Catéchèses Benoît XVI 12406

Mercredi 12 avril 2006 - Le Triduum pascal

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Chers frères et soeurs,

Demain commence le Triduum pascal, qui est le sommet de toute l'année liturgique. Aidés par les saints rites du Jeudi Saint, du Vendredi Saint et de la Veillée pascale solennelle, nous revivrons le mystère de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur. Il s'agit de journées capables de réveiller en nous un plus vif désir d'adhérer au Christ et de le suivre généreusement, conscients du fait qu'Il nous a aimés jusqu'à donner sa vie pour nous. Que sont, en effet, les événements que le saint Triduum nous repropose, sinon la manifestation sublime de cet amour de Dieu pour l'homme? Apprêtons-nous donc à célébrer le Triduum pascal en accueillant l'exhortation de saint Augustin: "A présent, considère avec attention les trois saints jours de la crucifixion, de la sépulture et de la résurrection du Seigneur. De ces trois mystères, nous accomplissons dans la vie présente ce dont la croix est le symbole, alors que nous accomplissons au moyen de la foi et de l'espérance ce dont la sépulture et la résurrection sont le symbole" (Epistola 55, 14, 24: Nuova Biblioteca Agostiniana (NBA), XXI/II, Rome 1969, p. 477).

Le Triduum pascal s'ouvre demain, Jeudi Saint, avec la Messe vespérale "in Cena Domini", même si le matin a lieu normalement une autre célébration liturgique significative, la Messe chrismale, au cours de laquelle, rassemblé autour de l'Evêque, tout le presbyterium de chaque diocèse renouvelle les promesses sacerdotales, et participe à la bénédiction des huiles des catéchumènes, des malades et du Chrême; et ainsi ferons-nous ici aussi, à Saint-Pierre demain matin. Outre l'institution du sacerdoce, en ce jour saint on commémore l'offrande totale que le Christ a faite de Lui-même à l'humanité dans le sacrement de l'Eucharistie. Au cours de cette même nuit où il fut trahi, Il nous a laissé comme le rappelle l'Ecriture Sainte, le commandement nouveau - "mandatum novum" - de l'amour fraternel, en accomplissant le geste touchant du lavement des pieds, qui rappelle l'humble service des esclaves. Cette journée particulière, évocatrice de grands mystères, se termine par l'Adoration eucharistique, en souvenir de l'agonie du Seigneur dans le jardin de Gethsémani. L'Evangile rapporte que, pris d'une grande angoisse, Jésus demanda aux siens de veiller avec Lui en restant en prière: "Demeurez ici et veillez avec moi" (
Mt 26,38), mais les disciples s'endormirent. Aujourd'hui encore, le Seigneur nous dit: "Demeurez ici et veillez avec moi". Et nous voyons que nous aussi, disciples d'aujourd'hui, nous dormons souvent. Ce fut pour Jésus l'heure de l'abandon et de la solitude, qui fut suivie, dans le coeur de la nuit, par l'arrestation et le début du chemin douloureux vers le Calvaire.

Centré sur le mystère de la Passion, le Vendredi Saint est un jour de jeûne et de pénitence, entièrement orienté vers la contemplation du Christ sur la Croix. Le récit de la passion est proclamé dans les églises et les paroles du prophète Zacharie retentissent: "Ils lèveront les yeux vers celui qu'ils ont transpercé" (Jn 19,37). Et nous aussi, le Vendredi Saint, nous voulons réellement tourner notre regard vers le coeur transpercé du Rédempteur dans lequel - écrit saint Paul - sont "cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance" (Col 2,3), ou, plus encore, "habite la plénitude de la divinité" (Col 2,9), c'est pourquoi l'Apôtre peut affirmer de manière décidée ne rien vouloir connaître d'autre "que Jésus Christ, ce Messie crucifié" (1Co 2,2). C'est vrai: la croix révèle "la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur" - les dimensions cosmiques, tel est le sens - d'un amour qui dépasse toute connaissance - l'amour va au-delà de ce que l'on connaît - et nous comble de "la plénitude de Dieu" (Ep 3,18-19). Dans le mystère du Crucifié "s'accomplit le retournement de Dieu contre lui-même, dans lequel il se donne pour relever l'homme et le sauver - tel est l'amour dans sa forme la plus radicale" (Deus caritas Est 12). La Croix du Christ, écrit au V siècle le Pape saint Léon le Grand, "est source de toutes les bénédictions, et cause de toutes les grâces" (Disc. 8 sur la passion du Seigneur, 6-8; PL 54, 340-342).

