Catéchèses Benoît XVI 31107

Mercredi 31 janvier 2007

31107
Chers frères et soeurs,


En poursuivant notre voyage parmi les figures de premier plan des origines chrétiennes, nous consacrons aujourd'hui notre attention à plusieurs collaborateurs de saint Paul. Nous devons reconnaître que l'Apôtre constitue l'exemple éloquent d'un homme ouvert à la collaboration: il ne veut pas tout faire tout seul dans l'Eglise, mais il se sert de nombreux collègues différents. Nous ne pouvons pas nous arrêter sur tous ces précieux auxiliaires, car ils sont nombreux. Il suffit de rappeler, entre autres, Epaphras (cf.
Col 1,7 Col 4,12 Phm 23), Epaphrodite (cf. Ph 2,25 Ph 4,18); Tychique (cf. Ac 20,4 Ep 6,21 Col 4,7 2Tm 4,12 Tt 3,12), Urbain (cf. Rm 16,9), Gaïus et Aristarque (cf. Ac 19,29 Ac 20,4 Ac 27,2 Col 4,10). Et des femmes comme Phébée (cf. Rm 16,1), Tryphène et Tryphose (cf. Rm 16,12), Persis, la mère de Rufus - dont saint Paul dit: "sa mère, qui est aussi la mienne" (cf. Rm 16,12-13) - sans oublier des époux comme Priscille et Aquilas (cf. Rm 16,3 1Co 16,19 2Tm 4,19). Aujourd'hui, parmi ce grand groupe de collaborateurs et de collaboratrices de saint Paul, nous tournons notre attention vers trois de ces personnes, qui ont joué un rôle particulièrement significatif dans l'évangélisation des origines: Barnabé, Silas et Apollos.

Barnabé signifie "homme de l'exhortation" (Ac 4,36) ou "homme du réconfort"; il s'agit du surnom d'un juif lévite originaire de Chypre. S'étant établi à Jérusalem, il fut l'un des premiers qui embrassèrent le christianisme, après la résurrection du Seigneur. Il vendit avec une grande générosité l'un des champs qui lui appartenaient, remettant le profit aux Apôtres pour les besoins de l'Eglise (cf. Ac 4,37). Ce fut lui qui se porta garant de la conversion de saint Paul auprès de la communauté chrétienne de Jérusalem, qui se méfiait encore de son ancien persécuteur (cf. Ac 9,27). Envoyé à Antioche de Syrie, il alla rechercher Paul à Tarse, où celui-ci s'était retiré, et il passa une année entière avec lui, se consacrant à l'évangélisation de cette ville importante, dans l'Eglise de laquelle Barnabé était connu comme prophète et docteur (cf. Ac 13,1). Ainsi Barnabé, au moment des premières conversions des païens, a compris qu'il s'agissait de l'heure de Saul, qui s'était retiré à Tarse, sa ville. C'est là qu'il est allé le chercher. Ainsi, en ce moment important, il a comme restitué Paul à l'Eglise; il lui a donné encore une fois, en ce sens, l'Apôtre des nations. Barnabé fut envoyé en mission avec Paul par l'Eglise d'Antioche, accomplissant ce qu'on appelle le premier voyage missionnaire de l'Apôtre. En réalité, il s'agit d'un voyage missionnaire de Barnabé, qui était le véritable responsable, et auquel Paul se joignit comme collaborateur, touchant les régions de Chypre et de l'Anatolie du centre et du sud, dans l'actuelle Turquie, et se rendant dans les villes d'Attalia, Pergé, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystre et Derbe (cf. Ac 13-14). Il se rendit ensuite avec Paul au Concile de Jérusalem, où, après un examen approfondi de la question, les Apôtres et les Anciens décidèrent de séparer la pratique de la circoncision de l'identité chrétienne (cf. Ac 15,1-35). Ce n'est qu'ainsi, à la fin, qu'ils ont rendu officiellement possible l'Eglise des païens, une Eglise sans circoncision: nous sommes les fils d'Abraham simplement par notre foi dans le Christ.

Les deux, Paul et Barnabé, eurent ensuite un litige, au début du deuxième voyage missionnaire, car Barnabé était de l'idée de prendre Jean-Marc comme compagnon, alors que Paul ne voulait pas, ce jeune homme les ayant quittés au cours du précédent voyage (cf. Ac 13,13 Ac 15,36-40). Entre les saints, il existe donc aussi des contrastes, des discordes, des controverses. Et cela m'apparaît très réconfortant, car nous voyons que les saints ne sont pas "tombés du ciel". Ce sont des hommes comme nous, également avec des problèmes compliqués. La sainteté ne consiste pas à ne jamais s'être trompé, à n'avoir jamais péché. La sainteté croît dans la capacité de conversion, de repentir, de disponibilité à recommencer, et surtout dans la capacité de réconciliation et de pardon. Ainsi Paul, qui avait été plutôt sec et amer à l'égard de Marc, se retrouve ensuite avec lui. Dans les dernières Lettres de saint Paul, à Philémon et dans la deuxième à Timothée, c'est précisément Marc qui apparaît comme "mon collaborateur". Ce n'est donc pas le fait de ne jamais se tromper, mais la capacité de réconciliation et de pardon qui nous rend saint. Et nous pouvons tous apprendre ce chemin de sainteté. Quoi qu'il en soit, Barnabé, avec Jean-Marc, repartit vers Chypre (cf. Ac 15,39) autour de l'année 49. On perd ses traces à partir de ce moment-là. Tertullien lui attribue la Lettres aux Hébreux, ce qui ne manque pas de vraisemblance car, appartenant à la tribu de Lévi, Barnabé pouvait éprouver de l'intérêt pour le thème du sacerdoce. Et la Lettre aux Hébreux interprète de manière extraordinaire le sacerdoce de Jésus.

