Catéchèses Benoît XVI 22116

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Mercredi 22 novembre 2006

La vie de l'Eglise dans les Lettres de saint Paul

Chers frères et soeurs,

Nous complétons aujourd'hui nos rencontres avec l'Apôtre Paul, en lui consacrant une dernière réflexion. Nous ne pouvons pas, en effet, le quitter, sans prendre en considération l'une des composantes décisives de son activité et l'un des thèmes les plus importants de sa pensée: la réalité de l'Eglise. Nous devons tout d'abord constater que son premier contact avec la personne de Jésus eut lieu à travers le témoignage de la communauté chrétienne de Jérusalem. Ce fut un contact orageux. Ayant connu le nouveau groupe de chrétiens, il en devint immédiatement un féroce persécuteur. Il le reconnaît lui-même à trois reprises dans autant de Lettres: "J'ai persécuté l'Eglise de Dieu" écrit-il (1Co 15,9 Ga 1,13 Ph 3,6), présentant presque son comportement comme le pire des crimes.

L'histoire nous montre que l'on parvient normalement à Jésus à travers l'Eglise! Dans un certain sens, cela se produisit, disions-nous, également pour Paul, qui rencontra l'Eglise avant de rencontrer Jésus. Dans son cas, ce contact fut cependant négatif, il ne provoqua pas l'adhésion, mais une violente répulsion. Pour Paul, l'adhésion à l'Eglise fut due à l'intervention directe du Christ, qui, se révélant à lui sur le chemin de Damas, s'identifia à l'Eglise et lui fit comprendre que persécuter l'Eglise signifiait Le persécuter, Lui, le Seigneur (cf. Ac 9,5). En effet, le Ressuscité dit à Paul, le persécuteur de l'Eglise: "Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu?" (Ac 9,4). En persécutant l'Eglise, il persécutait le Christ. Paul se convertit alors, dans le même temps, au Christ et à l'Eglise. On comprend donc pourquoi l'Eglise a été ensuite aussi présente dans les pensées, dans le coeur et dans l'activité de Paul. Elle le fut tout d'abord dans la mesure où il fonda littéralement de nombreuses Eglises dans les diverses villes où il se rendit en tant qu'évangélisateur. Lorsqu'il parle de sa "sollicitude pour toutes les Eglises" (2Co 11,28), il pense aux diverses communautés chrétiennes créées tour à tour en Galatie, en Ionie, en Macédoine et en Achaïe. Certaines de ses Eglises furent également source de préoccupations et de déceptions, comme ce fut le cas, par exemple, dans les Eglises de la Galatie, qu'il vit "passer à un autre Evangile" (Ga 1,6), ce à quoi il s'opposa avec une vive détermination. Il se sentait pourtant lié aux communautés qu'il avait fondées d'une manière non pas froide et bureaucratique, mais intense et passionnée. Ain-si, par exemple, il définit les Philippiens comme "mes frères bien-aimés que je désire tant revoir, vous ma joie et ma récompense" (4, 1). D'autres fois, il compare les diverses Communautés à une lettre de recommandation unique en son genre: "C'est vous-mêmes qui êtes ce document écrit dans nos coeurs, et que tous les hommes peuvent lire et connaître" (2Co 3,2). D'autres fois encore, il démontre à leur égard un véritable sentiment non seulement de paternité, mais même de maternité, comme lorsqu'il s'adresse à ses destinataires en les interpellant comme "mes petits enfants, vous que j'enfante à nouveau dans la douleur jusqu'à ce que le Christ ait pris forme chez vous" (Ga 4,19 cf. 1Co 4,14-15 1Th 2,7-8).