Le Samedi Saint, l'Eglise, s'unissant spirituellement à Marie, reste en prière auprès du sépulcre, où le corps du Fils de Dieu gît inerte, comme dans une attitude de repos après l'oeuvre créatrice de la rédemption, accomplie avec sa mort (cf. He 4,1-13). La nuit venue commencera la Veillée pascale solennelle, au cours de laquelle, dans chaque Eglise, les chants joyeux du Gloria et de l'Alleluia pascal s'élèveront du coeur des nouveaux baptisés et de toute la communauté chrétienne, joyeuse car le Christ est ressuscité et a vaincu la mort.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin. Puissiez-vous préparer vos coeurs à célébrer ces jours saints et, dans le sacrement de Pénitence, vous laisser réconcilier avec le Christ, accueillant son pardon, pour goûter plus intensément la joie que sa résurrection vous communique.


Mercredi 19 avril 2006 - "Que Dieu m'accorde d'être le pasteur doux et ferme de son Eglise"

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Chers frères et soeurs!

Au début de l'Audience générale d'aujourd'hui, qui se déroule dans le joyeux climat de Pâques, je voudrais rendre grâce avec vous au Seigneur qui, après m'avoir appelé il y a exactement un an à servir l'Eglise comme Successeur de l'Apôtre Pierre, - merci de votre joie, merci de vos acclamations - ne manque pas de m'assister de son aide indispensable. Comme le temps passe vite! Une année déjà s'est écoulée depuis que, d'une manière pour moi absolument inattendue et surprenante, les Cardinaux réunis en Conclave ont voulu choisir ma pauvre personne pour succéder au regretté et bien-aimé Serviteur de Dieu, le grand Pape Jean-Paul II. Je me rappelle avec émotion du premier impact que j'ai eu, de la Loggia centrale de la Basilique, immédiatement après mon élection, avec les fidèles rassemblés sur cette même Place. J'ai gardé gravée dans mon esprit et dans mon coeur cette rencontre à laquelle tant d'autres ont suivi et qui m'ont donné l'occasion de constater à quel point ce que j'ai dit au cours de la solennelle concélébration par laquelle j'ai commencé solennellement l'exercice du ministère pétrinien est vrai: "Je ressens vivement la conscience de ne pas devoir porter tout seul ce qu'en réalité je ne pourrais jamais porter tout seul". Et je sens toujours plus que seul, je ne pourrais pas mener à bien cette charge, cette mission. Mais je sens aussi que vous la portez avec moi: ainsi, je me trouve dans une profonde communion et, ensemble, nous pouvons accomplir la mission du Seigneur. La protection céleste de Dieu et des saints constitue pour moi un soutien irremplaçable, et je suis réconforté par votre proximité, chers amis, qui ne manquez pas de m'offrir le don de votre indulgence et de votre amour. Merci de tout coeur à tous ceux qui, de diverses manières, me soutiennent de près ou me suivent spirituellement de loin, à travers leur affection et leur prière. Je demande à chacun de continuer à me soutenir en priant Dieu pour qu'il m'accorde d'être le pasteur doux et ferme de son Eglise.

L'évangéliste Jean rapporte que, précisément après sa résurrection, Jésus appela Pierre pour qu'il prenne soin de son troupeau (cf.
Jn 21,15 Jn 21,23). Qui aurait alors pu humainement imaginer le développement qui aurait caractérisé, au cours des siècles, ce petit groupe de disciples du Seigneur? Pierre, avec les apôtres, puis leurs successeurs, tout d'abord à Jérusalem et ensuite jusqu'aux dernières extrémités de la terre, ont diffusé le message évangélique dont le noyau fondamental et incontournable est constitué par le Mystère pascal: la passion, la mort et la résurrection du Christ. L'Eglise célèbre ce mystère à Pâques, en prolongeant son joyeux écho au cours des jours suivants; elle chante l'alleluia pour le triomphe du Christ sur le mal et sur la mort. "La célébration de la Pâque selon une date du calendrier - note le Pape saint Léon le Grand - nous rappelle la fête éternelle qui dépasse tout temps humain". "La Pâque actuelle - note-t-il encore - est l'ombre de la Pâque future. C'est pour cela que nous la célébrons pour passer d'une fête annuelle à une fête qui sera éternelle". La joie de ces journées s'étend à toute l'année liturgique et se renouvelle en particulier le dimanche, jour consacré au souvenir de la Résurrection du Seigneur. En ce jour, qui est comme la "petite Pâque" de chaque semaine, l'assemblée liturgique réunie pour la Messe proclame dans le credo que Jésus est ressuscité le troisième jour, en ajoutant que nous attendons "la résurrection des morts et la vie du monde à venir". On indique de cette manière que l'événement de la mort et de la résurrection de Jésus constitue le centre de notre foi et c'est sur cette annonce que se fonde et que croît l'Eglise. Saint Augustin rappelle de manière incisive: "Très chers amis, considérons la Résurrection du Christ: en effet, de même que sa Passion a signifié notre vie ancienne, ainsi sa résurrection est le sacrement de la vie nouvelle... Tu as cru, tu as été baptisé: la vieille vie est morte, tuée sur la croix, ensevelie dans le Baptême. La vieille vie dans laquelle tu as vécu a été ensevelie: que la nouvelle ressuscite. Vis bien: vis ainsi, pour que tu vives, afin que quand tu sera mort, tu ne meures pas" (Sermo Guelferb. 9, 3).

