Catéchèses Benoît XVI 2057

Mercredi 2 mai 2007 - Origène, sa pensée

Chers frères et soeurs,

La catéchèse de mercredi dernier était consacrée à la grande figure d'Origène, docteur alexandrin des II et III siècles. Dans cette catéchèse, nous avons pris en considération la vie et l'oeuvre littéraire du grand maître d'Alexandrie, en trouvant dans la "triple lecture" de la Bible, qu'il a effectuée, le centre vital de toute son oeuvre. J'ai laissé de côté - pour les reprendre aujourd'hui - deux aspects de la doctrine d'Origène, que je considère parmi les plus importants et les plus actuels: j'entends parler de ses enseignements sur la prière et sur l'Eglise.

En vérité, Origène - auteur d'un important et toujours actuel traité Sur la prière - mêle constamment sa production exégétique et théologique à des expériences et des suggestions relatives à la prière. Malgré toute la richesse théologique de pensée, cela n'est jamais une approche purement académique; elle est toujours fondée sur l'expérience de la prière, du contact avec Dieu. Selon lui, en effet, la compréhension des Ecritures demande, plus encore que l'étude, l'intimité avec le Christ et la prière. Il est convaincu que la voie privilégiée pour connaître Dieu est l'amour, et qu'il n'y a pas d'authentique scientia Christi sans tomber amoureux de Lui. Dans la Lettre à Grégoire, Origène recommande: "Consacre-toi à la lectio des divines Ecritures; applique-toi à cela avec persévérance. Engage-toi dans la lectio avec l'intention de croire et de plaire à Dieu. Si durant la lectio, tu te trouves devant une porte close, frappe et le gardien t'ouvrira, lui dont Jésus a dit: "Le gardien la lui ouvrira". En t'appliquant ainsi à la lectio divina, cherche avec loyauté et une confiance inébranlable en Dieu le sens des Ecritures divines, qui est largement contenu dans celles-ci. Tu ne dois cependant pas te contenter de frapper et de chercher: pour comprendre les choses de Dieu, tu as absolument besoin de l'oratio. Précisément pour nous exhorter à celle-ci, le Sauveur nous a non seulement dit: "Cherchez et vous trouverez" et "Frappez et on vous ouvrira", mais il a ajouté: "Demandez et vous recevrez"" (Ep. Gr. 4). Le "rôle primordial" joué par Origène dans l'histoire de la lectio divina saute immédiatement aux yeux. L'Evêque Ambroise de Milan - qui apprendra à lire les Ecritures à partir des oeuvres d'Origène - l'introduit ensuite en Occident, pour la remettre à Augustin et à la tradition monastique successive.

Comme nous l'avons déjà dit, le plus haut niveau de la connaissance de Dieu, selon Origène, naît de l'amour. Il en est de même parmi les hommes: on ne connaît l'autre réellement en profondeur que s'il y a l'amour, si les coeurs s'ouvrent. Pour démontrer cela, il se fonde sur une signification parfois donnée au verbe connaître en hébreu, lorsque celui-ci est utilisé pour exprimer l'acte d'amour humain: "L'homme connut Eve, sa femme; elle conçut" (Gn 4, 1). Il est ainsi suggéré que l'union dans l'amour procure la connaissance la plus authentique. De même que l'homme et la femme sont "deux dans une seule chair", ainsi, Dieu et le croyant deviennent "deux dans un seul esprit". De cette façon, la prière de l'Alexandrin atteint les niveaux les plus élevés de la mystique, comme l'attestent ses Homélies sur le Cantique des Cantiques, et notamment un passage de la première Homélie, dans laquelle Origène confesse: "Souvent - Dieu m'en est témoin - j'ai senti que l'époux s'approchait de moi au degré le plus élevé; après, il s'en allait à l'improviste, et je ne pus trouver ce que je cherchais. Le désir de sa venue me prend à nouveau, et parfois celui-ci revient, et une fois qu'il m'est apparu, lorsque je le tiens entre les mains, voilà qu'il m'échappe encore, et une fois qu'il s'est évanoui, je me mets encore à le chercher..." (Hom. Cant. Ct 1,7).

Il me revient à l'esprit ce que mon vénéré Prédécesseur écrivait, en témoin authentique, dans Novo millennio ineunte, où il montrait aux fidèles "comment la prière peut progresser, comme un véritable dialogue d'amour, au point de rendre la personne humaine totalement possédée par le Bien-Aimé divin, vibrant au contact de l'Esprit, filialement abandonnée dans le coeur du Père... Il s'agit - poursuivait Jean-Paul II - d'un chemin totalement soutenu par la grâce, qui requiert toutefois un fort engagement spirituel et qui connaît aussi de douloureuses purifications, mais qui conduit, sous diverses formes possibles, à la joie indicible vécue par les mystiques comme "union sponsale"" (n. 33).