Dans ses Lettres, Paul nous illustre également sa doctrine sur l'Eglise en tant que telle. Ainsi, on connaît bien sa définition originale de l'Eglise comme "corps du Christ", que nous ne trouvons pas chez d'autres auteurs chrétiens du I siècle (cf. 1Co 12,27 Ep 4,12 Ep 5,30 Col 1,24). Nous trouvons la racine la plus profonde de cette surprenante désignation de l'Eglise dans le Sacrement du corps du Christ. Saint Paul dit: "Parce qu'il n'y a qu'un pain, à plusieurs nous ne sommes qu'un corps" (1Co 10,17). Dans l'Eucharistie elle-même, le Christ nous donne son Corps et nous fait devenir son Corps. C'est dans ce sens que saint Paul dit aux Galates: "Vous tous ne faites qu'un dans le Christ Jésus" (Ga 3,28). A travers tout cela, Paul nous fait comprendre qu'il n'existe pas seulement une appartenance de l'Eglise au Christ, mais également une certaine forme d'égalisation et d'identification de l'Eglise avec le Christ lui-même. C'est donc de là que dérive la grandeur et la noblesse de l'Eglise, c'est-à-dire de nous tous qui en faisons partie: du fait que nous soyons des membres du Christ, presque une extension de sa présence personnelle dans le monde. Et de là découle, naturellement, notre devoir de vivre réellement en conformité avec le Christ. C'est de là que dérivent également les exhortations de Paul à propos des divers charismes qui animent et structurent la communauté chrétienne. On peut tous les reconduire à une source unique, qui est l'Esprit du Père et du Fils, sachant bien que dans l'Eglise il n'y a personne qui en soit dépourvu, car, comme l'écrit l'Apôtre, "chacun reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous" (1Co 12,7). Il est cependant important que tous les charismes coopèrent ensemble pour l'édification de la communauté et ne deviennent pas, en revanche, des motifs de déchirement. A ce propos, Paul se demande de manière rhétorique: "Le Christ est-il donc divisé?" (1Co 1,13). Il sait bien et nous enseigne qu'il est nécessaire de "garder l'unité dans l'Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a appelés à une seule espérance, de même il n'y a qu'un seul Corps et un seul Esprit" (Ep 4,3-4).

Bien évidemment, souligner l'exigence de l'unité ne signifie pas soutenir que l'on doit uniformiser ou niveler la vie ecclésiale selon une unique façon d'agir. Ailleurs, Paul enseigne: "n'éteignez pas l'Esprit" (1Th 5,19), c'est-à-dire laisser généreusement place au dynamisme imprévisible des manifestations charismatiques de l'Esprit, qui est une source d'énergie et de vitalité toujours nouvelle. Mais s'il existe un critère auquel Paul tient beaucoup, c'est l'édification mutuelle: "Que tout cela serve à la construction" (1Co 14,26). Tout doit concourir à construire de manière ordonnée le tissu ecclésial, non seulement sans interruption, mais également sans fuites, ni déchirures. On trouve ensuite une lettre paulinienne qui va jusqu'à présenter l'Eglise comme l'épouse du Christ (cf. Ep 5,21-33). Cela reprend une antique métaphore prophétique, qui faisait du peuple d'Israël l'épouse du Dieu de l'alliance (cf. Os Os 2,4 Os Os 2,21 Is 54,5-8): cela pour dire à quel point les relations entre le Christ et son Eglise sont intimes, que ce soit dans le sens où celle-ci est l'objet du plus tendre amour de la part de son Seigneur, que dans le sens où l'amour doit être réciproque et, donc, que nous aussi, en tant que membres de l'Eglise, nous devons faire preuve d'une fidélité passionnée à Son égard.

En définitive, c'est donc un rapport de communion qui est en jeu: celui pour ainsi dire vertical entre Jésus Christ et nous tous, mais également celui horizontal, entre tous ceux qui se distinguent dans le monde par le fait qu'ils "invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ" (1Co 1,2). Telle est notre définition: nous faisons partie de ceux qui invoquent le nom du Seigneur Jésus Christ. On comprend donc bien à quel point il est souhaitable que se réalise ce que Paul lui-même souhaitait en écrivant aux Corinthiens: "Si au contraire tous prophétisent, et qu'il arrive un incroyant ou un homme qui n'y connaît rien, il se sent dénoncé par tous, jugé par tous, ses pensées secrètes sont mises au grand jour: il tombera la face contre terre pour adorer Dieu, en proclamant: "C'est vrai que Dieu est parmi vous!"" (1Co 14,24-25). C'est ainsi que devraient être nos rencontres liturgiques. Un non-chrétien qui entre dans l'une de nos assemblées devrait pouvoir dire à la fin: "Dieu est véritablement avec vous". Prions le Seigneur d'être ainsi, en communion avec le Christ et en communion entre nous".
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier la Délégation du Bureau international catholique de l’Enfance et les pèlerins de Thessalonique accompagnés par Mgr Yannis Spiteris. Que le Seigneur vous donne l’amour de son Église, à l’exemple de Paul, et la joie d’y trouver des frères !