Les récits évangéliques, qui rapportent les apparitions du Ressuscité, se concluent habituellement par l'invitation à surmonter toute incertitude, à confronter l'événement avec les Ecritures, à annoncer que Jésus, au-delà de la mort, est le vivant éternel, source de vie nouvelle pour tous ceux qui croient. C'est ce qui a lieu, par exemple, dans le cas de Marie Madeleine (cf. Jn 20,11-18), qui découvre le sépulcre ouvert et vide, et qui craint immédiatement que le corps du Seigneur n'ait été enlevé. Le Seigneur l'appelle alors par son nom et, à ce moment-là, un profond changement se produit en elle: le découragement et la désorientation se transforment en joie et en enthousiasme. Elle se rend en toute hâte chez les Apôtres et annonce: "J'ai vu le Seigneur" (Jn 20,18). Voilà: celui qui rencontre Jésus ressuscité est intérieurement transformé; on ne peut pas voir le Ressuscité sans croire en lui. Prions-le afin qu'il appelle chacun de nous par son nom et qu'ainsi, il nous convertisse, nous ouvrant à la "vision" de la foi. La foi naît de la rencontre personnelle avec le Christ ressuscité, et devient un élan de courage et de liberté qui fait s'écrier au monde: Jésus est ressuscité et il vit pour toujours. Telle est la mission des disciples du Seigneur de chaque époque et également de notre temps: "Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ - exhorte saint Paul - cherchez les réalités d'en haut... Tendez vers les réalités d'en haut, et non pas vers celles de la terre" (Col 3,1-2). Cela ne veut pas dire se détacher des engagements quotidiens, se désintéresser des réalités terrestres; cela signifie plutôt raviver toute activité humaine comme par un souffle surnaturel, cela signifie devenir les joyeux annonciateurs et les témoins de la résurrection du Christ, vivant pour l'éternité (cf. Jn 20,25 Lc 24, Jn 33-34).
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les séminaristes du diocèse de Fréjus-Toulon, avec Mgr Dominique Rey, les étudiants de l'archidiocèse de Cambrai, avec Mgr François Garnier, ainsi que tous les jeunes, notamment ceux de Reims et de Joigny. Que la Vierge Marie vous aide à comprendre le mystère de l'amour de Dieu victorieux de la mort; qu'elle nous fasse goûter la joie pascale, pour la communiquer à tous nos contemporains.




Mercredi 26 avril 2006 - La communion dans le temps: la Tradition

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Chers frères et soeurs,

Merci pour votre affection! Dans la nouvelle série de catéchèses, commencée depuis peu, nous cherchons à comprendre le dessein originel de l'Eglise voulue par le Seigneur, pour mieux comprendre ainsi également notre place, notre vie chrétienne, dans la grande communion de l'Eglise. Jusqu'à présent, nous avons compris que la communion ecclésiale est suscitée et soutenue par l'Esprit Saint, conservée et promue par le ministère apostolique. Et cette communion, que nous appelons Eglise, ne s'étend pas seulement à tous les croyants d'un moment historique déterminé, mais comprend également tous les temps et toutes les générations. Nous avons donc une double universalité: l'universalité synchronique - nous sommes unis avec les croyants dans toutes les parties du monde - et également une universalité dite diachronique: c'est-à-dire que tous les temps nous appartiennent, les croyants du passé et les croyants de l'avenir également forment avec nous une grande et seule communion. L'Esprit apparaît comme le garant de la présence active du mystère dans l'histoire, Celui qui en assure la réalisation au cours des siècles. Grâce au Paraclet, l'expérience du Ressuscité, faite par la communauté apostolique aux origines de l'Eglise, pourra toujours être vécue par les générations successives, dans la mesure où elle est transmise et actualisée dans la foi, dans le culte et dans la communion du Peuple de Dieu, pèlerin dans le temps. Et ainsi, à présent, au cours du temps pascal, nous vivons la rencontre avec le Ressuscité, non seulement comme un événement du passé, mais dans la communion présente de la foi, de la liturgie, de la vie de l'Eglise. C'est dans cette transmission des biens du salut, qui fait de la communauté chrétienne l'actualisation permanente, dans la force de l'Esprit, de la communion originelle, que consiste la Tradition apostolique de l'Eglise. Elle est ainsi appelée car elle est née du témoignage des Apôtres et de la communauté des disciples au temps des origines, elle a été consignée sous la direction de l'Esprit Saint dans les écrits du Nouveau Testament et dans la vie sacramentelle, dans la vie de la foi, et c'est à elle - à cette Tradition, qui est toute la réalité toujours actuelle du don de Jésus - que l'Eglise se réfère constamment comme étant son fondement et sa norme, à travers la succession ininterrompue du ministère apostolique.