Nous arrivons, enfin, à un enseignement d'Origène sur l'Eglise, et précisément - à l'intérieur de celle-ci - sur le sacerdoce commun des fidèles. En effet, comme l'Alexandrin affirme dans sa neuvième Homélie sur le Lévitique, "ce discours nous concerne tous" (Hom. Lev. Lv 9,1). Dans la même Homélie Origène - en faisant référence à l'interdiction faite à Aaron, après la mort de ses deux fils, d'entrer dans le Sancta sanctorum "à n'importe quel moment" (Lv 16,2) - admoneste ainsi les fidèles: "Cela démontre que si quelqu'un entre à n'importe quelle heure dans le sanctuaire, sans la préparation due, ne portant pas les vêtements pontificaux, sans avoir préparé les offrandes prescrites et s'être rendu propice à Dieu, il mourra... Ce discours nous concerne tous. Il ordonne, en effet, que nous sachions comment nous présenter à l'autel de Dieu. Ou ne sais-tu pas que le sacerdoce t'a été conféré à toi aussi, c'est-à-dire à toute l'Eglise de Dieu et au peuple des croyants? Ecoute comment Pierre parle des fidèles: "Race élue", dit-il, "royale, sacerdotale, nation sainte, peuple que Dieu s'est acquis". Tu possèdes donc le sacerdoce car tu es une "race royale", et tu dois donc offrir à Dieu le sacrifice... Mais pour que tu puisses l'offrir dignement, tu as besoin de vêtements purs et différents des vêtements communs aux autres hommes, et le feu divin t'est nécessaire" (ibid.).

Ainsi, d'un côté, les "flancs ceints" et les "vêtements sacerdotaux", c'est-à-dire la pureté et l'honnêteté de vie, de l'autre, la "lumière toujours allumée", c'est-à-dire la foi et la science des Ecritures, se présentent comme les conditions indispensables pour l'exercice du sacerdoce universel qui exige pureté et honnêteté de vie, foi et science des Ecritures. A plus forte raison, ces conditions sont indispensables, bien évidemment, pour l'exercice du sacerdoce ministériel. Ces conditions - une conduite de vie intègre, mais surtout l'accueil et l'étude de la Parole - établissent une véritable "hiérarchie de la sainteté" dans le sacerdoce commun des chrétiens. Au sommet de ce chemin de perfection, Origène place le martyre. Toujours dans la neuvième Homélie sur le Lévitique, il fait allusion au "feu pour l'holocauste", c'est-à-dire à la foi et à la science des Ecritures, qui ne doit jamais s'éteindre sur l'autel de celui qui exerce le sacerdoce. Puis, il ajoute: "Mais chacun de nous a en soi" non seulement le feu, mais "aussi l'holocauste, et de son holocauste il allume l'autel, afin qu'il brûle toujours. Quant à moi, si je renonce à tout ce que je possède prenant ma croix et suivant le Christ, j'offre mon holocauste sur l'autel de Dieu; et si je remets mon corps pour qu'il brûle, en ayant la charité, et que j'obtiens la gloire du martyre, j'offre mon holocauste sur l'autel de Dieu" (Hom. Lév. Lv 9,9).

Ce chemin éternel de perfection "nous concerne tous", à condition que "le regard de notre coeur" soit tourné vers la contemplation de la Sagesse et de la Vérité, qui est Jésus Christ. En prêchant sur le discours de Jésus de Nazareth - lorsque "tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui" (Lc 4,16-30) -, Origène semble s'adresser précisément à nous: "Aujourd'hui aussi, si vous le voulez, dans cette assemblée, vos yeux peuvent fixer le Sauveur. En effet, lorsque tu tourneras le regard le plus profond de ton coeur vers la contemplation de la Sagesse, de la Vérité et du Fils unique de Dieu, alors tes yeux verront Dieu. Heureuse assemblée, celle dont l'Ecriture atteste que les yeux de tous étaient fixés sur lui! Combien je désirerais que cette assemblée reçoive un tel témoignage, que les yeux de tous, des non baptisés et des fidèles, des femmes, des hommes et des enfants, non pas les yeux du corps, mais les yeux de l'âme, regardent Jésus!... La lumière de ton visage est imprimée sur nous, ô Seigneur, à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen!" (Hom. Lc 32,6).
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Je suis heureux d’accueillir ce matin les pèlerins de langue française, particulièrement les jeunes. Que votre séjour à Rome vous aide à entrer dans une découverte toujours plus joyeuse du visage du Seigneur ressuscité et à vous laisser guider par sa lumière. Avec ma Bénédiction apostolique !

Le Pape Benoît XVI confie son voyage au Brésil à notre prière

Mon voyage pastoral au Brésil pour inaugurer la V Conférence générale de l'Episcopat latino-américain et des Caraïbes est désormais proche. Demandons au Seigneur, par l'intercession de la Vierge Marie, de bénir cette rencontre ecclésiale de fruits abondants, afin que tous les chrétiens se sentent de vrais disciples du Christ, envoyés par Lui pour évangéliser leurs frères à travers la parole divine et le témoignage de leur propre vie.