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Mercredi 6 décembre 2006



Chers Frères et Soeurs,

Comme c'est désormais l'habitude après chaque Voyage apostolique, je voudrais, au cours de cette Audience générale, reparcourir les diverses étapes du pèlerinage que j'ai accompli en Turquie, du mardi au vendredi de la semaine dernière. Une visite qui, comme vous le savez, s'annonçait difficile, sous divers aspects, mais que Dieu a accompagnée dès le début et qui a ainsi pu se réaliser de manière positive. C'est pourquoi, comme je vous avais demandé de la préparer et de l'accompagner par la prière, je vous demande à présent de vous unir à moi pour rendre grâce au Seigneur pour son déroulement et sa conclusion. C'est à Lui que je confie les fruits qui, je l'espère, pourront naître de celle-ci, autant en ce qui concerne les relations avec nos frères orthodoxes, que le dialogue avec les musulmans. Je ressens tout d'abord le devoir de renouveler l'expression cordiale de ma reconnaissance au Président de la République, au Premier ministre et aux autres Autorités, qui m'ont accueilli avec tant de courtoisie et qui ont assuré les conditions nécessaires, afin que tout puisse se dérouler de la meilleure façon. Je remercie ensuite fraternellement les Evêques de l'Eglise catholique qui est en Turquie, avec leurs collaborateurs, de tout ce qu'ils ont fait. J'adresse un remerciement particulier au Patriarche oecuménique Bartholomaios I, qui m'a reçu dans sa maison, au Patriarche arménien Mesrob II, au Métropolite syro-orthodoxe Mor Filüksinos et aux autres Autorités religieuses. Tout au long du voyage, je me suis senti spirituellement soutenu par mes vénérés prédécesseurs, les Serviteurs de Dieu Paul VI et Jean-Paul II, qui ont tout deux accompli une mémorable visite en Turquie, et surtout par le Bienheureux Jean XXIII, qui fut Représentant pontifical dans ce noble pays de 1935 à 1944, y laissant un souvenir riche d'affection et de dévotion.

Me référant à la vision que le Concile Vatican II présente de l'Eglise (cf. Const. Lumen gentium LG 14-16), je pourrais dire que les voyages pastoraux du Pape contribuent aussi à réaliser sa mission, qui se déroule en "cercles concentriques". Dans le cercle le plus intérieur, le Successeur de Pierre confirme les catholiques dans la foi; dans le cercle intermédiaire, il rencontre les autres chrétiens; dans le cercle le plus extérieur, il s'adresse aux non chrétiens et à toute l'humanité. La première journée de ma visite en Turquie s'est déroulée dans le cadre de ce troisième "cercle", le plus large: j'ai rencontré le Premier ministre, le Président de la République et le Président pour les Affaires religieuses, adressant à ce dernier mon premier discours; j'ai rendu hommage au Mausolée du "père de la patrie", Mustafa Kemal Atatürk; j'ai ensuite eu la possibilité de m'adresser au Corps diplomatique à la Nonciature apostolique d'Ankara. Cette intense série de rencontres a constitué une partie importante de ma Visite, en particulier compte tenu du fait que la Turquie est un pays à très large majorité musulmane, réglementé cependant par une Constitution qui affirme la laïcité de l'Etat. Il s'agit donc d'un pays emblématique en ce qui concerne le grand défi qui se joue aujourd'hui au niveau mondial: c'est-à-dire, d'une part, redécouvrir la réalité de Dieu et l'importance publique de la foi religieuse, et, de l'autre, assurer que l'expression de cette foi soit libre, privée de dégénérescences fondamentalistes, capable de rejeter fermement toute forme de violence. J'ai donc eu l'occasion propice de renouveler mes sentiments d'estime à l'égard des musulmans et de la civilisation islamique. J'ai pu, dans le même temps, insister sur l'importance que les chrétiens et les musulmans s'engagent ensemble pour l'homme, pour la vie, pour la paix et la justice, en réaffirmant que la distinction entre le domaine civil et le domaine religieux constitue une valeur et que l'Etat doit garantir au citoyen et aux communautés religieuses la liberté effective de culte. Dans le domaine du dialogue interreligieux, la Divine Providence m'a donné d'accomplir, presque à la fin de mon voyage, un geste qui n'était pas prévu au début, et qui s'est révélé très significatif: la visite à la célèbre Mosquée bleue d'Istanbul. En m'arrêtant quelques minutes pour me recueillir en ce lieu de prière, je me suis adressé à l'unique Seigneur du ciel et de la terre, Père miséricorideux de l'humanité tout entière. Puissent tous les croyants se reconnaître comme ses créatures et rendre le témoignage d'une véritable fraternité!