Jésus, toujours dans sa vie historique, limitait sa mission à la maison d'Israël, mais faisait déjà comprendre que ce don était destiné non seulement au peuple d'Israël, mais au monde entier et à tous les temps. Le Ressuscité confie ensuite de façon explicite aux Apôtres (cf.
Lc 6,13) la tâche de faire des disciples de toutes les nations, garantissant sa présence et son aide jusqu'à la fin des temps (cf. Mt 28,19sq). L'universalisme du salut demande, par ailleurs, que le mémorial de la Pâque soit célébré sans interruption dans l'histoire jusqu'au retour glorieux du Christ (cf. 1Co 11,26). Qui actualisera la présence salvifique du Seigneur Jésus à travers le ministère des Apôtres - chefs de l'Israël eschatologique (cf. Mt 19,28) - et à travers toute la vie du peuple de la nouvelle alliance? La réponse est claire: l'Esprit Saint. Les Actes des Apôtres - en continuité avec le dessein de l'Evangile de Luc - présentent sur le vif l'interpénétration entre l'Esprit, les envoyés du Christ et la communauté qu'ils ont rassemblée. Grâce à l'action du Paraclet, les Apôtres et leurs successeurs peuvent réaliser dans le temps la mission reçue par le Ressuscité: "C'est vous qui en êtes les témoins. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis..." (Lc 24,48sq). "Mais vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre" (Ac 1,8). Et cette promesse, au début incroyable, s'est déjà réalisée à l'époque des Apôtres: "Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l'Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent" (Ac 5,32).

C'est donc l'Esprit lui-même qui, à travers l'imposition des mains et la prière des Apôtres, consacre et envoie les nouveaux missionnaires de l'Evangile (tel que, par exemple, dans Ac 13,3sq. et 1Tm 4,14). Il est intéressant de noter que, alors que dans certains passages on dit que Paul établit les prêtres dans les Eglises (cf. Ac 14,23), on affirme ailleurs que c'est l'Esprit qui constitue les pasteurs du troupeau (cf. Ac 20,28). L'action de l'Esprit et celle de Paul apparaissent ainsi profondément interpénétrées. A l'heure des décisions solennelles pour la vie de l'Eglise, l'Esprit est présent pour la guider. Cette présence de l'Esprit Saint qui guide se ressent particulièrement dans le Concile de Jérusalem, dans les paroles conclusives duquel retentit l'affirmation: "L'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé..." (Ac 15,28); l'Eglise croît et marche "dans la crainte du Seigneur [...] avec l'assistance de l'Esprit Saint" (Ac 9,31). Cette actualisation permanente de la présence active de Jésus Seigneur dans son peuple, opérée par l'Esprit Saint et exprimée dans l'Eglise à travers le ministère apostolique et la communion fraternelle, est ce que l'on entend au sens théologique avec le terme Tradition: celle-ci n'est pas la simple transmission matérielle de ce qui fut donné au début aux Apôtres, mais la présence efficace du Seigneur Jésus, crucifié et ressuscité, qui accompagne et guide dans l'Esprit la communauté qu'il a rassemblée.

La Tradition est la communion des fidèles autour des pasteurs légitimes au cours de l'histoire, une communion que l'Esprit Saint alimente en assurant la liaison entre l'expérience de la foi apostolique, vécue dans la communauté originelle des disciples, et l'expérience actuelle du Christ dans son Eglise. En d'autres termes, la Tradition est la continuité organique de l'Eglise, Temple de Dieu le Père, érigé sur le fondement des Apôtres et tenu ensemble par la pierre angulaire, le Christ, à travers l'action vivifiante de l'Esprit: "Et donc, vous n'êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes citoyens du peuple saint, membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes; et la pierre angulaire c'est le Christ Jésus lui-même. En lui, toute la construction s'élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous êtes, vous aussi, des éléments de la construction pour devenir par l'Esprit Saint la demeure de Dieu" (Ep 2,19-22). Grâce à la Tradition, garantie par le ministère des Apôtres et de leurs successeurs, l'eau de la vie qui jaillit du côté du Christ et son sang salutaire rejoignent les femmes et les hommes de tous les temps. Ainsi, la Tradition est la présence permanente du Sauveur qui vient nous rencontrer, nous racheter et nous sanctifier dans l'Esprit à travers le ministère de son Eglise, à la gloire du Père.