Un autre compagnon de Paul fut Silas, forme grecque d'un nom juif (peut-être sheal, "demander, invoquer", qui est la même racine que celle du nom "Saul"), dont existe également la forme latine Silvain. Le nom Silas n'est attesté que dans le Livre des Actes des Apôtres, tandis que le nom Silvain n'apparaît que dans les Epîtres de Paul. Il s'agissait d'un juif de Jérusalem, l'un des premiers à devenir chrétien, et dans cette Eglise, il jouissait d'une grande estime (cf. Ac 15,22), étant considéré comme un prophète (cf. Ac 15,32). Il fut chargé de rapporter "aux frères d'Antioche, de Syrie et de Cilicie" (Ac 15,23) les décisions prises au Concile de Jérusalem et de les expliquer. De toute évidence, on le considérait capable d'opérer une sorte de médiation entre Jérusalem et Antioche, entre juifs-chrétiens et chrétiens d'origine païenne, et ainsi, de servir l'unité de l'Eglise dans la diversité des rites et des origines. Lorsque Paul se sépara de Barnabé, il prit précisément Silas comme compagnon de voyage (cf. Ac 15,40). Avec Paul, il gagna la Macédoine (en particulier les villes de Philippe, Thessalonique et Berea), où il s'arrêta, tandis que Paul poursuivit vers Athènes, puis Corinthe. Silas le rejoignit à Corinthe, où il contribua à la prédication de l'Evangile; en effet, dans la seconde Epître adressée par Paul à cette Eglise, on parle du "Christ Jésus, que nous avons prêché parmi vous, Silvain, Timothée et moi" (2Co 1,19). C'est la raison pour laquelle il apparaît comme le co-expéditeur, avec Paul et Timothée, des deux Lettres aux Thessaloniciens. Cela aussi me semble important. Paul n'agit pas "en solo", en pur individu, mais avec ces collaborateurs dans le "nous" de l'Eglise. Ce "moi" de Paul n'est pas un "moi" isolé, mais un "moi" dans le "nous" de l'Eglise, dans le "nous" de la foi apostolique. Et Silvain, à la fin, est mentionné également dans la Première Epître de Pierre, dans laquelle on lit: "Je vous écris ces quelques mots par Silvain, que je tiens pour un frère fidèle" (5, 12). Ainsi, nous voyons également la communion des Apôtres. Silvain sert à Paul, il sert à Pierre, car l'Eglise est une et l'annonce missionnaire est unique.

Le troisième compagnon de Paul, dont nous voulons faire mémoire, est appelé Apollos, probable abréviation d'Apollonios ou d'Apollodore. Bien que s'agissant d'un nom païen, il était un fervent juif d'Alexandrie d'Egypte. Dans le Livre des Actes, Luc le définit comme "un homme éloquent, versé dans les Ecritures... dans la ferveur de son âme" (Ac 18,24-25). L'entrée en scène d'Apollos dans la première évangélisation a lieu dans la ville d'Ephèse: c'est là qu'il s'était rendu pour prêcher et c'est là qu'il eut la chance de rencontrer les époux chrétiens Priscille et Aquilas (cf. Ac 18,26), qui l'introduisirent à une connaissance plus complète de la "Voie de Dieu" (cf Ac 18,26). D'Ephèse, il passa par l'Achaïe et arriva dans la ville de Corinthe: là il arriva portant une lettre des chrétiens d'Ephèse, qui recommandaient aux Corinthiens de lui réserver un bon accueil (cf. Ac 18,27). A Corinthe, comme l'écrit Luc, "il fut, par l'effet de la grâce d'un grand secours aux croyants: car il réfutait vigoureusement les Juifs en public, démontrant par les Ecritures que Jésus est le Christ" (Ac 18, 27-28), le Messie. Son succès dans cette ville connut pourtant un tournant problématique, car il y eut certains membres de l'Eglise, qui en son nom, fascinés par sa façon de parler, s'opposaient aux autres (cf. 1Co 1,12 1Co 3,4-6 1Co 4,6). Paul, dans la Première Epître aux Corinthiens exprime son appréciation pour l'oeuvre d'Apollos, mais reproche aux Corinthiens de lacérer le Corps du Christ en se divisant en factions opposées. Il tire une leçon importante de tout l'épisode: Autant moi qu'Apollos - dit-il - ne sommes autre que diakonoi, c'est-à-dire simples ministres, à travers lesquels vous êtes venus à la foi (cf. 1Co 3,5). Chacun a un devoir différent dans le champ du Seigneur: "Moi j'ai planté, Apollos a arrosé, mais c'est Dieu qui donnait la croissance... car nous sommes les coopérateurs de Dieu; vous êtes le champ de Dieu, l'édifice de Dieu" (1Co 3,6-9). De retour à Ephèse, Apollos résista à l'invitation de Paul de retourner immédiatement à Corinthe, en renvoyant le voyage à une date ultérieure que nous ignorons (cf. 1Co 16,12). Nous n'avons pas davantage de nouvelles de lui, même si certains chercheurs pensent à lui comme l'auteur possible de l'Epître aux Hébreux, dont, selon Tertullien, l'auteur serait Barnabé.