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Mercredi 23 mai 2007 - Le voyage apostolique au Brésil

Chers frères et soeurs,

Au cours de cette Audience générale, je voudrais m'arrêter sur le voyage apostolique que j'ai accompli au Brésil, du 9 au 14 de ce mois. Après deux années de Pontificat, j'ai finalement eu la joie de me rendre en Amérique latine, que j'aime tant et où vit, de fait, une grande partie des catholiques du monde. Ma destination a été le Brésil, mais j'ai voulu embrasser tout le grand sous-continent latino-américain, également parce que l'événement ecclésial qui m'a conduit en ce lieu a été la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes. Je désire renouveler l'expression de ma profonde gratitude pour l'accueil que j'ai reçu à mes chers frères évêques, en particulier ceux de São Paulo et d'Aparecida. Je remercie le Président du Brésil et les autres Autorités civiles de leur collaboration cordiale et généreuse; je remercie avec une grande affection le peuple brésilien pour la chaleur avec laquelle il m'a accueilli et pour l'attention qu'il a prêtée à mes paroles.

Mon voyage a tout d'abord eu la valeur d'un acte de louange à Dieu pour les "merveilles" accomplies chez les peuples de l'Amérique latine, pour la foi qui a animé leur vie et leur culture pendant plus de cinq cents ans. Dans ce sens, cela a été un pèlerinage, qui a atteint son sommet dans le Sanctuaire de la Madone d'Aparecida, première Patronne du Brésil. Le thème de la relation entre foi et culture a toujours une grande importance pour mes vénérés prédécesseurs Paul VI et Jean-Paul II. J'ai voulu le reprendre en confirmant l'Eglise qui est en Amérique latine et aux Caraïbes sur le chemin d'une foi qui s'est faite et qui se fait histoire vécue, piété populaire, art, dans un dialogue avec les riches traditions précolombiennes et, ensuite, avec les multiples influences européennes et d'autres continents. Le souvenir d'un passé glorieux ne peut bien sûr pas ignorer les ombres qui accompagnèrent l'oeuvre d'évangélisation du continent latino-américain: en effet, il n'est pas possible d'oublier les souffrances et les injustices infligées par les colonisateurs aux populations autochtones, souvent foulées au pied dans leurs droits humains fondamentaux. Mais le fait de mentionner, à juste titre, ces crimes injustifiables - des crimes par ailleurs déjà condamnés par des missionnaires comme Bartolomé de Las Casas et par des théologiens comme Francesco da Vitoria de l'Université de Salamanque - ne doit pas empêcher de prendre acte avec gratitude de l'oeuvre merveilleuse accomplie par la grâce divine parmi ces populations au cours de ces siècles. L'Evangile est ainsi devenu sur ce Continent l'élément porteur d'une synthèse dynamique qui, avec différents aspects selon les divers pays, exprime toutefois l'identité des peuples latino-américains. Aujourd'hui, à l'époque de la mondialisation, cette identité catholique se présente encore comme la réponse la plus adaptée, à condition d'être animée par une sérieuse formation spirituelle et par les principes de la doctrine sociale de l'Eglise.

Le Brésil est un grand pays qui conserve des valeurs chrétiennes profondément enracinées, mais qui affronte également d'immenses problèmes sociaux et économiques. Pour contribuer à leur résolution, l'Eglise doit mobiliser toutes les forces spirituelles et morales de ses communautés, en cherchant des convergences opportunes avec les autres énergies saines du pays. Parmi les éléments positifs, je peux indiquer avec certitude la créativité et la fécondité de cette Eglise, dans laquelle naissent sans cesse de nouveaux Mouvements et de nouveaux Instituts de vie consacrée. Tout aussi méritoire est le dévouement généreux de nombreux fidèles laïcs, qui se montrent très actifs dans les diverses initiatives organisées par l'Eglise.

Le Brésil est également un pays qui peut offrir au monde le témoignage d'un nouveau modèle de développement: en effet, la culture chrétienne peut promouvoir une "réconciliation" entre les hommes et la création, à partir du rétablissement de la dignité personnelle dans la relation avec Dieu le Père. Un exemple éloquent en est la "Fazenda da Esperança", un réseau de communautés de réinsertion pour les jeunes qui veulent sortir du tunnel obscur de la drogue. Dans celle que j'ai visitée, qui m'a laissé une profonde impression dont je garde le souvenir vivant dans mon coeur, la présence d'un monastère de Soeurs clarisses est significative. Cela m'a paru emblématique pour le monde d'aujourd'hui, qui a besoin d'une "réinsertion" certainement psychologique et sociale, mais encore plus profondément spirituelle. La canonisation, célébrée dans la joie, du premier saint natif du pays a également été emblématique: il s'agit de Frère Antonio de Sant'Anna Galvão. Ce prêtre franciscain du XVIII siècle, qui éprouvait une très profonde dévotion pour la Vierge Marie, apôtre de l'Eucharistie et de la Confession, fut appelé, déjà de son vivant, "homme de paix et de charité". Son témoignage est une confirmation supplémentaire du fait que la sainteté est la véritable révolution, qui peut promouvoir l'authentique réforme de l'Eglise et de la société.