En conclusion et en résumé, nous pouvons donc dire que la Tradition n'est pas une transmission de choses ou de paroles, une collection de choses mortes. La Tradition est le fleuve vivant qui nous relie aux origines, le fleuve vivant dans lequel les origines sont toujours présentes. Le grand fleuve qui nous conduit aux portes de l'éternité. Et étant ainsi, dans ce fleuve vivant se réalise toujours à nouveau la parole du Seigneur que nous avons entendue au début sur les lèvres du lecteur: "Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20).
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les religieuses de Marie auxiliatrice et de Saint-Joseph de l’Apparition, ainsi que les jeunes des diocèses de Nîmes et de Saint-Étienne, et les servants de messe de Nancy. Que la joie de Pâques demeure en vous !


Mercredi 3 mai 2006 - La Tradition apostolique

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Chers frères et soeurs,

Dans ces catéchèses, nous voulons un peu comprendre ce qu'est l'Eglise. La dernière fois, nous avons médité sur le thème de la Tradition apostolique. Nous avons vu que celle-ci n'est pas une collection de choses, de mots, comme une boîte remplie de choses mortes; la Tradition est le fleuve de la vie nouvelle qui vient des origines, du Christ jusqu'à nous, et qui nous fait participer à l'histoire de Dieu avec l'humanité. Ce thème de la Tradition est tellement important, que je voudrais m'y arrêter encore aujourd'hui: il est en effet d'une grande importance pour la vie de l'Eglise. Le Concile Vatican II a noté, à ce propos, que la Tradition est apostolique avant tout dans ses origines: "Cette Révélation donnée pour le salut de toutes les nations, Dieu, avec la même bienveillance, prit des dispositions pour qu'elle demeurât toujours en son intégrité et qu'elle fût transmise à toutes les générations. C'est pourquoi le Christ Seigneur, en qui s'achève toute la Révélation du Dieu très haut (cf.
2Co 1,20 et 3, 16-4, 6), ayant accompli lui-même et proclamé de sa propre bouche l'Evangile d'abord promis par les prophètes, ordonna à ses apôtres de le prêcher à tous comme la source de toute vérité salutaire et de toute règle morale en leur communiquant les dons divins" (Const. apost. Dei Verbum DV 7). Le Concile poursuit en notant combien cet engagement a été fidèlement exécuté "par les apôtres, qui, dans la prédication orale, dans les exemples et les institutions transmirent, soit ce qu'ils avaient appris de la bouche du Christ en vivant avec lui et en le voyant agir, soit ce qu'ils tenaient des suggestions du Saint-Esprit" (ibid.) Avec les Apôtres, ajoute le Concile, collaborent également "des hommes de leur entourage, qui, sous l'inspiration de l'Esprit Saint, consignèrent par écrit le message de salut" (ibid).

Chefs de l'Israël eschatologique, eux aussi au nombre de douze comme l'étaient les tribus du peuple élu, les Apôtres poursuivent la "récolte" commencée par le Seigneur, et ils le font tout d'abord en transmettant fidèlement le don reçu, la bonne nouvelle du Royaume arrivée aux hommes par Jésus Christ. Leur nombre exprime non seulement la continuité avec la sainte racine, l'Israël des douze tribus, mais également la destination universelle de leur ministère, qui apporte le salut jusqu'aux extrémités les plus lointaines de la terre. On peut le comprendre à partir de la valeur symbolique que possèdent les nombres dans le monde sémite: "douze" est le résultat de la multiplication de trois, nombre parfait, avec quatre, nombre qui renvoie aux quatre points cardinaux, et donc au monde entier.