Ces trois hommes brillent dans le firmament des témoins de l'Evangile en vertu d'un trait commun, et non seulement en vertu de caractéristiques propres à chacun. Ils ont en commun, outre l'origine juive, le dévouement à Jésus Christ et à l'Evangile, et le fait d'avoir été tous trois collaborateurs de l'Apôtre Paul. Dans cette mission évangélisatrice originale, ils ont trouvé le sens de leur vie, et en tant que tels, ils se tiennent devant nous comme des modèles lumineux de désintérêt et de générosité. Et nous repensons, à la fin, une fois de plus à cette phrase de saint Paul: aussi bien Apollos que moi sommes tous deux ministres de Jésus, chacun à sa façon, car c'est Dieu qui fait croître. Cette parole vaut aujourd'hui encore pour tous, que ce soit pour le Pape, pour les Cardinaux, les Evêques, les prêtres, les laïcs. Nous sommes tous d'humbles ministres de Jésus. Nous servons l'Evangile pour autant que possible, selon nos dons, et nous prions Dieu afin qu'Il faisse croître aujourd'hui son Evangile, son Eglise.
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Je salue avec joie les pèlerins francophones présents ce matin, notamment les jeunes de Montreuil sous Bois. Soyez tous des témoins de la Bonne nouvelle dont notre monde a besoin.


Mercredi 7 février 2007 - Les époux Priscille et Aquilas

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Chers frères et soeurs,

En faisant un nouveau pas dans cette sorte de galerie de portraits des premiers témoins de la foi chrétienne, que nous avons commencée il y a quelques semaines, nous prenons aujourd'hui en considération un couple d'époux. Il s'agit des conjoints Priscille et Aquilas, qui se trouvent dans le groupe des nombreux collaborateurs qui ont entouré l'apôtre Paul, que j'avais déjà brièvement mentionnés mercredi dernier. Sur la base des informations en notre possession, ce couple d'époux joua un rôle très actif au temps des origines post-pascales de l'Eglise.

Les noms d'Aquilas et de Priscille sont latins, mais l'homme et la femme qui les portent étaient d'origine juive. Cependant, au moins Aquilas provenait géographiquement de la diaspora de l'Anatolie septentrionale, qui s'ouvre sur la Mer Noire - dans la Turquie actuelle -, alors que Priscille, dont le nom se trouve parfois abrégé en Prisca, était probablement une juive provenant de Rome (cf.
Ac 18,2). C'est en tout cas de Rome qu'ils étaient parvenus à Corinthe, où Paul les rencontra au début des années 50; c'est là qu'il s'associa à eux car, comme nous le raconte Luc, ils exerçaient le même métier de fabricants de toiles ou de tentes pour un usage domestique, et il fut même accueilli dans leur maison (cf. Ac 18,3). Le motif de leur venue à Corinthe avait été la décision de l'empereur Claude de chasser de Rome les Juifs résidant dans l'Urbs. L'historien Romain Suétone nous dit, à propos de cet événement, qu'il avait expulsé les Juifs car "ils provoquaient des tumultes en raison d'un certain Crestus" (cf. "Les vies des douze Césars, Claude", 25). On voit qu'il ne connaissait pas bien le nom - au lieu du Christ, il écrit "Crestus" - et qu'il n'avait qu'une idée très confuse de ce qui s'était passé. Quoi qu'il en soit, des discordes régnaient à l'intérieur de la communauté juive autour de la question de savoir si Jésus était ou non le Christ. Et ces problèmes constituaient pour l'empereur un motif pour expulser simplement tous les juifs de Rome. On en déduit que les deux époux avait déjà embrassé la foi chrétienne à Rome dans les années 40, et qu'ils avaient à présent trouvé en Paul quelqu'un non seulement qui partageait cette foi avec eux - que Jésus est le Christ - mais qui était également un apôtre, appelé personnellement par le Seigneur Ressuscité. La première rencontre a donc lieu à Corinthe, où ils l'accueillent dans leur maison et travaillent ensemble à la fabrication de tentes.

