritas est", "Dieu est amour". Le thème n'est pas immédiatement oecuménique, mais le cadre et le contexte sont oecuméniques, car Dieu et notre amour sont la condition de l'unité des chrétiens. Ils sont la condition de la paix dans le monde.

Dans cette Encyclique, je voudrais présenter le concept de l'amour dans ses diverses dimensions. Aujourd'hui, dans la terminologie que nous connaissons, "amour" apparaît souvent très éloigné de ce que pense un chrétien lorsque l'on parle de charité. Pour ma part, je voudrais montrer qu'il s'agit d'un unique mouvement ayant diverses dimensions. L'"eros", ce don de l'amour entre un homme et une femme, vient de la source même de la bonté du Créateur, de même que la possibilité d'un amour qui renonce à soi en faveur de l'autre. L'"eros" se transforme en "agape", dans la mesure où tous deux s'aiment réellement et que l'on ne recherche plus soi-même, sa joie, son plaisir, mais que l'on cherche avant tout le bien de l'autre. Et ainsi, cela, qui est "eros", se transforme en charité, en un chemin de purification, d'approfondissement. De sa propre famille, on s'ouvre vers la plus grande famille de la société, vers la famille de l'Eglise, vers la famille du monde.

Je voudrais également démontrer que l'acte très personnel qui nous vient de Dieu est un acte unique d'amour. Il doit également s'exprimer comme un acte ecclésial, d'organisation. S'il est réellement vrai que l'Eglise est l'expression de l'amour de Dieu, de l'amour que Dieu a pour sa créature humaine, il doit être également vrai que l'acte fondamental de la foi qui crée et unit l'Eglise et nous donne l'espérance de la vie éternelle et de la présence de Dieu dans le monde, engendre un acte ecclésial. En pratique, l'Eglise, également en tant qu'Eglise, en tant que communauté, de façon institutionnelle, doit aimer. Et l'organisation qui s'appelle la "Caritas" n'est pas une simple organisation, comme d'autres organisations philanthropiques, mais une expression nécessaire de l'acte plus profond de l'amour personnel par lequel Dieu nous a créés, suscitant dans notre coeur l'élan vers l'amour, reflet du Dieu Amour qui nous fait à son image.



Catéchèses Benoît XVI 30