La communauté, née de l'annonce évangélique, se reconnaît comme étant convoquée par la parole de ceux qui les premiers ont fait l'expérience du Seigneur et qui ont été envoyés par Lui. Elle sait pouvoir compter sur la direction des Douze, ainsi que sur celle de ceux que ces derniers associent à eux au cours du temps comme successeurs dans le ministère de la parole et dans le service à la communion. En conséquence, la communauté se sent engagée à transmettre aux autres l'"heureuse nouvelle" de la présence actuelle du Seigneur et de son mystère pascal, agissant dans l'Esprit. Cela apparaît clairement dans plusieurs passages des Lettres de Paul: "Je vous ai transmis ceci, que j'ai moi-même reçu" (1Co 15,3). Et cela est important. Saint Paul, on le sait, appelé à l'origine par le Christ avec une vocation personnelle, est un véritable Apôtre, mais cependant, pour lui aussi compte de manière fondamentale la fidélité à ce qu'il a reçu. Il ne voulait pas "inventer" un nouveau christianisme, pour ainsi dire, "paulinien". Il insiste donc: "Je vous ai transmis ceci, que j'ai moi-même reçu". Il a transmis le don initial qui vient du Seigneur et qui est la vérité qui sauve. Puis, vers la fin de sa vie, il écrit à Timothée: "Tu es le dépositaire de l'Evangile; garde-le dans toute sa pureté, grâce à l'Esprit Saint qui habite en nous" (2Tm 1,14). Cet antique témoignage de foi chrétienne, écrit par Tertullien vers l'an 200, le montre également de manière éloquente: "(les Apôtres) affirmèrent au début leur foi en Jésus Christ et établirent des Eglises en Judée et, immédiatement après, dispersés dans le monde, ils annoncèrent la même doctrine et la même foi aux nations, et ils fondèrent donc des Eglises dans chaque ville. Ensuite, à partir de celles-ci, les autres Eglises ramifièrent leur foi et les semences de la doctrine, et elles la ramifient sans cesse, précisément pour être des Eglises. De cette manière, elles sont elles aussi considérées comme apostoliques en tant que descendance des Eglises des apôtres" (Tertullien, De praescriptione haereticorum, 20: PL 2, 32).

Le Concile Vatican II commente: "Quant à la Tradition reçue des Apôtres, elle comprend tout ce qui contribue à conduire saintement la vie du peuple de Dieu et à en augmenter la foi; ainsi l'Eglise perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte, et elle transmet à chaque génération, tout ce qu'elle est elle-même, tout ce qu'elle croit" (Const. Dei verbum DV 8). L'Eglise transmet tout ce qu'elle est et qu'elle croit, elle le transmet dans le culte, dans la vie, dans la doctrine. La Tradition est donc l'Evangile vivant, annoncé par les Apôtres dans son intégrité, sur la base de la plénitude de leur expérience unique et sans égale: à travers leur oeuvre, la foi est communiquée aux autres, jusqu'à nous, jusqu'à la fin du monde. La Tradition est donc l'histoire de l'Esprit qui agit dans l'histoire de l'Eglise à travers la médiation des Apôtres et de leurs successeurs, en continuité fidèle avec l'expérience des origines. C'est ce que précise le Pape saint Clément Romain vers la fin du I siècle: "Les Apôtres - écrit-il - nous annoncèrent l'Evangile envoyé par le Seigneur Jésus Christ, Jésus Christ fut envoyé par Dieu. Le Christ vient donc de Dieu, les Apôtres du Christ: tous deux procèdent de manière ordonnée de la volonté de Dieu. [...] Nos Apôtres eurent connaissance par notre Seigneur Jésus Christ que des disputes seraient nées autour de la fonction épiscopale. C'est pourquoi, prévoyant parfaitement l'avenir, ils établirent les élus et leur donnèrent l'ordre, afin qu'à leur mort d'autres hommes expérimentés assument leur charge" (Ad Corinthios, 42.44: PG 1, 292.296).

Cette chaîne du service se poursuit jusqu'à aujourd'hui, elle se poursuivra jusqu'à la fin du monde. En effet, le mandat conféré par Jésus aux Apôtres a été transmis par eux à leurs successeurs. Au-delà de l'expérience du contact personnel avec le Christ, expérience unique et sans égale, les Apôtres ont transmis à leurs successeurs l'envoi solennel dans le monde reçu du Maître. Apôtre vient précisément du terme grec "apostéllein", qui veut dire envoyer. L'envoi apostolique - comme le révèle le texte de Mt 28, 19sq - implique un service pastoral ("faites des disciples de toutes les nations..."), liturgique ("baptisez-les...") et prophétique ("apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés"), garanti par la proximité du Seigneur jusqu'à la fin des temps ("et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde"). Ainsi, de manière différente des Apôtres, nous avons nous aussi une expérience véritable et personnelle de la présence du Seigneur ressuscité. A travers le ministère apostolique, c'est le Christ lui-même qui atteint ainsi celui qui est appelé à la foi. La distance des siècles est surmontée et le Ressuscité s'offre vivant et agissant pour nous, dans l'aujourd'hui de l'Eglise et du monde. Telle est notre grande joie. Dans le fleuve vivant de la Tradition, le Christ n'est pas à deux mille ans de nous, mais il est réellement présent parmi nous et il nous donne la Vérité, il nous donne la lumière qui nous fait vivre et trouver la route vers l'avenir.
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J’accueille avec plaisir les pèlerins de langue française, particulièrement les pèlerins de la via Francigena, de Suisse, accompagnés du Cardinal Schwery, la Communauté de l’Arche, de Belgique, les pèlerins de Saint-Brieuc, avec leur Évêque Mgr Fruchaud, les séminaristes de Metz et de Lyon, les groupes de prière Padre Pio, et les jeunes des Centres Daniélou. Que le Temps pascal soit pour vous tous l’occasion de renouveler votre foi dans le Christ ressuscité et de vivre en authentiques témoins de sa présence! Que Dieu vous bénisse!