Dans la cathédrale de São Paulo, j'ai rencontré les Evêques du Brésil, la Conférence épiscopale la plus nombreuse du monde. Leur témoigner le soutien du Successeur de Pierre était l'un des objectifs principaux de ma mission, car je connais les grands défis que l'annonce de l'Evangile doit affronter dans ce pays. J'ai encouragé mes confrères à poursuivre et à renforcer l'engagement de la nouvelle évangélisation, en les exhortant à développer de manière ramifiée et méthodique la diffusion de la Parole de Dieu, afin que la religiosité innée et diffuse des populations puisse être approfondie et devenir une foi mûre, une adhésion personnelle et communautaire au Dieu de Jésus Christ. Je les ai encouragés a retrouver partout le style de la communauté chrétienne primitive, décrite dans le Livre des Actes des Apôtres: assidue dans la catéchèse, dans la vie sacramentelle et dans la charité active. Je connais le dévouement de ces fidèles serviteurs de l'Evangile, qu'ils veulent présenter sans réductions ni confusions, en veillant sur le dépôt de la foi avec discernement; leur préoccupation constante est également de promouvoir le développement social principalement à travers la formation des laïcs, appelés à assumer des responsabilités dans le domaine de la politique et de l'économie. Je rends grâce à Dieu de m'avoir permis d'approfondir la communion avec les Evêques brésiliens, et je continue à les porter toujours dans ma prière.

Un autre moment caractéristique du voyage a sans aucun doute été la rencontre avec les jeunes, espérance non seulement pour l'avenir, mais force vitale également pour le présent de l'Eglise et de la société. C'est pourquoi la veillée qu'ils ont animée à São Paulo du Brésil a été une fête de l'espérance, illuminée par les paroles du Christ adressées au "jeune riche", qui lui avait demandé: "Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle?" (Mt 19,16). Jésus lui indiqua tout d'abord "les commandements" comme le chemin de la vie, puis il l'invita à tout quitter pour le suivre. Aujourd'hui aussi, l'Eglise fait la même chose: elle repropose tout d'abord les commandements, véritable chemin d'éducation de la liberté au bien personnel et social, et surtout elle propose le "premier commandement", celui de l'amour, car sans l'amour, même les commandements ne peuvent pas donner un sens plein à la vie et procurer le véritable bonheur. Seul celui qui rencontre en Jésus l'amour de Dieu et se met sur cette voie pour le faire régner parmi les hommes, devient son disciple et son missionnaire. J'ai invité les jeunes à être des apôtres des jeunes de leur âge; et ce en soignant toujours leur formation humaine et spirituelle; à avoir une grande estime du mariage et du chemin qui conduit à celui-ci, dans la chasteté et la responsabilité; à être également ouverts à l'appel à la vie consacrée pour le Royaume de Dieu. En résumé, je les ai encouragés à mettre à profit la grande "richesse" de la jeunesse, pour être le visage jeune de l'Eglise.

Le sommet du voyage a été l'inauguration de la Cinquième Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes, dans le Sanctuaire de Notre-Dame d'Aparecida. Le thème de cette grande et importante assemblée, qui se conclura à la fin du mois, est "Disciples et missionnaires de Jésus Christ, afin que nos peuples aient la vie en Lui - Je suis le chemin, la Vérité et le Vie". Le binôme "disciples et missionnaires" correspond à celui que l'Evangile de Marc rapporte à propos de l'appel des Apôtres: "(Jésus) en institua douze pour qu'ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher" (Mc 3,14-15). Le mot "disciples" rappelle la dimension de la formation et de l'imitation, de la communion et de l'amitié avec Jésus; le terme "missionnaires" exprime le fruit de la condition de disciple, c'est-à-dire le témoignage et la communication de l'expérience vécue, de la vérité et de l'amour connus et assimilés. Etre disciples et missionnaires comporte un lien étroit avec la Parole de Dieu, avec l'Eucharistie et les autres Sacrements, vivre dans l'Eglise dans une écoute obéissante de ses enseignements. Renouveler avec joie la volonté d'être disciples de Jésus, d'"être avec Lui", est la condition fondamentale pour en être des missionnaires "en repartant du Christ", selon le mandat du Pape Jean-Paul II à toute l'Eglise après le Jubilé de l'An 2000. Mon vénéré Prédécesseur a toujours insisté sur une évangélisation "nouvelle dans son ardeur, dans ses méthodes, dans son expression", comme il affirma précisément en s'adressant à l'Assemblée du CELAM, le 9 mars 1983, à Haïti (cf. Insegnamenti VI/1 [1983], 698). Avec mon Voyage apostolique, j'ai voulu exhorter à poursuivre sur cette route, en offrant comme perspective unifiante celle de l'Encyclique Deus caritas est, une perspective inséparablement théologique et sociale, qui peut être résumée par cette expression: c'est l'amour qui donne la vie. "La présence de Dieu, l'amitié avec le Fils de Dieu incarné, la lumière de sa Parole, sont toujours des conditions fondamentales pour la présence et l'efficacité de la justice et de l'amour dans nos sociétés" (Discours d'inauguration de la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes, n. 4).

Je confie les fruits de cet inoubliable Voyage apostolique à l'intercession maternelle de la Vierge Marie, vénérée sous le titre de Notre-Dame de Guadalupe en tant que patronne de l'Amérique tout entière, et au nouveau saint brésilien, Frère Antonio de Sant'Anna Galvão.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier la Délégation des OEuvres pontificales missionnaires. Je les invite, en ces jours qui nous préparent à la Pentecôte, à implorer la venue de l’Esprit Saint, qui façonne le coeur des disciples et qui les invite à l’audace missionnaire.