Dans un deuxième temps, ils se rendirent en Asie mineure, à Ephèse. Ils jouèrent là un rôle déterminant pour compléter la formation chrétienne du juif alexandrin Apollos, dont nous avons parlé mercredi dernier. Comme il ne connaissait que de façon sommaire la foi chrétienne, "Priscille et Aquilas l'entendirent, ils le prirent à part et lui exposèrent avec plus d'exactitude la Voie de Dieu" (Ac 18,26). Quand, à Ephèse, l'Apôtre Paul écrit sa Première Lettre aux Corinthiens, il envoie aussi explicitement avec ses propres salutations celles d'"Aquilas et Prisca [qui] vous saluent bien dans le Seigneur, avec l'Eglise qui se rassemble chez eux" (16, 19). Nous apprenons ainsi le rôle très important que ce couple joua dans le milieu de l'Eglise primitive: accueillir dans leur maison le groupe des chrétiens locaux, lorsque ceux-ci se rassemblaient pour écouter la Parole de Dieu et pour célébrer l'Eucharistie. C'est précisément ce type de rassemblement qui est appelé en grec "ekklesìa" - le mot latin est "ecclesia", le mot français "église" - qui signifie convocation, assemblée, regroupement. Dans la maison d'Aquilas et de Priscille, se réunit donc l'Eglise, la convocation du Christ, qui célèbre là les saints Mystères. Et ainsi, nous pouvons précisément voir la naissance de la réalité de l'Eglise dans les maisons des croyants. Les chrétiens, en effet, jusque vers le III siècle, ne possédaient pas leurs propres lieux de culte: dans un premier temps, ce furent les synagogues juives, jusqu'à ce que la symbiose originelle entre l'Ancien et le Nouveau Testament ne se défasse et que l'Eglise des Gentils ne soit obligée de trouver sa propre identité, toujours profondément enracinée dans l'Ancien Testament. Ensuite, après cette "rupture", les chrétiens se réunissent dans les maisons, qui deviennent ainsi "Eglise". Et enfin, au III siècle, naissent de véritables édifices de culte chrétien. Mais ici, dans la première moitié du I et du II siècle, les maisons des chrétiens deviennent véritablement et à proprement parler des "églises". Comme je l'ai dit, on y lit ensemble les Saintes Ecritures et l'on célèbre l'Eucharistie. C'est ce qui se passait, par exemple, à Corinthe, où Paul mentionne un certain "Gaïus vous salue, lui qui m'a ouvert sa maison, à moi et à toute l'Eglise" (Rm 16,23), ou à Laodicée, où la communauté se rassemblait dans la maison d'une certaine Nympha (cf. Col 4,15), ou à Colosse, où le rassemblement avait lieu dans la maison d'un certain Archippe (cf. Phm Phm 1,2).

De retour à Rome, Aquilas et Priscille continuèrent à accomplir cette très précieuse fonction également dans la capitale de l'Empire. En effet, Paul, écrivant aux Romains, envoie précisément ce salut: "Saluez Prisca et Aquilas, mes coopérateurs dans le Christ Jésus; pour me sauver la vie ils ont risqué leur tête, et je ne suis pas seul à leur devoir de la gratitude: c'est le cas de toutes les Eglises de la gentilité; saluez aussi l'Eglise qui se réunit chez eux" (Rm 16,3-5). Quel extraordinaire éloge des deux conjoints dans ces paroles! Et c'est l'apôtre Paul lui-même qui le fait. Il reconnaît explicitement en eux deux véritables et importants collaborateurs de son apostolat. La référence au fait d'avoir risqué la vie pour lui est probablement liée à des interventions en sa faveur au cours d'un de ses emprisonnements, peut-être à Ephèse même (cf. Ac 19,23 1Co 15,32 2Co 1,8-9). Et le fait qu'à sa gratitude, Paul associe même celle de toutes les Eglises des gentils, tout en considérant peut-être l'expression quelque peu excessive, laisse entrevoir combien leur rayon d'action a été vaste, ainsi, en tous cas que leur influence en faveur de l'Evangile.

La tradition hagiographique postérieure a conféré une importance particulière à Priscille, même s'il reste le problème de son identification avec une autre Priscille martyre. Dans tous les cas, ici, à Rome, nous avons aussi bien une église consacrée à Sainte Prisca sur l'Aventin que les catacombes de Priscille sur la Via Salaria. De cette façon se perpétue la mémoire d'une femme, qui a été certainement une personne active et d'une grande valeur dans l'histoire du christianisme romain. Une chose est certaine: à la gratitude de ces premières Eglises, dont parle saint Paul, doit s'unir la nôtre, car c'est grâce à la foi et à l'engagement apostolique de fidèles laïcs, de familles, d'époux comme Priscille et Aquilas, que le christianisme est parvenu à notre génération. Il ne pouvait pas croître uniquement grâce aux Apôtres qui l'annonçaient. Pour s'enraciner dans la terre du peuple, pour se développer de façon vivante, était nécessaire l'engagement de ces familles, de ces époux, de ces communautés chrétiennes, et de fidèles laïcs qui ont offert l'"humus" à la croissance de la foi. Et c'est toujours et seulement ainsi que croît l'Eglise. En particulier, ce couple démontre combien l'action des époux chrétiens est importante. Lors-qu'ils sont soutenus par la foi et par une forte spiritualité, leur engagement courageux pour l'Eglise et dans l'Eglise devient naturel. Leur vie commune quotidienne se prolonge et en quelque sorte s'élève en assumant une responsabilité commune en faveur du Corps mystique du Christ, ne fût-ce qu'une petite partie de celui-ci. Il en était ainsi dans la première génération et il en sera souvent ainsi.