Mercredi 10 mai 2006

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Chers frères et soeurs,

Au cours des deux dernières audiences, nous avons médité sur ce qu'est la Tradition de l'Eglise, et nous avons vu que celle-ci est la présence permanente de la parole et de la vie de Jésus parmi son peuple. Mais la parole, pour être présente, a besoin d'une personne, d'un témoin. C'est ainsi que naît cette réciprocité: d'une part, la parole a besoin de la personne mais, de l'autre, la personne, le témoin, est lié à la parole qui lui est confiée et non pas inventée par lui. Cette réciprocité entre contenu - parole de Dieu, vie du Seigneur - et personne qui l'accomplit est caractéristique de la structure de l'Eglise, et nous voulons aujourd'hui méditer sur cet aspect personnel de l'Eglise.

Le Seigneur l'avait commencé en convoquant, comme nous l'avons vu, les Douze, à travers lesquels était représenté le futur Peuple de Dieu. Dans la fidélité au mandat reçu par le Seigneur, les Douze complètent tout d'abord, après son Ascension, leur nombre avec l'élection de Matthieu à la place de Judas (cf.
Ac 1,15-26), puis ils associent d'autres personnes aux fonctions qui leur sont confiées, afin qu'elles poursuivent leur ministère. Le Ressuscité lui-même appelle Paul (cf. Ga 1,1) mais Paul, bien qu'appelé par le Seigneur comme Apôtre, confronte son Evangile avec l'Evangile des Douze (cf. Ibid. 1, 18), il se soucie de transmettre ce qu'il a reçu (cf. 1Co 11,23 1Co 15,3-4) et, dans la distribution des tâches missionnaires, il est associé aux Apôtres, ainsi que d'autres, par exemple Barnabé (cf. Ga 2,9). De même qu'au début de la condition d'apôtre, il y a un appel et un envoi du Ressuscité, l'appel et l'envoi d'autres personnes se réalisera avec la force de l'Esprit par l'oeuvre de ceux qui sont déjà constitués dans le ministère apostolique. Telle est la voie par laquelle se poursuivra ce ministère qui, ensuite, en commençant par la deuxième génération, s'appellera ministère épiscopal, "episcopé".

Sans doute est-il utile d'expliquer brièvement ce que signifie le mot évêque. Il s'agit de la forme française du mot grec "episcopos".Ce mot indique quelqu'un qui possède une vision d'en haut, quelqu'un qui regarde avec le coeur. Ainsi, saint Pierre lui-même, dans sa première Lettre, appelle le Seigneur Jésus "pasteur et évêque, gardien de vos âmes". Et selon ce modèle du Seigneur, qui est le premier évêque, gardien et pasteur des âmes, les successeurs des apôtres se sont ensuite appelés évêques, "episcopoi". C'est à eux qu'est confiée la fonction de l'"episcopé". Cette fonction précise de l'évêque évoluera progressivement, par rapport aux commencements, jusqu'à prendre la forme - déjà clairement attestée chez Ignace d'Antioche au début du II siècle (cf. Ad Magnesios, 6, 1: PG 5, 668) - de la triple charge de l'évêque, prêtre et diacre. C'est un développement guidé par l'Esprit de Dieu, qui assiste l'Eglise dans le discernement des formes authentiques de la succession apostolique, toujours mieux définie face à une pluralité d'expériences et de formes charismatiques et ministérielles, présentes dans les communautés des origines.