La deuxième journée m'a conduit à Ephèse, et je me suis donc retrouvé rapidement dans le "cercle" le plus intérieur du voyage, en contact direct avec la Communauté catholique. Près d'Ephèse, en effet, dans une charmante localité appelée "colline du rossignol", qui surplombe la mer Egée, se trouve le Sanctuaire de la Maison de Marie. Il s'agit d'une antique petite chapelle qui a été bâtie autour d'une maisonnette que, selon une très ancienne tradition, l'apôtre Jean fit construire pour la Vierge Marie, après l'avoir amenée avec lui à Ephèse. Jésus lui-même les avait confiés l'un à l'autre quand, avant de mourir sur la croix, il avait dit à Marie: "Femme, voici ton fils!", et à Jean: "Voici ta mère!" (Jn 19,26-27). Les recherches archéologiques ont démontré que ce lieu est depuis des temps immémoriaux un lieu de culte marial, également cher aux musulmans, qui s'y rendent habituellement pour vénérer Celle qu'ils appellent "Meryem Ana", la Mère Marie. Dans le jardin, devant le Sanctuaire, j'ai célébré la Messe pour un groupe de fidèles venus de la proche ville d'Izmir, ainsi que d'autres parties de la Turquie et également de l'étranger. Auprès de la "Maison de Marie", nous nous sommes véritablement sentis "à la maison" et, dans ce climat de paix, nous avons prié pour la paix en Terre Sainte et dans le monde entier. J'ai voulu rappeler en ce lieu dom Andrea Santoro, prêtre romain, témoin de l'Evangile en terre turque, à travers son sang.

Le "cercle" intermédiaire, celui des relations oecuméniques, a occupé la partie centrale de ce voyage, qui s'est déroulée à l'occasion de la fête de saint André, le 30 novembre. Cette fête m'a offert le contexte idéal pour consolider les relations fraternelles entre l'Evêque de Rome, Successeur de Pierre, et le Patriarche oecuménique de Constantinople, Eglise fondée selon la tradition par l'apôtre saint André, frère de Simon-Pierre. Sur les traces de Paul VI, qui rencontra le Patriarche Athénagoras, et de Jean-Paul II, qui fut accueilli par le Successeur d'Athénagoras, Dimitrios I, j'ai renouvelé avec Sa Sainteté Bartholomaios I ce geste d'une grande valeur symbolique, pour confirmer l'engagement réciproque de poursuivre la route vers le rétablissement de la pleine communion entre catholiques et orthodoxes. Pour confirmer cette ferme intention, j'ai signé avec le Patriarche oecuménique une Déclaration commune, qui constitue une étape supplémentaire sur ce chemin. Il a été particulièrement significatif que cet acte ait eu lieu au terme de la Liturgie solennelle de la fête de saint André, à laquelle j'ai assisté et qui s'est conclue par la double Bénédiction donnée par l'Evêque de Rome et par le Patriarche de Constantinople, respectivement Successeurs des Apôtres Pierre et André. De cette manière, nous avons montré qu'à la base de chaque effort oecuménique se trouvent toujours la prière et l'invocation persévérante de l'Esprit Saint. Toujours dans ce contexte, à Istanbul, j'ai eu la joie de rendre visite au Patriarche de l'Eglise arménienne apostolique, Sa Béatitude Mesrob II, ainsi que de rencontrer le Métropolite syro-orthodoxe. Il me plaît en outre de rappeler, dans ce contexte, l'entretien que j'ai eu avec le Grand Rabbin de Turquie. Ma visite s'est conclue, juste avant mon départ pour Rome, en revenant au "cercle" intérieur, et donc en rencontrant la communauté catholique présente dans chacune de ses composantes dans la Cathédrale latine du Saint-Esprit, à Istanbul. Le Patriarche oecuménique, le Patriarche arménien, le Métropolite syro-orthodoxe et les Représentants des Eglises protestantes ont également assisté à cette Messe. En somme, tous les chrétiens étaient réunis en prière, dans la diversité des traditions, des rites et des langues. Réconfortés par la Parole du Christ, qui promet aux croyants des "fleuves d'eau vive" (Jn 7,38), et par l'image des nombreux membres unis dans l'unique corps (cf. 1Co 12,12-13), nous avons vécu l'expérience d'une Pentecôte renouvelée.