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Mercredi 30 mai 2007 - Tertullien

Chers frères et soeurs,

Avec la catéchèse d'aujourd'hui, nous reprenons le fil des catéchèses interrompu à l'occasion du voyage au Brésil et nous continuons à parler des grandes personnalités de l'Eglise antique: ce sont des maîtres de la foi également pour nous aujourd'hui et des témoins de l'actualité éternelle de la foi chrétienne. Nous parlons aujourd'hui d'un Africain, Tertullien, qui, entre la fin du deuxième siècle et le début du troisième, inaugure la littérature chrétienne en langue latine. C'est avec lui que commence une théologie dans cette langue. Son oeuvre a porté des fruits décisifs, qu'il serait impardonnable de sous-estimer. Son influence se développe à divers niveaux: de celui du langage et de la redécouverte de la culture classique, à celui de l'identification d'une "âme chrétienne" commune dans le monde et de la formulation de nouvelles propositions de coexistence humaine. Nous ne connaissons pas exactement la date de sa naissance et de sa mort. En revanche, nous savons qu'il reçut à Carthage, vers la fin du II siècle, de parents et d'enseignants païens, une solide formation rhétorique, philosophique, juridique et historique. Il se convertit ensuite au christianisme, attiré - semble-t-il - par l'exemple des martyrs chrétiens. Il commença à publier ses écrits les plus célèbres en 197. Mais une recherche trop individuelle de la vérité, ainsi que certains excès de son caractère - c'était un homme rigoureux - le conduisirent graduellement à abandonner la communion avec l'Eglise et à adhérer à la secte du montanisme. Toutefois, l'originalité de sa pensée liée à l'efficacité incisive de son langage lui assurent une position de relief dans la littérature chrétienne antique.

Ce sont ses écrits à caractère apologétique qui sont les plus célèbres. Ils manifestent deux intentions principales: celle de réfuter les très graves accusations que les païens formulaient contre la nouvelle religion, et celle - plus active et missionnaire - de transmettre le message de l'Evangile en dialogue avec la culture de l'époque. Son oeuvre la plus célèbre, l'Apologétique, dénonce le comportement injuste des autorités publiques envers l'Eglise; il explique et défend les enseignements et les moeurs des chrétiens; il détermine les différences entre la nouvelle religion et les principaux courants philosophiques de l'époque; il manifeste le triomphe de l'Esprit, qui oppose le sang, la souffrance et la patience des martyrs à la violence des persécuteurs: "Pour aussi raffinée qu'elle soit - écrit l'Africain -, votre cruauté ne sert à rien: elle constitue même une invitation pour notre communauté. A chaque coup de faux que vous nous portez, nous devenons plus nombreux: le sang des chrétiens est une semence efficace! (semen est sanguis christianorum!)" (Apologétique 50, 13). En vérité, en fin de compte, le martyre et la souffrance sont victorieux et plus efficaces que la cruauté et que la violence des régimes totalitaires.

Mais Tertullien, comme tout bon apologiste, ressent dans le même temps l'exigence de communiquer de manière positive l'essence du christianisme. C'est pourquoi il adopte la méthode spéculative pour illustrer les fondements rationnels du dogme chrétien. Il les approfondit de manière systématique, à commencer par la description du "Dieu des chrétiens": "Celui que nous adorons - atteste l'Apologiste - est un Dieu unique". Et il poursuit, en utilisant les antithèses et les paradoxes caractéristiques de son langage: "Il est invisible, même si on le voit; insaisissable, même s'il est présent à travers la grâce; inconcevable, même si les sens humains peuvent le concevoir; c'est pourquoi il est vrai et grand!" (ibid., 17, 1-2).

En outre, Tertullien accomplit un pas immense dans le développement du dogme trinitaire; il nous a donné en latin le langage adapté pour exprimer ce grand mystère, en introduisant les termes "une substance" et "trois Personnes". De même, il a également beaucoup développé le langage correct pour exprimer le mystère du Christ, Fils de Dieu et vrai Homme.

L'Africain aborde également l'Esprit Saint, en démontrant son caractère personnel et divin: "Nous croyons que, selon sa promesse, Jésus Christ envoya l'Esprit Saint au moyen du Père, le Paraclet, le sanctificateur de la foi de ceux qui croient dans le Père, dans le Fils et dans l'Esprit" (ibid., 2, 1). Dans l'oeuvre de Tertullien, on lit également de nombreux textes sur l'Eglise, que Tertullien reconnaît toujours comme "mère". Même après son adhésion au montanisme, il n'a pas oublié que l'Eglise est la Mère de notre foi et de notre vie chrétienne. Il s'arrête aussi sur la conduite morale des chrétiens, sur la vie future. Ses écrits sont importants également pour saisir des tendances présentes dans les communautés chrétiennes à propos de la Très Sainte Vierge Marie, des sacrements de l'Eucharistie, du Mariage et de la Réconciliation, du primat pétrinien, de la prière... En particulier, en cette époque de persécution, où les chrétiens semblaient une minorité perdue, l'Apologiste les exhorte à l'espérance, qui - selon ses écrits - n'est pas simplement une vertu en elle-même, mais une modalité qui touche chaque aspect de l'existence chrétienne. Nous avons l'espérance que l'avenir nous appartient parce que l'avenir appartient à Dieu. Ainsi, la résurrection du Seigneur est présentée comme le fondement de notre résurrection future, et elle représente l'objet principal de la confiance des chrétiens: "La chair ressuscitera - affirme catégoriquement l'Africain -: toute la chair, la chair elle-même, et la chair tout entière. Où qu'elle se trouve, celle-ci est en dépôt auprès de Dieu, en vertu du très fidèle médiateur entre Dieu et les hommes Jésus Christ, qui restituera Dieu à l'homme et l'homme à Dieu" (Sur la résurrection des morts 63, 1).