Nous pouvons tirer une autre leçon importante de leur exemple: chaque maison peut se transformer en une petite Eglise. Non seulement dans le sens où dans celle-ci doit régner le typique amour chrétien fait d'altruisme et d'attention réciproque, mais plus encore dans le sens où toute la vie familiale sur la base de la foi, est appelée à tourner autour de l'unique domination de Jésus Christ. Ce n'est pas par hasard que dans la Lettre aux Ephésiens, Paul compare la relation matrimoniale à la communion sponsale qui existe entre le Christ et l'Eglise (cf. Ep 5,25-33). Nous pourrions même considérer que l'Apôtre façonne indirectement la vie de l'Eglise tout entière sur celle de la famille. Et en réalité, l'Eglise est la famille de Dieu. Nous honorons donc Aquilas et Priscille comme modèles d'une vie conjugale engagée de façon responsable au service de toute la communauté chrétienne. Et nous trouvons en eux le modèle de l'Eglise, famille de Dieu pour tous les temps.
* * *


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes et le groupe de pèlerins corses de la paroisse de Porto-Vecchio. Je vous invite tous à faire de vos familles des petites Églises, où le Christ est honoré et où chacun puise la force d’être témoin de l’Évangile.



Mercredi 14 février 2007: Les femmes au service de l'Evangile

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Chers frères et soeurs,

Nous sommes parvenus aujourd'hui au terme de notre parcours parmi les témoins des débuts du christianisme que mentionnent les écrits néo-testamentaires. Et au cours de la dernière étape de ce premier parcours, nous consacrerons notre attention aux nombreuses figures de femmes qui ont accompli un rôle efficace et précieux dans la diffusion de l'Evangile. Leur témoignage ne peut être oublié, conformément à ce que Jésus lui-même dit de la femme qui lui versa de huile sur la tête, peu avant la Passion: "En vérité, je vous le dis, partout où sera proclamé cet Evangile, dans le monde entier, on redira aussi, à sa mémoire, ce qu'elle vient de faire" (
Mt 26,13 Mc 14,9). Le Seigneur veut que ces témoins de l'Evangile, ces figures qui ont apporté une contribution afin de faire croître la foi en Lui, soient connues et que leur mémoire soit vivante dans l'Eglise. Sur le plan historique, nous pouvons distinguer le rôle des femmes dans le christianisme des origines, au cours de la vie terrestre de Jésus et au cours des événements de la première génération chrétienne.

Bien sûr, comme nous le savons, Jésus choisit parmi ses disciples douze hommes comme Pères de la nouvelle Israël; il les choisit pour "être ses compagnons et pour les envoyer prêcher" (Mc 3,14-15). Ce fait est évident mais, outre les Douze, piliers de l'Eglise, pères du nouveau Peuple de Dieu, de nombreuses femmes sont également choisies au nombre des disciples. Je n'évoquerai que très brièvement celles qui se trouvent sur le chemin de Jésus lui-même, en commençant par la prophétesse Anne (cf. Lc 2,36-38) jusqu'à la Samaritaine (cf. Jn 4,1-39), à la femme syrophénicienne (cf. Mc 7,24-30), à l'hémorroïsse (cf. Mt 9,20-22) et à la pécheresse pardonnée (cf. Lc 7,36-50). Je ne me réfère pas non plus aux protagonistes de certaines paraboles efficaces, par exemple la femme qui fait le pain (Mt 13,33), la femme qui perd une drachme (Lc 15,8-10), la veuve qui importune le juge (Lc 18,1-8). Les femmes qui ont joué un rôle actif dans le cadre de la mission de Jésus sont plus importantes pour notre réflexion. En premier lieu, ma pensée se tourne naturellement vers la Vierge Marie, qui à travers sa foi et son oeuvre maternelle, collabora de façon unique à notre Rédemption, au point qu'Elisabeth put la proclamer "bénie entre les femmes" (Lc 1,42), en ajoutant "bienheureuse celle qui a cru" (Lc 1,45). Devenue disciple du Fils, Marie manifesta à Cana une entière confiance en Lui (cf. Jn 2,5) et le suivit jusque sous la Croix, où elle reçut de Lui une mission maternelle pour tous ses disciples de tout temps, représentés par Jean (cf. Jn 19,25-27).