Chers frères et soeurs, je suis revenu ici, au Vatican, l'âme emplie de gratitude envers Dieu et avec des sentiments d'affection sincère et d'estime pour les habitants de la bien-aimée nation turque, par lesquels je me suis senti accueilli et compris. La sympathie et la cordialité avec lesquelles ils m'ont entouré, malgré les difficultés inévitables que ma visite a créées au déroulement normal de leurs activités quotidiennes, restent en moi comme un souvenir vivant qui m'incite à la prière. Que Dieu tout-puissant et miséricordieux aide le peuple turc, ses dirigeants et les représentants des diverses religions, à construire ensemble un avenir de paix, de manière à ce que la Turquie puisse être un "pont" d'amitié et de collaboration fraternelle entre l'Occident et l'Orient. Nous prions en outre pour que, par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, l'Esprit Saint rende ce voyage apostolique fécond et anime dans le monde entier la mission de l'Eglise, instituée pour annoncer à tous les peuples l'Evangile de la vérité, de la paix et de l'amour.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les pèlerins de Lorraine, invoquant sur chacun l’abondance des Bénédictions de Dieu.


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Mercredi 13 décembre 2006



Timothée et Tite, les plus proches collaborateurs de Paul

Chers frères et soeurs,

Après avoir longuement parlé du grand Apôtre Paul, nous prenons aujourd'hui en considération ses deux collaborateurs les plus proches: Timothée et Tite. C'est à eux que sont adressées trois Lettres traditionnellement attribuées à Paul, dont deux sont destinées à Timothée et une à Tite.

Timothée est un nom grec et signifie "qui honore Dieu". Alors que dans les Actes, Luc le mentionne six fois, dans ses Lettres, Paul fait référence à lui au moins à dix-sept reprises (on le trouve en plus une fois dans la Lettre aux Hébreux). On en déduit qu'il jouissait d'une grande considération aux yeux de Paul, même si Luc ne considère pas utile de nous raconter tout ce qui le concerne. En effet, l'Apôtre le chargea de missions importantes et vit en lui comme un alter ego, ainsi qu'il ressort du grand éloge qu'il en fait dans la Lettre aux Philippiens: "Je n'ai en effet personne d'autre (isópsychon) qui partage véritablement avec moi le souci de ce qui vous concerne" (2, 20).

Timothée était né à Lystres (environ 200 km au nord-ouest de Tarse) d'une mère juive et d'un père païen (cf. Ac 16, 1). Le fait que sa mère ait contracté un mariage mixte et n'ait pas fait circoncire son fils laisse penser que Timothée a grandi dans une famille qui n'était pas strictement observante, même s'il est dit qu'il connaissait l'Ecriture dès l'enfance (cf. 2Tm 3,15). Le nom de sa mère, Eunikè, est parvenu jusqu'à nous, ainsi que le nom de sa grand-mère, Loïs (cf. 2Tm 1,5). Lorsque Paul passa par Lystres au début du deuxième voyage missionnaire, il choisit Timothée comme compagnon, car "à Lystres et à Iconium, il était estimé des frères" (Ac 16, 2), mais il le fit circoncire "pour tenir compte des juifs de la région" (Ac 16, 3). Avec Paul et Silas, Timothée traverse l'Asie mineure jusqu'à Troas, d'où il passe en Macédoine. Nous sommes en outre informés qu'à Philippes, où Paul et Silas furent visés par l'accusation de troubler l'ordre public et furent emprisonnés pour s'être opposés à l'exploitation d'une jeune fille comme voyante de la part de plusieurs individus sans scrupules (cf. Ac 16,16-40), Timothée fut épargné. Ensuite, lorsque Paul fut contraint de poursuivre jusqu'à Athènes, Timothée le rejoignit dans cette ville et, de là, il fut envoyé à la jeune Eglise de Thessalonique pour avoir de ses nouvelles et pour la confirmer dans la foi (cf. 1Th 3,1-2). Il retrouva ensuite l'Apôtre à Corinthe, lui apportant de bonnes nouvelles sur les Thessaloniciens et collaborant avec lui à l'évangélisation de cette ville (cf. 2 Co 1, 19).