Du point de vue humain, on peut sans aucun doute parler d'un drame de Tertullien. Au fil des années, il devint toujours plus exigeant à l'égard des chrétiens. Il prétendait d'eux en toute circonstance, et en particulier dans les persécutions, un comportement héroïque. Rigide dans ses positions, il n'épargnait pas de lourdes critiques et finit inévitablement par se retrouver isolé. Du reste, aujourd'hui encore, de nombreuses questions restent en suspens, non seulement sur la pensée théologique et philosophique de Tertullien, mais également sur son attitude à l'égard des institutions politiques et de la société païenne. Cette grande personnalité morale et intellectuelle, cet homme qui a apporté une si grande contribution à la pensée chrétienne, me fait beaucoup réfléchir. On voit qu'à la fin, il lui manque la simplicité, l'humilité de s'insérer dans l'Eglise, d'accepter ses faiblesses, d'être tolérant avec les autres et avec lui-même. Lorsque l'on ne voit plus que sa propre pensée dans sa grandeur, à la fin, c'est précisément cette grandeur qui se perd. La caractéristique essentielle d'un grand théologien est l'humilité de demeurer avec l'Eglise, d'accepter les faiblesses de celle-ci ainsi que les siennes, car seul Dieu est réellement entièrement saint. Nous avons en revanche toujours besoin du pardon.

En définitive, l'Africain demeure un témoin intéressant des premiers temps de l'Eglise, lorsque les chrétiens étaient alors les authentiques sujets d'une "nouvelle culture" dans la confrontation rapprochée entre l'héritage classique et le message évangélique. C'est à lui que l'on doit la célèbre affirmation selon laquelle notre âme "est naturaliser chrétienne" (Apologétique 17, 6), dans laquelle Tertullien évoque l'éternelle continuité entre les authentiques valeurs humaines et les valeurs chrétiennes; et également cette autre réflexion, directement empruntée à l'Evangile, selon laquelle "le chrétien ne peut pas même haïr ses propres ennemis" (cf. Apologétique 37), dans laquelle la conséquence morale, inéluctable, du choix de foi, propose la "non violence" comme règle de vie: personne ne peut manquer de voir l'actualité dramatique de cet enseignement, également à la lumière du vif débat sur les religions.

En somme, dans les écrits de l'Africain, on retrouve de nombreux thèmes qu'aujourd'hui encore, nous sommes appelés à affronter. Ceux-ci nous appellent à une féconde recherche intérieure, à laquelle j'exhorte tous les fidèles, afin qu'ils sachent exprimer de manière toujours plus convaincante la Règle de la foi, celle - pour revenir encore une fois à Tertullien - "selon laquelle nous croyons qu'il existe un seul Dieu, et personne en dehors du Créateur du monde: il a tiré chaque chose du néant au moyen de son Verbe, engendré avant toute chose" (La prescription des hérétiques 13, 1).
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les Frères membres du Chapitre général de l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes. Prenant appui sur les authentiques valeurs culturelles, je vous invite tous à témoigner pacifiquement de la joyeuse espérance qui est vous.




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Mercredi 6 juin 2007 - Saint Cyprien

Chers frères et soeurs,

Dans la série de nos catéchèses sur les grandes personnalités de l'Eglise antique, nous arrivons aujourd'hui à un éminent Evêque du III siècle, saint Cyprien, qui "fut le premier Evêque en Afrique à recevoir la couronne du martyre". Sa réputation est également liée - comme l'atteste le diacre Pontius, qui fut le premier à écrire sa vie - à la production littéraire et à l'activité pastorale des treize années qui s'écoulèrent entre sa conversion et le martyre (cf. Vie 19, 1; 1, 1). Né à Carthage dans une riche famille païenne, après une jeunesse dissipée, Cyprien se convertit au christianisme à l'âge de 35 ans. Il raconte lui-même son itinéraire spirituel: "Alors que je gisais encore comme dans une nuit obscure", écrit-il quelques mois après son baptême, "il m'apparaissait extrêmement difficile et pénible d'accomplir ce que la miséricorde de Dieu me proposait... J'étais lié aux très nombreuses erreurs de ma vie passée et je ne croyais pas pouvoir m'en libérer, tant je secondais mes vices et j'encourageais mes mauvais penchants... Mais ensuite, avec l'aide de l'eau régénératrice, la misère de ma vie précédente fut lavée; une lumière souveraine se diffusa dans mon coeur; une seconde naissance me transforma en un être entièrement nouveau. De manière merveilleuse, chaque doute commença alors à se dissiper... Je comprenais clairement que ce qui vivait auparavant en moi, dans l'esclavage des vices de la chair, était terrestre, et que ce que l'Esprit Saint avait désormais engendré en moi était, en revanche, divin et céleste" (A Donat, 3-4).