Viennent ensuite différentes femmes qui, à titre divers, gravitent autour de la figure de Jésus en ayant des fonctions de responsabilité. Un exemple éloquent est représenté par les femmes qui suivaient Jésus pour l'assister de leurs biens, et dont Luc nous transmet certains noms: Marie de Magdala, Jeanne, Suzanne et "plusieurs autres" (cf. Lc 8,2-3). Puis, les Evangiles nous informent que les femmes, à la différence des Douze, n'abandonnèrent pas Jésus à l'heure de la Passion (cf. Mt 27,56 Mt 27,61 Mc 15,40). Parmi elles ressort en particulier Marie-Madeleine, qui non seulement assista à la Passion, mais fut également la première à témoigner et à annoncer le Ressuscité (cf. 20, 1. 11-18). C'est précisément à Marie de Magdala que saint Thomas d'Aquin réserve le qualificatif particulier d'"apôtre des apôtres" (apostolorum apostola), lui consacrant ce beau commentaire: "De même qu'une femme avait annoncé au premier homme des paroles de mort, ainsi, une femme annonça en premier aux apôtres des paroles de vie" (Super Ioannem, ed. Cai, 2519).

Dans le domaine de l'Eglise des débuts également, la présence des femmes n'est absolument pas secondaire. Nous n'insistons pas sur les quatre filles non nommées du "diacre" Philippe, résidant à Cesarée Marittime, et toutes dotées, comme nous le dit saint Luc, du "don de prophétie", c'est-à-dire de la faculté d'intervenir publiquement sous l'action de l'Esprit Saint (cf. Ac 21,9). La brièveté de l'information ne nous permet pas de déductions plus précises. Nous devons plutôt à saint Paul une plus ample documentation sur la dignité et sur le rôle ecclésial de la femme. Il part du principe fondamental selon lequel pour les baptisés, non seulement "il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre", mais également "il n'y a ni homme ni femme". La raison est que "tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus" (Ga 3,28), c'est-à-dire que tous sont unis par la même dignité fondamentale, bien que chacun soit doté de fonctions spécifiques (cf. 1Co 12,27-30). L'apôtre admet comme quelque chose de normal que dans la communauté chrétienne, la femme puisse "prophétiser" (1Co 11,5), c'est-à-dire se prononcer ouvertement sous l'influence de l'Esprit, du moment que cela soit pour l'édification de la communauté et fait avec dignité. C'est pourquoi la célèbre exhortation suivante, à ce que "les femmes gardent le silence dans les assemblées" (1Co 14,34) doit être plutôt relativisée. Nous laissons aux exégètes le problème, très débattu, qui en découle, de la relation apparemment contradictoire, entre la première affirmation - les femmes peuvent prophétiser dans l'assemblée - et la seconde - les femmes ne peuvent pas parler. Ce n'est pas ici qu'il doit être débattu. Mercredi dernier nous avons déjà rencontré la figure de Prisca ou Priscille, femme d'Aquilas, qui dans deux cas, de manière surprenante, est mentionnée avant son mari (cf. Ac 18,18 Rm 16,3): l'une et l'autre sont cependant explicitement qualifiés par Paul comme ses sun-ergoús "collaborateurs" (Rm 16,3).

Certains autres faits ne peuvent pas être négligés. Il faut prendre acte, par exemple, que la brève Lettre à Philémon est en réalité également adressée par Paul à une femme appelée "Apphia" (cf. Phm 1,2). Des traductions latines et syriaques du texte grec ajoutent à ce nom "Apphia", l'appellation de "soror carissima" (ibid.), et l'on doit dire que dans la communauté de Colosse, celle-ci devait occuper une place importante; quoi qu'il en soit, c'est l'unique femme mentionnée par Paul parmi les destinataires d'une de ses lettres. Ailleurs, l'Apôtre mentionne une certaine "Phébée", qualifiée comme diákonos de l'Eglise de Cencrées, petite ville portuaire située à l'est de Corinthe (cf. Rm 16,1-2). Bien que le titre, à cette époque, n'ait pas encore de valeur ministérielle spécifique de type hiérarchique, il exprime un véritable exercice de responsabilité de la part de cette femme en faveur de cette communauté chrétienne. Paul recommande de la recevoir cordialement et de l'assister "en toute affaire où elle ait besoin", puis il ajoute: "car elle a pris soin de beaucoup de gens, et de moi aussi". Dans le même contexte épistolaire, l'Apôtre rappelle avec des accents délicats d'autres noms de femmes: une certaine Marie, puis Tryphène, Tryphose et la "très chère" Persis, en plus de Julie, dont il écrit ouvertement qu'elles se sont "donné beaucoup de peine dans le Seigneur" ou "qui se donnent de la peine dans le Seigneur" (Rm 16,6 Rm 16,12 Rm 16,12 Rm 16,15), soulignant ainsi leur profond engagement ecclésial. Dans l'Eglise de Philippes se distinguèrent ensuite deux femmes appelées "Evodie et Syntykhé" (Ph 4,2): le rappel que Paul fait de leur concorde réciproque laisse entendre que les deux femmes assuraient une fonction importante au sein de cette communauté.