Nous retrouvons Timothée à Ephèse au cours du troisième voyage missionnaire de Paul. C'est probablement de là que l'Apôtre écrivit à Philémon et aux Philippiens, et dans ces deux lettres, Timothée apparaît comme le co-expéditeur (cf. Phm Phm 1 Ph 1,1). D'Ephèse, Paul l'envoya en Macédoine avec un certain Eraste (cf. Ac 19,22) et, ensuite, également à Corinthe, avec la tâche d'y apporter une lettre, dans laquelle il recommandait aux Corinthiens de lui faire bon accueil (cf. 1Co 4,17 1Co 16,10-11). Nous le retrouvons encore comme co-expéditeur de la deuxième Lettre aux Corinthiens, et quand, de Corinthe, Paul écrit la Lettre aux Romains, il y unit, avec ceux des autres, les saluts de Timothée (cf. Rm 16,21). De Corinthe, le disciple repartit pour rejoindre Troas sur la rive asiatique de la Mer Egée et y attendre l'Apôtre qui se dirigeait vers Jérusalem, en conclusion de son troisième voyage missionnaire (cf. Ac 20,4). A partir de ce moment, les sources antiques ne nous réservent plus qu'une brève référence à la biographie de Timothée, dans la Lettre aux Hébreux où on lit: "Sachez que notre frère Timothée est libéré. J'irai vous voir avec lui s'il vient assez vite" (13, 23). En conclusion, nous pouvons dire que la figure de Timothée est présentée comme celle d'un pasteur de grand relief. Selon l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, écrite postérieurement, Timothée fut le premier Evêque d'Ephèse (cf. 3, 4). Plusieurs de ses reliques se trouvent depuis 1239 en Italie, dans la cathédrale de Termoli, dans le Molise, provenant de Constantinople.

Quant à la figure de Tite, dont le nom est d'origine latine, nous savons qu'il était grec de naissance, c'est-à-dire païen (cf. Gal Ga 2,3). Paul le conduisit avec lui à Jérusalem pour participer au Concile apostolique, dans lequel fut solennellement acceptée la prédication de l'Evangile aux païens, sans les contraintes de la loi mosaïque. Dans la Lettre qui lui est adressée, l'Apôtre fait son éloge, le définissant comme son "véritable enfant selon la foi qui nous est commune" (Tt 1,4). Après le départ de Timothée de Corinthe, Paul y envoya Tite avec la tâche de reconduire cette communauté indocile à l'obéissance. Tite ramena la paix entre l'Eglise de Corinthe et l'Apôtre, qui écrivit à celle-ci en ces termes: "Pourtant, le Dieu qui réconforte les humbles nous a réconfortés par la venue de Tite, et non seulement par sa venue, mais par le réconfort qu'il avait trouvé chez vous: il nous a fait part de votre grand désir de nous revoir, de votre désolation, de votre amour ardent pour moi... En plus de ce réconfort, nous nous sommes réjouis encore bien davantage à voir la joie de Tite: son esprit a été pleinement tranquillisé par vous tous" (2Co 7,6-7 2Co 7,13). Tite fut ensuite envoyé encore une fois à Corinthe par Paul - qui le qualifie comme "mon compagnon et mon collaborateur" (2Co 8,23) - pour y organiser la conclusion des collectes en faveur des chrétiens de Jérusalem (cf. 2Co 8,6). Des nouvelles supplémentaires provenant des Lettres pastorales le qualifient d'Evêque de Crète (cf. Tt Tt 1,5), d'où sur l'invitation de Paul, il rejoint l'Apôtre à Nicopolis en Epire (cf. Tt Tt 3,12). Il se rendit ensuite également en Dalmatie (cf. 2Tm 4,10). Nous ne possédons pas d'autres informations sur les déplacements successifs de Tite et sur sa mort.