Immédiatement après sa conversion, Cyprien - non sans être envié et en dépit des résistances - fut élu à la charge sacerdotale et à la dignité d'Evêque. Au cours de la brève période de son épiscopat, il affronta les deux premières persécutions ratifiées par un édit impérial, celle de Dèce (250) et celle de Valérien (257-258). Après la persécution particulièrement cruelle de Dèce, l'Evêque dut s'engager vaillamment pour rétablir la discipline dans la communauté chrétienne. En effet, de nombreux fidèles avaient abjuré, ou bien n'avaient pas adopté une attitude correcte face à l'épreuve. Il s'agissait des lapsi - c'est-à-dire de ceux qui étaient "tombés" -, qui désiraient ardemment revenir au sein de la communauté. Le débat sur leur réadmission finit par diviser les chrétiens de Carthage en laxistes et en rigoristes. Il faut ajouter à ces difficultés une grave épidémie de peste, qui ravagea l'Afrique et qui fit naître des interrogations théologiques angoissantes, tant au sein de la communauté, que dans la confrontation avec les païens. Il faut rappeler, enfin, la controverse entre Cyprien et l'Evêque de Rome, Etienne, à propos de la validité du baptême administré aux païens par des chrétiens hérétiques.

Dans ces circonstances réellement difficiles, Cyprien révéla de grands talents pour gouverner: il fut sévère, mais non inflexible avec les lapsi, leur accordant la possibilité du pardon après une pénitence exemplaire; il fut ferme envers Rome pour défendre les saines traditions de l'Eglise africaine; il se démontra très humain et empli de l'esprit évangélique le plus authentique en exhortant les chrétiens à apporter une aide fraternelle aux païens durant la peste; il sut garder une juste mesure en rappelant aux fidèles - qui craignaient trop de perdre la vie et leurs biens terrestres - que pour eux la véritable vie et les véritables biens ne sont pas ceux de ce monde; il fut inébranlable dans sa lutte contre les moeurs corrompus et les péchés qui dévastaient la vie morale, en particulier l'avarice. "Il passait ainsi ses journées", raconte alors le diacre Pontius, "lorsque voilà que - sur ordre du proconsul - le chef de la police arriva à l'improviste dans sa villa" (Vie 15, 1). Le jour même, le saint Evêque fut arrêté et, après un bref interrogatoire, il affronta avec courage le martyre entouré de son peuple.

Cyprien rédigea de nombreux traités et lettres, toujours en rapport avec son ministère pastoral. Peu enclin à la spéculation théologique, il écrivait surtout pour l'édification de la communauté et pour le bon comportement des fidèles. De fait, l'Eglise est le thème qui lui est, de loin, le plus cher. Il fait la distinction entre l'Eglise visible, hiérarchique, et l'Eglise invisible, mystique, mais il affirme avec force que l'Eglise est une seule, fondée sur Pierre. Il ne se lasse pas de répéter que "celui qui abandonne la chaire de Pierre, sur laquelle l'Eglise est fondée, se donne l'illusion de rester dans l'Eglise" (L'unité de l'Eglise catholique, 4). Cyprien sait bien, et il l'a exprimé à travers des paroles puissantes, que, "en dehors de l'Eglise il n'y a pas de salut" (Epistola 4, 4 et 73, 21), et que "celui qui n'a pas l'Eglise comme mère ne peut pas avoir Dieu comme Père" (L'unité de l'Eglise catholique, 4). Une caractéristique incontournable de l'Eglise est l'unité, symbolisée par la tunique sans coutures du Christ (ibid., 7): une unité dont il dit qu'elle trouve son fondement en Pierre (ibid., 4) et sa parfaite réalisation dans l'Eucharistie (Epistola 63, 13). "Il n'y a qu'un seul Dieu, un seul Christ", admoneste Cyprien, "une seule est son Eglise, une seule foi, un seul peuple chrétien, liés en une solide unité par le ciment de la concorde: et on ne peut pas diviser ce qui est un par nature" (L'unité de l'Eglise catholique, 23).

Nous avons parlé de sa pensée concernant l'Eglise, mais il ne faut pas oublier, enfin, l'enseignement de Cyprien sur la prière. J'aime particulièrement son livre sur le "Notre Père" qui m'a beaucoup aidé à mieux comprendre et à mieux réciter la "prière du Seigneur": Cyprien enseigne comment, précisément dans le "Notre Père", la juste façon de prier est donnée aux chrétiens; et il souligne que cette prière est au pluriel, "afin que celui qui prie, ne prie pas uniquement pour lui. Notre prière - écrit-il - est publique et communautaire et, quand nous prions, nous ne prions pas pour un seul, mais pour tout le peuple, car nous ne formons qu'un avec tout le peuple" (L'oraison du Seigneur, 8). Ainsi, la prière personnelle et la prière liturgique apparaissent solidement liées entre elles. Leur unité provient du fait qu'elles répondent à la même Parole de Dieu. Le chrétien ne dit pas "Mon Père", mais "Notre Père", même dans l'intimité d'une pièce close, car il sait bien qu'en chaque lieu, en chaque circonstance, il est le membre d'un même Corps.