Ainsi, la succession de la fonction épiscopale se présente comme la continuité du ministère apostolique, garantie de la persévérance dans la Tradition apostolique. Le lien entre le Collège des Evêques et la communauté originelle des Apôtres est tout d'abord compris dans l'optique de la continuité historique. Comme nous l'avons vu, aux Douze est tout d'abord associé Matthieu, puis Paul, puis Barnabé, puis d'autres, jusqu'à la formation, dans la seconde et troisième génération, du ministère de l'Evêque. La continuité s'exprime donc dans cette chaîne historique. Et dans cette continuité de la succession se trouve la garantie de la persévérance, dans la communauté ecclésiale, du Collège apostolique rassemblé autour de lui par le Christ. Mais cette continuité, que nous voyons tout d'abord dans la continuité historique des ministres, est entendue également au sens spirituel, car la succession apostolique dans le ministère est considérée comme le lieu privilégié de l'action et de la transmission de l'Esprit Saint. Un clair écho de ces convictions se trouve, par exemple, dans le texte suivant d'Irénée de Lyon (deuxième moitié du II siècle): "La tradition des Apôtres, manifeste dans le monde entier, se montre dans chaque Eglise à tous ceux qui veulent voir la vérité et nous pouvons énumérer les Evêques établis par les Apôtres dans les Eglises et leurs successeurs jusqu'à nous... (Les Apôtres) voulurent, en effet, que soient absolument parfaits et irrépréhensibles en toute chose ceux qu'ils laissaient comme leurs successeurs, en leur transmettant leur mission d'enseignement. Si ceux-ci avaient correctement compris, ils en aurait tiré un grand profit; si, en revanche, ils avaient échoué, ils en aurait tiré un très grand dommage" (Adversus haereses, III, 3, 1: PG 7, 848).

Par la suite, Irénée, indiquant ici ce réseau de la succession apostolique comme garantie de la persévérance dans la parole du Seigneur, se concentre sur cette Eglise "souveraine, très ancienne et connue de tous" qui a été "fondée et constituée à Rome par les très glorieux Apôtres Pierre et Paul", en donnant de l'importance à la Tradition de la foi, qui en celle-ci parvient jusqu'à nous depuis les Apôtres, à travers les successions des Evêques. De cette façon, pour Irénée et pour l'Eglise universelle, la succession épiscopale de l'Eglise de Rome devient le signe, le critère et la garantie de la transmission ininterrompue de la foi apostolique: "A cette Eglise, en raison de sa principale particularité (propter potiorem principalitatem), il est nécessaire que s'unisse chaque Eglise, c'est-à-dire les fidèles partout où ils sont, car en elle, la tradition des Apôtres a toujours été conservée..." (Adversus haereses, III, 3, 2: PG 7, 848). La succession apostolique - qui a lieu sur la base de la communion avec celle de l'Eglise de Rome - est donc le critère de la permanence de chaque Eglise particulière dans la Tradition de la foi apostolique commune, qui, à travers ce canal, a pu parvenir jusqu'à nous depuis les origines: "Selon cet ordre et cette succession est parvenue jusqu'à nous la tradition qui est dans l'Eglise depuis les Apôtres et la prédication de la vérité. Il s'agit là de la preuve la plus complète que la foi vivifiante des Apôtres est une seule et la même, ayant été conservée et transmise dans la vérité" (ibid., III, 3, 3: PG 7, 851).

Selon ces témoignages de l'Eglise antique, l'apostolicité de la communion ecclésiale consiste dans la fidélité à l'enseignement et à la pratique des Apôtres, à travers lesquels est assuré le lien historique et spirituel de l'Eglise avec le Christ. La succession apostolique du ministère épiscopal est la voie qui garantit la transmission fidèle du témoignage apostolique. Ce que représentent les Apôtres dans la relation entre le Seigneur Jésus et l'Eglise des origines, est représenté de manière analogue par la succession ministérielle dans la relation entre l'Eglise des origines et l'Eglise actuelle. Il ne s'agit pas d'un simple enchaînement matériel; c'est plutôt l'instrument historique dont se sert l'Esprit pour rendre présent le Seigneur Jésus, Chef de son peuple, à travers ceux qui sont ordonnés pour le ministère par l'imposition des mains et la prière des évêques. A travers la succession apostolique, c'est alors le Christ qui nous rejoint: dans la parole des Apôtres et de leurs successeurs, c'est Lui qui nous parle; par leurs mains, c'est Lui qui agit dans les sacrements; dans leur regard, c'est son regard qui nous enveloppe et nous fait sentir aimés, accueillis dans le coeur de Dieu. Et aujourd'hui aussi, comme au commencement, le Christ lui-même est le véritable pasteur et gardien de nos âmes, que nous suivons avec une grande confiance, gratitude et joie.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les Jeunes de l’École de Danse de l’Opéra de Paris, avec les membres de l’aumônerie, les encourageant dans leur engagement Fra Angelico. Puisse votre pèlerinage aux tombeaux de saint Pierre et de saint Paul enraciner toujours davantage votre foi dans leur témoignage apostolique, afin que vous soyez des témoins courageux de l’Évangile du Christ.





Catéchèses Benoît XVI 12406