En conclusion, si nous considérons de manière unitaire les deux figures de Timothée et de Tite, nous nous rendons compte de plusieurs données très significatives. La plus importante est que Paul s'appuya sur des collaborateurs dans l'accomplissement de ses missions. Il reste certainement l'Apôtre par antonomase, fondateur et pasteur de nombreuses Eglises. Il apparaît toutefois évident qu'il ne faisait pas tout tout seul, mais qu'il s'appuyait sur des personnes de confiance qui partageaient ses peines et ses responsabilités. Une autre observation concerne la disponibilité de ces collaborateurs. Les sources concernant Timothée et Tite mettent bien en lumière leur promptitude à assumer des charges diverses, consistant souvent à représenter Paul également en des occasions difficiles. En un mot, ils nous enseignent à servir l'Evangile avec générosité, sachant que cela comporte également un service à l'Eglise elle-même. Recueillons enfin la recommandation que l'Apôtre Paul fait à Tite, dans la lettre qui lui est adressée: "Voilà une parole sûre, et je veux que tu t'en portes garant, afin que ceux qui ont mis leur foi en Dieu s'efforcent d'être au premier rang pour faire le bien" (Tt 3,8). A travers notre engagement concret, nous devons et nous pouvons découvrir la vérité de ces paroles, et, précisément en ce temps de l'Avent, être nous aussi riches de bonnes oeuvres et ouvrir ainsi les portes du monde au Christ, notre Sauveur.
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Je suis heureux de vous accueillir, chers pèlerins francophones. Je salue particulièrement les jeunes de Treillières et les pèlerins de La Réunion. Que le temps de l'Avent vous permette de préparer vos coeurs à la venue du Sauveur, pour en témoigner généreusement parmi vos frères !


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Mercredi 20 décembre 2006



Saint Noël 2006

Chers frères et soeurs!

"Le Seigneur est proche, venez, adorons-le". A travers cette invocation, la liturgie nous invite, au cours de ces derniers jours de l'Avent, à nous approcher, presque sur la pointe des pieds, de la grotte de Bethléem, où s'est accompli l'événement extraordinaire, qui a changé le cours de l'histoire: la naissance du Rédempteur. Dans la nuit de Noël, nous nous arrêterons, encore une fois, devant la crèche, pour contempler avec émerveillement le "Verbe fait chair". Des sentiments de joie et de gratitude, comme chaque année, se renouvelleront dans notre coeur en écoutant les mélodies de Noël, qui chantent dans de nombreuses langues le même prodige extraordinaire. Le Créateur de l'univers est venu par amour établir sa demeure parmi les hommes. Dans la Lettre aux Philippiens, saint Paul affirme que le Christ, "qui était dans la condition de Dieu, [...] n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur" (2, 6). Il est apparu sous une forme humaine, ajoute l'Apôtre, en s'humiliant lui-même. Dans le Saint Noël, nous revivrons la réalisation de ce mystère sublime de grâce et de miséricorde.

Saint Paul ajoute: "Mais lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils; il est né d'une femme, il a été sous la domination de la loi de Moïse pour racheter ceux qui étaient sous la domination de la Loi et pour faire de nous des fils" (Ga 4,4-5). En vérité, depuis de nombreux siècles, le peuple élu attendait le Messie, mais il l'imaginait comme un chef puissant et victorieux, qui aurait libéré les siens de l'oppression des étrangers. Le Sauveur naquit, en revanche, dans le silence et dans la pauvreté la plus absolue. Il vint comme la lumière qui éclaire chaque homme - souligne l'évangéliste Jean -, "et les siens ne l'ont pas reçu" (Jn 1,9 Jn 1,11). L'Apôtre ajoute cependant: "Mais tous ceux qui l'ont reçu, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu" (ibid., 1, 12). La lumière promise éclaira le coeur de ceux qui avaient persévéré dans l'attente vigilante et active.

La Liturgie de l'Avent nous exhorte nous aussi à être sobres et vigilants, pour ne pas nous laisser alourdir par le péché et par les préoccupations excessives du monde. C'est en effet en veillant et en priant que nous pourrons reconnaître et accueillir l'éclat du Noël du Christ. Saint Maxime de Turin, Evêque du IV-V siècle, dans l'une de ses homélies, affirme: "Le temps nous avertit que le Noël du Christ Seigneur est proche. Le monde, par ses inquiétudes mêmes, nous parle de l'imminence de quelque chose qui le renouvellera, et il désire avec une attente impatiente que la splendeur d'un soleil plus resplendissant illumine ses ténèbres... Cette attente de la création nous persuade nous aussi d'attendre la venue du Christ, nouveau Soleil" (Disc. 61a, 1-3). La création elle-même nous conduit donc à découvrir et à reconnaître Celui qui doit venir.