"Prions donc, mes frères très aimés", écrit l'Evêque de Carthage, "comme Dieu, le Maître, nous l'a l'enseigné". C'est une prière confidentielle et intime que celle de prier Dieu avec ce qui est à lui, d'élever vers ses oreilles la prière du Christ. Que le Père reconnaisse les paroles de son Fils, lorsque nous récitons une prière: que celui qui habite intérieurement dans l'âme soit présent également dans la voix... En outre, lorsque l'on prie, il faut avoir une façon de s'exprimer et de prier qui, avec discipline, maintienne le calme et la discrétion. Pensons que nous nous trouvons devant le regard de Dieu. Il faut être agréables aux yeux de Dieu, aussi bien à travers l'attitude du corps que le ton de la voix... Et lorsque nous nous réunissons avec nos frères, et que nous célébrons les sacrifices divins avec le prêtre de Dieu, nous devons nous rappeler de la crainte référentielle et de la discipline, ne pas disperser aux quatre vents nos prières avec des voix altérées, ni lancer avec un verbiage impétueux une requête qui doit être demandée à Dieu avec modération, car Dieu est l'auditeur non de la voix, mais du coeur (non vocis sed cordis auditor )" (3-4). Il s'agit de paroles qui restent valables aujourd'hui aussi et qui nous aident à bien célébrer la Sainte Liturgie.

En définitive, Cyprien se situe aux origines de cette tradition théologique et spirituelle féconde, qui voit dans le "coeur" le lieu privilégié de la prière. En effet, selon la Bible et les Pères, le coeur est au plus profond de l'homme, le lieu où Dieu habite. C'est en lui que s'accomplit la rencontre au cours de laquelle Dieu parle à l'homme, et l'homme écoute Dieu; l'homme parle à Dieu, et Dieu écoute l'homme: le tout à travers l'unique Parole divine. C'est précisément dans ce sens - faisant écho à Cyprien - que Smaragdus, abbé de Saint-Michel sur la Meuse au cours des premières années du IX siècle, atteste que la prière "est l'oeuvre du coeur, non des lèvres, car Dieu ne regarde pas les paroles, mais le coeur de l'orant" (Le diadème des moines, 1).

Très chers amis, faisons nôtre ce "coeur à l'écoute", dont nous parlent la Bible (cf. 1R 3,9) et les Pères: nous en avons tant besoin! Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons pleinement faire l'expérience que Dieu est notre Père, et que l'Eglise, la sainte Epouse du Christ, est véritablement notre Mère.
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J’accueille avec plaisir les pèlerins de langue française, en particulier tous les jeunes présents ce matin. À l’exemple de saint Cyprien, soyez des hommes et des femmes de prière, attentifs à la présence de Dieu, à l’écoute de sa Parole et au service de vos frères. Bon pèlerinage à tous !

Appel du Pape au sommet du G8 d'Heiligendamm

Aujourd'hui a commencé à Heiligendamm, en Allemagne, sous la Présidence de la République fédérale d'Allemagne, le Sommet annuel des chefs d'Etat et de gouvernement du G8, c'est-à-dire les sept pays les plus industrialisés du monde plus la Fédération russe. Le 16 décembre dernier, j'ai eu l'occasion d'écrire au Chancelier, Angela Merkel, pour la remercier, au nom de l'Eglise catholique, pour la décision de maintenir à l'ordre du jour du G8 le thème de la pauvreté dans le monde, avec une attention particulière à l'Afrique. Mme Merkel m'a aimablement répondu le 2 février dernier, en m'assurant de l'engagement du G8 en vue d'atteindre les objectifs de développement du millénaire. Je voudrais à présent adresser un nouvel appel aux responsables réunis à Heiligendamm, afin qu'ils maintiennent leurs promesses d'augmenter substantiellement l'aide au développement, en faveur des populations le plus dans le besoin en particulier celles du Continent africain.

Dans ce sens, le deuxième grand objectif du millénaire mérite une attention particulière: "Assurer l'éducation primaire pour tous; d'ici 2015, donner à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens d'achever un cycle complet d'études primaires". Cet objectif est une partie intégrale de la réalisation de tous les autres objectifs du millénaire; c'est une garantie de consolidation des objectifs atteints; c'est un point de départ des processus autonomes et durables de développement.

Il ne faut pas oublier que l'Eglise catholique a toujours été en première ligne dans le domaine de l'éducation, en atteignant, en particulier dans les pays les plus pauvres, les lieux que les structures de l'Etat n'arrivent souvent pas à atteindre. D'autres Eglises chrétiennes, groupes religieux, et organisations de la société civile partagent cet engagement éducatif. Il s'agit d'une réalité que, dans le cadre de l'application du principe de subsidiarité, les gouvernements et les Organisations internationales sont appelées à reconnaître, à valoriser et à soutenir, également à travers l'affectation de contributions financières adéquates. Espérons que l'on travaille sérieusement afin d'atteindre ces objectifs.



Catéchèses Benoît XVI 2057