En somme, l'histoire du christianisme aurait eu un développement bien différent s'il n'y avait pas eu le généreux apport de nombreuses femmes. C'est pourquoi, comme l'écrivit mon cher prédécesseur Jean-Paul II dans la Lettre apostolique Mulieris dignitatem, "L'Eglise rend grâce pour toutes les femmes et pour chacune d'elles... L'Eglise rend grâce pour toutes les manifestations du "génie" féminin apparues au cours de l'histoire, dans tous les peuples et dans toutes les nations; elle rend grâce pour tous les charismes dont l'Esprit Saint a doté les femmes dans l'histoire du Peuple de Dieu, pour toutes les victoires remportées grâce à leur foi, à leur espérance et à leur amour: elle rend grâce pour tous les fruits de la sainteté féminine" (MD 31). Comme on le voit, l'éloge concerne les femmes au cours de l'histoire de l'Eglise et il est exprimé au nom de la communauté ecclésiale tout entière. Nous nous unissons nous aussi à cette appréciation en rendant grâce au Seigneur, car Il conduit son Eglise, génération après génération, en s'appuyant indistinctement sur des hommes et des femmes, qui savent faire fructifier leur foi et leur baptême pour le bien du Corps ecclésial tout entier, pour la plus grande gloire de Dieu.
* * *


Je salue avec joie les pèlerins francophones, en particulier les séminaristes des Pays de Loire et de l’Océan indien et leurs formateurs, les jeunes du Collège Fénelon-Sainte Marie, et tous les jeunes présents. Ayez à coeur de faire fructifier votre foi et votre baptême pour le bien de toute l’Église.



Mercredi 21 février 2007 - Mercredi des Cendres

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Chers frères et soeurs,

Le Mercredi des Cendres, que nous célébrons aujourd'hui, est pour nous, chrétiens, un jour particulier caractérisé par un intense esprit de recueillement et de réflexion. Nous entreprenons, en effet, le chemin du Carême fait d'écoute de la Parole de Dieu, de prière et de pénitence. Il s'agit de quarante jours au cours desquels la liturgie nous aidera à revivre les étapes principales du mystère du salut. Comme nous le savons, l'homme avait été créé pour être l'ami de Dieu. Mais le péché des ancêtres a brisé cette relation de confiance et d'amour, et a rendu par conséquent l'humanité incapable de réaliser sa vocation originelle. Toutefois, grâce au sacrifice rédempteur du Christ, nous avons été sauvés du pouvoir du mal: en effet, le Christ, écrit l'apôtre Jean, s'est fait victime d'expiation pour nos péchés (cf. 1 Gn 2, 2), et saint Pierre ajoute: Il est mort pour les péchés une fois pour toutes (cf.
1P 3,18).

Mort au péché dans le Christ, le baptisé renaît lui aussi à la vie nouvelle, rétabli gratuitement dans la dignité de fils de Dieu. C'est pourquoi, dans la première communauté chrétienne, le Baptême était considéré comme la "première résurrection" (cf. Ap Ap 20,5 Rm 6,1-11 Jn 5,25-28). Dès les origines, donc, le Carême est vécu comme le temps de la préparation immédiate au Baptême, qu'il faut administrer solennellement au cours de la Veillée pascale. Tout le Carême était un chemin vers cette grande rencontre avec le Christ, cette immersion dans le Christ et ce renouveau de la vie. Nous sommes déjà baptisés, mais le Baptême n'est souvent pas très efficace dans notre vie quotidienne. C'est pourquoi, pour nous aussi, le Carême est un "catéchuménat" renouvelé, dans lequel nous allons à nouveau à la rencontre de notre Baptême pour le redécouvrir et le revivre en profondeur, pour devenir à nouveau réellement chrétiens. Le Carême est donc une occasion de "redevenir" chrétiens, à travers un processus constant de transformation intérieure, et de progrès dans la connaissance et dans l'amour du Christ. La conversion n'est jamais faite une fois pour toutes, mais c'est un processus, un chemin intérieur de toute notre vie. Cet itinéraire de conversion évangélique ne peut certes pas se limiter à une période particulière de l'année: c'est un chemin quotidien, qui doit embrasser tout le cours de l'existence, chaque jour de notre vie. Dans cette optique, pour chaque chrétien et pour toutes les communautés ecclésiales, le Carême est le temps spirituel favorable pour s'entraîner avec une plus grande ténacité à rechercher Dieu, en ouvrant son coeur au Christ. Saint Augustin a dit un jour que notre vie est un unique exercice du désir de nous approcher de Dieu, de devenir capables de laisser entrer Dieu dans notre être. "La vie tout entière du fervent chrétien - dit-il - est un saint désir". S'il en est ainsi, au cours du Carême, nous sommes encouragés encore plus à arracher "de nos désirs les racines de la vanité" pour éduquer le coeur à désirer, c'est-à-dire à aimer Dieu. "Dieu: - dit encore saint Augustin - ces deux syllabes sont tout ce que nous désirons" (cf. Tract. in Iohn., 4). Et souhaitons que nous commencions réellement à désirer Dieu et ainsi, à désirer la vie véritable, l'amour lui-même et la vérité.