Mais la question est: l'humanité de notre temps attend-elle encore le Sauveur? On a la sensation qu'un grand nombre de personnes considèrent Dieu comme étranger à leurs propres intérêts. Elles n'ont apparemment pas besoin de Lui; elles vivent comme s'il n'existait pas et, pire encore, comme s'il constituait un "obstacle" à supprimer pour se réaliser soi-même. Même parmi les croyants, - nous le savons - certains se laissent attirer par des chimères fascinantes et distraire par des doctrines erronées qui proposent des raccourcis pour obtenir le bonheur. Pourtant, malgré ses contradictions, ses angoisses et ses drames, et peut-être précisément en raison de ceux-ci, l'humanité cherche aujourd'hui une voie de renouveau, de salut, cherche un Sauveur et attend, parfois inconsciemment, l'avènement du Sauveur qui renouvelle le monde et notre vie, l'avènement du Christ, l'unique véritable Rédempteur de l'homme et de tout l'homme. Certes, de faux prophètes continuent de proposer un salut "à bas prix", qui finit toujours par engendrer des déceptions cuisantes. Précisément l'histoire des cinquante dernières années démontre cette recherche d'un Sauveur à "bas prix" et souligne toutes les déceptions qui en sont issues. Notre tâche de chrétiens est de diffuser, à travers le témoignage de notre vie, la vérité de Noël, que le Christ apporte à chaque homme et à chaque femme de bonne volonté. Naissant de la pauvreté de la crèche, Jésus vient pour offrir à tous cette joie et cette paix qui seules peuvent combler l'attente de l'âme humaine.

Mais comment nous préparer et ouvrir notre coeur au Seigneur qui vient? L'attitude spirituelle de l'attente vigilante et priante reste la caractéristique fondamentale du chrétien en ce temps de l'Avent. C'est l'attitude qui caractérise les protagonistes de l'époque: Zacharie et Elisabeth, les pasteurs, les Rois Mages, le peuple simple et humble. En particulier, l'attente de Marie et de Joseph! Ces derniers, plus que tous les autres, ont éprouvé personnellement l'anxiété et l'agitation pour l'Enfant qui devait naître. Il n'est pas difficile d'imaginer comment ils ont passé les derniers jours, dans l'attente de serrer le nouveau-né dans leurs bras. Que leur attitude soit la nôtre, chers frères et soeurs! Ecoutons, à ce propos, l'exhortation de saint Maxime, Evêque de Turin, cité plus haut: "Alors que nous nous préparons à accueillir le Noël du Seigneur, revêtons-nous d'habits sans taches. Je parle des vêtements de l'âme, non pas de ceux du corps. Ne nous habillons pas avec des habits de soie, mais avec des oeuvres saintes! Les vêtements fastueux peuvent couvrir les membres, mais n'ornent pas la conscience" (ibid.).

En naissant parmi nous, que l'Enfant Jésus ne nous trouve pas distraits ou simplement occupés à embellir nos maisons avec des illuminations. Préparons plutôt dans notre âme et dans nos familles une demeure digne, où Il se sentira accueilli avec foi et amour. Que la Vierge et saint Joseph nous aident à vivre le mystère de Noël avec un émerveillement renouvelé et une sérénité pacifiante. Avec ces sentiments, je désire former les voeux les plus fervents d'heureux et saint Noël pour vous tous, ici présents, et pour vos proches, avec une pensée particulière pour ceux qui sont en difficulté ou qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit. Joyeux Noël à vous tous!

Mais nos contemporains attendent-ils encore le Sauveur? Beaucoup vivent comme s'il n'existait pas, ou pire encore, comme s'il était un "obstacle" à supprimer pour réussir son existence. Parmi les chrétiens, certains se laissent attirer par des illusions de bonheur. Cependant, sans toujours en être consciente, l'humanité cherche aujourd'hui un Sauveur et attend l'avènement du Christ, l'unique vrai Rédempteur. Par notre témoignage, nous devons manifester la vérité de Noël. Jésus offre à tous la joie et la paix qui, seules, comblent l'attente de tous les hommes. Préparons-nous à accueillir le Sauveur. Comme le demande saint Maxime de Turin: "Revêtons-nous d'oeuvres saintes, qui puissent orner notre conscience". N'illuminons pas seulement nos maisons, mais surtout nos coeurs et nos familles, pour être des demeures capables d'accueillir le Seigneur avec foi et amour. Puissent Marie et Joseph nous aider à vivre sereinement le mystère de Noël.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents à cette audience, en particulier les jeunes du collège Blanche de Castille de Paris, et ceux du Collège Sainte-Thérèse de Bougival. À tous, je souhaite un heureux et saint Noël.



Catéchèses Benoît XVI 22116