L'exhortation de Jésus rapportée par l'évangéliste Marc retentit alors de manière ô combien opportune: "Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle" (cf. Mc 1,15). Le désir sincère de Dieu nous conduit à rejeter le mal et à accomplir le bien. Cette conversion du coeur est tout d'abord un don gratuit de Dieu, qui nous a créés pour lui et qui nous a rachetés en Jésus Christ: notre véritable bonheur consiste à demeurer en Lui (cf. Jn 15,3). C'est pour cette raison qu'il prévient lui-même, par sa grâce, notre désir et qu'il accompagne nos efforts de conversion. Que signifie, en réalité, se convertir? Se convertir signifie chercher Dieu, aller avec Dieu, suivre docilement les enseignements de son Fils, de Jésus Christ; se convertir n'est pas un effort pour s'autoréaliser, car l'être humain n'est pas l'archétype de son propre destin éternel. Ce n'est pas nous qui avons créé nos propres personnes. C'est pourquoi l'autoréalisation est une contradiction et elle est également trop peu pour nous. Nous avons une destination plus élevée. Nous pourrions dire que la conversion consiste précisément à ne pas se considérer les "créateurs" de soi-même et ainsi découvrir la vérité, car nous ne sommes pas les auteurs de nous-mêmes. La conversion consiste à accepter librement et avec amour de dépendre en tout de Dieu, notre véritable Créateur, de dépendre de l'amour. Ce n'est pas une dépendance mais la liberté. Se convertir signifie alors ne pas rechercher son propre succès personnel - qui est quelque chose qui passe - mais, en abandonnant toute certitude humaine, se placer avec simplicité et confiance à la suite du Seigneur pour que Jésus devienne pour chacun, comme aimait à le répéter la bienheureuse Teresa de Calcutta, "mon tout en tout". Celui qui se laisse conquérir par Lui ne craint pas de perdre sa propre vie, car sur la Croix Il nous a aimée et s'est donné lui-même pour nous. Et précisément en perdant notre vie par amour nous la retrouvons.

J'ai voulu souligner l'immense amour que Dieu éprouve pour nous dans le message pour le Carême, publié il y a quelques jours, afin que les chrétiens de chaque communauté puissent s'arrêter spirituellement, au cours du temps quadragésimal, avec Marie et Jean, le disciple bien-aimé, aux côtés de Celui qui, sur la Croix, a consommé pour l'humanité le sacrifice de sa vie (cf. Jn 19,25). Oui, chers frères et soeurs, la Croix est la révélation définitive de l'amour et de la miséricorde divine également pour nous, les hommes et les femmes de notre époque, trop souvent distraits par des préoccupations et des intérêts terrestres et passagers. Dieu est amour, et son amour est le secret de notre bonheur. Cependant, pour entrer dans ce mystère d'amour il n'y a pas d'autre voie que celle de nous perdre, de nous donner, la voie de la Croix. "Si quelqu'un veut marcher derrière moi - dit le Seigneur -, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix, et qu'il me suive" (Mc 8,34). Voilà pourquoi la Liturgie quadragésimale, alors qu'elle nous invite à réfléchir et à prier, nous incite à valoriser davantage la pénitence et le sacrifice, pour rejeter le péché et le mal et vaincre l'égoïsme et l'indifférence. La prière, le jeûne et la pénitence, les oeuvres de charité envers nos frères deviennent ainsi les sentiers spirituels à parcourir pour retourner à Dieu, en réponse aux appels répétés à la conversion contenus également dans la liturgie d'aujourd'hui (cf. Jl Jl 2,12-13 Mt 6,16-18).

Chers frères et soeurs, que la période quadragésimale, que nous entreprenons aujourd'hui avec le rite austère et significatif de l'imposition des Cendres, soit pour tous une expérience renouvelée de l'amour miséricordieux du Christ, qui sur la Croix a versé son sang pour nous. Mettons-nous docilement à son école, pour apprendre à "redonner", à notre tour, son amour au prochain, en particulier à ceux qui souffrent et qui sont en difficulté. Telle est la mission de chaque disciple du Christ, mais pour l'accomplir il est nécessaire de rester à l'écoute de sa Parole et de se nourrir avec assiduité de son Corps et de son Sang. Que l'itinéraire quadragésimal, qui dans l'Eglise antique est l'itinéraire vers l'initiation chrétienne, vers le Baptême et l'Eucharistie, soit pour nous baptisés un temps "eucharistique" au cours duquel nous participons avec une plus grande ferveur au sacrifice de l'Eucharistie. Que la Vierge Marie qui, après avoir partagé la passion douloureuse de son divin Fils, a fait l'expérience de la joie de sa résurrection, nous accompagne au cours de ce Carême vers le mystère de la Pâque, révélation suprême de l'amour de Dieu.
Bon Carême à tous!
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J’accueille avec joie les pèlerins francophones venus à cette audience. Je salue en particulier les séminaristes du Séminaire universitaire des Carmes, de Paris, accompagnés de leurs formateurs, ainsi que tous les jeunes venant de France. Que la Vierge Marie vous accompagne pendant ce temps du Carême pour vous préparer à revivre le mystère de la Pâque, révélation suprême de l’amour de Dieu! Avec ma Bénédiction apostolique.




Catéchèses Benoît XVI 31107